Entre le Ve et le IVe siècle avant notre ère, les tribus celtes se déplacèrent en masse vers le sud de l'Europe, avec l'intention de s'emparer des terres et des richesses pour nourrir leur nombre croissant. En franchissant les Alpes, ces tribus entrèrent en conflit avec les Romains et les Grecs qui vivaient autour de la Méditerranée. La mort d'Alexandre le Grand (356 av. J.-C. - 323 av. J.-C.) fit de la Grèce une cible facile pour de nombreux chefs celtes opportunistes qui conduisirent leur peuple dans les Balkans, d'abord en Thrace et en Illyrie, avant d'avancer vers la Macédoine.
Dans les Balkans, ces tribus parvinrent à conquérir plusieurs armées grecques, illyriennes et thraces, se taillant rapidement de nouveaux territoires. Sous la direction d'un roi nommé Brennos, une coalition de tribus celtes tenta d'envahir la Grèce à proprement parler. Les forces de Brennos furent finalement vaincues et dispersées par les Grecs à Delphes en 279 avant notre ère. Par la suite, les tribus celtes qui avaient pénétré dans les Balkans subirent d'autres défaites et nombre d'entre elles s'enfuirent en Asie Mineure. Les expéditions celtiques en Grèce finirent par se solder par la ruine des Celtes, mais elles eurent un impact durable sur la politique de la Méditerranée et aboutirent à la création du royaume celte de Galatie dans les hautes terres d'Anatolie.
Premières interactions entre Celtes et Grecs
Les premiers récits grecs sur les Celtes étaient plutôt neutres et curieux, et peu d'attention était accordée aux peuples étranges vivant à l'extrémité nord du monde grec. Les Grecs étaient d'ardents colonisateurs et des communautés grecques s'étaient développées en Asie mineure, en Afrique du Nord et en Europe occidentale dès le VIIe siècle avant notre ère.
Massalia (qui deviendrait plus tard la ville de Marseille) était justement une colonie fondée vers 600 avant notre ère. Nichée sur la côte nord-ouest de la Méditerranée, elle fut l'un des premiers points de contact entre les Celtes et les Grecs. La plus ancienne mention des Celtes est celle d'Hécatée de Milet, qui décrit un village celte au nord de Massalia. Des preuves archéologiques ont révélé l'existence d'échanges commerciaux importants entre les Grecs de Massalia et les colonies celtiques voisines.
Les élites celtes achetaient du vin, des récipients à boire et d'autres symboles de prestige auprès des marchands de Grèce et d'Italie étrusque. Ces produits de luxe exotiques permettaient aux dirigeants celtes d'afficher leur statut et leur générosité en organisant des fêtes extravagantes et en offrant des cadeaux. Ainsi, le réseau commercial entre la Méditerranée et l'Europe centrale contribuait à soutenir la hiérarchie sociale.
Pénurie et migration dans l'Europe ancienne
Les auteurs anciens sont unanimes pour décrire les troubles qui affectèrent l'Europe occidentale et centrale à la fin du 4e et au début du 3e siècle avant notre ère. La surpopulation et la pénurie de ressources sont invoquées pour expliquer cette déchéance, et les preuves archéologiques indiquent que la population de l'Europe avait commencé à exploser à cette époque. Le manque de ressources incita peut-être certains chefs de guerre à lancer des raids de plus en plus loin, là où il y avait plus de nourriture et de richesses.
Barry Cunliffe a suggéré que les premières vagues de migration celtique auraient commencé de cette manière, sous la forme de raids de plus en plus intenses sur de longues distances au 6e siècle avant notre ère. Par la suite, ces raids sur de longues distances se transformèrent en tentatives de colonisation lorsque ces tribus migrantes établirent de nouveaux villages. Ces groupes n'étaient pas constitués uniquement de guerriers; ils comptaient également un nombre égal de femmes, d'enfants et de personnes âgées. Ces individus représentaient un effort sérieux de colonisation, plutôt qu'une simple force d'invasion.
