Cavalerie dans la Guerre Chinoise Ancienne

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 27 octobre 2017
Disponible dans ces autres langues: anglais
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L'utilisation de la cavalerie dans la guerre chinoise fut un développement important qui fut en grande partie responsable de l'abandon des chars, ce véhicule étant beaucoup plus lent et plus lourd à manœuvrer dans les conditions de la bataille. La vitesse et la mobilité accrues de la cavalerie non seulement modifièrent la dynamique du champ de bataille et le déploiement des troupes, mais nécéssitèrent également un investissement beaucoup plus important dans les défenses fixes qu'auparavant. Un ennemi capable d'attaquer à tout moment, sur n'importe quel terrain et sans avertissement devint une caractéristique préoccupante de la guerre chinoise à partir du IVe siècle avant notre ère.

Chinese Cavalry Rider
Cavalier de cavalerie chinois
The British Museum (Copyright)

Origines et évolution

Bien que les chevaux aient été domestiqués dès le néolithique en Chine, l'animal ne fut monté que des siècles plus tard, et ce ne seraitt peut-être qu'à partir de la fin de la période des Printemps et Automnes, au Ve siècle avant notre ère, que la pratique de l'équitation devint courante. Quelques historiens continuent d'affirmer que les chevaux étaient montés lors de parties de chasse sous la dynastie Shang (c. 1600 - 1046 av. J.-C.), mais ces opinions sont minoritaires et il existe peu de preuves archéologiques à l'appui.

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La première rencontre des Chinois avec des cavaliers aurait probablement eu lieu lorsqu'ils entrèrent en contact avec des peuples nomades dans les régions frontalières de l'ouest. Les premiers furent probablement les Hu, à la fin du IVe siècle avant notre ère, qui attaquèrent les États de Chao et de Yen. L'utilisation de la cavalerie eut pour effet immédiat de faire prendre conscience que les défenses statiques devaient être réparties sur une très vaste zone et entretenues à grands frais afin de lutter contre un ennemi désormais beaucoup plus mobile. Les Chinois ne tardèrent pas à imiter cette nouvelle approche de la guerre, allant jusqu'à copier les pantalons et les vestes courtes que portaient les cavaliers étrangers, dans le but de reproduire l'effet magique de la cavalerie sur un champ de bataille jusqu'alors plutôt statique. Des développements pratiques eurent également lieu dans le domaine de l'habillement, les robes encombrantes et les longs manteaux étant remplacés par des vestes, des bottes et des pantalons maintenus par des boucles.

Jusqu'à la période Han (206 av. J.-C. - 220 AP. J.-C.), les unités de cavalerie ne constituaient qu'un petit corps au sein d'une armée chinoise beaucoup plus importante.

Malgré ses avantages évidents, la cavalerie ne demeura qu'un petit corps au sein d'une armée chinoise beaucoup plus importante jusqu'à la période Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.). L'armée de l'État Qin du IIIe siècle avant notre ère n'était composée que d'environ 10 % de cavalerie. Peu à peu, le prestige du char et son effet visuel dramatique évident firent place à la compréhension du fait que la nécessité de disposer d'un terrain plat et leur faible mobilité en action (les chars à quatre chevaux avaient besoin de beaucoup de terrain pour faire demi-tour) signifiaient que les cavaliers à un seul cheval constituaient une arme de combat bien supérieure. Les armées des premiers Han doublèrent la composante cavalerie pour atteindre 20 % de l'armée totale et l'utilisèrent à bon escient dans les batailles du fondateur des Han, Liu Pang, contre Hsiang Yu.

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Sélection des chevaux et des hommes

Les chevaux indigènes de la Chine ancienne étaient assez petits par rapport à ceux dont disposaient les tribus nomades du nord de l'Asie, et maintenant que les troupes de cavalerie avaient prouvé leur valeur, les commandants chinois commencèrent à chercher de meilleures montures. L'empereur Wu (r. de 141 à 87 av. J.-C.) se lança dans plusieurs campagnes visant spécifiquement à capturer les chevaux des peuples d'Asie centrale, réputés pour être plus forts, plus rapides et plus endurants. L'expédition aurait comporté une force de cavalerie de 10 000 hommes.

