Les Épées dans la Guerre en Chine Ancienne

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 26 octobre 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais, chinois
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Bien que l'arc et l'arbalète aient été les armes de prédilection pendant une grande partie de l'histoire de la Chine, l'épée a joué un rôle, en particulier lorsque les guerriers étaient contraints de descendre de cheval et d'affronter l'ennemi au corps à corps. Largement utilisées à partir de 500 ans avant notre ère, les épées ont d'abord été fabriquées en bronze, puis en fer et enfin en acier, et ont fait l'objet de diverses évolutions afin d'améliorer leur poids, leur tranchant et leur durabilité.

Eastern Zhou Swords
Épées Zhou orientales
The British Museum (Copyright)

Les épées de l'âge du bronze

La plupart des historiens s'accordent à dire que les dagues, les épées courtes et les longues pointes de lance en bronze étaient utilisées bien avant les épées et que la véritable épée (généralement définie comme une arme dont la lame est au moins deux fois plus longue que la poignée) n'est pas apparue sur le champ de bataille chinois avant la période des Printemps et Automnes (722-479 av. J.-C.). Toutefois, certains historiens affirment que les épées de bronze étaient utilisées à l'époque des Zhou occidentaux (1046-771 av. J.-C.). Néanmoins, dans la tradition chinoise, l'invention de l'épée est encore plus ancienne et attribuée au légendaire Empereur Jaune.

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Les chars étaient un élément essentiel des armées de la Chine ancienne et les armes les mieux adaptées à une guerre plus mobile où l'ennemi était maintenu à une certaine distance étaient l'arc, l'arbalète et la hallebarde (un croisement entre une lance et une hache). Ce n'est que lorsque les chars ont commencé à être remplacés par des armées d'infanterie plus importantes que l'épée est devenue un atout plus précieux pour les soldats. En effet, les épées brandies à partir d'un char n'avaient qu'une portée limitée et exposaient le soldat aux coups de lance.

En effet, même lorsque les chars étaient présents sur le champ de bataille chinois, les fantassins étaient encore très nombreux et préféraient sans doute des armes plus traditionnelles à une épée qui, à l'époque, risquait fort de se briser. L'historien militaire R. D. Sawyer résume ici la situation:

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La capacité d'enfoncement de l'épée était clairement comparée à celle de la lance à main courte, essentiellement une pointe de poignard montée sur un manche, et la préférence pour les armes traditionnelles, associée aux difficultés techniques de fabrication d'épées solides mais résistantes, a plus probablement retardé l'émergence de l'épée en tant qu'arme essentielle [...] les épées dotées d'un pouvoir tranchant et d'une longueur de lame significative ne pouvaient tout simplement pas être fabriquées avant la période des Printemps et Automnes, et même dans ce cas, elles n'ont pas prospéré avant la fin des États combattants et la dynastie des Han. (Sawyer, 2017, 271)

C'est peut-être pour ces raisons - tradition et déficiences techniques - que l'épée, lorsqu'elle apparaissait sur le champ de bataille, était généralement laissée dans le fourreau et n'était utilisée qu'en dernier recours. Une représentation d'une bataille dans une tombe de la fin des Printemps et Automnes montre de manière significative des soldats opposés s'affrontant avec des lances et des hallebardes alors que leurs épées restent dans leurs ceintures. Il est également vrai que la guerre chinoise avait tendance à éviter les scénarios de face à face avec l'ennemi qui étaient typiques, par exemple, des batailles d'hoplites de la Grèce antique, et que les commandants préféraient plutôt engager l'ennemi à distance à l'aide d'archers puis, si nécessaire, avec des lanciers.

L'épée n'est peut-être pas née d'une influence étrangère, mais de l'habitude qu'avaient les autochtones d'utiliser de longues pointes de lances comme des épées tranchantes.

Au cours du 6e siècle avant notre ère, les choses commencèrent à changer et les Wu et les Yueh utilisèrent et développèrent l'épée "à un tel degré qu'ils étaient célèbres dans tout le royaume; lorsqu'elles sont déterrées aujourd'hui, elles conservent encore leurs qualités de surface et de tranchant" (Sawyer, 2007, 365). L'une des premières batailles où l'utilisation de l'épée contribua de manière significative à la victoire se déroula en 520 avant notre ère, lorsque l'armée de l'État de Qin vainquit une armée de Hua en chargeant à pied avec leurs épées au lieu des hallebardes habituelles.

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Épées de la période des Royaumes Combattants

Les premières épées chinoises étaient donc très longues, devaient être maniées à deux mains et n'étaient pas conçues pour couper et trancher, mais comme une arme permettant de poignarder et de repousser l'ennemi, tout comme les hallebardes et les lances avaient été utilisées auparavant. En fait, l'épée ne serait peut-être pas née d'une influence étrangère, mais de l'habitude qu'avaient les autochtones d'utiliser de longues pointes de lance comme des épées poignardantes. Avec l'augmentation de l'utilisation de la cavalerie à partir des dernières étapes de la période des Royaumes Combattants (IIIe siècle av. J.-C.), une épée offrant les meilleures possibilités de coupe grâce à un double tranchant et une lame moins encombrante devint souhaitable. On raconte que le roi Chen (futur empereur de la dynastie Qin, Shi Huangdi) eut du mal à affronter un assassin en 227 avant notre ère parce qu'il n'était pas arrivé à dégainer son épée longue assez rapidement.

