Féodalisme dans le Japon Médiéval

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 26 août 2019
Disponible dans ces autres langues: anglais, portugais, espagnol, Turc
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Le féodalisme dans le Japon médiéval (1185-1603) décrit la relation entre les seigneurs et les vassaux, où la propriété et l'utilisation des terres étaient échangées contre le service militaire et la loyauté. Bien que présent plus tôt dans une certaine mesure, le système féodal au Japon fut réellement établi à partir du début de la période Kamakura, à la fin du 12e siècle.

Les shoguns ou dictateurs militaires remplacèrent l'empereur et la cour impériale comme principale source de gouvernement du pays. Les shogunats distribuaient des terres aux fidèles et ces domaines (shoen) étaient ensuite supervisés par des fonctionnaires tels que les jito (intendants) et les shugo (gendarmes). Contrairement au féodalisme européen, ces fonctionnaires, qui souvent avaient hérité leur position, ne possédaient pas eux-mêmes de terres, du moins au début. Toutefois, avec le temps, les jito et les shugo, qui opéraient loin du gouvernement central, acquirent de plus en plus de pouvoirs, nombre d'entre eux devenant de grands propriétaires terriens (daimyo) à part entière et, avec leurs propres armées privées, ils contestèrent l'autorité des gouvernements shogunaux. Le féodalisme en tant que système national s'effondra donc, même si la relation seigneur-vassal perdura après la période médiévale sous la forme de samouraïs offrant leurs services aux propriétaires fonciers.

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Azuchi Castle
Le château d'Azuchi
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Origines et structure

Le féodalisme (hoken seido), c'est-à-dire l'accord entre seigneurs et vassaux selon lequel les premiers accordent des faveurs ou des ons (par exemple des terres, des titres ou des fonctions prestigieuses) en échange du service militaire (giri) des seconds, commença à se répandre au Japon dès le début de la période Kamakura (1185-1333). Le principal instigateur de cette pratique fut Minamoto no Yoritomo (1147-1199), qui s'était imposé comme dictateur militaire ou shogun du Japon en 1192. Remplaçant la domination de l'empereur japonais et de la cour impériale, le nouveau système vit Yoritomo distribuer des terres (souvent confisquées à des rivaux vaincus) à ses fidèles et alliés en échange de leur service militaire et de leur soutien continu. Yoritomo était particulièrement habile pour attirer les membres du clan rival des Taira à sa cause, celle des Minamoto, en leur offrant des terres et des postes s'ils acceptaient d'être ses vassaux dans le nouvel ordre.

Ce système permettait au shogun de contrôler directement la majeure partie de son territoire, mais l'absence d'institutions gouvernementales formelles allait constituer une faiblesse durable.

Contrairement à l'Europe, le système féodal japonais était moins fondé sur le contrat et reposait beaucoup plus sur un rapport personnel entre les seigneurs et les vassaux, avec une forte influence paternaliste de la part des premiers, qui étaient souvent appelés oya ou "parents". Ce sentiment de "famille" était encore renforcé par le fait que de nombreuses relations entre seigneurs et vassaux étaient héritées. Ce système permettait au shogun de contrôler directement la majeure partie de son territoire, mais l'absence d'institutions gouvernementales formelles constituait une faiblesse durable des shogunats, car les loyautés personnelles étaient rarement transmises aux générations successives.

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Jito

Certains des fidèles du shogun recevaient de nombreux domaines (shoen), souvent géographiquement disparates ou éloignés de leur résidence familiale traditionnelle, et donc, plutôt que de les gérer directement eux-mêmes, ils employaient les services d'un intendant désigné (jito) à cette fin. Le jito (et le shugo - voir ci-dessous) n'était pas un nouveau poste mais avait été utilisé à plus petite échelle pendant la période Heian (794-1185) et, nommés par le gouvernement du shogunat, ils devinrent un outil utile pour gérer les terres, les impôts et les produits loin de la capitale. C'est là aussi une autre différence avec le féodalisme européen, car les intendants ne possédaient jamais (officiellement) de terres eux-mêmes, du moins jusqu'à ce que les rouages du système féodal ne commencent à s'effondrer.

Jito signifie littéralement "chef de terre", et le poste était ouvert aux hommes et aux femmes au début de la période médiévale. Leur principale responsabilité était de gérer les paysans qui travaillaient les terres de leur employeur et de collecter les impôts locaux correspondants. L'intendant avait droit à des honoraires (environ 10 % du produit de la terre) et à un droit d'occupation, mais il était souvent lié par les coutumes locales et devait également rendre des comptes aux codes de loi nationaux tels que le Goseibai Shikimoku (1232). En outre, les propriétaires fonciers et les vassaux lésés pouvaient, à partir de 1184, s'adresser au Monchujo (Conseil d'enquête) qui s'occupait de toutes les questions juridiques, y compris les procès, les appels et les litiges concernant les droits fonciers et les prêts. En 1249, une Haute Cour, le Hikitsukeshu, fut créée et s'occupait plus particulièrement des litiges liés à la terre et aux impôts.

