Tous les ans, des millions de touristes visitent Londres, la superbe capitale du Royaume-Uni, qui est célèbre pour son histoire très riche et ses monuments historiques. De magnifiques châteaux, des prisons médiévales, des musées d'art et d'histoire, ainsi que d'innombrables possibilités de shopping et de bonne cuisine donnent aux visiteurs l'impression qu'il y a toujours quelque chose de nouveau à explorer, même si l'on reste plusieurs semaines à Londres. Pour de nombreux visiteurs venant à Londres, et au Royaume-Uni en général, l'histoire des rois et des reines du Moyen Âge présente un intérêt particulier, et la Tour de Londres est une visite incontournable pour toute personne qui se rend à Londres pour la première fois. Cependant, la ville a des origines beaucoup plus anciennes, qui remontent à des siècles avant Henri VIII et ses six épouses, et des traces de ce monde oublié sont encore visibles à plusieurs endroits de la ville. Dans cet article, nous allons explorer l'ancien temple souterrain connu sous le nom de Mithraeum de Londres.
Londinium, comme on l'appelait dans l'Antiquité, avait été fondée par les Romains après leur conquête de l'île en 43 ap. J.-C. et devint l'une des villes les plus importantes de la Grande-Bretagne romaine. L'un des sites les mieux conservés de cette époque est le Mithraeum de Londres, un temple souterrain dédié à Mithra, une divinité introduite en Grande-Bretagne par le biais du monde romain depuis la partie la plus orientale de l'Empire. Le temple de Mithra est situé au cœur de la ville de Londres, dans un musée appelé Bloomberg SPACE, qui se trouve dans le bâtiment abritant le siège européen de Bloomberg.
Londinium et le Mithraïsme
Après la conquête par l'empereur romain Claude (r. de 41 à 54 ap. J.-C.) et ses légions de la partie des îles britanniques connue aujourd'hui sous le nom d'Angleterre, une colonie appelée Londinium fut établie le long des rives de la Tamise, ainsi qu'un pont permettant d'accéder aux terres situées au sud de la rivière. L'agglomération se développa rapidement à partir de la fin du 1er siècle ap. J.-C. et elle devint la plus grande ville de la Grande-Bretagne romaine ainsi qu'un important port commercial. Pendant la période romaine (jusqu'au 5e siècle ap. J.-C.), la société et la culture britanniques connurent de nombreux changements, notamment dans les domaines de l'ingénierie et de l'architecture, de la politique, du commerce, de la religion et des pratiques spirituelles. L'évolution des pratiques religieuses se traduisit par des adaptations de nouveaux dieux et déesses du panthéon romain, mais aussi à d'autres divinités provenant d'autres parties de l'Empire. Parmi celles-ci, les archéologues ont trouvé les vestiges d'un temple dédié à Isis, la déesse égyptienne, et à Mithra, le dieu perse du soleil et «seigneur de la lumière».
Le culte de Mithra apparut pour la première fois à Rome au 1er siècle ap. J.-C. et il se répandit dans tout l'Empire. Pour les historiens modernes, ce culte est toujours entouré de mystère, car il existe très peu de documents écrits sur la foi et les procédures. Ce que l'on sait est un patchwork de découvertes archéologiques et de quelques écrits d'auteurs chrétiens.
Le culte de Mithra était le plus important des nouveaux mouvements religieux orientaux établis en Grande-Bretagne à l'époque romaine, et des Mithraea (sanctuaires de Mithra) ont été découverts à Londres, Carrawburgh, Inveresk, Caerleon et Segontium. Ce culte, réservé aux hommes, trouve son origine en Perse et implique l'adoration du dieu-soleil Mithra. Le mithraïsme était un culte exclusif dont les membres devaient posséder les mêmes qualités que Mithra, à savoir la résistance physique et l'endurance. Il semble également que les membres appartenaient principalement aux rangs les plus élevés de la société, aux officiers de l'armée et aux riches marchands. On pense également que les membres du culte s'intéressaient à l'astrologie, et on trouve dans les mithraeums des idoles et des figures représentant les différents signes du zodiaque. L'héritage de Mithra est d'avoir lutté contre le grand taureau divin. Il fut envoyé par le dieu créateur iranien Ahura Mazada pour tuer le taureau dans une grotte, et il réussit à le faire. Mithra, avec l'aide du sang du taureau, revitalisa la terre et l'humanité.
Au cours des premiers siècles ap. J.-C., le mithraïsme était considéré par les chrétiens romains comme un dangereux concurrent, car il s'agissait de deux religions monothéistes célébrant le soleil/fils envoyé par le Dieu créateur pour apporter le salut, guider les hommes et leur enseigner le droit chemin. Il y avait cependant une différence notable: le mithraïsme était une religion dualiste, et si certaines sectes chrétiennes, comme les gnostiques, étaient également dualistes, l'Église romaine qui triompha en tant qu'Église «victorieuse» était strictement monothéiste et aucun dieu maléfique n'était aussi puissant et indépendant que le dieu créateur. Mithra était le dieu de la lumière, mais il renfermait aussi une partie des ténèbres de l'univers.
Mithra était, par exemple, né dans une sombre grotte souterraine, ce que symbolisaient de nombreux Mithraea enfoncés dans le sol. Dans ces temples souterrains, les rites sacrés se déroulaient dans l'obscurité et ils n'étaient éclairés que par des bougies. Le Mithraeum de Londres fut construit à l'emplacement actuel du musée, sur les rives de la rivière Walbrook, vers 240 ap. J.-C. Il fut abandonné à la chute de l'Empire romain (5e siècle ap. J.-C.).
