Les animaux de compagnie étaient aussi importants pour les Scandinaves de l'âge des Vikings (c.790-1100) que pour toute autre culture, passée ou présente. Les Vikings avaient des chiens et des chats comme animaux de compagnie et ces deux animaux figurent dans l'iconographie religieuse et la littérature nordique. Les Scandinaves avaient également des ours et des oiseaux de compagnie, tels que le faucon, la buse et le paon.
Bien qu'il soit difficile d'imaginer un chef viking emmenant son chien ou son chat préféré lors d'un raid, des études génétiques récentes indiquent que c’était précisément le cas. On pense en effet que les Vikings transportaient des chiens et des chats lors de leurs raids sur les côtes étrangères et que ceux-ci étaient gardés comme animaux de travail et comme animaux de compagnie dans les foyers nordiques.
Les chats dans la mythologie nordique
Les chats étaient les animaux préférés de la déesse de la fertilité Freyja, qui était également la déesse de l'amour et de la chance. Le char de Freyja était tiré par des chats, en particulier le chat norvegien (norsk skogkatt ou chat des forêts norvégiennes), qui est plus grand et plus puissant que la plupart des chats domestiques. L'association des chats avec Freyja en tant que déesse de la chance et du hasard, capable de prédire l'avenir et de façonner le destin d'une personne, est liée à la nature même du chat: il était considéré comme aussi imprévisible que la vie elle-même.
Même si les chats étaient sacrés pour Freyja, ou du moins qu'ils avaient ses faveurs, ils étaient sacrifiés lors de rituels et leur fourrure était utilisée pour doubler des gants et d'autres vêtements, mais, en même temps, tuer un chat était considéré comme un acte de malchance. Selon le mythologue et chercheur Jakob Grimm, « lorsqu'une mariée se rend à son mariage par beau temps, on dit qu'elle a «bien nourri le chat», qu'elle n'a pas offensé le favori de la déesse de l'amour» (chapitre 13, p. 14). Le fait de bien traiter les chats garantit un traitement similaire pour les humains de la part de la déesse.
Malgré cela, il est clair que les chats étaient dépouillés et utilisés pour les vêtements alors même qu'ils étaient considérés comme des animaux de compagnie et des animaux de travail importants qui contrôlaient la population de rongeurs. En outre, ils apparaissaient comme des animaux spirituels, des guides divins et des médiums pour la völva (la voyante) qui interprétait la volonté des dieux pour la communauté, ou elle voyageait de ville en ville pour dire la bonne aventure aux gens et faire des prédictions. L'érudit H.R. Ellis Davidson écrit:
Le lien entre les chats et la déesse [Freyja] n'a pas été expliqué de manière satisfaisante, mais les gants en peau de chat, blancs et poilus à l'intérieur, mentionnés dans le récit du Groenland, suggèrent que les chats faisaient partie des esprits animaux qui aidaient la völva dans son voyage surnaturel. (Dieux et mythes, 120)
Le récit auquel Davidson fait référence est tiré de la Saga Eyrbyggja et il concerne une famine au Groenland. Le fermier en chef d'une communauté est invité à consulter une völva nommée Thorbjorg pour savoir quand la famine prendra fin. Lorsqu'elle arrive chez lui, une description est donnée :
Autour du cou, elle portait des perles de verre et, sur la tête, une capuche en peau d'agneau noire doublée d'une peau de chat blanche. Elle tenait un bâton à la main. Sur ce bâton se trouvait un bouton, décoré de laiton et serti de pierres. À sa ceinture était attachée une grande bourse en peau où elle gardait les amulettes nécessaires à son art. Aux pieds, elle portait des chaussures en peau de veau dont les poils étaient encore visibles. Ses lacets étaient longs et résistants, avec de gros boutons d'étain à l'extrémité. Ses gants étaient en peau de chat avec de la fourrure blanche à l'intérieur. (Sommerville & McDonald, 54).
