Bataille de Télamon

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Ludwig Heinrich Dyck
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 12 octobre 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Depuis le IVe siècle avant notre ère, les tribus gauloises du nord de l'Italie se heurtaient à la République romaine en pleine expansion. En 225 avant notre ère, les Boïens conclurent des alliances avec d'autres tribus gauloises du nord de l'Italie et avec des tribus de l'autre côté des Alpes. L'armée pan-gauloise se dirigea vers Rome, mais elle fut interceptée par trois puissantes armées romaines. Pris au piège au cap Télamon, les Gaulois, en infériorité numérique, livrèrent un combat acharné mais finirent par être vaincus. La bataille de Télamon marqua le déclin des Gaulois dans la guerre qui les opposait à Rome pour le nord de l'Italie.

Prologue

Après avoir incendié et saccagé Rome en 390 avant notre ère, les tribus gauloises du nord de l'Italie se heurtèrent à plusieurs reprises à la République romaine qui reprenait du poil de la bête et se développait peu à peu. Rome s'attaqua aux Gaulois et, en 284 avant notre ère, vainquit les Sénons et dévasta complètement leurs terres (l'actuelle Romagne). Les puissants Boïens, qui vivaient au nord des Sénons, envahirent à leur tour des terres romaines. Les Boïens subirent cependant des défaites et acceptèrent un traité de paix en 282 avant notre ère.

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50 ans s'écoulèrent avant que les terres des Sénons ne se rétablissent suffisamment pour permettre l'installation de citoyens romains. L'établissement de la colonie romaine de Sena Gallacia le long de la côte inquiéta les Boïens qui craignaient, à juste titre, de nouvelles incursions romaines en Gaule Cisalpine (la Gaule au sud des Alpes). Une nouvelle génération de Boïens avait grandi, ils étaient "pleins d'une ardeur inconsidérée, et n'avaient jamais connu ni éprouvé le moindre malheur ou le moindre revers" (Polybe, Les Histoires, II. 21). Ils étaient prêts à reprendre la guerre contre Rome. Les Boïens cherchèrent de l'aide auprès des tribus gauloises au nord des Alpes (Gaulois transalpins), mais leur première tentative se termina par une querelle au cours de laquelle deux des rois transalpins furent tués. Dans le nord-ouest de l'Italie, les puissants Insubres étaient prêts à se battre aux côtés des Boïens.

Les Boïens et les Insubres envoyèrent ensemble des ambassadeurs à travers les Alpes, cette fois pour solliciter l'aide des Gésates qui vivaient près du Rhône. Les ambassadeurs persuadèrent les rois gésates Concolitan et Anéroeste en leur racontant des histoires de bravoure gauloise et en leur offrant de l'or, un petit échantillon de ce qui pouvait être pillé aux Romains. "Jamais on ne vit sortir de cette partie de la Gaule une armée plus nombreuse, plus brillante, plus belliqueuse.", écrit Polybe (Polybe, Les Histoires, II. 22).

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Préparation à la guerre

En 225 avant notre ère, les Gésates traversèrent les Alpes pour rejoindre leurs alliés (qui comprenaient désormais un contingent de Taurisques du versant sud des Alpes) dans la plaine du Pô. Toutes les tribus de la Gaule Cisalpine n'étaient cependant pas en faveur de la guerre contre Rome. Les Vénètes et les Cénomans, pro-romains, menaçaient les terres des tribus qui partaient combattre Rome. La coalition des Boïens devait donc s'assurer que suffisamment de guerriers restaient sur place pour protéger leurs terres. Malgré cela, l'armée qui se rassembla était la plus grande armée pan-gauloise à marcher sur Rome, avec plus de 20 000 cavaliers et 50 000 fantassins.

L'armée qui se rassembla était la plus grande armée pan-gauloise à marcher sur Rome, avec plus de 20 000 cavaliers et 50 000 fantassins.

Contrairement à ce qui s'était passé deux siècles auparavant, lorsque Rome avait été mise à sac par les Gaulois, Rome n'était plus une simple cité-État, mais une république qui avait jeté les bases d'un empire. Après avoir consolidé son emprise sur l'Italie péninsulaire, Rome était sortie victorieuse de la première guerre punique (264-241 avant notre ère) et s'était imposée en tant que puissance majeure en Méditerranée. Rompue aux combats contre une myriade de nations, l'armée romaine était devenue plus nombreuse et plus performante.