Un site sacré sous le bâtiment de Bloomberg
Le temple de Mithra à Londres est l'un des mieux préservés de Grande-Bretagne et le site est enfin ouvert aux visiteurs après de nombreuses années de conservation et de recherche. Le site a été découvert pour la première fois en 1954, lors de fouilles et de travaux de conservation effectués sur un bâtiment bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale. Des parties du temple et des objets ont déjà été exposés, mais la majorité des vestiges et des objets sont de retour à l'endroit original et peuvent être appréciés aussi fidèlement que possible tels qu'ils devaient l'être il y a près de 2000 ans.
Le musée est un concept stimulant et les propriétaires du bâtiment situé au-dessus ont pris sur eux de préserver le site et de le rendre accessible au grand public. L'entrée du musée est donc gratuite (bien qu'il faille réserver un créneau horaire pour entrer) et le musée est moderne et doté des technologies de visualisation les plus récentes. Une combinaison étonnamment efficace d'histoire ancienne, de commerce et de technologie !
On entre dans le musée au rez-de-chaussée d'un grand immeuble de bureaux, et on a davantage l'impression d’être sur le point d’assister à une réunion d'affaires plutôt que d'entrer dans un site enfoui dans le sol depuis des millénaires. Après avoir pénétré dans l'espace muséal, la première chose que l'on peut observer est un mur exposant plusieurs artefacts romains trouvés sur le site. On y trouve notamment des pots, des tablettes d'écriture - parmi les plus anciennes trouvées en Grande-Bretagne -, des mosaïques, des pièces de monnaie, etc. Vous pouvez en apprendre davantage sur ces objets et leur histoire en utilisant l'une des nombreuses tablettes mises à la disposition des visiteurs. Des fiches de travail sont également disponibles pour les enfants, ce qui fait de ce musée une expérience amusante pour toute la famille !
Après avoir étudié les objets et en avoir appris un peu plus sur la vie dans Londinium, la ville romaine, vous descendez les marches et vous arrivez au niveau intermédiaire du musée. Ici, vous en apprendrez plus sur le culte de Mithra en étudiant la reconstitution de trois objets centraux du site: une maquette des ruines du Mithraeum, la tauroctonie et la tête de Mithra.
La tauroctonie représente la scène où Mithra tue le taureau et c'est l'icône centrale du culte. Dans cette scène, Mithra détourne la tête alors qu'il tue le taureau, et les chercheurs ont encore des débats pour savoir si la scène dépeint une bataille ou un sacrifice. Cette scène et cette icône devaient constituer une partie importante de l'autel principal du Mithraeum. La sculpture originale est aujourd'hui exposée au Museum of London.
La reconstitution de la tête de Mithra est basée sur une sculpture trouvée sur le site en 1954 (aujourd'hui exposée au Museum of London). On pense que la tête du jeune dieu faisait partie d'une sculpture plus grande représentant la scène de la mise à mort d'un taureau. Comme dans la plupart des images, Mithra porte son «bonnet phrygien» souple et conique, originaire de Phrygie (aujourd'hui en Turquie).
L'étude de la maquette du temple (l'original se trouve également au Museum of London) créée par un archéologue lors des fouilles permet également de mieux comprendre le site mystique. Le temple se compose d'une nef centrale et d'allées latérales, séparées par sept paires de colonnes. Certains ont suggéré que les colonnes représentaient les sept degrés d'initiation au culte: le Corbeau, l'Époux, le Soldat, le Lion, le Perse, le Coursier du Soleil et le Père. Au fond de la nef se trouvait l'autel avec l'icône de la tauroctonie. On peut également voir le contour d'un puits situé dans l'une des nefs latérales. Le puits fournissait de l'eau pour les rituels et les cérémonies et c’est l'un des rares éléments cérémoniels qui subsistent sur le site.
Enfin, il est temps de visiter le temple. Lorsque vous êtes prêts, les hôtes du musée vous font entrer par petits groupes toutes les 20 minutes. En entrant dans le temple, l'obscurité est totale. Puis une séquence interactive commence; elle est destinée à stimuler vos différents sens et à vous donner l'impression d'avoir voyagé 1800 ans en arrière. Au début de la séquence, on entend la salutation rituelle entre le pater (le père) et les membres de la secte, tandis que la lumière s'allume progressivement. Devant vous, les ruines du temple deviennent de plus en plus visibles et vous avez l'impression de visiter un temple sacré souterrain.
Lorsque la séquence est terminée, vous êtes libre de vous promener, d'explorer le site et d'étudier les éléments que vous avez découverts dans le musée. On sait peu de choses sur les pratiques religieuses en vigueur dans le temple, mais elles comprenaient probablement des offrandes votives, des festins et des rituels de purification. On pense que les festins et les rituels étaient très élaborés et que certains membres portaient des vêtements spéciaux, voire des masques. Lorsqu'on se trouve dans le temple, seule l'imagination limite les visions des rituels qui auraient pu se dérouler dans ce lieu souterrain il y a près de 2000 ans.
La pierre de Londres
Après avoir visité le Mithraeum de Londres, sur le chemin du déjeuner ou peut-être de la visite de la Tour de Londres, il y a un autre artefact mystérieux que vous devriez voir avant de quitter le quartier et qui n'est pas si souvent visité par les touristes. À l'angle du bâtiment Bloomberg, sur Cannon Street, se trouve la pierre de Londres. L'origine de la pierre est inconnue, mais son importance en tant que point de repère tout au long de la longue histoire de Londres est presque incomparable, surtout si l'on pense à la simplicité de la pierre. Les historiens et les scientifiques n'ont pas réussi à retrouver la fonction première de la pierre, mais une myriade de légendes sont liées à ce calcaire oolithique, notamment celle selon laquelle sa «survie» et sa protection sont cruciales pour la pérennité de la ville à proprement parler.