Un jour viendra qu'il aura, comme moi, de terribles assauts à soutenir, lorsque empruntant le fer des Celtes et le cimeterre des Barbares, de nouveaux Titans, aussi nombreux que les flocons de la neige ou que les astres qui peuplent un ciel serein, fondront des extrémités de l'occident sur la Grèce. Ah ! combien gémiront les cités et les forts des Locriens, les roches de Delphes, les vallons de Crissa et les villes d'alentour, quand chacun apprendra l'arrivée de ces fiers ennemis non par les cris de ses voisins, mais en voyant ses propres moissons dévastées par le feu ; quand, du haut de mon temple, on apercevra leurs phalanges et qu'ils déposeront auprès de mon trépied leurs épées sacrilèges, leurs larges baudriers et leurs boucliers épouvantables, qui toutefois serviront mal cette race insensée de Gaulois
(Callimque., Hymnes, Trad. Laporte-Dutheil, Remacle )
La majorité de ces tribus migrantes se déplacèrent vers le sud et l'est, où elles trouvèrent un climat plus favorable et une plus grande richesse. Les auteurs gréco-romains décrivent les Celtes désireux de voyager vers le sud en raison des produits de luxe que l'on trouve autour de la Méditerranée. Les produits mentionnés par ces auteurs (raisins, figues, vin, olives) étaient tous très recherchés en Europe et importés massivement par les colonies celtes.
Les récits grecs et romains de ces conflits sont parmi les premières traces écrites des Celtes, ces derniers n'ayant pas laissé d'histoire textuelle. La nature violente de ces premières interactions contribua à façonner la perception classique des Celtes en tant que peuple guerrier et barbare.
Premières migrations celtiques vers l'Europe du Sud
L'historien romain Tite-Live (59 av. J.-C. - 17 ap. J.-C.) affirme que les tribus celtes de Gaule commencèrent à s'installer au sud des Alpes dès 600 avant J.-C.. Il est probable que les premières excursions en Italie aient été le fait de petits groupes, qui se transformèrent rapidement en un exode massif de tribus gauloises vers le sud aux Ve et IVe siècles avant notre ère.
Des groupes de Celtes s'installèrent en Gaule cisalpine vers 400 avant notre ère et, de là, lancèrent des raids sur les villes italiennes, terrorisant leurs nouveaux voisins. La situation en Italie atteignit son paroxysme en 390 avant notre ère, lorsqu'un chef celte appelé Brennus battit l'armée romaine à la rivière Allia, puis mit Rome à sac. Cet incident dramatique marqua la mémoire collective du peuple romain et conduisit à une escalade du conflit entre les Celtes et les Romains. Après cet incident, les Gaulois continuèrent à lancer des raids en Italie, atteignant même les Pouilles au sud, dans le talon de la botte italienne. Cependant, Rome vainquit les tribus vivant sur la côte adriatique lors d'une série de batailles entre 285 et 282 avant notre ère et s'établit de pied ferme en tant que puissance dominante dans la région.
Vers le IVe siècle avant notre ère, des groupes celtes se déplacèrent vers l'est jusqu'au Danube Moyen et formèrent des colonies dans les régions actuelles de la Roumanie et de la Hongrie. L'agressivité croissante de la République romaine exerça une nouvelle pression sur les tribus celtes vivant autour de l'Adriatique et pourrait avoir été un facteur motivant une nouvelle vague de migration vers les Balkans. Les tribus celtes commencèrent à envahir l'Illyrie, mais la région sous hégémonie macédonienne pendant que Philippe II (383 - 336 av. J.-C.) et Alexandre le Grand (356 av. J.-C. - 323 av. J.-C.) régnaient - la Thrace, la Grèce et la Macédoine - fut en grande partie évitée.
De nombreux guerriers celtes qui s'installèrent en Méditerranée trouvèrent un nouveau débouché en tant que mercenaires. En 385 avant notre ère, le tyran grec Denys l'Ancien de Syracuse avait commencé à recruter des mercenaires celtes et ibériques pour les utiliser en Grèce et en Italie. Certains d'entre eux furent envoyés par Denys Ier pour aider les Spartiates (Lacédémoniens) dans leurs guerres contre les Thébains.
