L'Arbalète dans la Guerre Chinoise Antique

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 17 juillet 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais, chinois
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L'arbalète fut introduite dans la guerre chinoise pendant la période des Royaumes combattants (481-221 av. J.-C.). Devenue au fil des siècles une arme plus puissante et plus précise, l'arbalète se déclina également en versions suffisamment légères pour être tirées d'une seule main, certaines pouvant tirer plusieurs flèches, et il existait un modèle d'artillerie plus lourd qui pouvait être monté sur une base rotative et mobile. L'arbalète joua un rôle majeur dans le succès des États chinois face aux armées étrangères et dans l'établissement de la domination des empires Han et Song, en particulier.

Conception et utilisation

L'arbalète chinoise (nu), avec son arc horizontal et sa courte crosse en bois, tirait une ou plusieurs flèches à tête de bronze. Les flèches étaient munies d'une tige en bois et d'ailettes en plumes, en bois ou en papier pour stabiliser leur trajectoire. Les premières pointes de flèches avaient deux lames, mais elles se développèrent avec le temps et trois lames devinrent la norme, ce qui permit d'augmenter le nombre d'ailettes et d'améliorer la précision du vol. La gâchette et le mécanisme de mise à feu étaient en métal, généralement en bronze.

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Qin Dynasty Crossbow
Arbalète de la dynastie Qin
Deadkid dk (CC BY-SA)

Pour préparer l'arbalète au tir, le tireur devait d'abord placer l'arme à la verticale et la caler sous ses pieds pendant que la corde était tirée vers l'arrière. Finalement, un crochet de ceinture fut inventé pour permettre au tireur de tirer sur la corde tout en restant à cheval. Il existait des arbalètes plus petites qui pouvaient être tirées d'une seule main - et même tirer deux flèches à la fois - et des versions beaucoup plus lourdes qui étaient utilisées comme armes d'artillerie. Les premières arbalètes ne pouvaient tirer une flèche qu'à environ 600 pas et étaient lentes à recharger, ce qui limitait leur utilisation à la défense et à la guerre de siège. Leur conception s'améliora et elles pouvaient alors tirer beaucoup plus loin qu'un archer monté.

Développement historique

La tradition veut que l'arbalète chinoise ait été inventée par Ch'in Shih, de l'État de Chu, au cours du 6e siècle avant notre ère. Les premiers exemplaires en bois ont disparu depuis longtemps des archives archéologiques, mais la première utilisation d'arbalètes dans la guerre en Chine est attestée lors de la bataille de Ma Ling, en 341 avant notre ère, entre les États Qi et Wei. Le chef des Qi, Sun Pin, en fit bon usage et mit l'ennemi en déroute. Les armées de la dynastie des Zhou orientaux (771-256 av. J.-C.) étaient particulièrement réputées pour leurs unités d'élite armées d'arbalètes. Entraînées pendant sept ans et portant des armures, elles étaient réputées capables de marcher 160 km sans repos. Dans les traités militaires de l'époque, il était généralement admis qu'un bon arbalétrier valait 100 fantassins. Le traité militaire Six Arcanes stratégiques de Jiang Ziya, datant du 5e-3e siècle avant notre ère, indique qu'une armée idéale devrait compter 10 000 fantassins, 6 000 arbalétriers, 2 000 hommes armés de hallebardes et de boucliers, et 2 000 autres armés de lances et de boucliers.

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Un corps d'arbalétriers bien entraîné était tout à fait capable de repousser une charge de cavalerie.

La dynastie Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.) utilisa si bien l'arbalète qu'elle fut largement reconnue comme la raison de la domination de cet État. Un corps d'arbalétriers bien entraîné était tout à fait capable de repousser une charge de cavalerie ou d'infliger des pertes dévastatrices en tirant en bloc sur le flanc de l'infanterie ennemie lors d'une embuscade. Une autre tactique très efficace consistait à prendre les troupes ennemies dans un feu croisé en divisant ses arbalétriers en deux groupes. Les Han utilisaient des arbalètes légères et lourdes. Les arbalétriers pouvaient être des troupes montées, mais ils pouvaient aussi s'armer d'une hallebarde. Il existe également des preuves de l'existence d'une petite version de l'arme qui pouvait être utilisée d'une seule main. On raconte qu'en 203 avant notre ère, Xiang Yu réussit à dissimuler une arbalète, à tirer et à blesser le futur empereur Kao-tsu, ce qui laisse supposer que ces petites armes n'étaient pas rares.

Le fait que l'arme ait d'abord été utilisée par les éléments les plus riches de la société chinoise est indiqué par certaines des pièces métalliques conservées, qui sont souvent travaillées de manière complexe, parfois même avec des incrustations d'or ou d'argent. Néanmoins, sous la dynastie Han, l'échelle de production avait considérablement augmenté. Un inventaire de l'arsenal de la ville Han de Luoyang en 13 avant notre ère révèle qu'il y avait 11 181 arbalètes et 34 625 flèches.

