Statuaire de Maâtkarê Hatchepsout

Article

Elsie McLaughlin
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 11 juillet 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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L'un des aspects les plus fascinants du règne de la pharaonne Maâtkarê Hatchepsout (1479-1458 av. J.-C.) est les œuvres d'art qu'elle a laissée derrière elle. L'art avait une fonction importante dans la société égyptienne: chaque statue, chaque peinture murale et chaque motif avait une signification importante. Les pharaons utilisaient fréquemment l'art comme un moyen de diffuser des informations sur eux-mêmes, un outil de propagande pour justifier leur règne et souligner leur nature divine auprès des gens du peuple (dont beaucoup étaient analphabètes). Hatchepsout n'a pas fait exception à cette règle.

En commandant des statues la représentant dans des poses pharaoniques traditionnellement masculines, Maâtkarê Hatchepsout tentait d'expliquer au public, de manière simple et accessible, sa situation unique de femme occupant un poste d'homme. Cependant, l'art du règne d'Hatchepsout suggère également que le passage d'une représentation entièrement féminine à une représentation entièrement masculine ne se fit pas du jour au lendemain. Des éléments de la féminité d'Hatchepsout restent évidents dans nombre de ses représentations artistiques, et des preuves de son véritable sexe sont même observables dans des œuvres où elle est représentée en tant qu'homme.

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Osiride Heads of Hatshepsut
Têtes osiriaques d'Hatchepsout
Elsie McLaughlin (CC BY-NC-SA)

Biographie

Dans la longue lignée de reines et de femmes souveraines de l'Égypte ancienne, Maâtkarê Hatchepsout se distingue comme la plus brillante d'entre elles. Elle régna pendant plus de 20 ans, menant son peuple vers une ère de paix, de stabilité et de prospérité. Contrairement à nombre de ses prédécesseurs et successeurs, il existe peu de preuves de conflits majeurs ou d'opérations militaires sous le règne d'Hatchepsout. Au lieu de faire la guerre, elle s'est lancée dans une vaste campagne d'infrastructures, construisant des temples et érigeant des monuments dans tout le pays.

Pour justifier sa royauté inhabituelle aux yeux de sa cour et de ses sujets, Hatchepsout se tourna vers l'art.

Fille du pharaon Thoutmôsis Ier, Hatchepsout occupa un certain nombre de fonctions impressionnantes avant de se proclamer pharaon: elle fut d'abord l'épouse du dieu Amon, puis, à la mort de son père en 1493 avant notre ère, elle devint reine d'Égypte en épousant son demi-frère, Thoutmôsis II. Elle eut un enfant avec Thoutmôsis, une fille nommée Néférourê.

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À la mort de Thoutmôsis II, en 1479 avant notre ère, Hatchepsout se trouva confrontée à un dilemme. Elle n'avait pas donné de fils à son mari et le seul héritier masculin de Thoutmôsis, Thoutmôsis III (son fils d'une seconde épouse), n'était encore qu'un bambin. Suivant le précédent établi par un certain nombre de grandes reines avant elle, Hatchepsout prit le contrôle de l'Égypte, couronnant Thoutmôsis III pharaon et servant de reine régente jusqu'à ce que le jeune roi n'atteigne l'âge adulte. Puis, en 1473 avant notre ère, Hatchepsout franchit une nouvelle étape choquante: elle se proclama pharaon d'Égypte et régna aux côtés de Thoutmôsis en tant que corégente (aînée). En tant que femme occupant un rôle traditionnellement masculin, la pharaonne Hatchepsout devait trouver un moyen de justifier sa royauté inhabituelle aux yeux de sa cour et de ses sujets. Pour ce faire, Maâtkarê Hatchepsout se tourna vers l'art.

Diorite Statue of Hatshepsut
Statue en diorite d'Hatchepsout
Elsie McLaughlin (CC BY-NC-SA)

Représentations artistiques

Les représentations artistiques d'Hatchepsout au cours de sa vie montrent une nette progression des formes féminines vers les formes masculines, les pièces les plus fascinantes et les plus inhabituelles datant des premières années de son règne. Par exemple, la statuaire du début de la corégence d'Hatchepsout avec Thoutmôsis III représente très clairement la reine comme une femme à part entière, portant la longue robe fourreau unie d'une femme royale égyptienne. Cependant, Hatchepsout porte la coiffe pharaonique némès, qui n'est généralement portée que par les rois mâles. Cette combinaison étrange est évidente sur une pièce en granit rouge exposée au Metropolitan Museum of Art de New York: elle représente Hatchepsout assise, habillée en femme et portant le némès. Elle porte le nom pharaonique de son trône "Maâtkarê" ("La vérité est l'âme du soleil") et les versions féminisées de ses titres royaux ("Fille de ", etc.). Une autre statue assise de cette période, également exposée au Met, brosse un tableau similaire. Sculptée dans de la diorite noire, elle montre une Hatchepsout féminine portant la coiffe royale khat d'un pharaon mâle.

