Invasions Japonaises de la Corée entre 1592 et 1598

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 11 juin 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais, indonésien, espagnol
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Les deux invasions japonaises de la Corée entre 1592 et 1598, également connues sous le nom de "guerre d'Imjin", virent Toyotomi Hideyoshi (1537-1598), le chef militaire japonais, concrétiser son projet de longue date d'envahir la Chine en passant par la Corée. Cette campagne ambitieuse démarra brillamment avec la prise de villes comme Pyongyang et Séoul, mais les opérations combinées de la marine coréenne dirigée par l'amiral Yi Sun-sin, d'une importante armée terrestre de la Chine des Ming et de rebelles locaux bien organisés firent échouer la première invasion en 1593. Après des pourparlers de paix prolongés et infructueux, Hideyoshi lança une seconde invasion, beaucoup moins réussie, en 1597. À la mort du seigneur de guerre l'année suivante, les forces japonaises se retirèrent de la péninsule. Ce conflit, l'une des plus grandes opérations militaires jamais entreprises en Asie de l'Est avant le XXe siècle, non seulement eut des conséquences dévastatrices pour toutes les parties concernées, mais envenima durablement les relations entre le Japon et la Corée.

Korean & Chinese Forces Attacking the Japanese Fort of Ulsan
Les forces coréennes et chinoises attaquent le fort japonais d'Ulsan
投稿者がファイル作成 (Public Domain)

Toyotomi Hideyoshi

Toyotomi Hideyoshi était un général talentueux qui devint le chef militaire le plus puissant du Japon après la mort de son supérieur Oda Nobunaga en 1582. Les deux hommes avaient grandement contribué à l'unification du Japon, et la puissance économique et militaire ainsi mise entre les mains d'Hideyoshi s'avéra trop tentante. Le chef de guerre voulait un empire.

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L'armée d'invasion, bénéficiant du triple avantage de la planification, du professionnalisme et des armes à feu, s'empara de Séoul le 12 juin 1592.

Le plan de Hideyoshi n'était rien de moins que de conquérir la Chine des Ming (1368-1644), mais pour ce faire, il devait d'abord contrôler la Corée ou au moins la traverser. En effet, le projet de Hideyoshi était si ambitieux que certains historiens y ont vu la preuve d'un trouble mental qui se manifesta sous d'autres formes, comme sa paranoïa selon laquelle ses proches, y compris son neveu et héritier de premier choix, conspiraient contre lui. Quel qu'ait été l'état mental du seigneur de guerre, il n'avait peut-être pas une vision exagérée de ses propres capacités martiales puisqu'il ne dirigea pas personnellement ses armées en Corée. Certains ont également affirmé que Hideyoshi n'était pas si fou que cela et qu'il avait astucieusement envoyé ses généraux les plus puissants en expédition à l'étranger pour les empêcher de semer la zizanie à domicile. Quelles qu'aient pu être les motivations précises, la première campagne portait la marque de la planification des grandes campagnes du seigneur de guerre au Japon. L'invasion était peut-être extrêmement ambitieuse, mais si quelqu'un pouvait la mener à bien, c'était bien Toyotomi Hideyoshi.

Première invasion

En avril 1592, Hideyoshi rassembla une énorme force de combat composée de 158 000 guerriers et d'une marine de 9 200 marins. En réserve, il avait 100 000 hommes armés supplémentaires stationnés dans le nord de Kyushu. L'armée d'invasion, dont le quartier général se trouvait à Nagoya dans le Hizen, était dirigée par trois puissants daimyos ou seigneurs féodaux: Kato Kiyomasa, Konishi Yukinaga et Kuroda Nagamasa. Une flotte avait été constituée, la plupart des navires étant armés par d'anciens wako ou pirates. En mai, l'armée arriva près du port de Pusan (Busan), à l'extrémité sud-est de la péninsule coréenne, et démarra sur les chapeaux de roue en s'emparant du fort malgré une résistance acharnée jusqu'au dernier Coréen, puis, plus important encore, en battant une armée coréenne dirigée par le général Sin Ip lors de la bataille de Chungju. L'armée d'invasion, bénéficiant du triple avantage de la planification, du professionnalisme et des armes à feu (dont l'armée coréenne était dépourvue), s'empara de Séoul le 12 juin. Les Coréens furent pris par surprise et le roi Seonjo (r. de 1567 à 1608) s'enfuit vers le nord de son pays.

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Toyotomi Hideyoshi on Horseback
Toyotomi Hideyoshi sur son cheval
Unknown Artist (Public Domain)

La force japonaise se divisa alors en trois: une partie, dirigée par Konishi Yukinaga, se dirigea vers Pyongyang et s'en empara le 23 juillet, tandis qu'une autre, commandée par Kato Kiyomasa, marcha vers la frontière nord de la Mandchourie et le fleuve Yalu. Pendant ce temps, Kuroda Nagamasa dirigea ses forces vers le nord-est. D'autres unités encore se déplacèrent pour tenir le centre et le sud de la péninsule. La première phase de l'invasion était terminée et réussie. La deuxième phase consistait à attaquer la Chine et, à cette fin, des approvisionnements étaient collectés de force auprès des fermiers coréens et des taxes étaient même prélevées. Jusque là, tout semblait terriblement efficace de la part des envahisseurs.