Eastern Zhou Dynasty Sword
Épée de la dynastie Zhou de l'Est
The British Museum (Copyright)

Désormais fabriquée en fer, la lame de l'épée fut recouverte d'un alliage de chrome afin d'obtenir un tranchant plus acéré. L'expérimentation des pommeaux permit également d'améliorer l'équilibre de l'épée. Une autre innovation consista à modifier la forme de la poignée pour lui donner une forme asymétrique qui l'empêchait de pivoter dans la main. Le même résultat était obtenu en ajoutant un ou deux anneaux moulés à la poignée ou une cordelette pour une meilleure prise en main. Lorsqu'elle n'était pas utilisée, la lame était gardée dans un fourreau de cuir ou de bois laqué et accrochée à la ceinture.

Les terribles blessures que les épées pouvaient infliger - bien plus choquantes et horribles que les flèches - sont attestées par des références dans la littérature militaire. Par exemple, dans cet extrait des Six enseignements secrets de T'ai Kung, datant du IIIe siècle avant notre ère:

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Au sein de l'armée, il y a des hommes d'un grand courage et d'une grande force qui sont prêts à mourir et qui prennent même plaisir à souffrir des blessures. Ils devraient être rassemblés en une compagnie et appelés "Guerriers qui risquent la lame nue".

(Sawyer, 2007, 97)

L'utilisation accrue des épées dans les batailles nécessita l'amélioration des armures à partir du IIIe siècle avant notre ère. Auparavant, les armures corporelles n'étaient constituées que de cuir durci ou laqué, mais il était de plus en plus courant d'y ajouter des pièces de métal afin d'assurer une meilleure protection. Ces ajouts prenaient la forme de petites plaques de fer ou de bronze, soit percées et cousues ensemble, soit rivetées. Les casques et les boucliers s'améliorèrent également pour faire face à la menace mortelle d'un épéiste capable de poignarder et de taillader.

Les épées de la dynastie Han

À partir de la période Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.), les techniques de métallurgie s'améliorèrent, ce qui permit de rendre les épées plus légères et plus durables, avec une lame encore plus tranchante, faite d'un fer plus solide qu'auparavant. La conception changea également pour mieux s'adapter à l'utilisation de l'arme par la cavalerie - un seul tranchant et un anneau ajouté pour protéger la main. La tendance était à la réduction de la longueur des lames, les exemplaires conservés au IIIe siècle de notre ère ayant une lame d'environ 45 cm de long. Toutefois, d'autres types d'épées présentent encore une lame très longue, d'environ un mètre, ce qui indique que l'évolution de l'épée était loin d'être simple en Chine et que les armes traditionnelles n'étaient, semble-t-il, fondues et refondues qu'avec beaucoup de réticence. Les collections éclectiques trouvées dans les tombes sont une autre preuve de cette utilisation parallèle d'armes de conception différente.

Han Dynasty Sword
Épée, Dynastie Han
The British Museum (Copyright)

Une autre caractéristique de la période Han est la popularité des experts en épées qui pouvaient non seulement mesurer la force et l'utilité d'une arme particulière, mais qui prétendaient également pouvoir évaluer des qualités plus mystiques telles que le caractère auspicieux de l'épée. Le fait que ces experts aient été crus et consultés est attesté par l'abondante littérature Han sur le sujet.

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Les épées plus tardives

Les épées étaient encore très utilisées à l'époque Tang (618-907 de notre ère), où les lames devinrent encore plus courtes et étaient fabriquées en acier. On assiste également au développement d'une autre version de l'arme, l'épée d'apparat richement décorée, dont la poignée est souvent enveloppée de soie et incrustée de jade, et qui est conservée dans un fourreau encore plus somptueusement décoré de soie et incrusté de métaux précieux et de joyaux.

La maîtrise de l'épée et la fascination générale pour les épées se s'accrurent davantage encore au Moyen Âge avec le développement des arts martiaux, leur utilisation symbolique dans les rituels taoïstes et même la collection d'épées, qui devint une activité très prisée des lettrés chinois. Les épées et les experts qui les manipulaient sont régulièrement loués dans les poèmes et la littérature. Jusqu'au XIXe siècle, tous les types d'épées étaient encore utilisés: lames droites, lames courbes, lames fines, longues et courtes, sabres à l'allure diabolique, épées aux poignées élégamment incurvées, et même des fourreaux qui contenaient deux épées, une pour chaque main. L'histoire des épées en Chine est extrêmement longue et, comme dans d'autres cultures d'Asie de l'Est, elles ont captivé l'imaginaire des gens, tant anciens que modernes, comme aucune autre arme.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, octobre 26). Les Épées dans la Guerre en Chine Ancienne [Swords in Ancient Chinese Warfare]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1141/les-epees-dans-la-guerre-en-chine-ancienne/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Les Épées dans la Guerre en Chine Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 26, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1141/les-epees-dans-la-guerre-en-chine-ancienne/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Les Épées dans la Guerre en Chine Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 26 oct. 2017. Web. 24 nov. 2024.

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