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La menace de l'armée gauloise terrifia toute l'Italie péninsulaire qui leva des dizaines de milliers de soldats pour aider les Romains. Les Sabins, les Samnites, les Lucaniens, les Marses et une foule d'autres fantassins et cavaliers se joignirent aux légions romaines. Plus de 150 000 hommes, répartis en trois armées se tenaient prêts à combattre sous la bannière romaine: en Étrurie, sur la côte adriatique et en Sardaigne.

Embuscade à Fiesole

Les Gaulois pénétrèrent en Étrurie par un chemin situé au nord des Apennins. N'ayant rencontré aucune opposition, ils se livrèrent au pillage sur le chemin de Rome. Ils étaient à trois jours de la ville lorsque leurs éclaireurs signalèrent qu'une grande armée romaine était derrière eux. Il s'agissait de celle qui venait d'Étrurie et, au coucher du soleil, elle s'était rapprochée des Gaulois.

Alors que les deux armées s'installaient pour la nuit, les Gaulois réfléchirent à ce qu'ils allaient faire. L'armée romaine devait être de taille considérable car au lieu de livrer bataille, les Gaulois optèrent pour la ruse. La nuit venue, l'infanterie gauloise se dirigea vers la ville voisine de Fiesole (Faesulae). La cavalerie resta en arrière, près des feux de camp, de sorte qu'au matin, les Romains ne savaient pas où était passée l'infanterie gauloise. Supposant que cette dernière s'était enfuie, les Romains avancèrent sur la cavalerie gauloise qui prit la direction de Fiesole. S'étant mis à leur poursuite, les Romains tombèrent dans une embuscade tendue par l'infanterie gauloise qui sortit des bois et des arbustes près de Fiesole. La cavalerie gauloise fit alors volte-face, de sorte que les Romains furent pris entre l'infanterie et la cavalerie.

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Guerrier celte
Carole Raddato (CC BY-NC-SA)

Les Romains se trouvèrent alors dans une véritable impasse, mais la discipline et l'entraînement portèrent leurs fruits. Les légions et leurs alliés parvinrent à battre en retraite. Malgré une perte de 6 000 hommes, le gros de l'armée parvint à atteindre une position défendable sur une colline voisine. Ils y affrontèrent les Gaulois qui, ayant peu dormi la nuit précédente, furent encore plus épuisés par les combats en montée. Incapables de déloger les Romains, les Gaulois se replièrent et se retirèrent pour récupérer, laissant à quelques cavaliers la charge de surveiller les Romains.

Pendant ce temps, le consul Lucius Aemilius Papus, commandant de l'armée romaine sur l'Adriatique, eut vent de l'avancée des Gaulois et fit passer ses hommes à marche forcée par les Apennins. Il arriva juste après la bataille de Fiesole. Alors que la nuit tombait sur le pays, Papus installa son campement. Son arrivée encouragea naturellement les Romains sur la colline et, à l'inverse, posa un problème majeur aux Gaulois. Les Gaulois ayant déjà pris de nombreux esclaves, du bétail et du butin, le roi Anéroeste des Gésates pensa qu'il serait plus sage de retourner dans leurs terres avec ce qu'ils avaient déjà pris et de revenir s'occuper des Romains plus tard. La nuit venue, l'armée gauloise s'éclipsa à nouveau dans l'obscurité. Bloqués par les Romains au nord et par des collines boisées à l'est et à l'ouest, les Gaulois se dirigèrent vers le sud.

Le lendemain, les deux armées romaines se regroupèrent et suivirent les Gaulois en retraite. Lorsque le terrain s'ouvrit au lac de Bolsena, les Gaulois se dirigèrent vers l'ouest et la côte d'Étrurie. Une fois la côte atteinte, ils remontèrent vers le nord, espérant atteindre le Pô et leurs terres d'origine. L'armée romaine, tout aussi peu maniable avec son propre train de ravitaillement, ses bêtes de trait, son bétail, et ses compagnons de route, suivit le sillage de l'armée gauloise.