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Warring States Crossbow Trigger
Déclencheur pour arbalète Warring States
Gary Lee Todd (CC BY)

Sous la dynastie Tang (618-907), l'arbalète, bien que toujours utilisée par de petites unités protégeant les flancs de l'infanterie, devint moins populaire et l'arc composite semble avoir été l'arme de prédilection, comme le commente ici l'historien C.J.Peers :

Un auteur du XIe siècle remarque que les T'ang avaient si peu confiance dans l'arbalète qu'ils équipaient ses utilisateurs de hallebardes pour se défendre. Ils avaient alors tendance à succomber à la tentation de jeter leurs arbalètes et de charger, de sorte qu'il fallait envoyer d'autres hommes pour les suivre et ramasser les armes jetées. Selon une source, le rapport entre les arcs et les arbalètes dans l'armée idéale est de cinq pour un. (118)

Sous la dynastie Song (960-1279), la conception des armes franchit une nouvelle étape avec la création, en 1073, d'une direction des armes chargée d'en superviser la production. Cette période vit l'arrivée de l'arbalète à répétition, capable de tirer un carreau toutes les deux secondes, bien qu'avec une précision réduite. D'autres améliorations furent apportées à la conception de l'arbalète, notamment une plus grande puissance de tir, l'ajout de viseurs pour améliorer la précision et d'étriers pour faciliter l'armement. L'importance continue de l'arbalète dans la guerre est illustrée par la citation suivante, tirée du Wu Ching Tsung Yao de l'an 1044, selon laquelle l'arbalète est "l'arme la plus puissante de Chine et ce que les quatre types de barbares craignent le plus" (Peers, p. 130). Il décrit ensuite son utilisation, précisant que les guerriers tiraient de derrière leurs boucliers et se déplaçaient ensuite derrière les lignes d'infanterie afin d'être protégés pendant qu'ils rechargeaient leurs armes. Une unité d'arbalétriers pouvait également avancer en formation circulaire, ce qui leur permettait de faire tourner leurs tirs et de protéger leurs collègues pendant qu'ils rechargeaient.

Arbalètes d'artillerie

Un type d'arbalète plus lourd et plus grand fut développé pour être utilisé comme arme d'artillerie. Tout en tirant un ou plusieurs carreaux à partir de positions fixes, ces arbalètes pouvaient être montées sur des chars et des chariots afin d'être rapidement déplacées là où elles étaient le plus nécessaires sur le champ de bataille. Pendant la période des Royaumes combattants, les guerres de siège étaient fréquentes, les villes étant bien fortifiées et protégées par de hautes murailles et des tours. Les arbalètes montées avec des poulies et des guindeaux pour tirer la corde devinrent donc des armes défensives utiles.

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Les arbalètes montées, munies de poulies et de guindeaux permettant de tirer la corde, devinrent une arme défensive utile.

L'armée Han utilisait une arbalète lourde dont l'armement nécessitait 159 kg. Elles étaient montées sur une base tournante et les hommes suffisamment forts pour les manier étaient connus sous le nom de chueh chang. Les Song utilisaient également des arbalètes d'artillerie avec des supports fixes et des treuils, mais elles n'étaient pas aussi courantes que les lance-pierres à un seul bras qui étaient employés par centaines dans les batailles simples et les sièges.

Impact sur la guerre

L'arbalète était une arme technique dont la construction et l'utilisation efficace nécessitaient un savoir-faire, deux facteurs qui donnaient aux États chinois un avantage certain sur leurs voisins moins développés. Ensuite, lorsque les États s'affrontaient, l'arme devait être particulièrement efficace contre les chars de l'adversaire qui se déplaçaient lentement sur un terrain défavorable et n'étaient protégés que par des couvertures en cuir. Une lettre officielle décrivant une victoire note que "Là où les carreaux d'arbalète arrivaient, les pistes des chars étaient chaotiques et les bannières étaient dispersées." (dans Di Cosmo, 163). Cela peut avoir été l'un des facteurs de la disparition du char dans la guerre chinoise à partir du milieu de la période Han (les autres étant l'arrivée de la cavalerie et de forces d'infanterie plus mobiles et dotées d'un armement plus léger).

Au fur et à mesure que l'arme se répandait, les armées commencèrent à s'équiper de meilleures armures et de casques, en raison du meilleur pouvoir de pénétration de l'arbalète par rapport à l'arc. Des bandes de métal (bronze, puis plus tard fer) ou de cuir furent reliées entre elles par des cordons et des casques furent fabriqués en métal afin d'offrir une meilleure protection, même si, à courte distance, il n'y a pas grand-chose qui puisse arrêter un carreau d'arbalète bien visé.

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L'arbalète rendit également le meurtre un peu moins personnel. La période Song, par exemple, vit la spécialisation des arbalétriers avec l'utilisation de tireurs d'élite visant des cibles spécifiques à longue portée. Un succès est enregistré lors de la bataille de Shan-chou, en 1004, où le général Hsiao T'a-lin fut terrassé par une flèche d'arbalète tirée à distance. La portée accrue de l'arbalète permettait à une armée d'attaquer l'ennemi en dépit d'obstacles naturels qui auraient jusque-là bloqué l'engagement, ce qui permettait à nouveau de mener la guerre à une distance plus sûre. Comme le note le tacticien militaire Jiang Ziya dans ses Six Arcanes stratégiques: "Les arbalètes puissantes et les armes longues sont les moyens de combattre à travers l'eau" (Sawyer, 1993, 70). L'arbalète était une arme si efficace que, malgré de nouveaux développements tels que les frondeurs en pierre et les canons à poudre, elle resta une caractéristique de la guerre chinoise jusqu'au XIXe siècle.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, juillet 17). L'Arbalète dans la Guerre Chinoise Antique [Crossbows in Ancient Chinese Warfare]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1098/larbalete-dans-la-guerre-chinoise-antique/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "L'Arbalète dans la Guerre Chinoise Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juillet 17, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1098/larbalete-dans-la-guerre-chinoise-antique/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "L'Arbalète dans la Guerre Chinoise Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 17 juil. 2017. Web. 21 nov. 2024.

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