En ce même temps il arriva par mer à Corinthe deux mille hommes tant Gaulois qu'Espagnols, auxquels Denys le Tyran avait payé d'avance cinq mois de solde et qu'il envoyait aux Lacédémoniens et à leurs alliés. Les Grecs pour les effrayer, les employèrent à toutes sortes d'attaques et de combats, et partout ils battirent les Béotiens et leur tuèrent beaucoup de monde. Enfin après s'être fait là beaucoup de réputation par leur adresse à manier les armes et par leur valeur, ils furent bien récompensez par les Lacédémoniens auxquels ils avaient rendu de grands services et s'en revinrent en Sicile vers la fin de l'Été.(Diodore de Sicile., 15.70, trad. Abbé Terrasson, Remacle)
Expansion celtique dans le sillage d'Alexandre le Grand
La mort soudaine d'Alexandre le Grand en 323 avant J.-C. laissa son immense empire sans chef clair, et une série de guerres entre les successeurs d'Alexandre s'ensuivit. Conscients que les Grecs étaient particulièrement vulnérables, plusieurs chefs celtes saisirent cette occasion pour lancer une invasion dans les Balkans et en Méditerranée.
Le succès les encourageant, ils se lancèrent, en bandes séparées, les uns en Grèce, les autres en Macédoine, ravageant tout devant eux par l'épée. La terreur du nom gaulois était telle que même les rois, avant d'être attaqués, leur achetaient la paix avec de grosses sommes d'argent. (Justin, 24.4.6-7)
Les tribus celtes s'installèrent en Thrace et en Illyrie, battant les tribus locales, avant d'avancer encore plus au sud. En 280 avant notre ère, une grande coalition d'environ 85 000 Celtes se dirigea vers la Macédoine et la Grèce. Ce chiffre incluait les femmes et les enfants, car il s'agissait de groupes tribaux plutôt que d'armées organisées.
Un chef celte nommé Bolgios fut envoyé avec le reste de l'armée en Macédoine. En 279 avant notre ère, Bolgios pilla la campagne macédonienne et se heurta à l'armée de Ptolémée Kéraunos (r. de 281 à 279 av. J.-C.), qui venait tout juste de s'emparer du trône de Macédoine. Ptolémée Kéraunos fut tué au combat et les Celtes placèrent sa tête sur une lance en guise de trophée sanglant. Cette bataille marqua le début d'environ deux ans d'anarchie, privant les Balkans d'un pouvoir central fort et encourageant les Celtes sur le sentier de la guerre.
L'autre bataille des Thermopyles
Les conquêtes de Philippe II et d'Alexandre le Grand, ainsi que les guerres des Diadoques qui s'ensuivirent, laissèrent la Grèce si affaiblie que rien ne semblait pouvoir arrêter les Celtes lorsqu'ils pénétrèrent en Grèce en 279 avant notre ère, sous la conduite de leur roi Brennos (ou Brennus, le même nom que l'homme qui mit Rome à sac en 390 avant notre ère). Les cités-États et les royaumes grecs étaient tous épuisés par des années de guerre, et beaucoup n'étaient pas disposés à prendre les armes pour défendre le reste de la Grèce.
Le nom de "Gaulois" n'est apparu que tardivement, car ils étaient auparavant appelés "Celtes", entre eux et par d'autres. Une armée se rassembla et se dirigea vers la mer Ionienne, spolia les Illyriens, tous ceux qui habitaient jusqu'en Macédoine avec les Macédoniens eux-mêmes, et s'empara de la Thessalie. Lorsqu'ils approchèrent des Thermopyles, les Grecs en général ne firent rien pour empêcher les barbares de pénétrer dans le pays, car ils avaient déjà été sévèrement battus par Alexandre et Philippe. De plus, Antipater et Cassandre écrasèrent ensuite les Grecs, de sorte que, par faiblesse, chaque État n'éprouva aucune honte à ne pas prendre part à la défense du pays. (Paus. 1.4.1)
Pausanias (110 - v. 180 de notre ère), dans sa Description de la Grèce, raconte que les Athéniens prirent la tête d'une alliance de Grecs contre les Celtes lorsqu'ils entrèrent en Grèce. Les Grecs décidèrent de leur faire face dans le passage étroit des Thermopyles, où une alliance de Grecs avait combattu les Perses en 480 avant notre ère. Là, la supériorité numérique des Celtes n'aurait que peu ou pas d'avantages.
