Textes des Sarcophages

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Joshua J. Mark
par , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié sur 08 mars 2017
Disponible dans d'autres langues: Anglais, Portugais
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Les Textes des sarcophages (c. 2134-2040 av. J.-C.) sont 1 185 formules magiques, incantations et autres formes d'écriture religieuse inscrites sur les sarcophages pour aider le défunt à s'orienter dans l'au-delà. Ils comprennent le texte connu sous le nom de Livre des deux chemins, qui est le premier exemple de cosmographie dans l'Égypte ancienne, fournissant des cartes de l'au-delà et la meilleure façon d'éviter les dangers sur le chemin du paradis. L'égyptologue Geraldine Pinch note que "ces cartes, qui étaient généralement peintes sur le fond des sarcophages, sont les plus anciennes cartes connues de toutes les cultures" et que le Livre des Deux Chemins "n'était rien de moins qu'un guide illustré de la vie après la mort" (15). Le Livre des Deux Chemins n'était pas un ouvrage à part entière, ni même un livre, mais des cartes détaillées qui correspondaient au reste du texte peint à l'intérieur du sarcophage.

Coffin of Khnumnakht
Cercueil de Khnoum-Nakht
Peter Roan (CC BY-NC-SA)

Les textes sont dérivés, en partie, des textes des pyramides (c. 2400-2300 av. J.-C.) et ont inspiré l'ouvrage ultérieur connu sous le nom de Livre des morts égyptien (c. 1550-1070 av. J.-C.). Ils furent rédigés principalement pendant la première période intermédiaire de l'Égypte (2181-2040 av. J.-C.), bien qu'il existe des preuves qu'ils aient commencé à être composés vers la fin de l'Ancien Empire (c. 2613-2181 av. J.-C.) et qu'ils aient continué à l'être au début du Moyen Empire (2040-1782 av. J.-C.). À l'époque du Nouvel Empire (c. 1570-1069 av. J.-C.), ils furent remplacés par le Livre des morts, qui faisait parfois partie du mobilier funéraire.

Les Textes des sarcophages sont importants à plus d'un titre, mais surtout parce qu'ils illustrent le changement culturel et religieux entre l'Ancien Empire et la Première Période Intermédiaire de l'Égypte et qu'ils clarifient l'évolution des croyances religieuses du peuple.

Ancien Empire et Première Période Intermédiaire

L'Ancien Empire d'Égypte est bien connu comme "l'âge des bâtisseurs de pyramides". Le roi Snéfrou (c. 2613-2589 av. J.-C.) perfectionna l'art de la construction des pyramides et son fils, Khéops (2589-2566 av. J.-C.), créa la plus grandiose d'entre elles avec la Grande Pyramide de Gizeh. Khéops fut suivi par Khafrê (alias Képhren, 2558-2532 av. J.-C.) puis par Menkaourê (alias Mykérinos, 2532-2503 av. J.-C.), qui érigèrent tous deux des pyramides sur le site. Ces trois monuments étaient entourés de complexes comprenant des temples occupés par le clergé et des logements pour les ouvriers de l'État qui travaillaient sur le site. Bien que les pyramides soient universellement admirées de nos jours, peu de gens sont conscients du coût énorme de ces monuments.

The Pyramids, Giza, Egypt
Les Pyramides de Gizeh
Shellapic76 (CC BY)

Pendant toute la période de l'Ancien Empire, les souverains devaient non seulement construire leurs propres tombes, mais aussi entretenir celles de leurs prédécesseurs. Gizeh était la nécropole royale des monarques de l'Ancien Empire, mais il y avait aussi le complexe pyramidal de Saqqarah, un autre à Abusir, et d'autres entre les deux. Toutes ces pyramides devaient être occupées par des prêtres qui accomplissaient les rituels destinés à honorer les rois défunts et à les aider dans leur voyage dans l'au-delà.

