Les toilettes ou latrines médiévales étaient primitives, mais dans un château, on pouvait trouver un peu plus de confort et certainement beaucoup plus d'efforts de conception que ce qui avait été investi ailleurs. L'aspect pratique, l'intimité et l'efficacité de l'élimination des déchets étaient pris en compte et, aujourd'hui encore, l'une des caractéristiques les plus marquantes et les plus facilement identifiables des châteaux médiévaux en ruine sont les latrines qui dépassent de leurs murs extérieurs.
Noms
Les toilettes médiévales, tout comme aujourd'hui, étaient souvent désignées par un euphémisme, le plus courant étant "lieu d'aisance", simplement "aisance" ou "garde-robe". Parmi les autres noms, citons la "commodité ", le "gong", la "maison de siège", le " nécessaire " et même le " trône ". Garde-robe devint ensuite synonyme d'armoire en français, mais sa signification originale était probablement n'importe quelle petite armoire ou pièce et, comme l'espace était précieux dans un château, les toilettes n'étaient jamais plus grandes que le strict nécessaire.
Extérieurs
Les toilettes d'un château étaient généralement construites dans les murs de façon à ce qu'elles fassent saillie sur des corbeaux et que les déchets tombent en dessous et dans les douves du château. Mieux encore, les déchets allaient directement dans une rivière comme c'était le cas des latrines de l'une des grandes salles en pierre du château de Chepstow au Pays de Galles, construit à partir du 11e siècle. Certains châteaux, comme le château de Corfe dans le Dorset (Angleterre), construit au XIe siècle, avaient des puits de latrines qui se vidaient directement dans la cour ou la cour d'honneur, tandis que d'autres étaient suspendus au-dessus d'une falaise, comme le château de Peveril dans le Derbyshire (Angleterre), construit entre 1176 et 1777.
Le puits en maçonnerie en saillie qui constituait la toilette était contrebuté par le bas ou pouvait se nicher dans la jonction entre une tour et un mur. Certains puits d'évacuation étaient courts tandis que d'autres atteignaient presque le sol. Dans ce dernier cas, cette caractéristique pouvait s'avérer dangereuse en cas de siège du château. En effet, les assiégeants utilisèrent un tel puits de latrines en 1203-1204 pour pénétrer dans le château Gaillard sur la Seine, en France, construit par Richard Ier (r. 1189-99) à la fin du XIIe siècle. Après le siège, pour éviter que cette astuce ne se reproduise, un mur de maçonnerie fut construit autour de la sortie du puits.
Un autre concept était différents niveaux de toilettes sur le mur extérieur où les puits envoyaient tous les déchets au même point de collecte. Le château de Douvres, construit dans la seconde moitié du 11e siècle, avait une fosse d'aisance à la base d'un mur du donjon pour recueillir les déchets des toilettes situées au-dessus. Au château de Coity au Pays de Galles, construit au 12e siècle, il y avait trois niveaux de toilettes, les puits se déversant dans le sous-sol de la même cour. La même disposition fut trouvée au château de Langley dans le Northumberland, en Angleterre, construit vers 1350, le point de collecte commun étant une fosse qui était nettoyée par un ruisseau naturel. Il y avait également des toilettes dans les bâtiments du rez-de-chaussée et elles avaient des canaux de drainage en pierre pour évacuer les déchets. Les déchets provenant de ces points de collecte, ou du fossé en général, étaient probablement collectés par les agriculteurs locaux pour être réutilisés comme engrais. Lorsque les châteaux devinrent plus grands et plus confortables à partir du 14e siècle, le nombre de commodités augmenta. Le château de Bodiam dans l'East Sussex, en Angleterre, par exemple, ne comptait pas moins de 28 toilettes se déversant dans ses douves.
