Chapour Ier

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 novembre 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais
Écouter cet article
X
Imprimer l'article
Colossal Statue of Shapur I (by Turpault, CC BY-SA)
Statue colossale de Chapour Ier
Turpault (CC BY-SA)

Chapour Ier (r. de 240 à 270 de notre ère) est considéré comme l'un des plus grands rois de l'empire sassanide pour l'expansion de son royaume, sa politique de tolérance religieuse, ses projets de construction et la mise par écrit des écritures zoroastriennes (Avesta). Il était le fils d'Ardashir Ier (r. de 224 à c. 240 de notre ère), le fondateur de l'empire.

Ardashir en fit son coresponsable et l'emmena en campagne pour qu'il apprenne l'art de la guerre. Ardashir était un chef militaire compétent qui non seulement vainquit le roi parthe Artaban IV (r. de 213 à 224 de notre ère) dans de nombreuses batailles, mais finit par le tuer et fit tomber l'empire parthe, le remplaçant par le sien. Chapour Ier avait bien retenu les leçons enseignées par son père et les utilisa efficacement contre ses propres ennemis, notamment Rome.

Supprimer la pub
Publicité

Au cours de ses guerres contre Rome, Chapour Ier se révéla un adversaire intelligent et imprévisible. Il fut le premier souverain étranger à avoir capturé un empereur romain au combat (l'empereur Valérien, r. de 253 à 260 de notre ère) et réussit bien dans sa guerre de conquête contre Rome jusqu'à ce qu'il ne se fasse un ennemi du gouverneur romain de Syrie, Odénat (mort vers 267 de notre ère), qui le battit au combat et le chassa du territoire romain. Après Odénat, Chapour Ier n'entreprit aucune autre action contre Rome, pas plus que son fils et successeur Hormizd Ier (r. de 270 à c. 273 de notre ère) qui maintint une trêve difficile avec Rome tout au long de son règne.

Bien que Chapour Ier ait souhaité que l'on se souvienne de lui comme d'un grand roi guerrier, il possédait d'autres talents tout aussi impressionnants. Brillant administrateur, il instaura une politique de tolérance religieuse et encouragea les arts et la culture. Le motif architectural du minaret à coupole fut développé sous son règne et définit ses projets de construction, ainsi que ceux de la région et de la culture jusqu'à aujourd'hui.

Supprimer la pub
Publicité

On lui attribue souvent l'impressionnante arche connue sous le nom de Taq Kasra dans la capitale de Ctésiphon (bien qu'elle soit également attribuée au monarque ultérieur Khosro Ier, r. de 531 à 579). Chapour Ier était un monarque populaire, honoré par des inscriptions et, surtout, par la statue colossale qui lui est dédiée et qui est située dans la grotte de Chapour, dans l'Iran d'aujourd'hui.

Supprimer la pub
Publicité

Jeunesse et ascension au pouvoir

Chapour Ier avait au moins deux frères, mais il semble avoir été très tôt le favori de son père. Ardashir Ier était le vassal du roi parthe Artaban IV (parfois cité à tort comme Artaban V) qui le considérait, lui et sa famille, comme des fauteurs de troubles. Le père d'Ardashir, Papak, avait pris le contrôle du district d'Istakhr où se trouvaient les ruines de la grande cité perse de Persépolis. En tant qu'ancienne capitale de l'empire perse, Persépolis revêtait une grande importance pour l'empire parthe, qui revendiquait la légitimité de son règne en l'associant à l'ancienne gloire des Perses. Après la mort de Papak, Ardashir conserva le contrôle de l'Istakhr au mépris de l'autorité d'Artaban IV en tant que roi et des demandes de renoncement à la région.

À la mort d'Ardashir, vers 241 de notre ère, chapour ier prit le titre traditionnel de la monarchie perse, le roi des rois.

Artaban IV, après avoir toléré cette situation trop longtemps, envoya le vassal-roi du Khouzistan contre Ardashir, mais sans succès. Artaban IV fit alors face à Ardashir en personne et fut vaincu à deux reprises; la seconde fois, il fut tué. Ardashir fonda alors la dynastie sassanide (du nom de son ancêtre Sassan) sur les ruines de l'empire parthe. Chapour Ier accompagna son père dans toutes ces campagnes.

