Le char était l'arme d'élite des armées de l'Inde antique dans les périodes védique (1500 av. JC - 1000 av. JC) et épique (décrite par le Ramayana et le Mahabharata, 1000-600 av. JC) en raison des avantages qu'il conférait et de la sélection de terrains plats comme champs de bataille. Les chars étaient très mobiles et donnaient un avantage sur l'infanterie et la cavalerie. Au fil du temps, à partir du 6e siècle avant notre ère, ils perdirent leur position de tête au profit des éléphants, à tel point que le corps de chars ne fit plus partie de l'armée indienne de l'antiquité. Cependant, dans les premiers siècles de la guerre indienne, ils étaient considérés comme irremplaçables.
L'importance du char
Dans l'Inde antique, l'armée était initialement divisée en quatre (chaturanga), composée de l'infanterie, de la cavalerie, des éléphants et des chars. À l'époque védique, le char se vit accorder une importance primordiale. Dans le Mahabharata, les chars étaient considérés comme des instruments de combat invincibles, les autres armes étant jugées insignifiantes. Les guerriers d'élite, y compris les rois, les princes et les commandants, combattaient toujours sur des chars. Les guerriers d'élite étaient loués en tant que grands combattants sur chars (maharathas ou maharathis) et il était considéré comme dégradant pour eux de combattre au sein de toute autre arme de l'armée. La littérature védique Samhita contient les termes rathagrtsa (habile dans le combat en char), rathaujas (puissant dans le combat en char) et rathechitra (glorieux dans le char), comme épithètes des chefs et des commandants.
L'importance des chars résidait dans le fait qu'ils étaient mobiles et pouvaient transporter des soldats capables de tirer tout en se déplaçant sur toute la longueur et la largeur du champ de bataille. Ces véhicules pouvaient facilement faucher l'infanterie ennemie. L'armée de Magadha, sous le règne du roi Ajatashatru (492-460 av. JC), utilisait le rathamusala (un char auquel était attachée une masse), qui causait beaucoup de ravages dans l'armée ennemie. Les chars et la cavalerie avaient également un avantage lorsqu'ils combattaient une infanterie ennemie utilisant principalement des arcs. Les archers étant inutiles de près, les troupes montées pouvaient donc facilement les approcher et les abattre. C'est pour ces raisons qu'à l'époque védique et épique, le choix du champ de bataille se faisait en fonction de la meilleure façon d'utiliser les chars.
Organisation des corps de chars
Les chars de combat étaient appelés sangramika tandis que les chars utilisés pour attaquer les forteresses ennemies étaient appelés parapurabhiyanika. Dans le Mahabharata, les chars étaient associés à d'autres guerriers pour former de nouvelles unités. Un char et un éléphant, trois chevaux et cinq fantassins formaient un patti, qui était l'unité la plus basse. L'unité la plus élevée était l'akshauhini, qui, en théorie du moins, se composait de 21 870 chars, 21 870 éléphants, 65 610 chevaux et 109 350 fantassins. En pratique, il est fort probable que les effectifs étaient bien moindres, car il n'était pas possible qu'un seul camp puisse déployer de tels effectifs.
Sous Chandragupta Maurya (321-297 av. JC), l'armée mauryenne possédait 8 000 chars. Sous les Mauryas (IVe siècle av. JC - IIe siècle av. JC), où le bureau de guerre de trente membres était composé de six conseils, le cinquième conseil, dirigé par le rathadhyaksha (surintendant des chars), s'occupait des chars. Outre ses fonctions militaires, il réglait les comptes des provisions et les salaires des employés chargés de préparer les chars entre autres choses. Il devait également veiller à ce qu'ils soient satisfaits et heureux en leur donnant des récompenses adéquates (yogyarakshanushthanam) et vérifier la distance des routes pour s'assurer que les chars roulent sans problème. Les princes étaient formés à la guerre de chars dans le cadre de leur éducation militaire générale.
Construction
Le char ou ratha était généralement un véhicule à deux roues. Le kosha ou caisse, où se tenaient les guerriers, était fait d'osier ou de cuir sur un cadre en bois léger. Elle était fixée sur un axe en bois (aksha) fixé au centre du plancher du char et était attachée par des sangles en cuir. Les roues étaient fixées à ses extrémités et dépassaient librement du corps du véhicule de chaque côté, fixées par des goupilles sur leurs faces extérieures. Il y avait également une haute hampe de drapeau (dhvajayashti), portant l'enseigne du guerrier sous la forme d'une image ou d'un emblème, sous laquelle se trouvait son drapeau (dhvaja).