Intérieurs
Vues de l'intérieur, les toilettes se trouvaient en retrait dans un renfoncement ou dans une chambre murale (un passage dans un mur), mais toutes n'avaient pas le luxe d'avoir une porte en bois. Un passage court et étroit menait parfois aux toilettes, souvent avec un virage à angle droit pour plus d'intimité. Les doubles toilettes, séparées par un mur, n'étaient pas rares et pouvaient partager un même conduit d'évacuation. La chambre du seigneur du château disposait souvent de latrines privées, mais même lui avait, comme tout le monde, un pot de chambre en cas de besoin. Le prêtre du château pouvait également être l'un des rares chanceux à disposer d'une salle de bain attenante à sa propre chambre, comme au château de Northampton, en Angleterre, construit à la fin du 11e siècle. Un autre endroit sûr pour trouver des toilettes de château était le coin de la grande salle où se tenaient les audiences et les banquets.
Le siège de toilette était constitué d'un banc en bois recouvrant le trou du puits dans la maçonnerie. Le bois était généralement coupé avec une ouverture rectangulaire ou en trou de serrure. Le foin, l'herbe ou même la mousse étaient utilisés comme papier toilette. Le foin de toilette est mentionné par les auteurs médiévaux, bien qu'indirectement. Jocelin de Brakelond, moine anglais du XIIe siècle, raconta qu'un incendie avait failli se déclarer dans l'abbaye de Bury St. Edmonds lorsqu'une bougie avait brûlé tout près du foin dans l'une des toilettes de l'abbaye.
Certaines toilettes avaient une fenêtre pour laisser entrer l'air frais, qui pour la même raison n'était pas fermée comme les autres fenêtres d'un château. Le sol pouvait être parsemé de joncs et d'herbes aromatiques et de fleurs, comme l'était la Grande Salle du château, pour dissuader la vermine et offrir un parfum plus agréable que celui que pouvaient procurer les usagers. Les murs étaient parfois blanchis à la chaux avec une couche d'enduit qui maximisait la lumière provenant de la petite fenêtre et parce que la chaux tue les bactéries.
Les toilettes étaient nettoyées soit par un simple seau d'eau jeté dans le puits, soit en détournant les eaux usées des éviers de la cuisine. Plus rarement, l'eau de pluie était détournée des gouttières situées au-dessus de la latrine. Elle pouvait également être recueillie dans une citerne, puis ouverte périodiquement pour rincer le conduit d'évacuation. Malgré ces raffinements, il ne fait aucun doute que les toilettes d'un château sentaient mauvais. En effet, il n'était pas rare de suspendre les vêtements près des latrines car les vapeurs d'ammoniaque piquantes aidaient à tuer les acariens. Henri III d'Angleterre (r. 1216-1272) mentionna le problème des odeurs nauséabondes dans une lettre adressée à l'un des connétables de son château, ordonnant un réaménagement des installations de la Tour de Londres à budget illimité:
Puisque la chambre privée... à Londres est située dans un endroit indu et inapproprié, d'où sa mauvaise odeur, nous vous commandons, sur la foi et l'amour par lesquels vous êtes liés à nous, de ne pas omettre de faire faire une autre chambre privée... dans un endroit plus approprié et adéquat que vous pourrez choisir, même si cela doit coûter cent livres, afin qu'elle soit faite avant la fête de la Translation de Saint Édouard, avant que nous venions ici. (Gies, 73)
Urinoirs
Des urinoirs triangulaires furent construits dans les murs de certaines tours afin que les défenseurs n'aient pas à quitter leur poste très longtemps. On en trouve un exemple dans le passage mural du château d'Orford dans le Suffolk, en Angleterre, construit dans la seconde moitié du 12e siècle. Il semble que même des activités humaines aussi élémentaires étaient considérées par les architectes comme la meilleure défense possible du château contre tout arrivant et dans toutes les situations. Il est intriguant de constater qu'au château de Castle Rising dans le Norfolk, en Angleterre, construit au milieu du 12e siècle, deux toilettes sont situées l'une à côté de l'autre mais dans des pièces séparées, l'une avec des toilettes et l'autre avec un urinoir, ce qui pourrait peut-être être la preuve d'une séparation des sexes.