Alors qu'Ardashir consolidait son pouvoir, le roi parthe d'Arménie, Khosro Ier, levait une armée pour s'opposer à lui et conclut des alliances avec plusieurs puissances, dont le royaume Kouchan et Rome. Ardashir n'attendit pas l'attaque de Khosro Ier, il mobilisa ses forces et frappa le premier. Le roi Kouchan se rendit et Khosro Ier fut vaincu. Ardashir envoya alors Chapour Ier contre Rome en Mésopotamie vers 230 de notre ère.

Supprimer la pub
Publicité

Bien que les auteurs romains affirment que Chapour Ier fut vaincu au combat par l'empereur Alexandre Sévère, les Romains ne firent en fait que stopper son avancée. Il n'existe aucune preuve d'une perte de territoire sassanide au profit des Romains, ni d'aucune victoire romaine décisive. Ardashir et Chapour Ier poursuivirent leur route et, dans les années qui suivirent, s'emparèrent d'un certain nombre de villes romaines importantes. Ardashir, de plus en plus fatigué de gouverner et de guerroyer, fit de Chapour Ier son corégent à cette époque, vers 240 de notre ère; à sa mort, plus tard dans l'année ou au début de 241, Chapour Ier prit le titre persan traditionnel de la monarchie, celui de Roi des rois.

Administration et tolérance religieuse

Chapour Ier et son père étaient de grands bâtisseurs dont les palais et les temples présentaient un certain nombre d'innovations, telles que les entrées en dôme et les minarets, qui devinrent un élément essentiel de l'architecture iranienne ultérieure. Avec son épouse principale, Azadokht Shahbanu (Shahbanu est un titre qui signifie "Dame du roi"), Chapour Ier fonda le centre d'apprentissage et le premier hôpital universitaire de Gundishapur, qui deviendrait le plus grand centre intellectuel de son époque et le modèle des hôpitaux et des universités ultérieurs. Gundishapur était le premier hôpital d'enseignement dans lequel les jeunes aspirants médecins apprenaient auprès de médecins plus âgés et plus expérimentés. Ardashir Ier et Chapour Ier comprirent également l'importance de la foi religieuse dans l'unification d'un empire ou d'une nation et firent donc de leur propre religion, le zoroastrisme, la religion d'État.

Néanmoins, Chapour Ier avait également compris que la diversité favorisait la vitalité et, dès le début de son règne, il adhéra à une politique de tolérance religieuse, autorisant les chrétiens, les juifs et d'autres confessions à pratiquer leur religion en toute liberté. Cette atmosphère de tolérance permit le développement de l'une des religions les plus influentes du monde antique, le manichéisme, dont le fondateur, Mani (216-274 de notre ère), avait sa place à la cour de Chapour Ier. Les chrétiens furent autorisés à construire des églises et les juifs des synagogues, même si leurs enseignements étaientnt en désaccord avec la religion d'État et, parfois même, antagonistes.

Supprimer la pub
Publicité

Coin of Shapur I
Pièce de Chapour Ier
TruthBeethoven (CC BY-SA)

Le zoroastrisme, avec sa vision de l'univers en lutte constante entre les forces du bien et celles du mal, la lumière contre les ténèbres, convenait parfaitement à un État dont l'objectif principal était la guerre. Chapour Ier se considérait comme un chef des forces de la lumière et se comportait en conséquence en encourageant la pratique pacifique de toutes les religions dans son royaume et en consacrant ses scribes à la traduction et à la révision d'ouvrages religieux et philosophiques. Parallèlement, tout en faisant construire de grands édifices, il mena ses armées contre ceux qu'il considérait comme les forces des ténèbres.

La guerre contre Rome

Bien que Chapour Ier ait été un administrateur et un souverain compétent, dont le règne est relaté en termes élogieux par tous, à l'exception des auteurs romains, il se considérait avant tout comme un roi guerrier et s'efforça d'incarner cet idéal. Il s'empara des forteresses et des villes romaines en Mésopotamie et poussa son armée à conquérir de nouveaux territoires, élargissant ainsi considérablement le royaume qu'il avait hérité de son père.

Chapour Ier profita pleinement de la confusion qui régnait à Rome pour agrandir davantage son royaume.