La völva de cette histoire est incapable de voir l'avenir jusqu'à ce que Gudrid Thorbjorndottir, la future exploratrice de l'Amérique du Nord, n'entonne des chants mystiques qui apaisent les esprits et permettent à Thorbjorg d’avoir ses visions. Elle prédit que la famine prendra bientôt fin et que Gudrid mènera une vie distinguée (ce qu'elle fit, voyageant en Islande, en Amérique du Nord et finalement à Rome). Le rôle joué par les chats dans le travail de la völva dans ce récit n'est pas précisé, mais on pense que les objets qu'elle transportait et les vêtements qu'elle portait avaient tous une signification mystique.
Outre le fait que les chats sont les favoris de Freyja et les guides mystiques de la voyante, ils figurent également dans le mythe de Fenrir, le grand loup qui se libérera à Ragnarok, la fin du monde et le crépuscule des dieux, ainsi que dans le récit du combat de Thor au château du géant Utgarda-Loki. Dans le premier récit, Fenrir brise les deux premières entraves que les dieux lui ont imposées, et les dieux se rendent alors chez les nains, fabricants d'objets magiques, pour leur rapporter une corde nommée Gleipnir («ouverte»), fabriquée à partir du bruit de la marche d'un chat, de la barbe d'une femme, des racines des montagnes, du souffle d'un poisson et de la salive d'un oiseau ou, comme le fait remarquer l'érudit Rudolf Simek, «de tout ce qui n'existe pas» (113). Cette corde, bien qu'incroyablement légère, est suffisamment solide pour retenir Fenrir.
Dans le second récit, Thor est mis au défi par Utgarda-Loki d'accomplir trois exploits qui montreront sa valeur. Le deuxième défi consiste à soulever un gros chat gris du sol. Thor pense que c'est simple, mais il ne parvient à soulever le chat qu'avec une patte en l'air. Thor échoue à ces trois tâches, mais le géant lui apprend plus tard que la magie a tout transformé et qu'aucun des défis n'était vraiment ce qu'il semblait être. Le chat gris était en fait le serpent de Midgard qui encercle le monde.
Les chats dans la vie quotidienne
Le chat a sans doute été importé en Scandinavie par le biais du commerce avec les Phéniciens ou les Romains, et les premiers chats à avoir fait le voyage ont probablement été sortis clandestinement d'Égypte. Les Égyptiens avaient une politique stricte concernant la vente et le transport des chats hors de leur pays: c'était interdit. Cela n'empêchait pas les marchands d'embarquer clandestinement des chats à bord de leur navire à Alexandrie et de les emmener vers d'autres contrées. La généticienne évolutionniste Eva-Maria Geigl note que le même ADN maternel trouvé chez les chats de l'Égypte ancienne est présent chez ceux découverts sur un site viking du nord de l'Allemagne daté des 8e et 11e siècles (Cats Sailed with Vikings, 3 - (Les chats ont vogué avec les Vikings)).
Dans la vie quotidienne nordique, les chats étaient un élément important dans la maison, car ils contrôlaient les rats et les souris et ils étaient également transportés à bord des navires vikings. Il existe des preuves archéologiques et génétiques que les Vikings ont transporté des chats au Groenland, et il est possible, mais non prouvé, que des chats - ainsi que des chiens - se trouvaient également à bord des navires vikings de Leif Erikson lorsqu'il débarqua au Vinland (Terre-Neuve, Canada) dans le Nouveau Monde.
Les chats faisaient donc partie intégrante de la vie des habitants de la Scandinavie, à la maison dans leurs fermes ou partis en raid en tant que Vikings. Le chien, quant à lui, était tout aussi important et il figure également dans les mythes nordiques, servant de compagnon fidèle et de guide dans l'au-delà.
