Les monastères étaient un élément omniprésent du paysage médiéval et peut-être plus de la moitié d'entre eux étaient consacrés uniquement aux femmes. Les règles et le mode de vie au sein d'un monastère étaient très similaires à ceux d'un monastère masculin. Les moniales faisaient vœu de chasteté, renonçaient aux biens matériels et se consacraient à la prière, aux études religieuses et à l'aide aux plus démunis de la société. De nombreuses moniales produisirent de la littérature et de la musique religieuses, la plus célèbre de ces auteurs étant l'abbesse Hildegard de Bingen, du 12e siècle.
Couvents : Origines et développements
Les femmes chrétiennes ayant fait vœu de mener une vie ascétique simple et chaste afin d'honorer Dieu, d'acquérir des connaissances et de faire des œuvres de charité sont attestées depuis le IVe siècle de notre ère, si ce n'est plus tôt, tout comme les hommes chrétiens qui menaient une telle vie dans les régions reculées d'Égypte et de Syrie. En effet, certains des ascètes les plus célèbres de cette période étaient des femmes, notamment la prostituée réformée Sainte Marie d'Égypte (vers 344 - vers 421 de notre ère) qui passa 17 ans dans le désert. Au fil du temps, les ascètes ont commencé à vivre en communautés, même si, au départ, ils continuaient à mener leur propre vie individualiste et ne se réunissaient que pour les services. Au fur et à mesure que ces communautés devenaient plus sophistiquées, leurs membres ont commencé à vivre de manière plus communautaire, partageant le logement, les repas et les tâches nécessaires au maintien des complexes qui formaient ce que nous appelons aujourd'hui des monastères et des couvents.
L'idée monastique se répandit en Europe au Ve siècle de notre ère, où des personnages tels que l'abbé italien Saint-Benoît de Nursie (vers 480-c. 543 de notre ère) établirent des règles de conduite monastique; lui créa l'ordre bénédictin qui allait fonder des monastères dans toute l'Europe. Selon la légende, Benoît avait une sœur jumelle, Sainte Scholastique, qui fonda des monastères pour les femmes. Ces couvents étaient souvent construits à une certaine distance des monastères de moines, car les abbés craignaient que leurs membres ne soient distraits par la proximité du sexe opposé. Des monastères comme l'abbaye de Cluny en Bourgogne française, par exemple, interdisaient l'établissement d'un couvent à moins de quatre miles de ses terres. Néanmoins, une telle séparation n'était pas toujours le cas et il existait même des monastères mixtes, notamment dans le nord de l'Europe, dont l'abbaye de Whitby dans le nord du Yorkshire, en Angleterre, et Interlaken en Suisse sont des exemples célèbres. Il est peut-être important de rappeler que, de toute façon, la vie monastique médiévale des hommes et des femmes était remarquablement similaire, comme le note ici l'historien A. Diem :
...la vie monastique médiévale a émergé comme une séquence de modèles "uni-sexuels". L'expérience de longue haleine consistant à façonner des communautés religieuses idéales et des institutions monastiques stables a créé des formes de vie monastique qui étaient largement applicables aux deux sexes (bien que généralement dans une stricte séparation). Tout au long du Moyen Âge, les communautés monastiques masculines et féminines ont largement utilisé un corpus partagé de textes faisant autorité et un répertoire commun de pratiques. (Bennet, 432)
Tout comme les monastères masculins, les couvents pouvaient subvenir à leurs besoins grâce aux dons de terres, de maisons, d'argent et de biens provenant de riches bienfaiteurs, aux revenus de ces domaines et propriétés par le biais de loyers et de produits agricoles, et aux exonérations fiscales royales.