Une barre centrale partait vers l'avant depuis le bas du char. Son extrémité passant par un trou dans le joug, cette barre s'élevait en formant un angle avec le plancher du char, généralement en courbe mais parfois aussi en ligne droite. La barre était traversée par un axe solide (shamya) ou un boulon contre lequel le joug était attaché avec des lanières de cuir. Le joug (yuga) était posé sur le cou des chevaux de chaque côté du poteau. On utilisait généralement deux chevaux par char, mais on en voyait parfois trois ou quatre. Les chevaux étaient attelés de front, car ce large front permettait d'exercer une plus grande force de projectile.
Les roues avaient des pneus en métal dont le rebord était appelé pavi, le cercle (pradhi), des rayons (ara) et une nef (nabhya) avec un trou (kha). La rebord et le cercle étaient appelées ensemble nemi. La roue de char védique semble avoir eu de quatre à huit rayons. D'autres rayons furent probablement ajoutés à des périodes ultérieures. Les sculptures de Sanchi et de Bharhut représentent ces chars védiques, mais avec de légères modifications jugées utiles à leur époque. Le matériau de construction des chars était principalement le bois. Le rathadhyaksha était chargé de superviser la construction des chars.
Troupes et équipement
Les troupes montées sur un char se composaient principalement d'archers cuirassés ou non et de troupes de tir efficaces pour lancer des massues et des gourdins. Le rathadhyaksha devait s'assurer qu'ils étaient efficaces au combat, à la conduite du char, au combat assis sur le char et au contrôle des chevaux du char, et qu'ils disposaient de l'équipement nécessaire. Lorsqu'ils étaient délogés d'un char, les guerriers devaient poursuivre le combat à pied et étaient donc formés en conséquence. Ils portaient donc également des lances, des épées, des poignards et des boucliers.
Au départ, les chars transportaient deux cavaliers, à savoir le guerrier et le conducteur du char. Le guerrier, appelé savyeshtha ou savyashtha, se tenait à gauche, ou assis sur un siège appelé garta ou vandhura. Le conducteur ou sarathi se tenait à droite et restait debout (sthatr). Il portait un turban, un ornement (nishka), une couronne de tête (sraj), la partie supérieure du corps étant nue, et ne portait probablement aucune arme. Les textes bouddhiques du Vinaya (500 av. JC - 300 av. JC) mentionnent quatre cavaliers. Deux étaient des fantassins armés qui s'occupaient de chaque roue, tandis que le guerrier et le conducteur occupaient le char.
Les archers utilisaient des flèches à pointe de métal ou de corne, et parfois même du poison. Les carquois contenant les flèches et les lances étaient attachés à la caisse du char. Dans une sculpture réalisée pendant la période Gupta (3e siècle - 6e siècle de notre ère) représentant une scène du Mahabharata, les guerriers du char ont des carquois attachés à leur dos ainsi qu'à la caisse du char. Ils ne portent pas d'armure mais seulement des protège-poignets. Une petite figure, représentant peut-être le conducteur du char, est visible dans le char de droite. Les chevaux des chars étaient souvent protégés par une armure. Il s'agissait soit d'une forme d'armure de chaîne en fer ou en bronze lavée à l'or, soit de robes en cuir ou même de cuirasses en bois.
Les chars au combat
Dans son Arthashastra, Kautilya (c. IVe siècle av. JC) donne des détails sur la façon dont les chars doivent être utilisés au combat. Pour s'opposer aux chars ennemis, il faut utiliser 15 hommes ou cinq chevaux. Jusqu'à 15 hommes de pied (padagopas) doivent être en soutien pour chaque char pendant la bataille. Dans le Mahabharata, ils sont appelés anucharas ou padanugas.
Lors de la formation de l'armée, trois groupes (anika) de trois chars chacun devaient être stationnés à l'avant de l'armée, avec le même nombre sur les deux flancs et les deux ailes. Le nombre de chars dans cette rangée (de trois groupes de trois chars chacun) pouvait être augmenté jusqu'à ce que le nombre soit de 21. Si les chars étaient en surplus, les deux tiers de ce nombre pouvaient être ajoutés aux flancs et aux ailes, le reste étant placé à l'avant.
Les éléphants devaient être placés aux extrémités du champ de bataille et les chevaux et chars principaux sur les flancs. La disposition dans laquelle les éléphants étaient à l'avant, les chars sur les flancs et les chevaux sur les ailes était censée briser le centre de l'armée ennemie. Perturber la halte de l'ennemi, le contrer, le faire reculer et le combattre de là où il se trouve sur son propre terrain, telles sont les différentes façons de faire la guerre avec des chars " (Shamasastry, p. 535).
