Le régime alimentaire du Japon durant l’antiquité fut fortement influencé par sa géographie en tant qu'archipel, par les aliments et les habitudes alimentaires importés d'Asie continentale, par les croyances religieuses et par une appréciation de l'aspect esthétique des plats, pas seulement de leur goût. Le millet fut remplacé par le riz comme principal aliment de base à partir de 300 av. JC et les produits de la mer étaient préférés à la viande, à la fois pour leur abondance et parce que le bouddhisme, introduit au 6e siècle ap. JC, interdisait largement de tuer des animaux et des oiseaux. Une grande variété de fruits et de légumes était disponible, tandis que le thé et le saké étaient les boissons populaires, du moins pour l'aristocratie.
Géographie et météo
La géographie du Japon est variée et, par conséquent, la capacité agricole de chaque région l'est aussi. Le bassin de la mer intérieure entre Honshu et Shikoku bénéficie de fortes pluies pendant la saison de croissance et des jours ensoleillés et secs aux températures subtropicales avant la récolte, tandis que les pluies de fin d'automne qui arrivent avec les vents de l'océan Pacifique et les hivers doux aident les cultures d'hiver. Des pluies tardives ou des typhons précoces peuvent détruire les cultures. En revanche, le nord-ouest de Honshu est balayé par des vents glacés et de la neige en provenance d'Asie.
Mythologie
Compte tenu des caprices de la nature et de la possibilité réelle de phénomènes météorologiques dévastateurs pouvant anéantir les récoltes, il n'est pas surprenant que les japonais de l’antiquité aient invoqué des divinités pour protéger leurs intérêts.
La nourriture (shokumotsu) pouvait avoir ses propres dieux. Il y avait une déesse générale et ancienne de la nourriture à Ise, et Inari fut établi comme le dieu national du riz longtemps après que les dieux locaux du riz aient déjà protégé les agriculteurs et leur aient promis une bonne récolte lorsqu'ils recevaient des offrandes appropriées. Même les rizières avaient leur propre esprit protecteur shinto, ta no kami. Les cérémonies et les rituels religieux, en particulier à l'époque des semailles et de la récolte, constituaient une part importante de l'agriculture et elles visaient à garantir une bonne récolte et à la protéger des catastrophes. Les cérémonies liées au riz étaient particulièrement importantes et l'empereur y était impliqué. La famine était également représentée dans la mythologie sous la forme d'une vieille femme qui avait posé des pièges à poissons pour priver les gens de saumon, mais elle était finalement tuée par le héros Okikurmi. Le bouddhisme présente également des figures liées à la nourriture, notamment Iorin, une manifestation de Kannon, qui est la patronne des pêcheurs, et Ida-ten, le dieu du repas dans les sectes zen. Ce dernier est prié avant les repas et il veille à tout excès d'appétit.
Agriculture
L'agriculture (nogaku) dans le Japon antique, comme aujourd'hui, était largement axée sur la production de céréales et de légumes, la viande n'étant produite qu'en quantités relativement limitées. Les premières sources de nourriture pendant la période Jomon (14 500 - 300 av. JC environ ou plus tôt) étaient le millet et les herbes comestibles. Les premières traces de culture remontent à environ 5700 av. JC, avec l'agriculture sur brûlis. L'exploitation de surfaces spécifiques et répétées commença vers 4 000 av. JC.
Le riz était de loin l'aliment de base le plus important. On trouve des traces de riz vers 1250 av. JC, introduit au Japon par des migrants venus d'Asie continentale à la fin de la période Jomon, mais sa culture n'a probablement pas eu lieu avant 800 av. JC. Les premières preuves de la culture du riz dans des champs humides datent d'environ 600 av. JC, lorsque la technique fut introduite, là encore par des migrants venus d'Asie, pendant la transition entre la période Jomon et la période Yayoi. Les premières rizières apparurent dans le sud-ouest et s'étendirent ensuite vers le nord. Les immigrants Yayoi apportèrent également des haricots azuki, des graines de soja, du blé et, de Chine, ce qui est devenu le plat japonais par excellence, le sushi.