Les couvents
À partir du 13e siècle, une autre branche de la vie ascétique se développa, celle des frères masculins qui rejetaient tous les biens matériels et vivaient non pas dans des communautés monastiques mais en tant qu'individus entièrement dépendants de l'aide des bienfaiteurs. Saint François d'Assise (c. 1181-1260) créa l'un de ces ordres mendiants, les Franciscains, qui fut ensuite imité par les Dominicains (vers 1220), puis par les Carmes (fin du 12e siècle) et les Augustins (1244). Des femmes embrassèrent également cette vocation ; Claire d'Assise, aristocrate et disciple de saint François, créa ses propres communautés mendicantes entièrement féminines, connues sous le nom de couvents (par opposition aux nonneries). En 1228, on comptait 24 couvents de ce type dans le seul nord de l'Italie. L'Église n'autorisant pas les femmes à prêcher parmi la population ordinaire, les mendiants durent lutter pour obtenir la reconnaissance officielle de leurs communautés. En 1263, cependant, l'ordre de Sainte-Claire fut officiellement reconnu, à condition que les religieuses restent à l'intérieur de leurs couvents et suivent les règles de l'ordre bénédictin.
Bâtiments monastiques
Le plan architectural d'un monastère féminin était à peu près le même que celui d'un monastère masculin, sauf que les bâtiments étaient disposés en miroir. Le cœur du complexe était toujours le cloître qui s'étendait autour d'un espace ouvert et auquel étaient rattachés la plupart des bâtiments importants tels que l'église, le réfectoire pour les repas communs, les cuisines, les logements et les salles d'étude. Il pouvait également y avoir des logements pour les pèlerins venus voir les saintes reliques que les religieuses avaient acquises et conservées (qui pouvaient aller d'une pantoufle de la Vierge Marie au doigt squelettique d'un saint). De nombreux couvents avaient un cimetière pour les religieuses et un autre pour les laïcs (hommes et femmes) qui payaient pour avoir le privilège d'y être enterrés après un service dans la chapelle des religieuses.
Le recrutement des nonnes
Les femmes rejoignaient un couvent principalement par piété et par désir de vivre une vie qui les rapprochait de Dieu, mais il y avait parfois des considérations plus pratiques, notamment en ce qui concernait les femmes aristocratiques, qui étaient la principale source de recrutement (bien plus que les hommes aristocratiques n'étaient une source pour les moines). Une femme de l'aristocratie, du moins dans la plupart des cas, n'avait réellement que deux options dans la vie : épouser un homme qui pouvait subvenir à ses besoins ou rejoindre une nonnerie. Pour cette raison, les nonneries ne manquaient jamais de recrues et, au 12e siècle, elles étaient aussi nombreuses que les monastères masculins.
Les jeunes filles étaient envoyées par leurs parents dans des couvents afin d'y recevoir une éducation - la meilleure disponible pour les filles dans le monde médiéval - ou simplement parce que la famille avait un tel nombre de filles qu'il était peu probable de les marier toutes. Une telle fille, connue sous le nom d'oblate, pouvait devenir novice (nonne stagiaire) vers le milieu de l'adolescence et, après une période d'environ un an, prononcer des vœux pour devenir une nonne à part entière. Une novice pouvait également être une personne âgée cherchant à s'installer dans une retraite contemplative et sûre ou souhaitant s'inscrire simplement pour se préparer à la prochaine vie avant que le temps ne soit écoulé. Comme dans les monastères masculins, il y avait également des femmes laïques dans les monastères qui menaient une vie un peu moins austère que les nonnes à part entière et effectuaient des tâches essentielles. Il pouvait également y avoir des femmes et même des hommes engagés pour les tâches quotidiennes essentielles.
Règles et vie quotidienne
La plupart des couvents suivaient généralement les règles de l'ordre bénédictin, mais il en existait d'autres à partir du 12e siècle, notamment les cisterciens, plus austères. Les moniales suivaient généralement l'ensemble des règles auxquelles étaient soumis les moines, mais certains codes étaient écrits spécifiquement pour les moniales et parfois même appliqués dans les monastères masculins. Les religieuses étaient dirigées par une abbesse qui avait une autorité absolue et qui était souvent une veuve ayant une certaine expérience de la gestion des biens de son mari décédé avant de rejoindre le couvent. L'abbesse était assistée d'une prieure et d'un certain nombre de religieuses supérieures (obéissantes) auxquelles étaient confiées des tâches spécifiques. Contrairement aux moines, une moniale (ou toute autre femme d'ailleurs) ne pouvait pas devenir prêtre et, pour cette raison, les services dans un couvent nécessitaient la visite régulière d'un prêtre masculin.