Les prêtres recevaient des dotations du roi pour réciter les formules magiques et accomplir les rituels, mais ils étaient en outre exemptés d'impôts. Comme les prêtres possédaient une grande quantité de terres, cela représentait un manque à gagner important pour le roi. Au cours de la 5e dynastie, le roi Djedkarê Isési (2414-2375 av. J.-C.) décentralisa le gouvernement et donna plus de pouvoir aux gouverneurs régionaux (nomarques), qui étaient désormais en mesure de s'enrichir aux dépens du gouvernement central. Ces facteurs contribuèrent à l'effondrement de l'Ancien Empire vers la fin de la VIe dynastie et au début de la Première période intermédiaire.

Les textes des sercophages furent élaborés pour répondre au besoin d'une nouvelle compréhension de la vie après la mort et de la place qu'y occupaient les gens du peuple.

À cette époque, l'ancien paradigme d'un roi fort à la tête d'un gouvernement central stable fut remplacé par des nomarques individuels régnant sur leurs provinces respectives. Le roi était toujours respecté et les impôts envoyés à la capitale, Memphis, mais les nomarques, et le peuple en général, jouissaient d'une plus grande autonomie qu'auparavant. Ce changement de modèle de gouvernement permit une plus grande liberté d'expression dans l'art, l'architecture et l'artisanat, car il n'y avait plus d'idéal imposé par l'État sur la façon dont les dieux, les rois ou les animaux devaient être représentés; chaque région était libre de créer le type d'art qu'elle souhaitait.

Ce changement entraîna également une démocratisation des biens et des services. Alors qu'auparavant, seul le roi pouvait s'offrir certains luxes, ceux-ci étaient désormais accessibles à la petite noblesse, aux fonctionnaires de la cour, aux bureaucrates et aux gens ordinaires. La production de masse de biens tels que les statues et les céramiques commença et ceux qui n'auraient pas pu s'offrir le luxe d'un beau tombeau avec des inscriptions pendant l'Ancien Empire découvrirent qu'ils pouvaient désormais le faire. De même que le roi voyait sa tombe ornée des Textes des pyramides, tout le monde pouvait désormais en faire autant grâce aux Textes des sarcophages.

Démocratisation de l'au-delà

Les Textes des sarcophages furent élaborés pour répondre au besoin d'une nouvelle compréhension de la vie après la mort et de la place qu'y occupent les gens ordinaires. L'égyptologue Helen Strudwick explique leur raison d'être:

Les textes, un ensemble de textes rituels, d'hymnes, de prières et de formules magiques destinés à aider le défunt dans son voyage vers l'au-delà, trouvent leur origine dans les Textes des pyramides, une suite de formules magiques essentiellement obscures gravées sur les murs intérieurs des pyramides de l'Ancien Empire. Les Textes des pyramides étaient exclusivement réservés au roi et à sa famille, tandis que les Textes des sarcophages étaient principalement utilisés par la noblesse et les hauts fonctionnaires, ainsi que par les gens ordinaires qui avaient les moyens de les faire copier. Les Textes sur les sarcophages signifiaient que n'importe qui, quel que soit son rang et avec l'aide de divers sortilèges, pouvait désormais avoir accès à l'au-delà. (502)

Au cours de l'Ancien Empire, seul le roi était assuré de poursuivre son existence dans l'au-delà. À partir de la Première Période Intermédiaire, cependant, les individus ordinaires étaient désormais considérés comme tout aussi dignes de la vie éternelle que les membres de la famille royale. Cette époque a toujours été présentée à tort comme une période de chaos et de conflits, alors qu'il s'agissait en fait d'une période de croissance culturelle et artistique considérable. Les érudits qui affirment qu'il s'agissait d'un "âge sombre" à la suite d'un effondrement monumental du gouvernement citent souvent comme preuve l'absence de projets de construction impressionnants et la piètre qualité des arts et de l'artisanat.

En réalité, il n'y a pas eu de grandes pyramides et de temples érigés tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'argent pour les construire et pas de gouvernement central fort pour les commander et les organiser, et la différence de qualité de l'artisanat est due à la pratique de la production de masse des biens. Il existe de nombreuses preuves de l'existence, à cette époque, de tombes élaborées et de magnifiques œuvres d'art qui montrent que ceux que l'on considérait autrefois comme des "gens du peuple" pouvaient désormais s'offrir le luxe de la royauté et pouvaient également voyager vers le paradis, tout comme le roi.

