Les Étrusques produisaient des objets en bronze dès la période villanovienne (1100-750 av. J.-C.) et utilisaient ce matériau pour toutes sortes d'objets, mais ce sont leurs sculptures figuratives qui sont devenues l'une des attractions phares des musées du monde entier. Le bronze était un matériau très recherché dans l'Antiquité et il était facile de le fondre pour le réutiliser. Il est donc d'autant plus remarquable que des œuvres aussi raffinées que la Chimère d'Arezzo et le Mars de Todi aient survécu et témoignent aujourd'hui de l'art exquis de la première grande civilisation de l'Italie.
Fabrication
L'Étrurie avait la chance de disposer de riches ressources en métaux, notamment en cuivre, en fer, en plomb et en argent. Les premiers Étrusques en firent bon usage et le bronze fut utilisé pour fabriquer un large éventail de produits tels que des outils, des armes, des armures, des pièces de monnaie, des bijoux, des éventails, des lampes à huile, des brûleurs d'encens, des miroirs, des trépieds, de la vaisselle et des ustensiles de tous les jours, des chaudrons, des mors de chevaux, des coffres et même des chars. Le bronze était martelé, taillé, coulé à l'aide de moules ou de la technique de la cire perdue, estampé, gravé et riveté selon toute une série de techniques.
À partir du milieu du VIIIe siècle avant notre ère, les artistes étrusques bénéficièrent des contacts avec les colons grecs (en particulier les Eubéens) et les commerçants de Phénicie, de Sardaigne, d'Égypte, d'Europe centrale et des Balkans. Ces contacts apportèrent des raffinements technologiques dans le travail du métal et une toute nouvelle gamme d'idées artistiques.
De nombreuses villes étrusques créèrent des ateliers spécialisés dans la production d'œuvres en bronze, notamment Acquarossa, Cerveteri, Chiusi, Populonia, Tarquinia, Vulci, Volsinii et Volterra. Pour donner une idée de l'ampleur de la production, les Romains auraient pillé plus de 2 000 statues de bronze lorsqu'ils attaquèrent Volsinii (l'actuelle Orvieto) en 264 avant notre ère; ils les firent fondre pour fabriquer de la monnaie.
Figurines
Les figurines en bronze, souvent dotées d'un petit socle en pierre, étaient une forme courante d'offrande votive dans les sanctuaires et autres sites sacrés. Certaines, comme celles trouvées à la Fonte Veneziana d'Arretium (Arezzo), étaient à l'origine recouvertes de feuilles d'or. Une représentation en bronze martelé et coulé du VIe siècle avant notre ère d'une déesse tenant un oiseau, provenant de la tombe d'Isis à Vulci, est une des premières figures de ce type. Elle mesure 34 cm de haut et avait à l'origine des yeux incrustés et des parties recouvertes de feuilles d'or. La figurine se trouve aujourd'hui au British Museum de Londres.
La plupart des figurines représentent des femmes en longues robes (chiton), des hommes nus comme les kouroi grecs, des guerriers armés et des jeunes nus. Parfois, des dieux sont présentés, en particulier Hercule. Les figurines votives ont souvent un bras levé (peut-être en appel) qui tient un objet - généralement une grenade (fruit), des fleurs ou un aliment de forme circulaire (probablement un gâteau ou du fromage). Parmi les beaux exemples d'œuvres en bronze plus petites, on peut citer une figurine du VIe siècle avant notre ère représentant un homme faisant une offrande votive, provenant de la "Tombe de la statuette en bronze du porteur d'offrande"(Tomba del Bronzetto di Offerente) à Populonia. La statuette de deux bœufs et d'un laboureur d'Arretium, datant du IVe siècle avant notre ère, est une autre œuvre de qualité.
Volterra était connue pour sa production de figurines en bronze très particulières, qui sont des figures humaines extrêmement grandes et minces avec des têtes minuscules. Il s'agit peut-être d'une relique de figurines beaucoup plus anciennes, taillées dans des feuilles de bronze ou sculptées dans du bois, et qui rappellent curieusement la sculpture d'art moderne. L'exemple le plus célèbre date du IIIe siècle avant notre ère et est connu sous le nom d'Ombra della Sera ("Ombre du soir"). Il s'agit d'une représentation de 57 cm de haut d'un garçon nu qui se tient rigidement au garde-à-vous et arbore un léger sourire. La figure est exposée au Museo Etrusco Guarnacci de Volterra.