La marine coréenne disposait d'un certain nombre de "navires-tortues"(kobukson) dont le pont couvert rendait difficile l'abordage ou l'incendie.

Les Japonais se heurtèrent ensuite à une difficulté importante et tenace: la marine coréenne. Commandée par le talentueux amiral Yi Sun-sin (1545-1598), la flotte disposait d'un petit nombre de "bateaux-tortues"(kobukson) - peut-être seulement cinq - dont le pont couvert les rendait difficiles à aborder ou à enflammer. En plus d'être équipés de canons, d'une tête de dragon qui crachait de la fumée et de pointes protectrices, il est possible (les détails concrets manquent) que les ponts de ces navires aient été recouverts de plaques de fer, ce qui en aurait fait les premiers cuirassés au monde. Yi Sun-sin tenta de couper le ravitaillement de Pusan, ville tenue par les Japonais. Il n'y parvint pas, mais il remporta plusieurs engagements navals (Haengju, Chinju et l'île Hansan) et empêcha ainsi les Japonais d'entrer dans la mer Jaune, où ils devaient apporter un soutien crucial aux armées japonaises dans le nord.

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Map of Japanese Invasions of Korea, 1592-98 CE
Carte des invasions japonaises de la Corée, 1592-1598
Yug (Public Domain)

La logistique devint décisive et les réserves des forces terrestres japonaises s'amenuisèrent. Un autre problème était la dureté de l'occupation japonaise, qui entraîna plusieurs soulèvements paysans et une campagne de résistance qui perturba encore plus la logistique et les lignes de communication de l'armée. L'intervention des Chinois fut déterminante pour la suite des événements. L'empereur Wanli (r. de 1573 à 1620) de la dynastie Ming, réalisant peut-être qu'il ne s'agissait là que de la première étape d'une attaque planifiée contre la Chine et moralement obligé de remplir l'obligation du système tributaire de l'Asie de l'Est selon lequel les États voisins envoyaient un tribut à la Chine, envoya une petite armée dirigée par le général Li Rusong pour aider les Coréens en juillet 1592. Cette force fut facilement repoussée, mais Wanli ne se laissa pas décourager et envoya une deuxième armée, beaucoup plus importante, composée d'environ 50 000 hommes. Arrivés en Corée quelques mois plus tard, les Chinois vainquirent l'armée dirigée par Konishi Yukinaga à Pyongyang en janvier-février 1593. Le commandant japonais fut contraint de battre en retraite jusqu'à Séoul. De là, Konishi négocia la fin des hostilités, mais les Japonais continuèrent d'occuper la moitié sud de la Corée pendant les quatre années suivantes.

Armistice et diplomatie

Une série de négociations, de subterfuges et de tactiques de retardement s'ensuivit entre les trois puissances. En juin 1593, les Chinois envoyèrent un émissaire négocier directement avec Hideyoshi au Japon. Le seigneur de guerre japonais était soit fou, soit audacieux, soit les deux, car il exigea de l'empereur chinois des conditions impossibles. Il demanda un retour à l'ancien système de commerce des tributs, un mariage d'alliance entre l'empereur du Japon et une fille de l'empereur Wanli, ainsi que quatre provinces du sud de la Corée. Voyant qu'une telle approche n'aboutirait à aucun accord, Konishi, toujours en Corée, entreprit ses propres manœuvres diplomatiques pour persuader les Chinois que, par son intermédiaire, Hideyoshi pourrait finalement accepter un statut théorique de vassal de l'empereur de Chine. Konishi alla même jusqu'à falsifier une lettre de Hideyoshi dans laquelle le chef de guerre était qualifié de "roi du Japon". Les Chinois étaient prêts à accorder ce titre à Hideyoshi et des ambassadeurs furent donc envoyés à Osaka en décembre 1596. Le seigneur de guerre ne fut pas très heureux de découvrir les arrangements conclus dans son dos. Les envoyés chinois furent renvoyés chez eux et des préparatifs furent mis en route pour une seconde invasion de la Corée.

Deuxième invasion

L'armée de réserve de 100 000 hommes fut envoyée en Corée pour renforcer les forces japonaises déjà présentes. En août 1597, Hideyoshi leur confia la tâche d'annexer définitivement au Japon les quatre provinces méridionales de la Corée. L'objectif était beaucoup plus limité que lors de la première invasion, mais cette fois-ci, plusieurs facteurs jouèrent en défaveur des Japonais dès le départ. Tout d'abord, les Coréens savaient ce qui les attendait et étaient beaucoup mieux préparés. Deuxièmement, une armée chinoise se trouvait déjà en Corée. Troisièmement, l'excellente marine coréenne, toujours commandée par Yi Sun-sin (de retour après un bref emprisonnement dû aux machinations de ses rivaux), n'avait pas disparu et contrôlait toujours les eaux côtières.

