
Le Coran, révélé au VIIe siècle, est le livre sacré de l'islam, qui s'inscrit dans la tradition des religions abrahamiques, la Torah étant le livre sacré du judaïsme et le Nouveau Testament celui du christianisme.
Tarif Khalidi, historien palestinien, ancien professeur d'arabe de Sir Thomas Adams à l'université de Cambridge et actuellement titulaire de la chaire Shaykh Zayed d'études arabes et islamiques à l'université américaine de Beyrouth, indique:
Le Coran est le texte axial d'une civilisation religieuse majeure et d'une langue mondiale majeure. Pour la civilisation islamique et la langue arabe, le Coran se voit attribué une finalité d'autorité accordée à peu de textes dans l'histoire.
(Khalidi, ix)
La Révélation
Pour les fidèles musulmans, le Coran contient les versets de la parole de Dieu tels qu'ils furent révélés en langue arabe au prophète Mahomet (c. 570-632) au cours d'une période de 22 ans, entre 610 et 632 environ. Le mot arabe qur'an dérive du verbe qara 'a, qui signifie lire ou réciter. La toute première sourate (chapitre) révélée au prophète Mahomet alors qu'il effectuait une retraite spirituelle dans une grotte était la suivante:
Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé,
qui a créé l'homme d'une adhérence.
Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble,
qui a enseigné par la plume [le calame],
a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas.
Sourate 96 Le caillot de sang, Aya (versets) 1-5 (le-coran.com)
Les textes clés de la tradition de l'héritage islamique, les proverbes, les hadiths (rapports) et les récits qui forment la sunna, le récit de la vie du prophète, relatent la révélation du Coran au prophète lors de la nuit de la Puissance (nuit du Destin), Laylat al-Qadr - généralement attribuée à la 23e ou à la 27e nuit du mois de Ramadan - sacrée pour les musulmans. En 610, à l'âge de 40 ans, Mahomet, assis en méditation dans la grotte du mont Hira, fut approché par l'ange Gabriel qui lui ordonna: "Récite!" Mahomet fut incapable de parler jusqu'à la troisième fois qu'il en reçut l'ordre et récita alors la sourate (chapitre) 96 ci-dessus. Déstabilisé par cette rencontre, Mahomet partit à la recherche de sa femme Khadija qui l'enveloppa d'un manteau pour l'empêcher de frissonner.
Mais il reçut alors la révélation de la sourate 74, qui lui dit de se lever et de prêcher son message:
Ô, toi (Muhammad) ! Le revêtu d'un manteau !
Lève-toi et avertis.
Et de ton Seigneur, célèbre la grandeur.
Et tes vêtements, purifie-les.
Et de tout péché, écarte-toi.
Et ne donne pas dans le but de recevoir davantage.
Et pour ton Seigneur, endure.
Sourate 74, Aya 1-7 (le-coran.com)
Compilation du Coran
Du vivant du Prophète, nombre de ses proches compagnons, au premier rang desquels son cousin Ali bin Abi Talib, s'efforcèrent d'écrire les versets qu'il avait récités. Cependant, la culture littéraire de la société mecquoise au VIIe siècle était plus orale qu'écrite et, par conséquent, la transmission des versets du Coran au sein de la communauté musulmane naissante (Oumma) se faisait par la récitation et la parole. Environ 18 ans après la mort du prophète Mahomet, vers l'an 650, les versets du Coran furent recueillis et rassemblés dans la forme actuelle du livre par le troisième calife musulman, Othman ibn Affan (c. 573-656).
La mort du prophète Mahomet fut immédiatement suivie d'un schisme concernant l'héritier légitime de l'autorité du prophète. Pour les musulmans sunnites, qui constituent la majorité du monde musulman actuel, il s'agit d'Abou Bakr (c. 570-674), l'un des premiers convertis à l'islam et proche compagnon du prophète. Pour les musulmans chiites, Ali ibn Abi Talib, cousin du prophète et époux de sa fille Fatima - son seul enfant survivant de sa première épouse Khadija, et père de ses petits-enfants. Ali fut également la première personne après Khadija à accepter l'islam et à reconnaître la prophétie de Mahomet.
Après la mort du prophète, Abou Bakr s'efforça immédiatement de mettre par écrit les versets du Coran. Selon les historiens chiites, Ali, le premier imam chiite ou héritier de l'autorité du prophète, et quatrième calife sunnite ou empereur politico-religieux de la communauté musulmane, fut l'un des premiers scribes à avoir consigné les versets du Coran et à les avoir rassemblés dans un codex connu sous le nom de Mushaf d'Ali. Le Mushaf rassemble les révélations du Coran en les organisant chronologiquement selon les dates de révélation.
