Our-Nammou (r. de 2047 à 2030 av. J.-C.) fut le fondateur de la troisième dynastie d'Ur (Our) à Sumer, à l'origine de la période dite Ur III (2047-1750 av. J.-C.), également connue sous le nom de Renaissance sumérienne. Il est surtout connu comme le roi qui a composé le plus ancien code juridique existant au monde, le Code d'Our-Nammou.
Un code juridique antérieur (connu sous le nom de code d'Urukagina, datant du 24e siècle av. J.-C.) n'est connu que par des références partielles et, comme le texte lui-même n'a pas été retrouvé, le code d'Our-Nammou est considéré comme le plus ancien code existant. Our-Nammou est également considéré comme le bâtisseur de la grande ziggourat d'Ur (ou, du moins, est reconnu comme le roi qui l'aurait commandée), qui s'élève encore aujourd'hui au-dessus des ruines de la ville. Il se présentait comme une figure paternelle pour son peuple et son souci de son bien-être se reflète dans son code de lois ainsi que dans son soutien aux arts, son encouragement au développement culturel, la culture de jardins et de parcs et l'amélioration de l'infrastructure.
Bien qu'on lui attribue souvent le renversement de la domination des Gutis (qui avaient conquis Akkad et pris le contrôle de Sumer et du reste de la Mésopotamie), il suivit en fait l'exemple du roi d'Uruk, Utu-Hegal (son beau-père), et ne prit le commandement qu'après la mort d'Utu-Hegal. Bien qu'il ait poursuivi la guerre contre les Gutis, il ne les conquit pas et fut même même au combat en 2030 avant notre ère.
La libération de Sumer de la domination guti est accomplie par son fils et successeur, Shulgi d'Ur (r. de 2029 à 1982 av. J.-C.); certains érudits affirment que Shulgi aurait également rédigé le célèbre code de lois ou, du moins, qu'il l'aurait pleinement mis en œuvre. Quoi qu'il en soit, Our-Nammou reste dans les mémoires pour le code qui porte son nom, pour son règne sage et bienveillant et pour l'architecture monumentale de la grande ziggourat d'Ur qu'il fit construire.
Histoire ancienne
Les Gutis envahirent la Mésopotamie vers 2083 avant notre ère et renversèrent l'empire akkadien, qui s'affaiblissait et régnait sur la région depuis l'avènement de Sargon d'Akkad (r. de 2334 à 2279 av. J.-C.). Contrairement aux Akkadiens, les Gutis ne reconnaissaient pas les dieux de Sumer ou des autres régions et, selon des récits ultérieurs de l'époque, ne s'intéressaient pas à l'entretien des terres qu'ils avaient conquises.
Le chercheur Paul Kriwaczek cite d'anciennes inscriptions sumériennes qui rapportent que, sous les Gutis: "l'herbe poussait haut sur les routes du pays" et que les Gutis étaient "des gens malheureux qui ne savaient pas comment vénérer les dieux, qui ignoraient les bonnes pratiques religieuses" (135).
Ils étaient cependant de puissants guerriers qui maintinrent les cités-états de toute la Mésopotamie sous leur contrôle jusqu'à ce qu'Utu-Hegal d'Uruk ne trouve la situation suffisamment intolérable pour y remédier. Selon le texte ancien La victoire d'Utu-Hegal, il demanda et obtint la bénédiction des dieux pour chasser les Gutis de son pays, rassembla une armée et se dressa contre eux.
Il s'en tint strictement au mandat qu'il estimait avoir reçu des dieux - chasser les envahisseurs - et refusa donc toute forme de négociation avec les Gutis. Lorsque les forces en présence se rencontrèrent pour parlementer avant la bataille, Utu-Hegal fit simplement arrêter les émissaires du roi guti, puis attaqua et mit en déroute les forces gutis. Il continua à utiliser cette même tactique à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il ne remporte plusieurs victoires significatives et n'affaiblisse l'emprise guti sur Sumer.
Ce qu'il advint d'Utu-Hegal après ces victoires n'est pas clair, pas plus que le rôle joué par Our-Nammou dans la défaite des Gutis. L'ancienne chronique indique que "Utu-Hegal, le pêcheur, a commis des actes criminels contre la ville de Marduk, de sorte que le fleuve a emporté son cadavre", ce qui laisse entendre qu'Utu-Hegal aurait d'une certaine manière déshonoré la ville de Babylone et qu'il aurait donc été éliminé par les dieux qui ont décidé de le noyer. Le mot "pêcheur" dans le vers fait référence à la légende selon laquelle le différend entre Utu-Hegal et les Gutis portait sur le poisson, ce qui pourrait signifier les droits de pêche ou, plus probablement, les droits sur l'eau, dans ce cas.
