L'art de la dynastie Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.) de la Chine ancienne se caractérise par un nouveau désir de représenter la vie quotidienne et les récits de l'histoire et de la mythologie familiers à tous. Les arts furent alimentés à la fois par la stabilité politique et la prospérité économique qui en découla, ainsi que par le développement et la combinaison très réussie des pinceaux, de l'encre et du papier. La calligraphie, la peinture, la production de laques et la sculpture de jade ne sont que quelques-uns des domaines dans lesquels les artistes han repoussèrent les limites de ce qu'il était possible de réaliser techniquement et de ce qui était recherché esthétiquement par le nombre toujours croissant de connaisseurs d'art.
Contribution des Han
L'historienne de l'art Mary Tregear résume ainsi l'évolution de l'art sous les Han:
Alors qu'aux époques précédentes, l'art était associé aux rituels et aux cérémonies, évoluant progressivement vers une expression décorative du statut social, l'art des Qin, puis des Han, s'intéresse aux mythes et à la vie quotidienne. Dès le départ, il s'agit d'un art à la fois narratif et expressif. (50)
Les Han, comme la brève dynastie des Qin avant eux, avaient acquis une vaste partie de l'Asie qui englobait des cultures, des systèmes de croyance et des mythes très variés. Les souverains Han comprirent que l'art pouvait être un outil utile pour rassembler cet héritage et présenter une vision unifiée et compréhensible du monde par les "Chinois". Les personnages et la vie quotidienne, en particulier la chasse, l'agriculture, la pêche et les paysages, devinrent très populaires. Les motifs décoratifs abondent et deviennent très stylisés dans les décorations de bordures dont l'uniformité suggère l'utilisation de livres de modèles dans les grands ateliers urbains. Ces motifs sont particulièrement visibles sur les poteries, les laques et les miroirs en bronze.
La calligraphie
L'évolution du papier et l'utilisation de pinceaux et d'encres entraînèrent un essor de l'écriture, ce qui créa un besoin d'illustration des textes. Ces deux formes d'art, la peinture et la calligraphie, resteraient les deux formes d'expression artistique les plus importantes en Chine pendant les deux millénaires suivants. La calligraphie gravée était déjà bien développée et les styles avaient évolué sur des surfaces telles que le bronze, la pierre et l'os, mais la fluidité du papier et du pinceau allait donner naissance à de nombreux nouveaux styles d'écriture au cours des siècles suivants.
Utilisant des pinceaux en poils d'animaux et une encre composée de carbone de pin compressé et de colle diluée, les calligraphes n'étaient plus limités que par leur imagination. Certains styles d'écriture produisent des caractères flamboyants, d'autres sont lourds, certains mélangent des traits lourds et légers, d'autres encore sont conçus pour la rapidité. La composition des caractères entre eux sur la page était également un élément important. En fin de compte, les lettrés chinois devinrent de véritables connaisseurs, et il devint essentiel de savoir écrire pour être pris au sérieux par ses pairs.
Les peintures
La soie était depuis longtemps utilisée comme support pour la peinture, mais l'augmentation de l'utilisation du papier et la plus grande disponibilité des livres contribuèrent très certainement à l'augmentation du nombre de peintures. Une autre raison de la popularité des peintures fut la stabilité apportée par le gouvernement Han et l'accumulation conséquente de richesses par ses citoyens les plus fortunés. Les personnes fortunées devinrent à la fois des mécènes et des consommateurs d'œuvres d'art. Cette demande conduisit à des innovations et à des expérimentations dans le domaine de l'art, et l'un des domaines qui en bénéficia fut la peinture de personnages.
Les portraits devinrent courants, en particulier ceux des fils, mais pas seulement. Des personnes de toutes sortes apparurent sur les murs de pierre, les linteaux et les piliers des tombes, ainsi que sur des objets quotidiens tels que de petites boîtes et des cercueils. L'un des exemples les plus célèbres de portrait Han provient d'un panier découvert dans la commanderie de Lolang, en Corée du Nord. Les côtés du panier sont ornés de panneaux sur lesquels sont peintes, sur une hauteur de 7,5 cm, des figures de personnalités historiques célèbres, toutes étiquetées. Ici, comme ailleurs dans la peinture Han, les figures humaines sont présentées soit de profil, soit de trois quarts.
Les peintres chinois commencèrent à représenter des scènes narratives dans leurs œuvres avant même que les moines bouddhistes venus d'Inde par la route de la soie n'apportent en Chine une approche plus mature. Cette approche était particulièrement visible dans les peintures murales des tombes et sur les panneaux de bois peints à la laque. Très souvent, plusieurs scènes sont disposées horizontalement ou verticalement, comme si elles avaient été peintes sur un rouleau de soie ou de papier. Un exemple remarquable est la représentation, vers 168 avant notre ère, des différents niveaux de l'existence humaine, du monde souterrain aux cieux, dans la tenture découverte dans les grottes de Mawangdui à Changsha.
