Dans la Perse antique, les femmes avaient plus de droits et de liberté que dans n'importe quelle autre civilisation antique, y compris, selon certains spécialistes, l'Égypte antique, célèbre pour son respect du principe féminin dans la religion comme dans la vie quotidienne.
Toutefois, l'histoire de la Perse demeura une tradition orale jusqu'à l'Empire sassanide (224-651 de notre ère), de sorte que la plupart des connaissances sur la culture perse antique proviennent des Grecs, dont les historiens présentent généralement les Perses sous un jour défavorable. Hérodote dépeint régulièrement les Perses comme ayant un style de vie luxueux et leurs femmes comme d'intrigantes manipulatrices qui semblaient avoir un contrôle contre nature sur leurs hommes.
En réalité, les femmes perses n'étaient pas plus "intrigantes" que les femmes de toute autre culture dépeintes par les historiens masculins. Les femmes perses avaient presque les mêmes droits que les hommes et, dans de nombreux cas, plus de libertés et d'avantages. De nombreuses femmes perses exerçaient une autonomie quasi-totale, géraient leur propre entreprise, supervisaient leurs subordonnés masculins sur leur lieu de travail et étaient même commandantes dans l'armée.
Les femmes et les sources
Les femmes perses de l'Antiquité sont en fait si nombreuses et impressionnantes qu'il est difficile de dresser une liste des douze plus grandes. Celles que l'on trouve ci-après représentent les meilleures facettes des nombreuses femmes qui ne sont pas incluses. Il s'agit de :
- Cassandane Shahbanu
- Atossa Shahbanu
- Artonis
- Irdabama
- Artémise Ire de Carie
- Youtab
- Musa de Parthie(également appelé Thermusa)
- Sura
- Azadokht Shahbanu
- Bûrândûkht
- Apranik
- Banu, épouse de Babak
Les récits des exploits de ces femmes proviennent de plusieurs sources : La tradition orale perse qui fut mise par écrit pendant la période sassanide et après, les historiens grecs et romains, et les documents administratifs/financiers, préservés dans des tablettes d'argile cuites, trouvés dans les ruines de la capitale perse achéménide de Persépolis, connus sous le nom de Tablettes des fortifications de Persépolis et Tablettes du trésor.
Les Grecs et les Romains décrivent souvent les hommes perses comme dominés par leurs femmes dans le but de faire apparaître les Perses comme faibles et "non virils" par rapport à eux, mais, malgré cela, leurs récits permettent souvent de comprendre et de corroborer les événements historiques et de mettre en évidence le statut des femmes en Perse.
Les personnes suivantes ont marqué l'histoire en tant que reines, commandants, femmes d'affaires et guérilleras, mais de nombreuses autres femmes, dont les noms ont été perdus, étaient également très respectées. Les femmes occupaient des postes de gestionnaires et de responsables, de marchandes, de soldats, de greffières, de prêtresses, mais aussi d'ouvrières, d'artisanes et d'artistes. Les femmes dont les noms sont rappelés ici ne représentent qu'une petite fraction du nombre de celles qui contribuèrent à la vie quotidienne et à l'héritage des empires de Perse.
Cassandane Shahbanu (c. 575-519 av. J.-C.)
Cassandane était l'épouse de Cyrus le Grand (r. d'environ 550 à 530 av. J.-C.), fondateur de l'empire achéménide (c. 550-330 av. J.-C.). Shahbanu était un titre signifiant "Dame du roi" et était porté par l'épouse principale d'un monarque (mère de son héritier). Les détails sur la vie de Cassandane sont vagues et elle est surtout connue comme la mère du deuxième roi achéménide Cambyse II (r. de 530 à 522 av. J.-C.) et de sa sœur (et future épouse) Atossa. À sa mort, selon Hérodote, Cyrus fut accablé de douleur et décréta une période de deuil de six jours dans tout l'empire (II.1). D'après les témoignages, les différentes nations de l'empire se plièrent facilement à ce décret, ce qui laisse supposer le respect qu'elles avaient pour la reine défunte et son mari. On pense que Cassandane, comme son mari, fixa la norme du respect que l'on devait porter aux reines perses. Ce grand respect est évident dans les représentations des reines ultérieures et, probablement le plus célèbre, dans l'exemple de la reine Esther dans le récit biblique qui porte son nom. Dans le récit biblique, Esther - bien qu'elle ne soit pas d'origine perse - inspire suffisamment de respect à son mari le roi pour qu'elle puisse non seulement sauver les Juifs de Perse d'un génocide, mais aussi retourner la situation contre leurs ennemis de sorte qu'ils soient éliminés par décret royal.