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La phase suivante de la statuaire d'Hatchepsout est encore plus intéressante. Une pièce représente une Hatchepsout Maâtkarê assise, au visage et au torse nettement féminins, portant le nemes et assise sur un trône. Cependant, Hatchepsout a perdu sa robe fourreau et porte à la place un pagne court et est torse nu. Cette pièce porte également le nom de son trône et des versions féminisées de titres masculins traditionnels.

Portrait of Queen Hatshepsut
Portrait de la reine Hatchepsout
Rob Koopman (CC BY-SA)

À partir de ce moment, Hatchepsout s'engagea à se représenter sous une forme entièrement masculine. Il existe une collection de statues, grandes et petites, qui montrent Hatchepsout en position de dévotion, faisant des offrandes aux dieux. Ici, elle est à nouveau torse nu et vêtue d'un pagne, sans aucune trace de poitrine ou de traits féminins. Elle porte le némès (orné du serpent royal uræus), ainsi que la fausse barbe traditionnelle du pharaon. Dans certains cas, la femme-roi est même représentée sous la forme d'un sphinx, avec le corps d'un lion et la tête couronnée d'un homme.

De même, de nombreuses statues osiriaques du roi ont survécu, représentant Hatchepsout barbue et momifiée sous les traits du dieu Osiris. Certaines de ces pièces gardent encore aujourd'hui les salles de son temple mortuaire à Deir el-Bahari. Il est intéressant de noter que, d'après les restes de peinture ancienne encore visibles sur ces statues, il semble qu'Hatchepsout ait continué à expérimenter ses représentations artistiques tout au long de son règne. Bien que représentée en homme, la pharaonne fit peindre ses statues avec un ton de peau unique, presque orange, une combinaison de l'ocre rouge profond typique d'un homme de l'Égypte ancienne et du teint jaune plus clair d'une femme.

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Sphinx of Maatkare Hatshepsut
Sphinx de Maâtkarê Hatchepsout
Elsie McLaughlin (CC BY-NC-SA)

Conclusion

Il est très peu probable que la façon dont Hatchepsout apparaît dans les œuvres artistiques officielles corresponde à l'apparence et aux vêtements de la reine dans la vie réelle. Tout l'art égyptien est fortement idéalisé, chaque pièce étant destinée à transmettre facilement un message sur la personne qu'elle représente. Maâtkarê Hatchepsout ne se promenait probablement pas dans son palais torse nu et portant une fausse barbe: son véritable sexe n'était pas un secret, et elle n'a jamais souhaité qu'il le soit. Il suffit de regarder les inscriptions figurant sur la plupart de ses statues: "Fille de Rê" et "Dame des deux terres".

Même dans les pièces où elle est représentée comme un homme à part entière, Hatchepsout trouve toujours le moyen de mettre en valeur sa féminité et sa vraie nature. Elle se dépeint comme un pharaon masculin simplement pour légitimer et expliquer son règne. Bien qu'il y ait eu de nombreuses femmes souveraines avant elle et qu'il n'y ait pas eu de lois interdisant d'avoir une femme roi, une femme pharaon sur le trône d'Égypte prenant le pas sur un héritier mâle viable (Thoutmôsis III) restait une situation inhabituelle, presque inexplicable. En se représentant comme un roi masculin traditionnel, fort, jeune et pieux, Hatchepsout expliquait à ses sujets qu'elle était tout aussi forte et apte au trône que n'importe lequel de ses homologues masculins. Bien que nombre de ses statues aient été détruites et dégradées après sa mort (très probablement par Thoutmôsis III pour renforcer les idéaux de la royauté masculine et de la succession entre hommes), l'art qui a survécu au règne d'Hatchepsout en dit long sur sa créativité, son anticonformisme et sa ruse politique.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Elsie McLaughlin
Elsie McLaughlin is an aspiring Egyptologist, whose areas of interest include the Amarna Period, gender, female kingship, and the history of the early New Kingdom, as well as the relationship between royal women & warfare in the New Kingdom.

Citer cette ressource

Style APA

McLaughlin, E. (2017, juillet 11). Statuaire de Maâtkarê Hatchepsout [The Statuary of Maatkare Hatshepsut]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1096/statuaire-de-maatkare-hatchepsout/

Style Chicago

McLaughlin, Elsie. "Statuaire de Maâtkarê Hatchepsout." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juillet 11, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1096/statuaire-de-maatkare-hatchepsout/.

Style MLA

McLaughlin, Elsie. "Statuaire de Maâtkarê Hatchepsout." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 juil. 2017. Web. 14 avril 2025.

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