Le réalisme au détriment de l'esthétique
Les œuvres d'art étrusques étaient exportées loin à travers la Méditerranée, et beaucoup ont été découvertes sur des sites sacrés tels qu'Olympie, Delphes et Dodone. Des écrivains anciens comme Pline l'Ancien ont fait l'éloge des Étrusques pour leurs sculptures en bronze, en particulier:
Nous voyons l'Apollon toscan, dans la bibliothèque du temple d'Auguste, à cinquante pieds de hauteur à partir de l'orteil; et c'est une question de savoir s'il est plus remarquable pour la qualité du métal, ou pour la beauté de l'exécution. (Keller, 232)
L'historien W. Keller explique ce que la sculpture étrusque en bronze a d'unique par rapport aux œuvres d'autres cultures contemporaines:
Il n'était pas dans les habitudes étrusques de se concentrer sur les aspects extérieurs, de viser une perfection irréelle et idéalisée de la forme. Leurs œuvres dynamiques et vitales sont pleines de vie. Qu'il s'agisse de figures animales ou humaines, elles ne sont ni régulières, ni équilibrées, ni idéales. Les artistes étrusques cherchaient avant tout à faire ressortir la quintessence de leur sujet, ses caractéristiques individuelles. Les artistes étrusques cherchaient à saisir la personnalité de l'homme, son noyau dur, et à la transmettre de manière réaliste, sans se soucier de l'esthétique. Ce sont leurs œuvres qui ont inspiré l'art sobre et réaliste du portrait romain. (232-3)
Chefs-d'œuvre étrusques
Chimère d'Arezzo
La Chimère est un monstre de la mythologie grecque qui crache du feu. Elle a une tête de lion, une queue de serpent et une tête de chèvre qui sort de de son dos. La sculpture, réalisée en bronze selon la technique de la cire perdue, mesure 78,5 cm de haut et 129 cm de long. Elle date du 5e ou 4e siècle avant notre ère. La queue est le résultat d'une restauration effectuée au XVIIIe siècle à partir d'un fragment conservé. Elle faisait probablement partie d'une composition de pièces avec le héros Bellérophon, qui tua le monstre, et son cheval ailé Pégase. Une inscription sur l'une des jambes indique tinscvil ou "cadeau à Tin", ce qui indique qu'il s'agissait d'une offrande votive au dieu Tin (alias Tinia), chef du panthéon étrusque. La sculpture fut retrouvée par miracle dans un fossé en 1553, lors de l'édification de nouvelles fortifications à Arezzo par Cosme de Médicis, le grand-duc de Toscane. Elle est actuellement exposée au musée archéologique de Florence.
Mars de Todi
Datant de la fin du Ve siècle ou du début du IVe siècle avant notre ère, ce remarquable personnage presque grandeur nature porte une cuirasse et tenait autrefois une lance. De l'autre main, il versait probablement une libation. La statue mesure 142 cm de haut et porte une inscription en ombrien (ahal trutitis donum dede) qui révèle qu'elle avait été offerte par Ahal Trutitis, un Celte. On pense qu'elle avait été fabriquée à Arretium, même si elle fut découverte près de Todi où elle avait été enterrée rituellement dans une tranchée bordée de pierres après avoir été frappée par la foudre. Elle est aujourd'hui exposée dans les musées du Vatican à Rome.
Minerve d'Arezzo
Cette représentation de Menerva, la déesse étrusque qui était l'équivalent de la déesse grecque Athéna et de la divinité romaine Minerve, fut réalisée entre le IIIe et le Ier siècle avant notre ère. Découverte en 1541 dans un puits d'Arezzo, elle est actuellement exposée au musée archéologique de Florence.
Portrait d'un homme barbu "Brutus".
Cette tête (montée dans un buste moderne) a longtemps été identifiée à Brutus, premier consul de Rome, mais il n'existe aucune preuve de cette association. La plupart des historiens de l'art s'accordent à dire que, pour des raisons stylistiques, il s'agit d'une œuvre étrusque datant d'environ 300 ans avant notre ère. Elle est aujourd'hui exposée dans les musées du Capitole à Rome.
L'Arringatore (Orateur)
Cette figurine grandeur nature fut réalisée dans la première moitié du Ier siècle avant notre ère et représente un homme debout, vêtu d'une tunique à manches courtes et d'une toge, le bras tendu comme s'il prononçait un discours. Une inscription indique qu'elle aurait été offerte par un certain Aule Meteli (qu'elle représente ou non). La statue fut découverte près du lac Trasimene en 1566 et est actuellement exposée au musée archéologique de Florence.
Note : la statue connue sous le nom de Louve du Capitole, exposée dans les musées du Capitole à Rome, a longtemps été considérée comme une sculpture étrusque, mais on pense aujourd'hui qu'elle daterait du 11e ou 12e siècle de notre ère.