Aussi habile au combat qu'en administration bureaucratique, il remporta plusieurs victoires contre Rome après l'assassinat d'Alexandre Sévère par ses propres troupes lors d'une campagne en Germanie en 235 de notre ère. L'assassinat de Sévère plongea Rome dans la période chaotique connue sous le nom de Crise du troisième siècle (235-284 de notre ère), au cours de laquelle plus de 20 empereurs se succédèrent en près de 50 ans. Chapour Ier profita pleinement de la confusion qui régnait à Rome pour agrandir son royaume.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

De retour pour mener une campagne contre les Romains en Mésopotamie, il fut arrêté par l'empereur Gordien III (r. de 238à 244 de notre ère), qui n'avait alors que 17 ans. Soldat et homme d'État inexpérimenté, Gordien III s'appuyait fortement sur les conseils et les stratégies de son beau-père et préfet prétorien, Timésithée, un chef habile et un commandant compétent. Chapour Ier fut d'abord vaincu par les forces de Gordien III, mais lorsque Timésithée mourut de la peste, la situation s'inversa: Gordien III n'avait aucun talent naturel pour la guerre et ne fut pas en mesure de contrer les stratégies de Chapour Ier. Après plusieurs revers subis par les forces romaines, Gordien III fut tué par ses propres troupes, qui le remplacèrent en tant qu'empereur par un commandant populaire, Philippe l'Arabe (r. de 244 à 249 de notre ère).

Philippe comprit qu'il devait se dégager de la guerre contre Chapour Ier pour faire face aux nombreux autres défis auxquels Rome était confrontée. Il fait la paix avec Chapour Ier et lui versa 500 000 deniers dans le cadre du traité. Selon les inscriptions de Chapour Ier, Philippe aurait également accepté que Rome devienne tributaire, mais cette affirmation a été contestée. Philippe céda le territoire contesté de l'Arménie à Chapour Ier, mais revint rapidement sur le traité et récupéra la région; cette action rompit manifestement la paix et raviva les hostilités.

Valerian Defeated by Shapur I
Valérien battu par Chapour Ier
Pierre Mertens (CC BY-NC-ND)

Chapour Ier frappa à nouveau les Romains en Mésopotamie et conquit la province romaine de Syrie, s'emparant de la ville d'Antioche. Antioche était l'un des centres urbains les plus importants de la Rome antique, et sa conquête ne pouvait rester sans réponse. L'empereur Valérien marcha contre Chapour Ier et le chassa de la ville, mais la peste frappa alors l'armée romaine qui fut contrainte de se replier derrière les murs d'Antioche.

Chapour Ier assiègea la ville et Valérien fut contraint de demander des conditions de reddition. Lui et son état-major partirent à la rencontre de Chapour Ier, s'attendant à être traités selon les règles d'engagement auxquelles ils étaient habitués, mais au lieu de cela, ils furent faits prisonniers. Chapour Ier ne considérait pas les "forces des ténèbres" comme dignes de négociations. L'armée sassanide intensifia alors le siège de la ville, sous la direction du fils de Chapour Ier, Hormizd Ier, et Antioche finit par tomber. Selon la légende, Chapour Ier se servait de Valérien comme d'un marchepied qu'il faisait sortir chaque fois qu'il voulait monter à cheval, et lorsque l'empereur mourut, il fit bourrer son corps de paille et l'exposa dans le palais pour les dignitaires en visite.

Chapour Ier et Odénat

À cette époque, Rome était plongée dans un chaos quasi permanent, car les empereurs se succédaient, décevaient leurs troupes, le Sénat, le peuple, ou les trois à la fois, et étaient exécutés en faveur d'un autre commandant militaire. Pendant la crise du IIIe siècle, l'élévation d'un homme au rang suprême d'empereur de Rome était presque une condamnation à mort, mais cela n'empêchait pas des hommes ambitieux de se disputer continuellement le trône.

Hormizd I in Battle
Hormizd Ier dans la bataille
The Creative Assembly (Copyright)

À la frontière orientale de l'Empire romain, la ville de Palmyre, en Syrie, était gouvernée par un homme nommé Odénat, qui semble avoir considéré que Chapour Ier était plus à même de faire avancer sa fortune que n'importe quel empereur de Rome. Il envoya à Chapour Ier une offre d'alliance, qui fut rejetée. Chapour Ier répondit qu'Odénat n'était pas son égal et que, loin de penser qu'ils pourraient être alliés, le gouverneur romain devrait se réjouir de devenir son vassal.