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Le cap Télamon

Entre-temps, la troisième armée romaine, partie de Sardaigne, avait navigué vers le nord, passé la Corse et avait traversé le continent en débarquant près de Pise. C'est probablement à ce moment-là que le commandant de l'armée romaine, le consul Caius Atilius Regulus, se rendit compte que les Gaulois ne représentaient plus une menace pour Rome, mais qu'ils avaient fait des captifs et du pillage et qu'ils essayaient de s'enfuir vers leurs terres d'origine. Regulus marcha vers le sud dans l'espoir d'intercepter les Gaulois. Un groupe de reconnaissance romain partit en éclaireur et captura des éclaireurs gaulois qui furent contraints de divulguer la position actuelle de leur armée. Regulus était ravi: l'armée gauloise allait être écrasée et anéantie entre deux armées romaines. Il ordonna à ses tribuns de se mettre en ordre de bataille.

Entre l'armée romaine et l'armée gauloise, à proximité du cap Télamon, une légère colline s'élevait au bord de la route. Désireux de gagner la colline avant les Gaulois, Regulus dirigea en personne sa cavalerie vers la colline. L'armée gauloise n'était pas encore consciente de la nouvelle menace romaine venant du nord. Voyant la cavalerie romaine se diriger vers la colline, les Gaulois pensèrent qu'ils avaient été débordés par la cavalerie de Papus qui arrivait par l'arrière. Les Gaulois envoyèrent leur propre cavalerie et des tirailleurs légers pour prendre la colline et firent quelques prisonniers dans le combat. Ces derniers leur révèlent la triste vérité : ils étaient sur le point d'être pris en tenaille entre deux gigantesques armées romaines.

Roman Cavalryman Reconstruction
Reconstitution d'un cavalier romain
wikipedia User: Storye book (CC BY)

Cette fois, les Gaulois ne pouvaient plus s'échapper. Les Boïens et les Taurisques se regroupèrent pour faire face à l'armée de Regulus qui arrivait par devant. Les Gésates et les Insubres pivotèrent pour faire face à l'armée de Papus qui arrivait par derrière. Les chars et les chariots gaulois se placèrent sur les flancs tandis qu'un petit détachement emportait le butin sur les collines voisines.

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Sur la colline au bord de la route, la mêlée de cavalerie fit rage. Regulus fut frappé mortellement et un macabre trophée, sa tête, fut rapporté aux rois gaulois. Les Gaulois n'eurent cependant pas le temps de se réjouir de la mort de Regulus, car l'armée de Papus arriva brusquement sur les lieux. Papus rassembla ses légions pour faire face aux Gaulois et envoya sa cavalerie pour aider la cavalerie romaine engagée sur la colline.

L'infanterie romaine évalua alors ses ennemis. Bien qu'ils aient été bien entraînés et armés, les légionnaires romains étaient des citoyens prélevés sur la population en temps de guerre. Bien qu'ils aient l'honneur de se battre pour Rome, ce n'étaient pas des soldats professionnels. Pour eux, les ennemis étaient des barbares sauvages.

[Les Romains] furent terrifiés par le bel ordonnancement de l'armée celte et par l'effroyable vacarme, car il y avait d'innombrables sonneurs de cor et trompettes, et comme toute l'armée poussait en même temps ses cris de guerre, il y avait un tel tumulte de sons qu'il semblait que non seulement les trompettes et les soldats, mais aussi tout le pays alentour s'exprimait et reprenait leur cri. (Polybe, Les Histoires, II. 29)

Les guerriers gaulois, grands, mats et roux, redoublèrent de courage, crièrent et firent des gestes avec leurs lances, leurs épées et leurs boucliers. Ce dernier, qui constituait leur principale défense, était généralement ovale et peint de motifs en spirales. Beaucoup portaient également des casques de bronze, ornés de cornes, de panaches ou du symbole celtique de la guerre, la roue. Seuls les chefs et les guerriers importants portaient une armure de cotte de mailles. La plupart d'entre eux portaient des pantalons et des manteaux multicolores à carreaux, typiques des Gaulois. Ce n'était pas le cas des Gésates qui, dans un élan de courage et d'unité avec la nature, allaient au combat nus, ne portant que leurs torques, leurs brassards et leurs bracelets.

Les consuls romains ouvrirent la bataille avec les troupes légères qui s'engouffrèrent dans les brèches des manipules, les unités tactiques principales des légions romaines, fortes de 60 à 120 hommes. Des milliers de soldats portant sur leurs casques des peaux de loup, de blaireau et d'autres animaux, ainsi que de petits boucliers ronds, lancèrent leurs petits javelots sur les premiers rangs des Gaulois. Les lances et les frondes des Gaulois n'ayant pas la portée nécessaire pour riposter, les guerriers gaulois s'accroupirent derrière leurs grands boucliers tandis que les missiles mortels romains sifflaient entre eux. Ce sont les Gésates, nus, qui souffrirent le plus. Furieux de leur impuissance, les plus courageux d'entre eux s'élancèrent mais furent empalés par les javelots avant d'avoir pu s'approcher de leurs ennemis.

