La laque était une forme populaire de décoration et de protection dans la Chine ancienne. Elle était utilisée pour colorer et embellir les paravents, les meubles, les bols, les coupes, les sculptures, les instruments de musique et les cercueils, où elle pouvait être sculptée, incisée et incrustée pour présenter des scènes de la nature, de la mythologie et de la littérature. Les laques de Chine, dont la fabrication prenait beaucoup de temps, étaient très recherchées par ceux qui pouvaient se les offrir et par les cultures voisines.
Matériaux et techniques
La laque désigne les objets en bois, en métal ou en toute autre matière similaire qui ont été recouverts d'un liquide composé de gomme-laque ou de paillettes de résine fondue dissoutes dans de l'alcool (ou une substance synthétique), qui, une fois sec, forme un revêtement protecteur dur et lisse, tout en restant relativement léger. Les anciens artistes chinois utilisaient la sève de l'arbre Rhus vernicefera (Toxicodendron vernicifluum), originaire de l'est et du sud de la Chine et parfois appelé "arbre à laque". La résine s'écoule d'une entaille dans l'arbre vivant et devient un liquide blanc opaque au contact de l'air. La laque se décline en de nombreuses couleurs par l'ajout de certains produits chimiques à la résine. Par exemple, on obtient du noir en ajoutant du carbone, du jaune en ajoutant de l'ocre, et un rouge brillant en mélangeant du sulfure de mercure (appelé cinabre). Ce sont les trois couleurs les plus populaires dans la peinture sur laque de la Chine ancienne.
La laque obtenue, lorsqu'elle est séchée lentement dans des conditions humides, est remarquablement résistante à la chaleur, à l'humidité et aux produits chimiques. C'est pourquoi la laque était souvent utilisée pour recouvrir et protéger des objets en matériaux plus périssables, susceptibles d'être facilement endommagés, tels que le bambou, la soie et le bois. La laque peut toutefois se dégrader rapidement si elle se fissure, ce qui explique la rareté des objets trouvés dans les tombes anciennes et autres contextes enfouis.
Comme la laque est très fine lorsqu'elle est appliquée, il faut plusieurs couches pour obtenir une finition uniforme, mais l'avantage est que la laque peut être utilisée pour couvrir presque n'importe quel type de surface, qu'elle soit rugueuse ou non. La couche précédente doit être absolument sèche et hautement polie avant d'appliquer la suivante. Certains objets comportent jusqu'à 100 couches de ce type, ce qui montre que la production d'objets en laque était une activité longue et coûteuse.
Sous la dynastie Tang (618-907), une nouvelle technique devint populaire: une base en bois ou en textile était recouverte à plusieurs reprises de laque jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment épaisse pour être sculptée et gravée. Si différentes couleurs de laque étaient utilisées dans les différentes couches appliquées, le fait de les découper permettait de révéler les couleurs contrastées et de faire ressortir les motifs. Un autre effet était d'avoir la surface et le niveau inférieur de la laque de la même couleur, mais les côtés de la coupe présentaient un effet de marbre grâce à l'utilisation de couches intermédiaires de couleurs différentes.
La technique Guri crée des motifs de volutes schématiques en découpant des couches de différentes couleurs, et les coupes profondes sont souvent biseautées. Parfois, des fils ou des feuilles d'or fin sont utilisés comme incrustation dans la laque sculptée ou des clous de matériaux semi-précieux tels que la turquoise, la nacre et l'ivoire sont pressés dans la surface. Des motifs linéaires et floraux complexes, des images d'êtres humains, d'animaux, d'oiseaux et de créatures mythiques, et même des scènes de paysage sculptées étaient ainsi rendus en laque. Bien que les laques soient le fruit d'un grand art, il n'était pas courant que les pièces soient signées par l'artiste avant le XIVe siècle.
Évolution de la laque
Les plus anciens objets en laque découverts en Chine remontent à la fin du Néolithique (3e millénaire avant notre ère) et proviennent du site de Hemudu, dans une zone inondée de la région du bas Yangtse, qui a préservé de nombreux objets de ce type. La production d'objets en laque se poursuivit jusqu'à l'âge du bronze du deuxième millénaire avant notre ère, lorsqu'elle commença à faire l'objet d'échanges avec d'autres régions de Chine où l'arbre Rhus vernicefera n'existait pas.