Le développement de l'agriculture fut lent, et ce n'est qu'avec l'introduction d'outils en fer et des techniques en provenance de Corée à la période Kofun (c. 250 - 538 ap. JC) que des progrès furent réalisés en matière d'efficacité. Même au cours de la période Nara (710-794 ap. JC), l'agriculture dépendait encore d'outils primitifs, les terres n'étaient pas suffisamment préparées pour les cultures et les techniques d'irrigation étaient insuffisantes pour éviter les mauvaises récoltes fréquentes et les explosions de famine (notamment en 730 et vers 1180 ap. JC). Il y eut un certain soutien de l'État sous forme de prêts de riz de semence au 9e siècle ap. JC, mais les taux d'intérêt se situaient entre 30 et 50 %. Ce n'est qu'au cours de la période Kamakura (1183-1333 ap. JC) et à l'époque médiévale que des techniques telles que la double culture, de meilleures souches de semences et une utilisation plus large des engrais virent le jour.
Compte tenu de ce manque de fiabilité, la plupart des petits agriculteurs préféraient travailler pour les aristocrates terriens sur leurs grands domaines (shoen). Seuls ces domaines étaient correctement irrigués, et les petits agriculteurs indépendants devaient se contenter des pluies ou des sources souterraines naturelles, et donc se contenter de cultures sèches de plein champ comme le millet (et le chanvre) ainsi que l'orge, le blé et le sarrasin. Le riz, lorsqu'il était cultivé dans de telles conditions, était réservé au paiement des impôts. Les autres cultures comprenaient l'orge et le mûrier blanc, ce dernier étant nécessaire à la production de la soie.
Régime alimentaire
Le Japon étant un ensemble d'îles de tailles diverses, les produits de la mer étaient faciles à acquérir et ils étaient beaucoup plus populaires que la viande, l'élevage étant une source de nourriture plus coûteuse et plus longue. Les produits de la mer consommés étaient par exemple les coquillages, les algues, les concombres de mer, la bonite, la dorade, le bar, l'anguille, la carpe, le maquereau, la sardine, le saumon, la truite, le requin, les crevettes, le calmar, les méduses et le crabe. Le poisson, s'il n'était pas consommé frais et sur place, était transporté séché à l'intérieur des terres.
Lorsque le bouddhisme fut introduit au Japon au 6e siècle ap. JC, puis officiellement adopté et parrainé par l'État, la religion, avec son refus de tuer les animaux et les oiseaux, fournit une raison supplémentaire pour que les produits de la mer et les légumes dominent le régime alimentaire japonais. Le bouddhisme n'interdisait pas la consommation de tous les types de viande, le sanglier et la venaison faisant exception à la règle. Le faisan est une autre viande qui conserva sa popularité. Il est également vrai que certaines sectes bouddhistes étaient plus strictes et exigeaient de leurs adeptes un régime végétarien.
Ils envoient des cormorans
Sur les bancs de poissons en surface,
Ils jettent des filets de fond
Sur les bancs de poissons en profondeur.
La montagne et la rivière
S'unissent pour la servir
Le règne d'un dieu en effet !
Poème Manyoshu de Kakinomoto Hitomaro sur la générosité de la nature pour l'impératrice Jito (Ebrey, 150).
La période la mieux connue en ce qui concerne l'alimentation japonaise est la période Heian (794-1185 ap. JC) où la littérature était florissante et où l'on trouve des références aux pratiques alimentaires parmi les intrigues de la cour et les interludes romantiques. Nos connaissances se limitent en grande partie à celles de l'aristocratie, car ce sont ses membres qui écrivaient la littérature et ils se concentraient sur leurs somptueux dîners organisés dans leurs palais de plaisance dans la capitale Heiankyo (Kyoto). Nous pouvons imaginer que le régime alimentaire de la population ordinaire était beaucoup moins savoureux, même s'il était peut-être plus sain, car de nombreux auteurs nobles de la cour font allusion aux furoncles et aux autres maladies liées à la malnutrition qui sévissaient à la cour impériale.