Une fois acquis, les chevaux étaient bien soignés dans les prairies et les écuries contrôlées par l'État, où ils étaient gardés dans des abris frais en été et chauds en hiver. Leur crinière était taillée, leurs sabots soignés et, au combat, ils portaient des œillères et des protections d'oreilles pour minimiser les effets du bruit et de l'action du champ de bataille. Pour les protéger dans une certaine mesure des lances ennemies, les chevaux portaient parfois une cuirasse suspendue à leur cou, faite de bronze, de fer, de cuir ou de tissu.

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Han Mounted Archer
Archer monté de la période Han
Sailko (CC BY-SA)

Quant aux hommes qui montaient les chevaux, ils devaient suivre un long entraînement et faire preuve d'une grande habileté pour gérer un cheval dans des conditions de combat, en particulier en raison de la nature primitive des selles - généralement une simple couverture roulée - et de l'arrivée tardive des étriers (à partir de la période Han). L'utilisation efficace d'une arme depuis ce siège précaire - lance, arc, hallebarde (mélange de hache et de lance) ou épée - exigeait plus d'habileté encore. C'est pourquoi de nombreuses dynasties se contentaient de recruter des cavaliers expérimentés dans les États voisins, une politique qui se poursuivit pendant la période des Trois Royaumes (220-280 de notre ère). Le traité militaire des Six Arcanes stratégiques de Taigong Liu Tao datant du IIIe siècle avant notre ère, s'exprime ainsi sur les compétences requises pour les cavaliers:

La règle pour sélectionner les guerriers de la cavalerie est de prendre ceux qui ont moins de quarante ans, qui mesurent au moins sept pieds et cinq pouces, qui sont forts et rapides et qui dépassent la moyenne. Des hommes qui, tout en montant à cheval, peuvent parfaitement tirer à l'arc et faire feu. Des hommes qui peuvent galoper d'avant en arrière, de gauche à droite et tout autour, en avançant et en reculant. Des hommes capables de sauter par-dessus les fossés, de gravir des collines et des monticules, de galoper dans des espaces étroits, de traverser de grands marais et de foncer sur un ennemi puissant, en semant le chaos dans la masse. (Sawyer, 2007, 101)

Utilisation et tactique

Les unités de cavalerie étaient utilisées comme une arme de combat, tout comme l'avait été leur prédécesseur, le char. Les cavaliers pouvaient attaquer l'ennemi pour briser ses lignes d'infanterie et perturber les formations tactiques planifiées par le commandant adverse. Armés d'arcs et capables de les tirer en mouvement, les cavaliers pouvaient se lancer dans des attaques éclair. Très mobile, la cavalerie permettait également d'utiliser des tactiques peu orthodoxes sur un champ de bataille qui avait été quelque peu formel dans le déploiement des troupes, en particulier lors de l'ascension des chars.

Taigong Liu Tao décrit son idée du déploiement idéal de la cavalerie:

La cavalerie est la flotte d'observateurs de l'armée, le moyen de poursuivre une armée vaincue, de couper les lignes de ravitaillement, de frapper les forces itinérantes... Dix cavaliers peuvent repousser cent fantassins, et cent cavaliers peuvent repousser mille hommes... Quant au nombre d'officiers dans la cavalerie: un chef pour cinq hommes; un capitaine pour dix; un commandant pour cent; un général pour deux cents.

La règle pour les combats en terrain facile: Cinq cavaliers forment une ligne et, d'avant en arrière, leurs lignes doivent être séparées de vingt pas, de gauche à droite de quatre pas, avec cinquante pas entre les détachements.

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Sur un terrain difficile, la règle est la suivante: d'avant en arrière, dix pas; de gauche à droite, deux pas ; entre les détachements, vingt-cinq pas. Trente cavaliers forment une compagnie; soixante forment un régiment. Pour dix cavaliers, il y a un capitaine. (Sawyer, 2007, 99-100)

Bien qu'il ne soit pas certain que les commandants sur le terrain aient jamais suivi ces conseils, ces traités militaires étaient largement étudiés et même appris par cœur par certains commandants. Il est également vrai que la plupart d'entre eux furent rédigés sur la base de méthodes testées. La question de savoir combien de temps ces conseils restèrent valables est un autre point discutable.