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Minamoto no Yoritomo Painted Wall-hanging
Portrait de Minamoto no Yoritomo
Unknown Artist (Public Domain)

De nombreux jito finirent par devenir puissants à leur tour, et leurs descendants devinrent des daimyo ou d'influents propriétaires terriens féodaux à partir du 14ème siècle. Ces daimyo régnaient avec un large degré d'autonomie, même s'ils devaient suivre certaines règles établies par le gouvernement, comme celle de savoir où construire un château.

Shugo

Un autre niveau de gestion des domaines était constitué par les shugo, gouverneurs militaires ou gendarmes, qui avaient des responsabilités policières et administratives dans leur province. Au 14ème siècle, il y avait 57 provinces de ce type et un shugo était donc impliqué dans plusieurs domaines à la fois, contrairement au jito qui n'avait à s'occuper que d'un seul. Un shugo, qui signifie littéralement "protecteur", prenait ses décisions en fonction des coutumes locales et des lois militaires et, comme le jito, il collectait des impôts réguliers en nature pour le gouvernement du shogunat, dont il avait le droit de garder une partie pour lui-même. Ils étaient également chargés de collecter des taxes spéciales (tansen) pour des événements ponctuels tels que les couronnements et les projets de construction de temples et d'organiser la main-d'œuvre pour des projets d'État tels que la construction de routes et de pensions le long des routes. Ils étaient également chargés de capturer les pirates, de punir les traîtres et d'appeler les guerriers à la rescousse de l'État, non seulement en temps de guerre, mais aussi dans le cadre du système de rotation régulier où les provinces fournissaient des gardes pour la capitale Heiankyo (Kyoto).

Au XIVe siècle, le shugo avait également assumé les responsabilités des jito qui n'étaient pas devenus daimyo.

Au fil du temps, le poste de shugo devint, dans les faits, celui d'un gouverneur régional. Les shugo devinrent de plus en plus puissants, les impôts étant versés dans leurs propres poches et des droits tels que la collecte du tansen étant souvent accordés à des subordonnés afin de créer une autre relation seigneur-vassal sans qu'il y ait d'échange de terres. La distribution de titres et l'organisation d'arrangements privés avec des samouraïs permettaient également aux shugo de constituer leurs propres armées personnelles. Après l'échec des invasions mongoles du Japon en 1274 et 1281, les shugo furent légalement obligés de résider dans la province qu'ils administraient pour renforcer la sécurité de l'État, mais il n'est pas certain que cela ait toujours été le cas dans la pratique. Au 14ème siècle, les shugo assumaient également les responsabilités des jito qui n'étaient pas devenus daimyo, et au 15ème siècle, la plupart des shugo héritaient de cette position.

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Les faiblesses du système féodal

L'un des problèmes pour les jito et les shugo était que leur autorité dans les provinces, loin du gouvernement central, dépendait souvent de la bonne volonté des habitants, et lorsque le gouvernement du shogunat était faible - comme c'était souvent le cas - les guerriers samouraïs et les propriétaires fonciers ambitieux ignoraient souvent les demandes d'impôts ou prenaient même les choses en main et renversaient les arrangements établis entre le seigneur et le vassal pour accroître leur propre pouvoir et leur richesse.

Une autre faiblesse du système était que les jito et les shugo dépendaient entièrement de sources locales pour leurs revenus, et non du gouvernement central, ce qui signifiait qu'ils prenaient souvent des dispositions totalement intéressées. Ainsi, le shogunat devint une institution invisible et peu pertinente au niveau local. Les agriculteurs passaient souvent des accords privés avec les fonctionnaires, donnant, par exemple, une petite parcelle de terre en échange d'un retard dans le paiement des impôts ou d'un pourcentage négocié afin de payer les droits attendus annuellement. En conséquence, l'ensemble de la structure de la propriété foncière au Japon devint très complexe, avec de multiples propriétaires possibles pour n'importe quelle parcelle de terre : des particuliers (vassaux et non-vassaux), des fonctionnaires, des institutions religieuses, le shogunat et la Couronne.

Un autre problème était que lorsque les jito héritaient de leur père, il n'y avait souvent pas assez d'argent pour vivre si les droits au revenu devaient être répartis entre plusieurs frères et sœurs. Cette situation conduisit de nombreux jito à s'endetter en hypothéquant leur droit au revenu d'un domaine donné. Le système féodal présentait également d'autres faiblesses au fil du temps, à savoir la difficulté de trouver de nouvelles terres et de nouveaux titres à attribuer aux vassaux dans une ère de gouvernement stable.