Le vers fait également référence à la légende selon laquelle Utu-Hegal se serait noyé alors qu'il supervisait la construction d'un barrage. À ce moment-là, selon la même chronique, "Uruk fut vaincu et la royauté fut transférée à Ur". Kriwaczek commente ce fait en écrivant:
Il semble que le gouverneur d'Ur, Our-Nammou, qui avait été nommé par le roi d'Uruk, ait profité de ce vide de pouvoir inattendu pour combattre, vaincre et annexer Uruk. Les détails de la façon dont cela s'est produit sont malheureusement perdus pour nous. (138)
Bien que les détails exacts soient perdus, des fragments des anciens documents connus sous le nom de Chroniques mésopotamiennes (également connues sous le nom de Chroniques babyloniennes) complètent l'histoire, du moins grossièrement. Ce qui semble clair, c'est qu'Our-Nammou était le gendre et l'allié d'Utu-Hegal, et que le roi d'Uruk l'avait nommé à la tête d'Ur, très probablement après la défaite des Gutis et probablement en récompense de ses services en tant que général ou, tout simplement, parce qu'il était son gendre.
Après la noyade d'Utu-Hegal, Our-Nammou vit une occasion de progresser et la saisit. La ligne de la chronique indiquant "Uruk fut vaincu" peut faire référence à une conquête militaire, mais pourrait tout aussi bien signifier qu'Uruk perdit sa position de leader et que cet honneur passa à Ur et à son gouverneur Our-Nammou.
Règne d'Our-Nammou
Après plus de 100 ans d'occupation guti, les rois de l'empire akkadien sont entrés dans la légende. Les récits des exploits de Sargon le Grand et de son non moins célèbre petit-fils Naram-Sin (r. de 2261 à 2224 av. J.-C.) étaient régulièrement récités lors de spectacles et, semble-t-il, même lors de réunions de famille pour se divertir. En outre, tous deux étaient les personnages principaux du genre populaire connu aujourd'hui sous le nom de littérature mésopotamienne Naru, qui racontait les aventures et les exploits des grands rois du passé sous une forme semi-fictionnelle ou complètement fictive.
Reconnaissant l'intérêt de s'aligner sur ces anciens souverains, Our-Nammou se présenta délibérément comme l'héritier de la gloire d'Akkad en tant que membre de la lignée akkadienne. Il institua un État patrimonial dans lequel ses sujets étaient encouragés à le considérer comme une figure paternelle qui prenait soin de ses enfants et ne voulait que le meilleur pour eux. À cette fin, il créa son code de lois vers 2050-2047 avant notre ère (chronologie courte, la chronologie moyenne le situe vers 2100-2050 av. J.-C.). En ce qui concerne les politiques de gouvernement d'Our-Nammou, Kriwaczek écrit:
Pour qu'un État patrimonial soit stable dans le temps, il est préférable qu'il soit gouverné avec le consentement, au moins avec le consentement de la plus grande minorité, sinon de la majorité. L'obéissance instinctive doit être la norme, sinon trop d'efforts doivent être déployés pour supprimer la désaffection afin que les objectifs plus larges du régime puissent être atteints. (149)
Ce consentement était presque garanti par le peuple d'Ur une fois qu'Our-Nammou commença à se présenter comme le successeur des héros akkadiens et le libérateur du peuple.
Il poursuivit (ou aurait peut-être poursuivi) l'effort d'expulsion des Gutis restants de Sumer et prit le contrôle d'autres villes sumériennes telles que Lagash sur le golfe Persique et la ville sacrée d'Eridu. Outre ses campagnes militaires, il entreprit des projets de construction dans toute la région de Sumer, planta des vergers et des jardins à l'intérieur et autour des villes, dynamisa l'économie de Sumer et encouragea la poursuite de l'art et de la culture. Cette période est connue sous le nom de Renaissance sumérienne en raison précisément de ces efforts. Our-Nammou (et, à sa suite, Shulgi) redonna à Sumer sa gloire d'antan en assurant la stabilité économique et sociale qui permit à la culture de s'épanouir.
Les stèles et les inscriptions témoignent de sa popularité auprès de ses sujets. La spécialiste Gwendolyn Leick écrit:
[Our-Nammou] a beaucoup fait pour améliorer la sécurité économique et militaire du pays. Pour ces efforts, il a été loué dans un hymne sumérien qui vante également son dévouement au dieu Enlil de Nippur. Our Nammou a également fait l'objet d'autres œuvres littéraires, comme un texte dans lequel il visite l'Autre Monde. (181)
Le texte cité par Leick concernant l'Autre Monde - La mort d'Our-Nammou et sa descente aux enfers (également connu sous le nom de La mort d'Our-Nammou) - ferait de lui un héros mythique pour les générations qui suivraient son règne. Le poème comprend une rare scène d'un grand banquet organisé dans l'au-delà en l'honneur d'Our-Nammou, ce qui est remarquable car les représentations du monde souterrain mésopotamien mettent régulièrement l'accent sur sa morosité silencieuse. Cependant, avant d'être immortalisé par des vers, Our-Nammou prit l'initiative de créer un héritage durable en construisant la grande ziggourat d'Ur et le complexe de temples qui l'entoure.
