La bataille de l'Ad Decimum près de Carthage, en Afrique du Nord, se déroula en septembre 533 et fut la première grande bataille de la guerre des Vandales (de 533 à 534) entre les forces de l'Empire byzantin et le royaume vandale. À la tête des Vandales se trouvait le nouveau roi couronné Gélimer (480-550), qui avait usurpé le titre d'Hildéric (r. de 530 à 534). Du côté des Romains se trouvait l'étoile montante de l'armée byzantine, Bélisaire (c. 500-565). Cette bataille marqua le début définitif des guerres de reconquête de Justinien Ier (r. de 527 à 565). Ces guerres furent menées dans le but ultime de réunir les anciennes provinces de l'Empire romain d'Occident à l'Empire byzantin.
Prologue
La bataille de l'Ad Decimum trouve son origine dans la politique expansionniste de l'empereur byzantin Justinien Ier et son objectif de reconquérir les anciennes provinces de l'Empire romain d'Occident pour les ramener dans le giron romain de ce qui était l'Empire romain d'Orient. Les Vandales occupaient l'ancienne province romaine d'Afrique du Nord depuis près de 100 ans, avec deux exploits militaires notables à leur actif. Il s'agissait de la mise à sac de Rome en 455 de notre ère et de la défaite d'une importante flotte d'invasion byzantine en 468; une flotte chargée de la même mission que celle de Bélisaire quelques années plus tard. Justinien Ier, après avoir obtenu une "paix éternelle" avec l'empire sassanide, se tourna vers l'ouest pour reconquérir l'ancien Empire romain d'Occident et envisagea d'abord de reprendre l'Afrique du Nord. Justinien n'avait besoin que d'une raison pour s'impliquer dans les affaires vandales et le coup d'État mené par Gélimer contre le roi vandale pro-romain Hildéric, en 530, lui en fournit une.
La bataille
Bélisaire et son armée quittèrent Constantinople en juin 533 sur des navires de la marine byzantine. La force d'invasion romaine navigua d'abord vers l'île de Sicile pour effectuer une reconnaissance du terrain en vue de futures opérations militaires, puis débarqua au sud de Carthage, dans la ville de Caput Vada. Cette décision n'avait pas été prise sans raison. Alors que le corps expéditionnaire s'approchait de la côte africaine, Bélisaire et ses généraux tinrent un conseil pour discuter de l'invasion imminente. Plusieurs généraux byzantins préconisaient de débarquer directement à Carthage pour prendre les Vandales au dépourvu et les pénaliser. Cependant, Bélisaire fit valoir qu'un tel débarquement placerait la flotte byzantine dans la zone d'opération de la marine vandale. Un tel engagement naval entre la marine byzantine, beaucoup plus petite et dont les hommes seraient fatigués et souffriraient du mal de mer, et la marine vandale, plus grande et reposée, conduirait presque inévitablement à une défaite byzantine et à la fin de l'expédition. Une telle fin rappellerait fortement l'échec de l'invasion de 468 de notre ère. Fort de cet argument, Bélisaire décida de minimiser les risques pour son armée et la flotte évita donc Carthage. Après le débarquement de son armée, Bélisaire la conduisit au combat à l'Ad Decimum, une bataille terrestre qui se déroula à environ 16 km au sud de la ville de Carthage.
Du côté des Vandales se trouvait le roi Gélimer, nouvellement couronné. Gélimer prévoyait de mettre fin à l'invasion byzantine en un seul engagement décisif. Il espérait piéger la force d'invasion byzantine le long de la côte à l'Ad Decimum en coordonnant trois forces distinctes pour bloquer le front de l'armée byzantine tout en attaquant simultanément l'arrière et le flanc. Il prévoyait d'utiliser la géographie autour de l'Ad Decimum pour piéger et regrouper l'armée byzantine. Cependant, en l'absence d'une structure de commandement et de contrôle sophistiquée, une telle synchronisation s'avéra impossible pour l'armée vandale. Ce manque de synchronisation allait finalement entraîner la chute de Gélimer au cours de cette bataille.