Les chiens dans la mythologie nordique
Le chien le plus connu de la mythologie nordique est Garm (également appelé Garmr) qui, selon le mythologue Snorri Sturluson (1179-1241), gardait les portes de Hel, le royaume de l'au-delà. Garm aurait gardé les âmes des morts en sécurité derrière les murs de Hel, tout en empêchant les vivants de s'y introduire pour tenter de ramener une âme sur la terre des vivants. Des historiens ultérieurs (tels que Rudolf Simek et John Lindow) contestent cependant l'interprétation de Snorri, soulignant que le chien qui garde Hel n'a pas de nom et que Garm est identique au grand loup Fenrir, car tous deux sont relâchés à Ragnarok et tuent le dieu de la guerre Tyr qui a sacrifié sa main pour lier Fenrir.
Cependant, Odin appelle Garm «le meilleur des chiens» dans la section Grímnismál de l'Edda Poétique, lorsqu'il énumère les meilleures choses dans tous les royaumes cosmologiques. Il semble peu probable qu'il parle de Garm de cette manière si Garm était un autre nom pour Fenrir. Malgré cela, Garm est mentionné à plusieurs reprises en utilisant les mêmes images et les mêmes phrases que Fenrir.
Que Garm soit ou non le gardien de Hel, les chiens étaient étroitement associés aux dieux et à l'au-delà. Les grandes sagas islandaises mentionnent des chiens accompagnant leurs maîtres au Valhalla après la mort. Le chien agissait comme une sorte de psychopompe, guidant l'âme du domaine de la vie vers la Terre des mort. L'archéologue Anne-Sofie Graslund s'exprime à ce sujet :
Le chien est à la fois la nature et la culture, le bien et le mal, et il se situe entre ce monde et l'autre monde. Les chiens pouvaient porter les âmes à travers la zone frontière entre le pays des vivants et le pays des morts... mais les chiens n'étaient pas seulement des conducteurs vers le royaume des morts, ils agissaient également comme des gardiens à l'entrée du monde souterrain afin que les vivants ne puissent pas y entrer et que les morts ne puissent pas en sortir. (171)
On a trouvé plus de restes de chiens dans les sites funéraires scandinaves que dans ceux de n'importe quelle autre culture. Graslund note qu'ils jouaient manifestement un rôle sacrificiel important dans les rites funéraires, mais aussi qu'ils sont souvent représentés, parfois avec beaucoup de détails, dans des gravures rupestres qui montrent des scènes de chasse ainsi que des cérémonies rituelles (167). Cela n'est guère surprenant puisque, selon Adam de Brême (1050 – 1085 environ), les chiens faisaient partie des sacrifices au temple d'Uppsala, en Suède, dédié à Odin, Thor et Freyr, le dieu de la fertilité et frère de Freyja. H.R. Ellis Davidson note:
On trouve des squelettes de chiens, parfois plusieurs à la fois, avec ceux de chevaux et de bovins dans les grands navires-sépultures scandinaves de l'ère viking, ainsi que de grands chiens de chasse et des races plus petites dans des tombes individuelles... Dans les mythes et légendes scandinaves, le chien est le gardien du monde souterrain et l'une des raisons de placer un chien dans une tombe pourrait être de servir de guide aux morts. (Mythes et Symboles, 57)
Des figures de la déesse-mère, ou des divinités féminines protectrices en général, sont souvent représentées avec un chien. Dans la mythologie nordique, ils sont liés à la puissante déesse Frigg, consort d'Odin. Bien que les chiens ne soient pas explicitement mentionnés comme les favoris de Frigg, celle-ci est parfois représentée dans un char tiré par des chiens. Il se peut que l'association de Frigg avec les chiens soit un développement ultérieur destiné à la différencier davantage de Freyja et de son char tiré par des chats, tout en utilisant une imagerie similaire. Les similitudes entre les deux déesses sont telles que les historiens pensent qu'elles n'étaient autrefois qu'une seule et même divinité.