Au tout début de la période médiévale, la virginité était une condition sine qua non pour une moniale, car la pureté physique était considérée comme le seul point de départ pour atteindre la pureté spirituelle. Cependant, au 7e siècle, et avec la production de traités tels que celui d'Aldhelm sur la virginité (vers 680), il fut reconnu que les femmes mariées et les veuves pouvaient également jouer un rôle important dans la vie monastique et que le fait d'avoir la force spirituelle nécessaire pour mener une vie ascétique était la condition la plus importante pour les femmes vouées.
On attendait d'une religieuse qu'elle porte des vêtements simples, symbole de son refus des biens et des distractions du monde. La tunique longue était la tenue typique, avec un voile couvrant tout sauf le visage, symbole de son rôle d'"épouse du Christ". Le voile cachait les cheveux de la nonne qui devaient être coupés court. Les moniales ne pouvaient pas quitter leur couvent et les contacts avec les visiteurs extérieurs, en particulier les hommes, étaient limités au strict minimum. Malgré cela, il y eut des cas de scandale, comme au milieu du 12e siècle à l'abbaye gilbertine de Watton en Angleterre, où un frère laïc eut une relation sexuelle avec une nonne et, à la découverte du péché, fut castré (une punition courante à l'époque pour le viol, bien que dans ce cas la relation semble avoir été consensuelle).
La routine quotidienne d'une nonne ressemblait beaucoup à celle d'un moine : elle devait assister à divers services tout au long de la journée et dire des prières pour les personnes du monde extérieur - en particulier pour les âmes de ceux qui avaient fait des dons au couvent. En général, le pouvoir de la prière d'une religieuse était considéré comme aussi efficace pour protéger une âme que la prière d'un moine. Les moniales passaient également beaucoup de temps à lire, écrire et illustrer, notamment des petits livres de dévotion, des recueils de prières, des guides de contemplation religieuse, des traités sur la signification et la pertinence des visions vécues par certaines nonnes, et des chants musicaux. Par conséquent, de nombreux couvents ont constitué d'impressionnantes bibliothèques et les manuscrits n'étaient pas uniquement destinés aux lecteurs internes, car nombre d'entre eux circulaient parmi les prêtres et les moines et étaient même prêtés aux laïcs de la communauté locale. L'un des auteurs les plus prodigieux était l'abbesse bénédictine allemande Hildegard de Bingen (1098-1179).
Contrairement aux moines, les moniales effectuaient des travaux d'aiguille tels que la broderie de robes et de textiles destinés à être utilisés lors des services religieux. Cet art n'était pas anodin puisqu'au moins une nonne médiévale fut élevée au rang de sainte en raison de ses efforts à l'aiguille. Les religieuses rendaient service à la communauté par le biais d'œuvres de charité, notamment en distribuant quotidiennement des vêtements et de la nourriture aux pauvres et en distribuant de plus grandes quantités lors d'anniversaires spéciaux. L'abbaye de Lacock dans le Wiltshire, en Angleterre (fondée en 1232 par Ela, comtesse de Salisbury), par exemple, distribuait du pain et des harengs à 100 paysans à chaque anniversaire de la mort de la fondatrice. En plus de distribuer des aumônes, les nonnes faisaient souvent office de préceptrices pour les enfants, elles s'occupaient des malades, aidaient les femmes en détresse et offraient des services d'hospice pour les mourants. Les monastères de nonnes avaient donc tendance à être plus étroitement liés à leurs communautés locales que les monastères d'hommes et les monastères de nonnes faisaient souvent partie d'environnements urbains et de lieux moins éloignés physiquement. Par conséquent, les nonnes étaient peut-être beaucoup plus visibles pour le monde séculier que leurs homologues masculins.