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Defence of Busanjin Fortress, Imjin Wars
Défense de la forteresse de Busanjin, guerres d'Imjin
Unknown Artist (Public Domain)

Malgré ces handicaps et comme la première fois, l'invasion démarra bien et progressa vers Séoul, mais l'hiver 1597-1598 n'aida pas la campagne et Konishi dut se contenter de défendre sa position à Pusan et une ligne de forts côtiers (wajo). Pendant ce temps, Yi Sun-sin remporta une bataille navale décisive à Myongnyang. Les occupants japonais furent en outre harcelés par la paysannerie locale et les bandes de guérilleros, les ubyong ou "armées vertueuses", qui comptaient des moines dans leurs rangs. Il semblait désormais illusoire de vouloir contrôler la Corée, et encore moins de mobiliser la Chine des Ming. C'est alors que le sort s'acharna. Lorsque la nouvelle de la mort de Hideyoshi arriva en septembre 1598, un armistice fut conclu entre les trois puissances et l'invasion fut abandonnée. Malgré le prétendu cessez-le-feu, de nombreuses troupes japonaises durent se frayer un chemin jusqu'à la côte avant d'être renvoyées chez elles. Au cours du repli japonais, Yi Sun-sin fut tué par une balle chanceuse. C'était une fin injuste pour l'homme qui avait contribué le plus à sauver la Corée. Le journal de guerre de l'amiral, Nanjung-ilgi ("Écrits quotidiens pendant les troubles"), fut publié à titre posthume.

Conséquences

La Corée

La conséquence la plus immédiate des guerres pour les Coréens fut la mort d'au moins 125 000 d'entre eux. Les samouraïs japonais coupaient souvent le nez et les oreilles de leurs victimes et les renvoyaient au Japon comme preuve de leur assassinat. De plus, 60 à 70 000 Coréens furent emmenés au Japon en tant que prisonniers de guerre. La Corée fut ravagée par l'invasion et son agriculture souffrit terriblement de la politique japonaise de la terre brûlée; les niveaux de production mettraient deux siècles à se rétablir. Dans les villes aussi, les histoires de mort, de famine et de maladie étaient terribles. Séoul, en particulier, vit sa population chuter d'environ 100 000 à 40 000 habitants. En outre, de nombreux sites culturels coréens importants (notamment le temple Bulguksa près de Gyeongju), des bibliothèques et des œuvres d'art furent détruits ou emportés au Japon. Enfin, les Coréens ne réussirent pas à se débarrasser des envahisseurs. Une petite colonie japonaise se maintint près de Pusan, avec un contingent de samouraïs pour la protéger.

Chine

La dynastie des Ming était en déclin sous le règne de l'empereur Wanli bien avant l'invasion japonaise de la Corée, surtout depuis qu'il s'était retiré des affaires de la cour en 1582 après la mort de son talentueux grand secrétaire Zhang Juzheng. La vacance du pouvoir avait été volontiers comblée par les eunuques de la cour, mais c'est le coût énorme des guerres avec les Mongols et les Japonais qui fit plonger l'économie chinoise. En l'espace de 50 ans, les Ming seraient renversés par des rebelles, puis par les Mandchous, fondateurs de la dynastie des Qing (1644-1911).

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Le Japon

Hideyoshi mourut de mort naturelle le 18 septembre 1598, et avec lui le sort de la campagne de Corée, son successeur Tokugawa Ieyasu (r. de 1603 à 1605) ayant abandonné l'idée de créer un empire en Asie de l'Est. À partir de 1607, les relations diplomatiques et commerciales avec la Corée furent rétablies et dureraient encore deux siècles, même si les blessures des guerres d'Imjin ne seraient jamais vraiment refermées.

Sur une note plus positive, les guerres d'Imjin sont parfois appelées "guerres de la poterie", car de nombreux artistes coréens, déjà très admirés pour la porcelaine blanche qu'ils produisaient en grande quantité, furent déplacés de force au Japon pendant le conflit. Ces exilés exercèrent une influence considérable sur la céramique japonaise, en particulier sur la porcelaine de Satsuma, et créèrent un boom de la céramique japonaise à partir du XVIIe siècle. D'autres idées arrivèrent au Japon avec des érudits capturés comme Kang Hang (1567-1618) qui introduisit le néo-confucianisme dans le pays.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2019, juin 11). Invasions Japonaises de la Corée entre 1592 et 1598 [The Japanese Invasion of Korea, 1592-8 CE]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1398/invasions-japonaises-de-la-coree-entre-1592-et-159/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Invasions Japonaises de la Corée entre 1592 et 1598." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 11, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1398/invasions-japonaises-de-la-coree-entre-1592-et-159/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Invasions Japonaises de la Corée entre 1592 et 1598." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 juin 2019. Web. 21 nov. 2024.

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