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Les trompettes retentirent, le sol tremblait sous le pas des dizaines de milliers de légionnaires, les manipules avancèrent sur la horde gauloise. La première ligne de manipules, les Hastati, lancèrent une nouvelle volée de javelots sur les Gaulois. Les têtes de fer de leurs lourds javelots (pilum) étaient barbelées et restent plantées dans les boucliers gaulois. Tandis que les Gaulois tentaient de dégager les javelots de leurs boucliers, les Hastati dégainèrent leurs épées courtes et chargèrent.

Les Gaulois lancèrent leurs puissantes épées dans de grands arcs de cercle, faisant éclater les boucliers et mordant dans le bronze des casques romains. Les Romains, à leur tour, donnèrent des coups d'épée courte. Ayant besoin de moins d'espace par guerrier, ils présentaient un mur de boucliers plus serré. Les Romains bénéficiaient d'un autre avantage: leur scutum oblong, un bouclier recourbé vers l'arrière, enfermait une partie du corps du porteur. Sous le bouclier, la jambe romaine exposée à l'avant était protégée par des jambières. Les Hastati portaient également des cuirasses, tandis que les deuxième et troisième lignes romaines, les principes et les triarii, portaient des cottes de mailles.

Grâce à leur habileté, à leur force brute et à leur courage, les Gaulois, encerclés et en infériorité numérique, tinrent bon. Pendant un certain temps, il semblait même que la bataille ait pu basculer d'un côté ou de l'autre. Cependant, la bataille de cavalerie sur la colline s'était déjà soldée par une victoire romaine. La cavalerie gauloise s'était enfuie, laissant les cavaliers romains libres de venir en aide à leurs camarades dans la plaine. En bas de la colline, les chevaux romains tonitruaient, leurs lances s'enfonçaient dans les flancs de l'infanterie gauloise. Pris de panique, les Gaulois s'enfuirent, mais, acculés de toutes parts, ils furent taillés en pièces.

Conséquences

40 000 Gaulois furent tués et 10 000 furent capturés pour les marchés d'esclaves. Parmi les captifs se trouvait le roi Concolitan. Le roi Anéroeste s'échappa mais, accablé par le chagrin, il finit par se suicider. Papus envoya le butin gaulois à Rome pour qu'il soit rendu à ses propriétaires. Il conduisit ensuite son armée vers les terres des Boïens pour se venger, tuant et brûlant tout sur son passage. Papus rentra chez lui pour célébrer un triomphe romain, en exhibant son butin et ses captifs.

Au cours d'une série de campagnes qui suivirent la bataille de Télamon, les Romains brisèrent la résistance gauloise en Italie du Nord. Après la victoire romaine de Clastidium, en 222 avant notre ère, la plupart des Gaulois se soumirent à la domination romaine. La résistance gauloise reprit avec l'invasion de l'Italie par Hannibal et se poursuivit pendant dix ans après la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.). Les Boïens furent les derniers à abandonner en 191 avant notre ère. Refusant de vivre sous le joug romain, ils errèrent dans la région du Danube où ils donnèrent leur nom à la Bohême. Les routes et les colonies romaines se répandirent à travers la Gaule Cisalpine qui, au milieu du IIe siècle avant notre ère, s'était déjà italianisée.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Ludwig Heinrich Dyck
Né en Allemagne, Ludwig H. Dyck est devenu citoyen canadien grâce à la citoyenneté de son père. Depuis sa première publication en 1998, Dyck a collaboré avec de nombreux magazines d'Histoire très populaires aux États-Unis. Son premier livre est "The Roman Barbarian Wars".

Citer cette ressource

Style APA

Dyck, L. H. (2017, octobre 12). Bataille de Télamon [Battle of Telamon]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1129/bataille-de-telamon/

Style Chicago

Dyck, Ludwig Heinrich. "Bataille de Télamon." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 12, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1129/bataille-de-telamon/.

Style MLA

Dyck, Ludwig Heinrich. "Bataille de Télamon." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 12 oct. 2017. Web. 21 nov. 2024.

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