Cependant, le codex d'Ali fut rejeté par le calife Othman, apparemment pour des raisons politiques dues aux dissensions entre les premières communautés sunnites et chiites. Au lieu de cela, Othman compila le Coran en classant les versets suivant la Fatiha ou l'Ouverture par longueur de chapitre, du plus long au plus court, ce qui donna le Coran que nous connaissons aujourd'hui. Le Coran est le premier livre écrit en langue arabe, qui compte 28 lettres. Cet alphabet s'écrit à l'aide de 18 rasm (formes) qui se distinguent ensuite par des i'jam (points au-dessus et au-dessous) et par des harakat (voyelles courtes) également appliqués au-dessus et au-dessous des rasm. Les premiers textes écrits des versets du Coran utilisaient une écriture oblique appelée hijaz, antérieure à l'écriture kufi, plus anguleuse et géométrique. Souvent, l'i'jam et les harakat étaient absents de ces textes qui servaient davantage d'aide-mémoire pour les récitants déjà familiarisés avec les versets que d'enregistrement écrit du Coran. Le Coran d'Othman fut l'un des premiers à incorporer l'i'jam et les harakat, assemblant un livre qu'une personne n'ayant jamais entendu les récitations orales des versets pouvait lire.
Le professeur Azim Nanji déclare dans le Dictionnaire Penguin de l'Islam,
...il était important d'établir une version écrite fixe afin d'éviter le risque de porter atteinte au texte sacré et de prévenir les divergences concernant son contenu. Sur la base de la systématisation et de l'arrangement précédents, un texte écrit a été compilé et des copies ont été envoyées dans toutes les régions du monde musulman en expansion. Pour les musulmans, le texte du Coran existe donc inchangé depuis quatorze siècles et est censé contenir l'intégralité du message révélé au Prophète.
(Nanji, 150)
Le Coran tel que nous le connaissons aujourd'hui compte 114 sourates ou chapitres. Le nombre de versets varie considérablement d'une sourate à l'autre. Les sourates sont également cataloguées comme ayant été révélées au Prophète alors qu'il se trouvait soit à La Mecque entre 610 et 622, soit à Médine entre 622 et 632. Par conséquent, certaines informations chronologiques sont conservées. Chaque chapitre, à l'exception du chapitre 9, commence par la basmala:
Au nom d'Allah
le Tout Miséricordieux,
le Très Miséricordieux.
(le-coran.com)
"La parole de Dieu"
À l'époque du prophète Mahomet, la société mecquoise était une société de rois-poètes. Souvent, la tribu qui allait régner sur La Mecque et contrôler ses lucratives routes commerciales était désignée à l'issue d'un concours de poésie. Cependant, une grande partie de la population d'Arabie était analphabète et la culture littéraire était donc orale. Conformément à la tradition abrahamique d'identification des prophètes par des miracles - pour Moïse, la séparation de la mer Rouge, pour Jésus, sa naissance virginale et sa résurrection - le miracle de Mahomet fut celui d'un homme prétendument analphabète se tenant dans les rues de la Mecque et récitant des poèmes qui dépassaient de loin tout ce que les Mecquois avaient entendu auparavant. Il les arrêtait dans leur élan et les forçait à écouter un homme qu'ils auraient autrement ridiculisé.
Muhammad Asad (1900-1992) naquit sous le nom de Leopold Weiss à Lviv, en Ukraine, dans une famille de rabbins juifs. Il se convertit à l'islam en 1926 lors d'un voyage au Moyen-Orient et devint l'un des intellectuels les plus célèbres de l'islam. Il a écrit dans l'introduction de sa traduction du Coran intitulée "Le message du Coran":
...à la différence de tout autre livre, le sens et la présentation linguistique du Coran forment un tout indissociable. La position des mots et des phrases, le rythme et la sonorité des phrases et leur construction, la façon dont les métaphores se fondent presque imperceptiblement dans une déclaration pragmatique, l'utilisation de l'accent acoustique non seulement au service de la rhétorique mais aussi comme moyen de décharge, les idées non dites mais clairement sous-entendues, tout cela rend le Coran intraduisible, un fait qui a été souligné par les traducteurs antérieurs et par tous les érudits arabes.
(Asad, iii)
Nombreux sont ceux qui pensent que le miracle du Coran réside dans sa récitation et son écoute. La cadence lyrique de son langage et de son rythme a une résonance musicale qui touche l'auditeur, qu'il comprenne ou non la langue arabe. Comme le dit Tarif Khalidi, "lorsqu'il est récité, il coule avec une sonorité que l'opinion musulmane commune considère comme capable de provoquer des larmes de repentir et de réconfort ou bien un frisson de peur et un tremblement" (Khalidi, ix). (Khalidi, ix) Aujourd'hui, tout comme à l'époque du Prophète, les musulmans se réunissent souvent pour entendre la récitation d'un verset du Coran, recevoir ses bénédictions spirituelles, puis discuter et débattre de sa signification.