Odénat fut insulté et, sous prétexte de mobiliser ses forces pour libérer Valérien des Sasanides, marcha contre Chapour Ier. Il avait à ses ordres une troupe de soldats bédouins qui connaissaient le terrain aussi bien que l'armée sassanide, et ses propres troupes syriennes étaient parfaitement acclimatées au climat de la région, contrairement à celles de Gordien III ou de Valérien, qui avaient été déployées à partir de Rome. Odénat vainquit Chapour Ier et le chassa, lui et son armée, des territoires romains.

La victoire de Chapour Ier sur Valérien fut l'une de ses dernières. En ce qui concerne les campagnes d'Odénat, le spécialiste Philip Matyszak note que Chapour Ier "découvrit qu'une armée romaine bien dirigée restait la meilleure force de combat au monde" (239). Chapour Ier perdit très vite tous les gains qu'il avait réalisés et se replia sur ses propres frontières. Odénat fut récompensé pour les services qu'il avait rendus à Rome en étant élevé au rang de gouverneur de toute la province de Syrie. Lorsqu'il fut tué lors d'une partie de chasse vers 267 de notre ère, le pouvoir passa à son jeune fils, mais c'est son épouse Zénobie (r. de 267 à 272 de notre ère) qui l'exerça et qui fonda l'Empire palmyrénien.

Conclusion

Après sa défaite face à Odénat, Chapour Ier se concentra sur les questions intérieures et la guerre avec les nations situées sur ses autres frontières. Il maintint une paix prudente avec Rome, mais ne l'affronta plus jamais. Il continua à encourager un niveau élevé d'alphabétisation et de culture à sa cour, qui devait servir de modèle au reste des citoyens. Matyszak note que "les nobles perses de l'époque de Chapour étaient des personnes cultivées qui devaient avoir une connaissance de la littérature et des arts. Beaucoup jouaient aux échecs, au polo ou à une première forme de tennis" (242). Chapour Ier maintint un empire stable et prospère jusqu'à sa mort. Hormizd Ier lui succéda et poursuivit sa politique, mais ne fut jamais un monarque aussi efficace que son père.

Illustration of Colossal Statue of Shapur I
Illustration de la statue colossale de Chapour Ier
Unknown Artist (Public Domain)

Le règne de Chapour Ier est régulièrement loué par la plupart des auteurs anciens comme celui d'un roi noble et d'un guerrier redoutable. Il est considéré comme l'un des plus grands monarques sassanides avec Chapour II (r. de 309 à 379 de notre ère), Kavad Ier (r. de 488 à 496 et de 498 à 531) et Khosro Ier. Parmi les plus grandes œuvres d'art de la période sassanide figure la statue colossale de Chapour Ier, qui mesure 6,7 mètres de haut et fut sculptée à partir d'une seule stalagmite dans une grotte (connue sous le nom de grotte de Chapour) dans l'Iran d'aujourd'hui. La légende prétend que la grotte abrite également le tombeau de Chapour Ier, mais cela n'a jamais été prouvé.

La statue est une pièce minutieusement sculptée, décorée dans l'Antiquité de bijoux et réalisée avec tant de soin que, même dans son état de ruine actuel, l'image du grand roi reste impressionnante et donne une idée de la grandeur de son règne. Bien que vaincu par les forces romaines d'Odénat, il conserva son royaume et poursuivit sa politique de justice, de tolérance religieuse, de grands projets de construction et de diffusion culturelle, transmettant cet héritage à son fils qui le perpétua. Son règne fut constamment loué par les scribes non romains pour toutes ces réalisations, et il continue d'être considéré comme le roi des rois, avec le même niveau de respect que celui qu'il connut de son vivant.

Supprimer la pub
Publicité

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2017, novembre 16). Chapour Ier [Shapur I]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-689/chapour-ier/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Chapour Ier." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 16, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-689/chapour-ier/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Chapour Ier." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 nov. 2017. Web. 21 nov. 2024.

Adhésion