Dans la bataille, les guerriers sur les chars visaient la hampe du drapeau, les chevaux et les charretiers de leurs adversaires, qui faisaient de même. Si l'adversaire n'était pas tué, il sautait à terre depuis son char endommagé et continuait le combat à pied jusqu'à ce qu'il ne soit récupéré par d'autres chars de son propre camp. Les guerriers des chars s'attaquaient également à l'infanterie ennemie, en tirant constamment sur elle. Dans le Mahabharata, des duels entre guerriers d'élite sont mentionnés. Les héros ne cessent de se tirer des flèches, et le duel se termine par la mort ou la fuite de l'un d'entre eux.
Les causes du déclin
Le principal inconvénient du char était qu'il ne pouvait pas être utilisé sur des terrains accidentés ou difficiles, ou dans des conditions météorologiques défavorables. Ils avaient besoin de vastes plaines pour fonctionner efficacement, sinon leur mobilité était réduite. Lors de la La bataille de l'Hydaspe (326 av. JC), les chars utilisés par le roi Porus (c. 4e siècle av. JC) contre les Macédoniens dirigés par Alexandre le Grand (356 - 323 av. JC) échouèrent lamentablement à cause de la boue et de la pluie. La pluie qui avait fait rage pendant la nuit précédant la bataille avait rendu le sol glissant et impropre au mouvement des chevaux, et les chars restèrent coincés dans les bourbiers formés par la pluie. Ils furent également embourbés par leur propre poids. L'idée d'utiliser l'élan du poids et de la vitesse du cheval et du char comme une arme offensive ne fut pas brillante car le sol accidenté et glissant désarçonna les guerriers de leurs chars. Certains chevaux prirent peur et entraînèrent les chars dans les marécages et les flaques d'eau, et même dans la rivière voisine. La charge de la cavalerie macédonienne ne fit qu'empirer les choses : les chars furent jetés dans la confusion totale et de nombreux cavaliers furent tués.
Les changements apportés aux techniques de guerre des Indiens de l'antiquité conduisisirent à des facteurs tels que la surprise, le fait de se lancer dans la bataille au dernier moment et de combattre sur des terrains variés déterminant le site de la bataille. Dans un tel scénario, l'utilisation efficace du corps de chars ne pouvait plus être le facteur décisif dans cette sélection. Les autres branches d'une armée pouvaient être facilement employées sur des terrains différents et les chars furent donc laissés de côté.
Avec le temps, les Indiens réalisèrent que l'éléphant (malgré ses inconvénients) était plus efficace. Les éléphants pouvaient être utilisés efficacement dans les guerres de siège, étaient beaucoup plus puissants en raison de leur taille, offraient une protection semblable à celle d'un fort aux cavaliers et étaient plus mobiles. Un éléphant offrait également une meilleure vue d'ensemble de la bataille au général qui le montait. L'impact psychologique d'un éléphant fauchant la malheureuse infanterie était également beaucoup plus important que celui d'un char.
Cette tendance à délaisser le char commença au 6e siècle av. JC. Les rois et les commandants commencèrent à monter des éléphants. Sur un relief du stupa de Sanchi, qui montre sept rois marchant pour assiéger la ville de Kushinagara, un seul roi conduit un char, tandis que les six autres montent des éléphants ou des chevaux. Dans un autre relief du stupa, qui montre les Mallas défendant la ville contre les armées de ces rois, une plus grande importance est accordée aux éléphants et à l'infanterie, en particulier aux archers. Ce siège eut probablement lieu au cours du cinquième siècle av. JC et cette sculpture montre qu'à cette époque, le processus de déclin des chars en tant qu'arme militaire efficace était déjà en cours.
Les chars devinrent donc insignifiants et perdirent leur statut d'élite. Ce développement finit par conduire à l'élimination progressive des chars des armées indiennes antiques, à tel point que si les représentations sculpturales des périodes ultérieures montraient des chars au combat, il s'agissait le plus souvent de scènes tirées du Mahabharata et n'avaient rien à voir avec les guerres contemporaines qui n'employaient pas de chars. Ainsi, même si les Mauryas conservaient des chars, ils ne leur accordaient pas la même importance qu'aux autres armes. La place que Kautilya accorde aux chars dans son livre est bien moindre par rapport aux éléphants et même à l'infanterie.
L'héritage
Le développement du char fut largement dû au besoin de mobilité sur le champ de bataille de l'Inde ancienne. Bien que les éléphants et, plus tard, les chevaux aient été considérés comme remplissant mieux cet objectif, c'est le char trôna au début. Bien qu'ils soient devenus superflus et aient été mis hors service, ils laissèrent derrière eux un héritage, à savoir la nécessité de développer des unités mobiles et capables de s'attaquer efficacement à l'ennemi, principalement concentré sous la forme de l'infanterie.