La force de blocage vandale quitta Carthage tôt et avec une mauvaise organisation - les Vandales partirent de Carthage en petites bandes et sans réelle coordination. Au cours de leur mouvement vers l'Ad Decimum, le premier élément vandale, dirigé par le frère de Gélimer, entra en contact avec le premier élément byzantin sous le commandement de Jean l'Arménien, l'un des commandants subalternes de confiance de Bélisaire. Jean et sa force d'avant-garde foncèrent sur l'avant-garde vandale, tuèrent le frère de Gélimer et commencèrent à détruire systématiquement les petits groupes de soldats vandales, petit à petit, jusqu'à la ville de Carthage.
Une histoire très similaire se déroula sur le flanc gauche de Bélisaire, sa droite étant gardée par la mer et la marine byzantine, où un groupe de mercenaires hunniques à la solde des Byzantins rencontra et détruisit la force vandale dont la mission était d'attaquer Bélisaire sur ce flanc. Les Vandales furent tellement terrifiés en voyant les Huns (connaissant fort bien leur réputation) qu'ils furent apparemment choqués et immédiatement démoralisés.
Bélisaire, dans sa quête incessante de renseignements sur le champ de bataille, avait placé des éclaireurs à l'arrière et sur les côtés de son armée. Ces éclaireurs permirent à Bélisaire de détecter la principale armée vandale sous les ordres de Gélimer qui le suivait à l'arrière. Il s'agissait d'une information importante, car des renseignements fiables sur les mouvements de l'ennemi, comme c'est souvent le cas dans les batailles, s'avéraient un facteur déterminant pour le succès d'un général sur le champ de bataille. Ces renseignements allaient conduire Bélisaire à camper son infanterie dans un endroit fortifié afin de protéger ses arrières contre l'armée de Gélimer, tout en permettant à sa cavalerie de manœuvrer à sa guise sans se soucier de protéger l'infanterie.
L'engagement final de la bataille de l'Ad Decimum opposa Bélisaire à Gélimer et à la principale armée vandale. Gélimer, qui avait emprunté une route intérieure pour devancer Bélisaire à l'Ad Decimum, tomba, pour une raison inconnue, sur les Huns qui venaient d'éliminer sa force de flanc. Gélimer et son armée reprirent la colline et mirtent les Huns en déroute. Cependant, en prenant la colline, Gélimer découvrit le corps de son cousin et de son frère décédés. Gélimer fut alors totalement désemparé et négligea le commandement de ses soldats. Bélisaire rallia ce qui restait des Huns et lança sa cavalerie à l'assaut de l'armée vandale, supérieure en nombre, qui se trouvait au sommet de la colline. Cette charge, associée à la désorganisation due à l'instabilité émotionnelle de Gélimer, prit les Vandales au dépourvu. Bélisaire réussit à chasser les Vandales de l'Ad Decimum et s'assura ainsi une victoire importante et une route sûre vers Carthage.
Suites de la guerre
Après la déroute de Gélimer dans le désert d'Afrique du Nord, il y eut une autre bataille majeure de la guerre vandale à Tricaméron en décembre 533, où Gélimer connut une fois de plus la défaite. Immédiatement après la bataille, Bélisaire prit le temps de réorganiser et de reconsolider ses forces avant d'entrer dans la ville de Carthage. L'armée byzantine occupa pacifiquement la ville sous les ordres de Bélisaire. Après l'occupation de Carthage, les Byzantins reconstruisirent la ville et s'aventurèrent à attaquer les Vandales à Tricaméron. Cette deuxième victoire en faveur de Bélisaire et des Byzantins assura la réunification de la province africaine au sein de l'Empire byzantin. Par la suite, la province deviendrait l'une des plus stables de tout l'Empire byzantin. Pendant ce temps, Gélimer fut expédié à Constantinople, enchaîné, pour être présenté lors d'un triomphe romain. Bélisaire poursuivit ses campagnes de reconquête en Sicile et en Italie, ne devant retourner en Afrique qu'une seule fois pour mater une révolte menée par des commandants militaires byzantins mécontents.