L'une des utilisations courantes de la cavalerie consistait à la placer aux ailes des formations d'infanterie, afin de les protéger contre les manœuvres de débordement de l'ennemi. La cavalerie était également utilisée pour protéger l'arrière d'une armée en mouvement. Au IIe siècle avant notre ère, les cavaliers portaient des boucliers, mais ceux-ci étaient probablement utilisés pour les combats à pied, car la plupart des armes de cavalerie nécessitaient l'usage des deux mains. Certains commandants furent également à l'origine de certaines innovations, comme un officier de l'armée de Sima Yi qui, lors d'une bataille en 303 de notre ère, demanda à quelques milliers de ses cavaliers d'attacher une hallebarde à double extrémité de chaque côté de leur cheval avant de charger l'ennemi et de remporter la victoire.

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Northern Wei Cavalry Rider
Cavalier de cavalerie Wei du Nord
The British Museum (Copyright)

L'adoption de l'étrier et de meilleures selles permit aux cavaliers de mieux contrôler leur monture et de porter des armes et des armures plus lourdes. Le IVe siècle de notre ère vit l'introduction d'une cavalerie lourde dotée d'une armure cataphractaire protégeant l'ensemble du corps du cavalier et de sa monture. Cette innovation fut probablement introduite en Chine à partir de la Mandchourie, et la plus ancienne représentation artistique de cette cavalerie provient d'une tombe coréenne datant de 357 de notre ère (dans une région alors contrôlée par des commanderies chinoises). Cette cavalerie lourde, utilisée pour se frayer un chemin et désorganiser les formations ennemies, en les affaiblissant avant l'arrivée de l'infanterie, devint le corps d'élite de l'armée chinoise semblable aux chevaliers de l'Europe médiévale.

Défenses contre la cavalerie

Une tactique de défense contre les unités de cavalerie consistait à placer des chausse-trappes (dispositifs à pointes) en bois dans le sol où l'ennemi était censé s'approcher. Elles sont mentionnées dans les Six Arcanes stratégiques:

Elles sont utilisées pour vaincre l'infanterie et la cavalerie, pour presser l'attaque contre les envahisseurs et pour intercepter leur fuite... Pour les routes étroites et les petits chemins de traverse, on installe des chausse-trappes en fer de 20 cm de large, avec des crochets de 20 cm de haut et des tiges de plus de 1,8 m... Elles servent à vaincre la cavalerie qui bat en retraite. (Sawyer, 2007, 77-8)

D'autres moyens de défense contre une bande de cavaliers en maraude consistaient à utiliser des chaînes de fer tendues en travers des chemins, des fossés couverts et à planter des lances dans un sol herbeux à un angle avec la pointe vers le haut, ce que l'on appelait de façon imagée "l'herbe du dragon".

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Cavalerie ultérieure et déclin

La cavalerie continua à être utilisée efficacement sous la dynastie Sui (581-618) et, comme auparavant, les cavaliers étaient souvent recrutés en dehors de la Chine. La dynastie Tang (618-907) recrutait elle aussi à l'étranger et utilisait des cavaliers turcs et ouïghours, qu'elle mélangeait à ses propres troupes pour former des corps de cavalerie de plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Cette période marqua également le retour à une cavalerie plus légère et plus mobile. Cependant, au IXe siècle, et malgré le maintien d'unités d'élite de cataphractes, la cavalerie n'était plus considérée comme une composante majeure des armées de campagne, une décision que les Chinois allaient regretter par la suite.

En effet, la boucle de l'histoire allait être bouclée et les armées chinoises, bien que compétentes en terme de cavalerie, allaient à nouveau recevoir une leçon d'équitation et de guerre de la part des nomades des steppes, tout comme cela s'était produit au Ve siècle avant notre ère. Cette fois, elles furent défaites par les forces de cavalerie de l'empire mongol, dont l'habileté, la rapidité, l'amour des feintes de retraite et le manque total d'intérêt pour la guerre de position permirent aux "barbares" de remporter victoire sur victoire et de prendre finalement le contrôle de l'État chinois au XIIIe siècle.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur, à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que partagent toutes les civilisations. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, octobre 27). Cavalerie dans la Guerre Chinoise Ancienne [Cavalry in Ancient Chinese Warfare]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1142/cavalerie-dans-la-guerre-chinoise-ancienne/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Cavalerie dans la Guerre Chinoise Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 27, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1142/cavalerie-dans-la-guerre-chinoise-ancienne/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Cavalerie dans la Guerre Chinoise Ancienne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 27 oct. 2017. Web. 28 mars 2025.

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