Atossa Shahbanu (c. 550-475 av. J.-C.)
Fille de Cyrus le Grand, épouse de Cambyse II, de Bardiya (r. 522 av. J.-C.) et de Darius I (le Grand, r. de 522 à 486 av. J.-C.). Atossa était considérée comme une épouse de valeur puisqu'elle était la fille de Cyrus et de Cassandane. Hérodote (dans le livre III.133) raconte qu'Atossa découvrit une excroissance douloureuse sur son sein et demanda l'aide du médecin grec (et esclave de Darius Ier) Démocédès pour la soigner (le premier cas de mastite enregistré dans l'histoire). Cette partie du récit d'Hérodote est acceptée sans contestation par les spécilistes, mais elle se poursuit par un récit universellement rejeté comme étant trop éloigné de la vérité : l'histoire selon laquelle Démocédès n'aurait guéri Atossa qu'à la condition qu'elle persuade Darius Ier de le renvoyer en éclaireur dans sa patrie en vue de l'invasion de Darius Ier en 490 av. J.-C. et qu'Atossa suggère l'invasion afin de ramener davantage d'esclaves grecs de la qualité de Démocédès. Démocédès fut envoyé en éclaireur, trompa habilement ses gardes perses et s'échappa (III.134-137). Il s'agit de l'une des histoires les plus souvent répétées concernant la reine Atossa dans les sources occidentales, mais, dans la tradition perse, cette histoire est rejetée, et elle est connue comme une femme forte et indépendante, épouse de trois rois et mère de Xerxès Ier. Elle gérait ses propres affaires et entretenait sa propre cour et son armée.
Artonis (c. 540-500 av. J.-C.)
Un lieutenant commandant de l'armée sous Cyrus le Grand. On dit qu'Artonis était la fille d'un des généraux de Cyrus, Artebaz, mais elle servit peut-être aussi (ou seulement) sous le règne de Darius I. On ne sait rien de sa vie ni de ses états de service en dehors de son nom, mais elle est devenue représentative des nombreuses femmes qui ont servi dans l'armée perse. Le spécialiste Kaveh Farrokh note des exemples de biens funéraires provenant de tombes excavées qui fournissent de nombreuses preuves de la présence de femmes guerrières dans l'armée perse, y compris la tombe d'une femme de la période achéménide contenant un javelot, une lance, un arc et des flèches, et un couteau qui étaient clairement les siens (128). La tradition perse cite également une autre femme célèbre, Panthée, qui servit comme commandant militaire sous Cyrus le Grand et joua un rôle central dans la bataille d'Opis en 539 avant J.-C. (elle aida ensuite son mari à former les 10 000 immortels perses), mais il y a aussi peu d'informations sur elle que sur Artonis. Malgré tout, ces noms de femmes représentent les nombreuses autres guerrières anonymes qui occupaient un rang élevé dans l'armée.
Irdabama (c. 522-486 av. J.-C., règne de Darius I)
La femme d'affaires la plus connue et la plus riche dont on trouve trace dans les archives de l'empire achéménide à Persépolis. Irdabama s'occupait principalement de vin et de céréales et supervisait des entreprises, des centres de production et des domaines en Iran, en Syrie, en Égypte, dans les médias et en Babylonie. Elle commandait une main-d'œuvre de 480 ouvriers et supervisait personnellement la production, les ventes et la distribution. Voyageant beaucoup avec un grand entourage, Irdabama devait être une figure impressionnante lorsqu'elle arrivait dans ses différents domaines pour mener ses affaires. Elle possédait son propre sceau pour authentifier les documents écrits - ce qui témoigne de son statut social élevé - et employait des subordonnés, hommes et femmes, pour superviser les affaires, collecter les revenus et transmettre les messages.
Artémise Ire de Carie (c. 480 av. J.-C.)