La peinture de paysage ne s'imposerait que sous la dynastie Sung (960-1279), mais ses débuts remontent à la période Han et découlent probablement des représentations populaires des cieux. Comme pour la peinture chinoise en général, le but de l'artiste n'était pas de copier exactement la réalité mais toujours de représenter l'essence d'un sujet. C'est pourquoi la plupart des scènes sont peintes à partir de perspectives multiples, par opposition au point de vue unique plus courant dans l'art occidental. L'ombrage des couleurs n'était pas utilisé, même si les artistes chinois en étaient conscients. L'utilisation de lignes de pinceau plus fines et plus larges était la méthode préférée pour donner de la profondeur à une peinture.
La sculpture
Les briques étaient estampées et sculptées, tout comme la pierre, avec des scènes en relief semblables à celles que l'on voit dans les peintures et qui sont particulièrement courantes dans les tombes. Il s'agissait d'un nouveau départ pour l'art chinois, qui créait des œuvres d'art permanentes dans des matériaux durables. Les plus beaux exemples proviennent du sanctuaire de Wu Liang à Jiaxiang. Datant de 151 ou 168 de notre ère, il comporte quelque 70 dalles en relief représentant des scènes de batailles et des personnages historiques célèbres, tels que Confucius, tous identifiés par des textes d'accompagnement et couvrant l'histoire chronologique de la Chine dans un registre pictural semblable à celui d'un livre d'histoire.
Les sculptures de grandes dimensions étaient rares à l'époque Han, mais il existe quelques statues représentant des généraux et des fonctionnaires qui étaient placées à l'extérieur de leurs tombes. Parmi les œuvres de plus petite taille, on trouve des sculptures de chevaux en bronze coulé, fréquentes dans les tombes Han du IIe siècle de notre ère. Elles sont généralement représentées au galop, un seul sabot reposant sur la base, de sorte qu'elles semblent presque voler.
Les figurines en faïence peinte représentant des femmes, des hommes et des serviteurs debout sont courantes. Le bronze coulé était utilisé pour fabriquer de petites figurines et des brûleurs d'encens ornés. Ces derniers étaient souvent incrustés d'or et d'argent ou dorés. Une superbe lampe à huile en bronze doré, représentant une servante agenouillée, date de la fin du IIe siècle avant notre ère.
Le jade était particulièrement apprécié pour sa rareté, sa durabilité, sa pureté et certaines de ses qualités mystiques. Le matériau était sculpté en toutes sortes d'animaux, de personnes et de créatures mythiques. Les sculpteurs de jade Han utilisaient désormais des forets circulaires et des outils en fer, mais les pièces présentent souvent une finition de moindre qualité qu'auparavant, ce qui suggère qu'elles commençaient à être fabriquées plus rapidement et à plus grande échelle. Une autre caractéristique de la sculpture de jade des Han est l'utilisation des défauts et des impuretés du jade pour les intégrer à la sculpture. À partir du 1er siècle avant notre ère, l'expansion de l'empire Han permit d'obtenir un jade d'un blanc pur en provenance d'Asie centrale.
Une forme d'art unique et étonnante était la création de "costumes" en jade pour recouvrir le corps du défunt dans les tombes royales. Les "costumes" couvrent les contours du corps et sont fabriqués à partir de deux mille pièces rectangulaires de jade sculptées individuellement et cousues ensemble à l'aide de fils d'or ou d'argent. Deux exemples exceptionnels proviennent de la tombe du prince Liu Sheng et de la princesse Dou Wan à Mancheng, à la fin du IIe siècle avant notre ère. Réservés à la royauté, ils sont néanmoins devenus si coûteux à produire que les souverains ultérieurs en interdirent l'usage.
Arts mineurs
L'évolution des techniques et des fours permit d'augmenter les températures de cuisson et d'obtenir les premières poteries vernissées au cours de la période Han. La poterie, en particulier les récipients peints avec un engobe gris que l'on trouve communément dans les tombes Han, imitait très souvent la forme et la décoration des récipients en bronze. Les jarres circulaires basses à couvercle et les vases hauts à corps bulbeux et à base étroite sont caractéristiques. Un dragon, un phénix ou un tigre peint était un choix populaire de décoration. L'argile était également utilisée pour produire de petits modèles non émaillés de maisons ordinaires qui étaient placés dans les tombes pour accompagner les morts et, sans doute, répondre symboliquement à leur besoin d'un nouveau foyer. Les modèles à deux étages sont des indicateurs utiles de structures en terre et en bois aujourd'hui disparues; beaucoup sont complets avec un enclos pour animaux adjacent et des figurines de leurs occupants et de leurs animaux.
La laque (un liquide composé de gomme-laque et de résine) était utilisée pour recouvrir les objets en bois et autres matériaux depuis le néolithique en Chine, mais, comme pour de nombreuses autres formes d'art, la production prit son essor sous les Han. En effet, l'État parraina et supervisa la production d'objets en laque ce qui donna naissance à différentes écoles d'art de la laque produisant des formes communes, mais avec des motifs distincts reconnaissables. Les objets en laque se présentaient généralement sous la forme d'assiettes, de coupes et de jarres et imitaient de la même manière les récipients en métal, mais ils étaient décorés de manière plus élaborée, notamment avec des scènes de créatures mythiques apparaissant derrière des nuages et représentant probablement le monde des esprits de l'au-delà.