Le régime alimentaire des Mongols était fortement influencé par leur mode de vie nomade. Les produits laitiers et la viande provenant de leurs troupeaux de moutons, de chèvres, de bœufs, de chameaux et de yaks étaient la nourriture principale. Les fruits, les légumes, les herbes et le gibier sauvage étaient ajoutés grâce à la cueillette et à la chasse. Une fois leur empire établi, les Mongols sont entrés en contact avec de nombreux nouveaux aliments et des recettes venus de toute l'Asie, qu'ils ont souvent intégrés à leur propre régime alimentaire pour créer des plats tels que la soupe de loup rôti au poivre et au safran. La consommation d'énormes quantités de boissons alcoolisées était l'un des principaux passe-temps de l'élite, le lait de jument fermenté étant la boisson la plus appréciée de tous, des grands Khans aux simples bergers, il est toujours consommé aujourd'hui dans la steppe eurasienne.
Alimentation
En tant qu'éleveurs nomades (par ordre d'importance) de moutons, de chèvres, de chevaux, de chameaux de Bactriane et, en altitude, de yaks, les Mongols préféraient garder leurs animaux en vie plutôt que de les manger. Ils pouvaient ainsi obtenir un approvisionnement régulier en lait (pour faire du beurre, du fromage, du yaourt et des boissons), en laine (pour faire du feutre et des fourrures pour les vêtements et les tentes) et en fumier (pour être brûlé comme combustible). Les bœufs, bien qu'ils ne soient pas élevés en grand nombre, étaient également utiles pour tirer les charrettes. Cependant, les occasions spéciales et les festins (voir ci-dessous) justifiaient que des plats de viande soient servis ; la viande de cheval était la préférée, mais il s'agissait généralement de viande de mouton ou d'agneau qui étaient moins chers. Elle était généralement bouillie et plus rarement rôtie car ce processus est plus long et nécessite donc un combustible plus précieux. La viande séchée (si'usun) était un aliment de base particulièrement utile pour les voyageurs et les guerriers mongols itinérants. Dans l'environnement rude de la steppe, rien n'était gaspillé et même la moelle des os d'animaux était consommée, les restes étant ensuite bouillis dans un bouillon auquel on ajoutait du lait caillé ou du millet.
Tout animal de troupeau mort de causes naturelles ou trop vieux pour suivre le troupeau était une addition très appréciée dans l'alimentation quotidienne. Frugaux, les Mongols tuaient souvent un animal en lui ouvrant la poitrine et en pressant le cœur ou en coupant une artère. De cette façon, aucune goutte de sang n'était perdue et il pouvait être utilisé pour faire du boudin. Un autre complément alimentaire était constitué par les animaux capturés à la chasse, tels que les cerfs, les antilopes, les sangliers, les marmottes, les loups, les renards et de nombreux oiseaux sauvages (à l'aide de collets et de la fauconnerie). Les poissons d'eau douce étaient aussi parfois consommés lorsque cela était possible, mais la plupart des nomades ne semblent pas les avoir appréciés.
Les produits laitiers constituaient une part importante du régime alimentaire mongol. Le beurre était fabriqué et stocké dans des sacs en cuir mais, au lieu d'être salé, il se conservait plus longtemps grâce au procédé d'ébullition utilisé pour sa fabrication. Un aliment courant était le yaourt frais, de la crème était ajoutée aux plats et le qurut, du lait caillé séché, était un autre aliment de base. Le fromage était souvent séché et préservé en le plaçant au sommet d'une tente (ger) et en l'exposant au vent et au soleil. Le qurut était généralement fermenté ou bouilli dans du lait et c’etait un autre aliment pratique pour les voyageurs et les guerriers.
Les nomades sont aussi des cueilleurs, et les Mongols collectaient des compléments alimentaires utiles tels que des légumes sauvages, des racines, des tubercules, des champignons, des céréales, des baies et d'autres fruits qu'ils trouvaient dans la nature ou par le biais du commerce. Au fur et à mesure que l'empire s'est étendu, les Mongols ont ajouté du pain, des nouilles et des aliments à base de céréales à leur régime alimentaire, ainsi que des épices exotiques. De nombreuses herbes étaient ramassées et utilisées comme médicaments contre les maladies et les blessures. La consommation de certaines parties d'animaux sauvages considérés comme ayant des esprits puissants, tels que les loups et même les marmottes, était également censée aider à soigner certaines maladies. La viande d'âne était considérée comme un bon remède contre les flatulences et la dépression, tandis que les pattes d'ours permettaient d'augmenter la résistance au froid. Des concoctions telles que la poudre d'os de tigre dissoute dans de la liqueur, à laquelle on attribue toutes sortes de bienfaits pour le corps, sont encore aujourd'hui des boissons médicinales populaires dans certaines régions d'Asie de l'Est.