Sur le plan linguistique, la langue du Coran est devenue le parangon de la perfection en matière de grammaire, de style, d'usage, de syntaxe et de rythme pour la langue arabe et sa littérature. Les moines chrétiens du Moyen-Orient, en particulier les jésuites, étudiaient le Coran de manière à pouvoir exceller dans la langue arabe et sa traduction. Même à l'époque moderne, de célèbres érudits arabes chrétiens ont excellé dans l'étude de la linguistique coranique, devenant des enseignants et des mentors pour les Arabes. Il s'agit notamment des érudits libanais Nasif Yaziji (1800-1871), Butrus (Peter) al-Bustani (1819-1883), du poète Maroun Aboud (1886-1962) et du linguiste Emile Badi Yaqoub (Emile B. Jacob) (1950-).
Tafsir (interprétation et exégèse)
Accepté par les musulmans en tant que "la parole de Dieu", le texte du Coran a donné lieu à un vaste corpus d'études, de lectures approfondies, de commentaires et d'interprétations, tant islamiques que non islamiques. La science et l'étude du commentaire, de l'interprétation et de l'exégèse du Coran sont appelées tafsir (de l'arabe fassara qui signifie expliquer ou élucider). La science du tafsir qui en résulte est d'une grande diversité dans la variété et la portée de l'interprétation et de la compréhension du Coran.
Dans la longue histoire du tafsir et de la traduction du Coran, la psychologue irano-américaine et spécialiste soufie Laleh Bakhtiar (1938-2020) a produit en 2007 une traduction intitulée The Sublime Qur'an qui se distingue par son attachement à la cohérence linguistique et à une lecture neutre du point de vue du genre. Cherchant à rendre en anglais la polyphonie de la langue arabe du Coran, Bakhtiar a adopté la méthode de traduction roi Jasques, appelée "équivalent formel". Selon elle, "...c'est le type de traduction le plus objectif parce qu'on utilise le même mot à chaque fois..." (Karmali, 50). L'une des rares femmes nord-américaines à avoir traduit le Coran, elle aspire également à reproduire dans sa version anglaise le langage neutre et inclusif du Coran arabe. Par exemple, le mot arabe utilisé dans le Coran pour s'adresser à l'humanité est al-insān. Or, la langue arabe a trois classes de genre pour ses mots: masculin, féminin et neutre. Cependant, l'équivalent anglais habituel d'al-insān, mankind, ne rend pas compte de cette neutralité de genre, de sorte que Bakhtiar le traduit par "humankind". En outre, le mot al-kāfirūn (sourate 109), qui est généralement traduit par "les mécréants" ou "les infidèles", est traduit par Bakhtiar par "les ingrats".
Certaines écoles de pensée islamiques, en particulier les traditions mystiques chiites et soufies, attribuent un sens intérieur et extérieur au Coran. En d'autres termes, ils pensent qu'au-delà du sens linguistique explicite du Coran se trouve une compréhension cachée ou ésotérique. Cette interprétation du sens interne du Coran est appelée taw'il.
Calligraphie et arts du livre
L'art islamique est à bien des égards iconoclaste, c'est-à-dire qu'il n'inclut pas le type d'iconographie que l'art chrétien applique dans une sculpture ou une peinture de la Vierge Marie ou de Jésus-Christ. L'art religieux s'inspire souvent du miracle correspondant à son prophète. L'art islamique se définit donc par une "impulsion esthétique" (Nanji, 150) visant à capturer la gloire linguistique et musicale de la langue du Coran sous forme écrite. Les versets du Coran sont copiés avec la même diligence et le même respect que pour la lecture, la récitation et l'étude du Coran. La maîtrise de l'écriture, associée à l'enluminure et à l'ornementation, a permis de créer des copies du Coran qui comptent parmi les objets d'art sacré les plus précieux et les plus appréciés. De nombreux exemplaires célèbres du Coran se trouvent dans les musées du monde entier.
Pouvoirs de guérison et de protection
De nombreux musulmans croient que les versets du Coran ont des vertus curatives ou protectrices. À l'époque médiévale, des versets du Coran étaient récités au domicile des malades, dans les hôpitaux, lors des naissances et des décès. Des citations du Coran, la basmala ou des versets tels que l'ayat al-Kursi de la sourate al-Baqarah sont inscrits sur des objets de la vie quotidienne, en particulier des bijoux, et sont censés avoir des propriétés talismaniques. La récitation de versets du Coran est considérée comme un moyen d'implorer le divin. Dans les pays musulmans, les enfants sont parfois envoyés dans les mosquées locales pour apprendre à réciter le Coran de mémoire. Une personne ayant mémorisé l'intégralité du Coran est appelée "hafiz".