Il commanda et supervisa le début de la construction de la grande ziggourat d'Ur, tout en reconstruisant et en rénovant les ziggourats et les temples d'Uruk, d'Eridu, de Nippur et de Lagash. Il entoura Ur de magnifiques murs que l'on dit "aussi hauts qu'une montagne brillante" et ordonna la construction de canaux et de fossés d'irrigation dans toute la région. Il s'efforçait régulièrement d'améliorer la vie des gens, des villes dans lesquelles ils vivaient et des terres sur lesquelles les villes s'élevaient et dont elles dépendaient pour la nourriture, l'eau potable et les pâturages pour le bétail. Son code de lois illustre l'intérêt qu'il portait à ses sujets et à l'administration de la justice et, même s'il était manifestement très populaire, il ne chercha jamais à se faire diviniser ni à revendiquer de titres particuliers.
Le code d'Our-Nammou et son héritage
Le Code d'Our-Nammou supposait que le peuple comprenait universellement que la loi descendait des dieux et que le roi était simplement l'administrateur de ces lois. Les peines sévères étaient considérées comme inutiles pour la majorité des crimes, puisque les gens étaient supposés savoir comment ils devaient se comporter les uns envers les autres, et qu'une amende monétaire était suffisante pour leur rappeler comment se comporter. Kriwaczek écrit:
Bien qu'il ne s'agisse pas d'un véritable code de lois, puisqu'il est loin d'être exhaustif, ni même, selon certains, d'un code introduit par Our-Nammou mais par son fils Shulgi, code ou pas, bien que nous n'en ayons que des fragments, ils suffisent à montrer que les lois couvraient à la fois les affaires civiles et criminelles. Parmi les dispositions pénales, le code précise quels sont les crimes capitaux : le meurtre, le vol, la défloration de la femme vierge d'un autre homme et l'adultère lorsqu'il est commis par une femme. Pour les autres délits, la peine était une amende en argent... [Le code d'Our-Nammou contraste] avec les lois plus célèbres d'Hammurabi, rédigées quelque trois siècles plus tard, avec leurs dispositions sauvages "œil pour œil, dent pour dent". (148-149)
Le code est composé de 40 paragraphes qui énoncent le crime et le châtiment qui sera administré par l'État selon la volonté des dieux. Voici quelques exemples de lois:
Si un homme commet un enlèvement, il doit être emprisonné et payer quinze shekels d'argent.
Si un homme a défloré par la force la femme esclave vierge d'un autre homme, cet homme doit payer cinq sicles d'argent.
Si un homme comparaît comme témoin et se révèle parjure, il doit payer quinze sicles d'argent.
Si un homme a crevé l'oeil d'un autre homme, il devra payer une demi-mina d'argent.
Si un homme a arraché une dent à un autre homme, il paiera deux sicles d'argent.
Si un homme, au cours d'une bagarre, a brisé le membre d'un autre homme à l'aide d'un gourdin, il devra payer une mina d'argent.
Ces lois semblent avoir été efficaces, car le règne d'Our-Nammou fut pacifique et la région prospéra dans tous les domaines de la civilisation. En 2030 avant notre ère, les Gutis se soulevèrent à nouveau contre les villes de Sumer et Our-Nammou mena son armée à leur rencontre. Probablement à la tête de ses forces, le roi fut tué au combat et, selon le célèbre poème mentionné précédemment, La mort d'Our-Nammou et sa descente aux enfers, son armée se dispersa et "son corps fut jeté de côté comme une urne brisée". L'esprit d'Our-Nammou descend alors aux enfers où il reçoit un accueil de héros.
Ce poème, fascinant mélange d'histoire, de mythologie, de théologie et de littérature de sagesse, a élevé Our-Nammou au rang de légende en tant que grand roi mort pour son peuple et a assuré son immortalité puisqu'il a été récité pendant des générations. Son fils Shulgi vengea sa mort en décimant les Gutis et en chassant complètement les survivants de la région de Sumer. L'administration minutieuse du gouvernement par Our-Nammou fournit à Shulgi la stabilité et les ressources nécessaires à la réalisation d'une Renaissance sumérienne et à l'élévation de la culture sumérienne à son plus haut niveau.