Bien que les hommes et les femmes nomades échangeaient souvent leurs tâches, il y avait une certaine division de ces tâches, les femmes collectant la nourriture, la cuisinant et s’occupant de sa conservation tandis que les hommes chassaient, trayaient les juments et produisaient les boissons alcoolisées qui étaient si populaires.
Boisson
Boire, en particulier de grandes quantités d'alcool, était un élément très important de la culture mongole et tout festival ou tout rassemblement important comportait des rituels au cours desquels tous les invités, hommes et femmes, devaient boire au rythme du tambour ou des battements de mains. Le kumis était l'une des boissons mongoles les plus populaires et il était généralement fabriqué à partir de lait de jument fermenté (bien que le lait de brebis, de bœuf, de chameau et de yak puisse également être utilisé). La boisson était fabriquée en brassant le lait dans de grands sacs en cuir à l'aide d'une pagaie en bois, un processus qui prenait plusieurs heures. Connue des Mongols sous le nom d'airagh, il s'agissait d'une boisson alcoolisée d'été et, comme une saison d'approvisionnement nécessitait jusqu'à 60 chevaux, le fait de pouvoir en boire régulièrement était également un symbole de statut social. Cette boisson légèrement pétillante ne contenait que 1 à 3 % d'alcool, mais ce taux pouvait être augmenté par différents niveaux de distillation, dont le plus laborieux éliminait tous les solides et laissait une boisson claire connue sous le nom de qara kumis ou « kumis noir ».
Naturellement, le Grand Khan disposait d'une réserve unique et abondante d'airagh, fournie par des troupeaux gardés dans le parc de chasse de la capitale Xanadu pour son plaisir exclusif. Une petite quantité d'airagh était souvent jetée en l'air pour apaiser les mauvais esprits ou pour consacrer un troupeau et, de la même façon, une petite offrande de la boisson et un petit morceau de viande étaient souvent dédiés aux parents décédés. Encore consommée aujourd'hui, elle est souvent décrite comme ayant un goût aigre avec un arrière-goût d'amande.
Curieusement, les Mongols buvaient rarement du lait frais et étaient déficients en lactase. Le sang de cheval était bu lorsque l'eau venait à manquer, en le drainant du cou de l'animal sans le tuer. Le thé - sous la forme de briques de thé noir concentré bouillies dans du lait - ne fut largement adopté par les Mongols qu'à partir du 14e siècle.
Parmi les autres boissons alcoolisées figurait le vin de miel, connu sous le nom de boal, et au fur et à mesure de l'expansion de l'empire, les Mongols furent exposés à des alternatives plus nombreuses et plus fortes que leur infusion de lait de jument. On buvait de la bière de millet (buza), du vin de raisin ou de riz, et de nombreux types de liqueurs distillées. Ces dernières, généralement appelées arqi par les Mongols, étaient généralement fabriquées à partir de nombreuses variétés de fruits et de céréales et elles pouvaient être terriblement fortes, jusqu'à 60 degrés dans certains cas. La consommation excessive d'alcool, tant par les hommes que par les femmes, semble avoir été une norme sociale sans qu'aucun stigmate n'y soit attaché (même un certain honneur), bien que les cas d'obésité et de goutte aient été courants et que de nombreux décès précoces de dirigeants mongols soient attribués à l'alcoolisme. L'enregistrement officiel de la cause de la mort d'Ogedei Khan (r. 1229-1241), par exemple, était « une consommation excessive d'alcool ».