Mythe d'Osiris

La démocratisation de l'au-delà était due en grande partie à la popularité du mythe d'Osiris. Osiris était le premier né des dieux après l'acte de création et, avec sa sœur Isis, il fut le premier roi d'Égypte jusqu'à son assassinat par son frère jaloux Seth. Isis réussit à ramener Osiris à la vie, mais il était incomplet et il est donc descendu pour régner dans le monde souterrain en tant que Seigneur et Juge des morts.

Osiris Awakening
Le réveil d'Osiris
Jean-Pierre Dalbéra (CC BY)

Le culte d'Osiris devint de plus en plus populaire au cours de la première période intermédiaire, car il était considéré comme le "premier des Occidentaux", le plus important des morts, qui promettait la vie éternelle à ceux qui croyaient en lui. Lorsqu'Isis le ramena d'entre les morts, elle demanda l'aide de sa sœur Nephthys pour chanter les incantations magiques. Cette partie du mythe était reconstituée lors des fêtes d'Osiris (et aussi lors des funérailles) par les Lamentations d'Isis et de Nephthys, un spectacle d'appel et de réponse de deux femmes jouant les rôles des divinités pour appeler Osiris à l'événement. Le festival était une reconstitution rituelle de la résurrection et tous ceux qui y assistaient participaient spirituellement à cette renaissance.

Sortilèges

Les sortilèges et incantations des Textes des sarcophages font référence à de nombreux dieux (notamment Amon-, Shou, Tefnout et Thot) mais s'appuient systématiquement sur le mythe d'Osiris. Le sort 74 (Sort pour la renaissance d'Osiris) recrée la partie de l'histoire dans laquelle Isis et Nephthys ramènent Osiris à la vie:

Ah l'impuissant!
Ah l'impuissant endormi!
Ah l'impuissant en ce lieu
que tu ne connais pas, mais que je connais!
Voici que je t'ai trouvé couché sur le côté,
languissant.
Ah, ma sœur, dit Isis à Nephtys,
C'est notre frère,
Viens, relevons sa tête,
Viens, rattachons ses os,
Viens, rassemblons ses membres,
Viens, mettons fin à tous ses malheurs,
afin que, dans la mesure où nous pouvons l'aider, il ne se fatigue plus. (Lewis, 46)

Bien que ces paroles s'adressent à Osiris, on pense désormais qu'elles s'appliquent également à l'âme du défunt. Tout comme Osiris est revenu à la vie grâce aux incantations des sœurs, l'âme se réveillerait après la mort et continuerait à vivre pour, espérons-le, être justifiée et autorisée à entrer au paradis.

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L'âme du défunt participait à la résurrection d'Osiris parce qu'Osiris avait fait partie du voyage de l'âme sur terre, lui avait insufflé la vie et faisait également partie du sol, des récoltes, de la rivière, de la maison que la personne avait connue dans sa vie. Le sort 330 se lit comme suit,

Que je vive ou que je meure, je suis Osiris.
J'entre et réapparais à travers toi
Je me décompose en toi
Je grandis en toi... Je couvre la terre... Je ne suis pas détruit" (Lewis, 47).

Forte du pouvoir d'Osiris, l'âme pouvait commencer son voyage dans l'au-delà. Cependant, comme pour tout voyage dans un pays que l'on n'a jamais visité, une carte et des indications étaient jugées utiles. Le Livre des deux chemins (ainsi appelé parce qu'il indiquait deux voies, terrestre et maritime, vers l'au-delà) présentait des cartes, des rivières, des canaux et les meilleurs chemins à emprunter pour éviter le lac de feu et d'autres pièges du voyage. Le chemin à travers le monde souterrain était périlleux et il était difficile pour une âme nouvellement arrivée de savoir où aller. Les Textes des sarcophages assuraient à l'âme qu'elle pouvait atteindre sa destination en toute sécurité. Strudwick écrit: "La connaissance des formules magiques et la possession de la carte signifiaient que le défunt, comme les pharaons dans les temps passés, pouvait négocier les dangers du monde souterrain et atteindre la vie éternelle" (504).