La femme guerrière la plus connue de la période achéménide, amirale dans la marine de Xerxès Ier, Artémise Ire est célèbre pour sa bravoure lors de la bataille de Salamine, vers la fin de l'invasion de la Grèce par Xerxès Ier, en 480 avant notre ère. Selon Hérodote, Artémise Ire fut le seul membre du conseil de guerre de Xerxès Ier à lui déconseiller d'engager les Grecs dans une bataille navale à Salamine. Elle lui suggéra de se retenir et d'affamer l'ennemi pour le soumettre par un blocus (VIII.68). Xerxès Ier aurait apprécié son conseil mais aurait tout de même poursuivi la bataille au cours de laquelle, bien qu'elle l'ait déconseillée, Artémise Ire combattit avec habileté. La marine de Xerxès Ier fut défaite à Salamine, marquant le début de sa défaite générale et l'échec de l'invasion, et il aurait donc bien fait d'écouter Artémise Ire. Après la bataille, Xerxès Ier lui confia le retour en toute sécurité de ses fils illégitimes en Perse et elle disparaît ensuite de l'histoire. Elle était régente de Carie pour son jeune fils Pisindelis après la mort de son mari, quelque temps avant Salamine, et retourna donc probablement là-bas pour poursuivre son règne jusqu'à sa mort.
Youtab (m. 330 av. J.-C.)
Youtab était la sœur du héros Ariobarzanès (386-330 av. J.-C.) et tomba avec lui en défendant les portes de la Perse contre les forces d'invasion d'Alexandre le Grand. Après la chute de Suse, Alexandre marcha vers Persépolis. Le roi perse Darius III (r. de 336 à 330 av. J.-C.) essayait de rassembler une nouvelle armée à Ecbatana pour s'opposer à Alexandre mais avait besoin de plus de temps. Il envoya le satrape Ariobarzanès pour tenir les Portes de Perse, l'étroit passage menant à travers les montagnes aux plaines de Perse, contre l'ennemi. Youtab combattit aux côtés de son frère et, selon la façon dont on interprète les récits anciens, soit elle mourut au combat avec lui au col, soit elle se retira avec lui à Persépolis où ils firent une dernière résistance à l'extérieur des murs de la ville. Ariobarzanès et Youtab tinrent le col pendant un mois avant d'être débordés, vaincus et tués. Leur action donna à Darius III le temps dont il avait besoin pour lever une armée, même si cette force fut également vaincue par Alexandre.
Musa (r. 2 av. J.-C - 2 de notre ère)
Musa (également connue sous le nom de Thermusa) était une reine parthe et co-dirigeante avec son fils Phraatès V (r. de 2 av. J.-C. à 2 ap. J.-C.). Elle entra à la cour de l'Empire parthe (247 av. J.-C. - 224 ap. J.-C.) lorsqu'elle fut présentée comme concubine par l'empereur romain Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.) à Phraatès IV (r. de 37 à 2 av. J.-C.) dans le cadre du traité arménien de 20 av. J.-C. Musa utilisa ses charmes et ses divers talents pour s'élever dans la faveur de Phraatès IV, devenant finalement sa principale épouse. Quelque temps plus tard, elle l'empoisonna et, après sa mort, monta sur le trône avec Phraatès V. Ils furent tous deux assassinés par la noblesse parthe en l'an 2 de notre ère, mais Musa reste dans les mémoires comme une femme énergique, ambitieuse et finalement couronnée de succès - bien que son règne ait été de courte durée - qui sut abandonner son rôle de concubine du roi pour devenir reine.
Sura (m. env. 224 de notre ère)
Princesse et chef militaire parthe, fille du dernier monarque parthe, Artaban V (r. de 213 à 224 de notre ère). On pense que Sura servit dans l'armée et fut peut-être conseillère de son père tout au long de son règne. Elle n'entra dans l'histoire qu'après que Ardashir Ier (r. de 224 à 240), ancien général de l'armée parthe, se soit révolté contre Artaban V et ait renversé les Parthes, fondant ainsi l'Empire sassanide. Artaban V fut tué au combat en 224 de notre ère et Sura poursuivit alors la lutte par des tactiques de guérilla, cherchant à venger son père, jusqu'à ce qu'elle ne meure également au combat.