Les chiens dans la vie quotidienne
Les chiens n'étaient pas seulement honorés par des liens mythologiques et spirituels, mais ils jouaient un rôle important dans la vie quotidienne en Scandinavie. Les chiens étaient à la fois des compagnons et des animaux de travail, et les fermiers qui en avaient les moyens élevaient à la fois des chiens de chasse et des chiens de troupeau.
Les races de chiens de chasse étaient les suivantes:
- Chien d’Élan Norvégien ou Elkhound
- Chien d'Élan Suédois ou Jamthund
- Chien d'ours de Carélie
- Spitz Finlandais
- Ancien Chien d’arrêt Danois
- Chien Norvégien de Macareux ou Lundehund
Les races de chiens de troupeau étaient :
- Chien de Laponie ou Lapphund
- Berger Finnois de Laponie
- Vallhund Suedois
- Berger Islandais
- Berger Norvégien ou Buhund Norvégien (Source : site Viking, Answer Lady.com)
Ces chiens étaient très appréciés, leur dressage et leur entretien étaient coûteux et ils devinrent des symboles de statut social chez les Scandinaves. Plus on possédait de chiens, plus on montrait sa richesse et sa réussite. Les chiens furent importés en Islande, comme en témoignent les fouilles de tombes contenant des squelettes entiers, qui étaient enterrés avec leurs maîtres ou seuls. L'importance du chien pour son maître est soulignée par l'inclusion des chiens dans la grande salle d'Odin, le Valhalla, dans l'au-delà. Ce n'est pas seulement l'âme du guerrier qui vit dans la salle, mais aussi celle de son chien.
Autres animaux
On avait également des ours, des éperviers et des faucons comme animaux de compagnie. Les ours étaient des animaux de compagnie assez courants, mais c’est la noblesse et les riches marchants qui possédaient des faucons et des éperviers, de même que des paons. Les oursons bruns étaient capturés lorsqu'ils étaient jeunes et élevés par les habitants d'une maison jusqu'à ce qu'ils soient complètement domestiqués. Ces ours étaient alors appelés «ours de maison» (Viking Answer Lady., 10). Avec le temps, ces ours devinrent plus une nuisance qu'autre chose et leur importation en Islande fut interdite par la loi.
De lourdes amendes étaient infligées aux personnes qui laissaient leur ours domestique s'échapper et endommager la propriété de quelqu'un d'autre (Viking Answer Lady, 10). Les ours sauvages étaient sacrifiés au même titre que les chiens, les chevaux et d'autres animaux, mais il semble que les ours domestiques avaient droit à un enterrement. Avant d'être enterré, l'ours était mangé et seuls ses os étaient placés dans la tombe (Jennbert, 147). On ne sait pas si cette pratique s'appliquait uniquement aux ours domestiques ou aux ours en général.
L'ours polaire fut également domestiqué et l'historien Sveinbjorn Rafnsson note que les colonies nordiques d'Islande et du Groenland étaient en mesure d'exporter des objets de valeur exotiques vers l'Europe, dont des ours polaires (Sawyer, 132). On ne sait pas si les Scandinaves ont domestiqué d'autres animaux sauvages pour en faire des animaux de compagnie, mais c'est certainement possible.
Conclusion
Premièrement, les Scandinaves de l'âge des Vikings partageaient principalement leurs maisons, leurs lits, leurs bateaux et leurs journées avec des chats et des chiens, tout comme les gens le font aujourd'hui. Les chiens portaient des colliers qui permettaient parfois de les identifier ou d'identifier leurs propriétaires, et des laisses étaient utilisées de la même manière qu'aujourd'hui. L'association du chat imprévisible avec la déesse de la chance et du hasard souligne à quel point les chats ont peu changé depuis l'époque des Vikings, et la représentation des chiens comme des compagnons fidèles et des partenaires d'aventure montre qu'il en va de même pour eux. En ce qui concerne les animaux de compagnie, comme pour tant d'autres aspects de la vie, les différences fondamentales entre les peuples du passé et ceux d'aujourd'hui sont vraiment minimes.