Festins mongoles
Des festins étaient organisés lors des rares occasions où les Mongols nomades se réunissaient en un même lieu, par exemple lors d'une réunion des chefs de tribu pour élire un nouveau chef ou pour célébrer des anniversaires importants, des mariages, etc. Lors de ces événements, auxquels assistaient aussi bien les hommes que les femmes, il y avait souvent un ordre précis pour s'asseoir, manger et boire, en fonction de la séniorité des participants. Ne pas recevoir son bol avant un membre moins vieux du clan pouvait entraîner des bagarres. Les célébrations spéciales nécessitaient non seulement de dépoussiérer la meilleure porcelaine, mais aussi de servir des mets plus inhabituels. L'historien George Lane donne le résumé suivant de ce qu'aurait pu être un repas mongol spécial à la cour impériale au 13e siècle, lorsque l'empire s'était agrandi et qu’il avait introduit des aliments et des ingrédients beaucoup plus variés qu'auparavant :
Les entrées pouvaient comprendre des momo shapale avec de la sauce sipen mardur, de délicats raviolis aux champignons tibétains cuits à la vapeur et nappés d'une sauce au yaourt crémeuse et épicée. Une salade de piment et de fromage bhoutanais aurait pu suivre. Le plat principal, le shabril avec dresil, était composé de boulettes de viande tibétaines au curry avec du riz safrané aux noix, du miel et des raisins de Corinthe. Du pain himalayen cuit à la vapeur avec du curcuma et de la bière d'orge avec du miel auraient accompagné le plat principal, et aussi comme dessert, un monticule de châtaignes chinoises avec de la crème et des fruits glacés aurait trouvé grâce. (176-7)
Heureusement pour la postérité, nombre de ces plats traditionnels et la façon de les cuisiner ont été consignés dans le Yinshan Zhengyao, une sorte de manuel de divertissement destiné à la cour impériale mongole. Rédigé par Hu Sihui en 1330, le titre peut être traduit par « Choses appropriées et essentielles pour la nourriture et la boisson de l'empereur ». Vous trouverez ci-dessous quelques plats de choix tirés de ce livre, ainsi qu'un remède pour le lendemain matin.
Soupe de loup rôti
Ingrédients : cuisse de loup, coupée en morceaux ; trois grosses cardamomes ; 15 g de poivre noir ; 3 g de kansi [asafoetida] ; 6 g de poivre long ; 6 g de « grains de paradis » [ou petites cardamomes] ; 6 g de curcuma ; 3 g de safran.
Faites une soupe avec les ingrédients. Lorsqu'elle est cuite, l'aromatiser avec des oignons, de la sauce, du sel et du vinaigre.
Jasa'a [« Huîtres de montagne »]
Utilisez-en deux. Retirer le testicule du scrotum. Saler et mélanger avec du kansi (environ 3 g) et des oignons (environ 30 g). Faire frire rapidement dans de l'huile végétale. Arroser de safran dissous dans l'eau. Ajouter les épices. Quand c'est prêt, saupoudrer de coriandre moulue.
Purée d'écorces d'orange séchées détoxifiante
Ingrédients : 500 g d'écorce d'orange parfumée (retirer le blanc) ; 500 g d'écorce de mandarine préparée (retirer le blanc) ; 30 g de bois de santal ; 250 g de fleurs de kudzu ; 250 g de fleurs de haricots mungo ; 60 g de ginseng (retirer les pousses vertes) ; 60 g de graines de cardamome ; 180 g de sel grillé.
Faire une poudre avec les ingrédients. Prendre dans de l'eau bouillante à jeun.
(Buell, 329-331)
L'héritage
La cuisine mongole n'a peut-être pas encore enthousiasmé les papilles des experts culinaires du monde entier, mais elle a eu une ou deux influences durables dans le domaine alimentaire. Le plat mongol à base de mouton et de légumes connu sous le nom de sulen (ou shulen) - qui est un bouillon, une soupe ou un ragoût selon la quantité d'ingrédients ajoutés - s'est répandu dans tout l'empire mongol et c’est encore consommé aujourd'hui dans de nombreuses régions d'Asie. À l'inverse, les Mongols, toujours prêts à adopter des éléments des cultures qu'ils ont conquises, ont expérimenté de nouveaux plats et de nouveaux mélanges d'ingrédients pour créer des plats inédits. Un exemple de cela, selon l'historien P. D. Buell, est le baklava, ce dessert à base de miel, de noix et de pâte que l'on trouve aujourd'hui partout mais qui est particulièrement populaire en Turquie, en Grèce, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Fabriqué à partir de couches de pâte très fines, Buell souligne que le terme mongol bakla signifie « empiler en couches » et que l'une des plus anciennes recettes connues de ce dessert provient d'une encyclopédie chinoise écrite à l'époque de la domination mongole de ce pays.
Enfin, sur de nombreux menus dans le monde, on trouve du « steak tartare » - viande de bœuf ou de cheval hachée non cuite - qui trouve son origine dans le peuple mongol, appelé (à tort) «Tartare» par de nombreuses autres nations au Moyen Âge. Selon le chroniqueur Jean de Joinville (1224-1317), les cavaliers mongols avaient l'habitude de placer sous leur selle une portion de viande crue et les mouvements de l'animal et du cavalier finissaient par faire sortir tout le sang de la viande pour en faire un steak aplati.