À partir du Ve siècle avant notre ère et de la période des États combattants, la production de laques s'intensifia considérablement et même les sépultures de petite taille contiennent des objets en laque - généralement des coupes et des bols - tandis que les tombes plus importantes peuvent en contenir des centaines d'exemplaires. Cela suggère que l'échelle de production avait augmenté et que le produit était devenu abordable, même pour les personnes ayant un revenu modeste. Les artistes de l'État Chu étaient particulièrement imaginatifs et produisaient des sculptures laquées distinctives représentant des créatures mythiques qui pourraient avoir joué le rôle de gardiens de tombes.
Sous la dynastie Zhou (1046-256 av. J.-C.), la laque était utilisée pour les coupes, les bols, les petites boîtes, les sculptures de personnages, les instruments de musique et leurs supports, les arcs (pour imperméabiliser le bois et les fixations), les panneaux muraux en bois représentant des scènes narratives et les éventails. Sous la dynastie Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.), l'État parraina et supervisa la production d'objets en laque, ce qui donna naissance à différentes écoles d'art de la laque produisant des formes communes, mais avec des motifs distincts reconnaissables.
Formes de laques
Les objets laqués les plus courants sont les coupes à pied peu profond (circulaires ou ovales) dotées d'une variété d'anses, les coupes en forme d'oiseaux, les gobelets et les bols (parfois dotés de rebords ailés) qui imitent souvent les motifs décoratifs des bronzes et des broderies contemporains. Les motifs typiques sont les losanges, les monstres, les dragons stylisés, les cercles, les spirales étroites, les zigzags, les triangles, les lignes courbes et les formes asymétriques pour remplir les espaces vides. Les petites boîtes en laque, rondes, rectangulaires ou en forme de L, étaient également très prisées. Les sculptures d'animaux en bois représentant des tigres, des cerfs, des paons, des grues et des monstres avec des bois et des langues saillantes, entre autres, constituaient un troisième groupe principal dans l'arsenal de l'artiste laqueur. Les statues de personnages bouddhistes qui figuraient dans les temples étaient également laquées, en particulier sous la dynastie Tang.
Les paravents de papier ou de bois constituaient un support idéal pour le laqueur. Peints sur les deux faces de scènes et parfois d'extraits de textes célèbres, ils étaient utilisés non seulement pour diviser l'espace de vie dans les maisons privées, mais aussi dans les tombes pour entourer le cercueil du défunt. L'un de ces exemples provient de la tombe de Sima Jinlong, un souverain Tuoba de Wei, l'État du nord de la Chine, décédé en 484 de notre ère. Le paravent laqué était divisé en quatre sections disposées verticalement et comportait des scènes et des textes tirés du Lienu zhuan ("Biographies de femmes exemplaires") datant du 1er siècle avant notre ère. Le paravent mesure 80 cm de haut (il n'était pas nécessaire que les écrans soient plus hauts car les gens s'asseyaient alors sur des nattes à même le sol) et présente les figures et le texte en jaune sur un fond rouge vif.
Les cercueils de ceux qui en avaient les moyens étaient laqués et un exemple exceptionnel provient de la tombe de Baoshan, dans la province de Hubei, datant du 4e siècle avant J.-C. Le cercueil rectangulaire est situé à l'intérieur de la tombe. Ce cercueil rectangulaire, le plus à l'intérieur d'une série de trois, est entièrement recouvert de laque noire avec 72 représentations jaunes et rouges de serpents-dragons interconnectés et d'un nombre similaire d'oiseaux mythiques. Il est actuellement exposé au musée provincial du Hubei, en Chine.
Les instruments de musique étaient laqués à la fois pour les protéger et pour les décorer. Un célèbre pipa, un type de luth, datant du VIIIe siècle, est orné d'une peinture de paysage bouddhiste avec des montagnes et des rivières. On pense qu'il s'agit de l'une des premières représentations de ce type. L'instrument se trouve aujourd'hui à Shosoin, Nara, au Japon, et est l'un des nombreux objets de ce type offerts en cadeau ou échangés, ce qui illustre le large attrait de la laque chinoise dans toute l'Asie de l'Est.
Les petits meubles tels que les tables basses étaient souvent laqués et sculptés de motifs décoratifs. Un superbe exemple, quoique tardif (dynastie Ming, XVe siècle), est une table en laque rouge sculptée recouvrant une âme en bois, qui se trouve aujourd'hui au Victoria and Albert Museum, à Londres. Les techniques de travail de la laque n'avaient pas changé au cours des siècles, mais les artistes ultérieurs finirent par devenir plus ambitieux et, sous les dynasties Ming et Qing (1644-1912), d'immenses scènes en relief étaient sculptées avec grande précision et avec de nombreux niveaux de perspective différents.