Azadokht Shahbanu (c. 240-270 de notre ère, règne de Chapour I)
Épouse principale du monarque sassanide Chapour Ier, Azadokht aurait inspiré et encouragé la fondation du célèbre centre intellectuel et médical de Gondichapour, un hôpital universitaire, une bibliothèque et la plus grande institution d'enseignement supérieur de son temps. Il est établi depuis longtemps que la fondation de Gondichapour se fit sous la direction de Chapour Ier, mais les experts d'aujourd'hui indiquent que c'est Azadokht qui fit venir pour la première fois des médecins grecs à la cour dans le but de créer ce qui allait devenir le paradigme de l'hôpital et du centre médical modernes et d'établir des normes pour les activités universitaires. On dit également qu'Azadokht était une habile épéiste, une diplomate et, comme beaucoup de femmes royales, qu'elle avait peut-être sa propre entreprise.
Bûrândûkht (r. de 629 à 631)
Connue également sous les noms de Boran et Puran, Bûrândûkht était la fille de Khosro II (r. de 590 à 628) qui monta sur le trône en 629/630 et devint la première impératrice de l'Empire sassanide. Elle fut brièvement déposée par sa sœur Azarmedūkht (r. 630) mais retrouva le trône après l'assassinat d'Azarmedūkht. Bûrândûkht stabilisa l'empire à un moment où il s'affaiblissait régulièrement en raison de conflits internes et de menaces extérieures sous la forme de raids et d'armées arabo-musulmanes. Elle établit des relations diplomatiques saines avec l'Empire byzantin, améliora l'économie et les infrastructures, et tenta de redonner à l'empire sa gloire connue sous les rois précédents. Elle fut assassinée par une faction politique rivale qui finit par la remplacer par le roi Yazdgard III.
Apranik (m. c. 651)
Apranik était le commandant de l'armée sassanide contre les forces d'invasion arabo-musulmanes sous le règne de Yazdgard III (632-651). Les Arabo-musulmans avaient fait des incursions régulières en Perse tout au long du VIIe siècle et, contrairement aux autres menaces qui pesaient sur l'empire, ils utilisaient des tactiques innovantes comme les raids éclair, l'utilisation généralisée de la cavalerie montée sur des chameaux (qui s'en sortait mieux sur les terrains meubles et sablonneux), et étaient également capables de déployer une armée beaucoup plus importante que les Sassanides. Apranik commanda les dernières forces sassanides à rencontrer les Arabes au combat et fut finalement vaincue. Par la suite, elle poursuivit la lutte, menant une guérilla jusqu'à ce qu'elle ne soit tuée au combat.
Banu, épouse de Babak (m. env. 838)
Banu était l'épouse du héros et combattant pour la liberté Babak Khorramdin (mort en 838), qui lutta contre les forces d'occupation du califat abbasside. À l'époque où Banu et son mari étaient actifs, les arabo-musulmans contrôlaient la Perse depuis près de 200 ans et pourtant la résistance perse à la domination extérieure n'avait pas cessé. Banu et Babak dirigeaient une cellule de résistance, frappant les Abbassides puis s'éclipsant, et furent toujours victorieux. Ils ne furent finalement capturés par les autorités abbassides que lorsqu'ils furent trahis par l'un des leurs et furent ensuite exécutés.
Conclusion
Après la chute de l'empire sassanide en 651, les arabo-musulmans ont supprimé la culture perse dans le but de la supplanter par la leur. La religion, les coutumes et les traditions de l'ancienne Perse, en particulier l'observance du zoroastrisme, ont été supprimées, tout comme d'autres valeurs culturelles, notamment l'égalité et l'autonomie des femmes. Les femmes sont devenues des citoyennes de seconde zone, nécessitant l'autorisation d'un homme pour voyager, faire des affaires, se marier ou poursuivre des études. La résistance à la domination arabo-musulmane s'est poursuivie jusqu'à ce que les Perses adoptent l'Islam et parviennent, avec le temps, à établir leurs propres dynasties dirigeantes, mais le paradigme antérieur de l'égalité des femmes n'a plus jamais été réalisé au même niveau qu'à l'époque de l'Empire sassanide.
Bûrândûkht et Azarmidokht seront les deux dernières reines perses à porter le titre de Shahbanu et de Reine des Reines jusqu'en 1967, date à laquelle Farah Pahlavi, épouse du dernier Shah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi, le fit revivre. Le titre a été abandonné depuis la révolution islamique de 1979. Aujourd'hui, les femmes iraniennes continuent d'exprimer leur résistance aux rigueurs du régime par divers moyens, en s'inspirant des exemples antérieurs de femmes perses héroïques qui refusèrent de renoncer au droit de diriger leur propre vie.