Coffin Decorated with the Book of Two Ways
Cercueil orné du Livre des Deux Chemins
The Trustees of the British Museum (Copyright)

L'âme était censée avoir vécu une vie digne d'être poursuivie, sans péché, et être justifiée par Osiris. Les instructions données tout au long du texte supposent que l'âme sera jugée digne et qu'elle reconnaîtra les amis comme les menaces. Le sort 404 se lit comme suit:

Elle (l'âme) arrivera à une autre porte. Elle trouvera les sœurs compagnes debout et elles lui diront: "Viens, nous voulons t'embrasser." Et elles couperont le nez et les lèvres de quiconque ne connaît pas leurs noms. (Lewis, 48)

Si l'âme n'a pas reconnu Isis et Nephtys, il est clair qu'elle n'a pas été justifiée et qu'elle subira l'un des nombreux châtiments possibles. Le sort 404 fait référence à l'âme arrivant à une porte, et il y en aurait de nombreuses sur le chemin d'une personne, ainsi que diverses divinités que l'on souhaiterait éviter ou apaiser.

Écriture et remplacement

Tout comme les textes eux-mêmes représentent la démocratisation de l'au-delà, les toiles sur lesquelles ils étaient peints le sont également. Les grands sarcophages de l'Ancien Empire furent généralement remplacés par d'autres plus simples au cours de la Première Période Intermédiaire. Ceux-ci étaient plus ou moins élaborés en fonction de la richesse et du statut du défunt. L'égyptologue Rosalie David note:

Les premiers sarcophages étaient en cartonnage (une sorte de papier mâché fabriqué à partir de papyrus et de gomme) ou en bois, mais au Moyen Empire, les sarcophages en bois devinrent de plus en plus courants. Plus tard, certains sarcophages furent fabriqués en pierre ou en poterie et même (généralement pour la royauté) en or ou en argent. (151-152)

Les scribes peignaient soigneusement ces sarcophages avec le texte, y compris les illustrations de la vie de la personne sur terre. L'une des principales fonctions des Textes des pyramides était de rappeler au roi qui il avait été de son vivant et ce qu'il avait accompli. Lorsque son âme se réveillerait dans le tombeau, elle verrait ces images et le texte qui les accompagnait et pourrait se reconnaître.

Coffin Texts
Textes des sarcophages
The Trustees of the British Museum (Copyright)

Chaque espace disponible du sarcophage était utilisé pour les textes, mais ce qui était écrit différait d'une personne à l'autre. On y trouve généralement, mais pas toujours, des illustrations décrivant la vie d'une personne, des frises horizontales représentant diverses offrandes, des textes verticaux décrivant les objets nécessaires dans l'au-delà et des instructions sur la manière dont l'âme doit voyager. Les textes étaient écrits à l'encre noire, mais le rouge était utilisé pour mettre l'accent ou pour décrire des forces démoniaques et dangereuses. Geraldine Pinch décrit une partie de ce voyage:

Le défunt devait traverser la mystérieuse région de Rosetau où le corps d'Osiris reposait entouré de murs de flammes. Si l'homme ou la femme décédé(e) s'en montrait digne, il ou elle pouvait se voir accorder une nouvelle vie au paradis. (15)

À des époques ultérieures, cette nouvelle vie serait accordée si le défunt était justifié dans la Salle de la Vérité, mais lorsque les Textes des sarcophages furent rédigés, il semble que l'on passait par un feu rédempteur autour du corps d'Osiris. Le culte d'Osiris devint le culte d'Isis à l'époque du Nouvel Empire d'Égypte et son rôle en tant que puissance à l'origine de sa résurrection était souligné. Le Livre des morts égyptien remplaça alors les Textes des sarcophages en tant que guide de l'au-delà. Bien que les tombes et les sarcophages aient continué à porter des inscriptions magiques, le Livre des morts égyptien servit à guider l'âme vers le paradis pendant le reste de l'histoire de l'Égypte.

À propos du traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

A propos de l'auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

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Style APA

Mark, J. J. (2017, mars 08). Textes des Sarcophages [The Coffin Texts]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Récupéré de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1021/textes-des-sarcophages/

Le style Chicago

Mark, Joshua J.. "Textes des Sarcophages." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. Dernière modification mars 08, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1021/textes-des-sarcophages/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Textes des Sarcophages." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 08 mars 2017. Web. 20 nov. 2024.

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