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Au cours de la période Sengoku ou période des Royaumes combattants (1467-1568), le Japon souffrit de guerres civiles constantes entre les seigneurs de guerre daimyo rivaux, dotés de leurs propres armées privées, qui savaient qu'ils pouvaient ignorer les shugo et autres fonctionnaires du gouvernement, désormais impuissants à imposer leur volonté dans les provinces. Les terres se retrouvaient également entre de moins en moins de mains, les daimyos les plus puissants militairement avalant leurs petits rivaux. Au cours de la période Edo (1603-1868), il n'y avait plus que 250 daimyos dans tout le Japon. Le phénomène des nouveaux dirigeants qui renversaient l'ordre établi et des familles qui s'emparaient des domaines des grands clans traditionnels est connu sous le nom de gekokujo ou "ceux d'en bas qui renversent ceux d'en haut".

La conséquence de ce bouleversement social et administratif fut que le Japon n'était plus un État unifié mais était devenu un patchwork de domaines féodaux centrés sur des châteaux individuels et des demeures fortifiées, les loyautés devenant très localisées. Les villages et les petites villes, largement abandonnés par le gouvernement, furent obligés de former leurs propres conseils (so) et ligues d'assistance mutuelle (ikki). Ce n'est qu'avec Oda Nobunaga (1534-1582), qui vainquit ses seigneurs de guerre rivaux dans la partie centrale de l'archipel dans les années 1560, que le Japon recommença à ressembler à un pays unifié.

Map of Japan in the 16th Century CE
Carte du Japon au 16ème siècle
Zakuragi (CC BY-NC-SA)

Avec l'arrivée du shogunat Tokugawa (1603-1868), beaucoup plus fort, les daimyos finirent par être remis à leur place et de sévères restrictions leur furent imposées. Il leur fut notamment interdit de déplacer leurs troupes en dehors de leur région et de conclure des alliances politiques en leur nom, de construire plus d'un château ou de se marier sans l'approbation du shogun. Le système féodal se maintint néanmoins sous la forme de samouraïs jurant fidélité à leur daimyo particulier jusqu'à la période Meiji (1868-1912), même si une période prolongée de paix relative s'installa et que le service militaire était moins nécessaire qu'à l'époque médiévale.

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À partir du XVIIe siècle, le système féodal japonais, au lieu d'être une structure pyramidale de distribution des terres à l'échelle de la nation, était essentiellement constitué de guerriers samouraïs locaux offrant leurs services à un grand propriétaire ou à un seigneur de guerre en échange de l'utilisation de terres, de riz ou d'argent. C'est pour cette raison que fut développé le bushido ou code du guerrier samouraï, qui visait à garantir que les samouraïs restent disciplinés et fidèles à leurs employeurs. Dans le même temps, l'urbanisation croissante des populations, qui quittaient la vie rurale pour s'installer dans les villes où les opportunités d'emploi étaient plus nombreuses, et le nombre sans cesse croissant de personnes impliquées dans les échanges et le commerce firent que l'ancien système féodal s'appliquait à de moins en moins de personnes à mesure que le Japon entrait dans l'ère moderne.

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Questions & Réponses

Comment le féodalisme s'est-il développé dans le Japon médiéval ?

Le féodalisme s'est développé dans le Japon médiéval lorsque les shoguns ou dictateurs militaires ont remplacé l'empereur et la cour impériale en tant que principale source de gouvernement du pays. Les shogunats ont alors distribué des terres à des fidèles. Comme certains fidèles possédaient des terres dans différentes régions, ils permettaient qu'un domaine soit géré pour eux par un intendant.

Quel a été le rôle du féodalisme au Japon ?

Le rôle du féodalisme au Japon était de distribuer le pouvoir et les terres au niveau local, ce qui permettait au gouvernement central de contrôler les terres éloignées de la capitale. De nombreuses relations seigneur-vassal étaient héritées, ce qui signifiait qu'il existait des liens étroits de loyauté.

Quelle était la structure féodale du Japon ?

La structure féodale du Japon reposait sur le fait qu'un shogun donnait à ses partisans des terres à gérer et à exploiter. Ces derniers laissaient souvent la gestion de leurs terres à un intendant, le jito. Parfois, un jito devenait très puissant et était connu sous le nom de daimyo. Un autre poste clé était celui du shugo, qui avait des responsabilités policières et administratives dans les provinces régionales.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2019, août 26). Féodalisme dans le Japon Médiéval [Feudalism in Medieval Japan]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1438/feodalisme-dans-le-japon-medieval/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Féodalisme dans le Japon Médiéval." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 26, 2019. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1438/feodalisme-dans-le-japon-medieval/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Féodalisme dans le Japon Médiéval." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 26 août 2019. Web. 21 nov. 2024.

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