Le roi celte Brennos, se rendant compte qu'il ne pourrait pas vaincre les armées grecques présentes, envoya 40 000 guerriers en Étolie pour piller les villes de la région. La ville étolienne de Callium fut détruite et ses citoyens furent brutalisés et massacrés. Dès qu'ils l'apprirent, les Etoliens abandonnèrent leurs camarades pour défendre leurs maisons. Les Celtes furent chassés; seule la moitié d'entre eux survécut et retourna à Brennos.
L'absence des Etoliens affaiblit considérablement les forces grecques, et Brennos put trouver un autre chemin pour contourner les Thermopyles et entrer en Grèce. Après avoir contourné les armées grecques aux Thermopyles, Brennos dirigea ses forces vers Delphes, la ville sacrée d'Apollon.
Les récits grecs affirment que Brennos avait été attiré à Delphes par la nouvelle des trésors extravagants conservés dans les temples, ce qui est assez vraisemblable. Cette fois-ci, les Grecs eurent de la chance: des tremblements de terre et des orages empêchèrent les Celtes d'assiéger la ville. Les Delphiens furent bientôt rejoints par leurs alliés grecs et parvinrent ensemble à mettre en déroute les Celtes à Delphes. Brennos fut gravement blessé dans la lutte qui s'ensuivit et se suicida plus tard, honteux de sa défaite.
Expulsion des Celtes de Grèce
Après la défaite catastrophique de Brennos, les Celtes, désormais sans chef, n'étaient plus en état de se battre. Les blessés et les faibles furent abandonnés par leurs camarades en fuite qui furent poursuivis et pris pour cible par les Grecs; ils ne purent donc piller leur ravitaillement dans la campagne.
Les dernières tribus celtes qui avaient pénétré en Grèce furent contraintes de fuir plus à l'est, en Asie Mineure. La fuite des Celtes d'Anatolie entraîna leur installation dans ce qui fut appelé la Galatie, dérivé de Galatae, un terme grec désignant les Celtes. La Galatie fut sans aucun doute la communauté la plus durable et la plus remarquable de cette diaspora celte, et les Galates développèrent une culture florissante, coexistant avec leurs voisins grecs et proche-orientaux.
Lors de la bataille de Lysimacheia, en 277 avant notre ère, Antigone II Gonatas (c. 319-239 av. J.-C.) tendit une embuscade et massacra 18 000 Celtes qui marchaient vers la Grèce depuis la Thrace. Cette victoire décisive lui assura le droit de régner sur la Macédoine et établit sa réputation de souverain d'envergure. Il est surprenant de constater qu'Antigone II fut le premier des monarques hellénistiques à faire appel à des mercenaires celtes, qui constituèrent une partie importante de son armée lorsque Pyrrhus d'Épire (319 - 272 av. J.-C.) envahit la Macédoine en 274 av. J.-C.
Ces événements furent un véritable désastre pour les tribus celtes qui avaient envahi les Balkans, et les Celtes ne réussirent pas à établir de communautés significatives en Grèce ou en Macédoine. Bien que la coalition des tribus celtes ait été complètement brisée après ces défaites, les Celtes continuèrent d'apparaître comme mercenaires dans les armées des royaumes hellénistiques qui se formèrent sur les ruines de l'empire d'Alexandre. Certains de ces mercenaires provenaient des restes des tribus qui avaient envahi la Méditerranée, mais d'autres continuaient à venir de plus loin au nord, d'Europe centrale et occidentale.
Les performances des armées celtes dans leurs batailles contre les Grecs leur avaient valu une sorte de respect réticent. L'image du héros celte stoïque, honorable et simpliste, archétype du "noble sauvage", devint un motif populaire dans l'art hellénistique. À bien des égards, les Celtes remplirent le rôle laissé par les Perses et étaient présentés comme le nouvel ennemi de la civilisation grecque.
- Précédemment publié sous le titre The Celtic Invasions of Southern Europe: Part 3 of Celtic History Explained on Magna Celtae