Les aristocrates prenaient deux repas par jour - l'un vers 10 heures et le second vers 16 heures mais, là encore, on peut imaginer que les ouvriers et les agriculteurs mangeaient probablement tôt et tard dans la journée pour ne pas perturber leur travail. Les gens mangeaient aussi des en-cas, des fruits, des noix ou des gâteaux de riz, par exemple.
Le riz, l'aliment de base, était bouilli, cuit à la vapeur ou cuit et ensuite séché. Il était mélangé à des légumes pour faire des gâteaux de riz ou transformé en bouillie épaisse et épicé avec des légumes ou d'autres céréales. Parmi les légumes populaires, on trouvait le soja, très polyvalent, qui pouvait être transformé en pâte aromatique (miso), en tofou (fromage de soja) ou en sauce de soja. Il y avait aussi les haricots rouges, les patates douces japonaises, les pousses de bambou, les aubergines, les concombres, la bardane, les oignons, les oignons de printemps, les ignames et les radis. Ils étaient consommés crus ou bouillis, cuits à la vapeur ou marinés. Les aliments étaient assaisonnés avec du sel, du gingembre, de la menthe, de l'ail, du vinaigre et du bouillon de poisson. Pour obtenir un goût plus sucré, on ajoutait du miel, une gelée de riz ou un liquide appelé amazura, pressé à partir de raisins sauvages. Une autre façon d'ajouter du goût était de cuisiner en utilisant de l'huile de noix ou de sésame.
Les fruits disponibles étaient les pêches, l'orange japonaise, les mandarines, les kakis, les nèfles, les prunes, les grenades, les pommes, les framboises et les fraises. Il y avait également des fruits à coque tels que des châtaignes, des noix et des pignons. Les graisses étaient fournies (probablement en quantité insuffisante) par les œufs, le lait et les produits à base de beurre.
Des plats japonais aussi typiques que le tempura et le sukiyaki furent introduits dans les îles beaucoup plus tard - le tempura par les Portugais au 16e siècle et le sukiyaki au début du 20e siècle, après que le bœuf ne soit devenu une viande à la mode grâce aux Européens occidentaux.
Le thé (cha) fut une autre introduction populaire en provenance de Chine (6e-7e siècle ap. JC), et selon la tradition, il poussa pour la première fois à partir d'un buisson issu des paupières jetées du sage Daruma (alias Boddhidarma), le fondateur du bouddhisme zen. C'est également de Chine que vinrent les meilleurs théiers et la cérémonie élaborée de leur préparation (chanoyu). La consommation de thé fut d'abord adoptée par les moines bouddhistes zen, car on pensait qu'elle favorisait la méditation et empêchait le sommeil. La boisson était également considérée comme ayant des vertus médicinales. Le thé était préparé en pilant les feuilles et en faisant une boule avec de l'amazura ou du gingembre, que l'on laissait ensuite infuser dans de l'eau chaude. Finalement, à partir de 1200 ap. JC, des écoles de thé spécialisées ont été ouvertes, les gens buvaient dans des salons de thé dédiés (chashitsu), et la porcelaine la plus fine était réservée à la consommation de thé.
Enfin, le saké, ou le vin de riz, est une boisson importante qui reste un symbole essentiel du Japon. Dans la mythologie, la boisson vient de Tokyo, un cadeau de Sukunabikona, le dieu de la magie et de la guérison. Le saké était et reste une offrande courante aux dieux des sanctuaires shintoïstes. Enfin, pour illustrer l'ancienneté du saké et son importance dans la culture japonaise, Otomo no Tabito (665-731) composa 13 poèmes célèbres à la gloire de la boisson, dont voici un extrait :
Au lieu de s'inquiéter
Sur des choses sans intérêt,
Il serait préférable
De boire une tasse pleine
de saké trouble.
(Keene, 137)
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