Hésiode sur la Naissance des Dieux

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 janvier 2012
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Le poète grec Hésiode (c. 700 av. J.-C.) est surtout connu pour ses œuvres La Théogonie et Les Travaux et les Jours. Dans ce passage de La Théogonie (traduite par M.A. Bignan), Hésiode raconte la naissance des dieux à partir du Chaos cosmique et suit la lignée jusqu'au grand Zeus, roi des dieux de l'Olympe, vénéré par les contemporains d'Hésiode:

Commençons par invoquer les Muses de l'Hélicon, les Muses qui, habitant cette grande et céleste montagne, dansent d'un pas léger autour de la noire fontaine et de l'autel du puissant fils de Saturne, et baignant leurs membres délicats dans les ondes du Permesse, de l'Hippocrène et du divin Olmius, forment sur la plus haute cime de l'Hélicon des choeurs admirables et gracieux. Lorsque le sol a frémi sous leurs pieds bondissants, dans leur pieuse ardeur, enveloppées d'un épais nuage, elles se promènent durant la nuit et font entendre leur belle voix en célébrant Jupiter armé de l'égide, l'auguste Junon d'Argos, qui marche avec des brodequins d'or, la fille de Jupiter, Minerve aux yeux bleus, Phébus-Apollon, Diane chasseresse, Neptune, qui entoure et ébranle la terre, la vénérable Thémis, Vénus à la paupière noire, Hébé à la couronne d'or, la belle Dioné, l'Aurore, le grand Soleil, la Lune splendide, Latone, Japet, l’astucieux Saturne, la Terre, le vaste Océan et la Nuit ténébreuse, enfin la race sacrée de tous les autres dieux immortels. Jadis elles enseignèrent à Hésiode d'harmonieux accords, tandis qu'il faisait paître ses agneaux au pied du céleste Hélicon. Ces Muses de l'Olympe, ces filles de Jupiter, maître de l'égide, m'adressèrent ce langage pour la première fois :

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"Vils pasteurs, opprobre des campagnes, vous qui ne vivez que pour l'intempérance, nous savons inventer beaucoup de mensonges semblables à la vérité ; mais nous savons aussi dire ce qui est vrai, quand tel est notre désir."

Clio
Clio
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Ainsi parlèrent les éloquentes filles du grand Jupiter, et elles me remirent pour sceptre un rameau de vert laurier superbe à cueillir ; puis, m'inspirant un divin langage pour me faire chanter le passé et l'avenir, elles m'ordonnèrent de célébrer l'origine des bienheureux Immortels et de les choisir toujours elles-mêmes pour objet de mes premiers et de mes derniers chants. Mais pourquoi m'arrêter ainsi autour du chêne ou du rocher?

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Célébrons d'abord les Muses qui, dans l’Olympe, charment la grande âme de Jupiter et marient leurs accords en chantant les choses passées, présentes et futures. Leur voix infatigable coule de leur bouche en doux accents, et cette harmonie enchanteresse, au loin répandue, fait sourire le palais de leur père qui lance la foudre. On entend résonner la cime de l’Olympe neigeux, demeure des Immortels. D'abord, épanchant leur voix divine, elles rappellent l'auguste origine des dieux engendrés par la Terre et par le vaste Uranus, et chantent leurs célestes enfans, auteurs de tous les biens. Ensuite, célébrant Jupiter, ce père des dieux et des hommes, elles commencent et finissent par lui tous leurs hymnes et redisent combien il l'emporte sur les autres divinités par sa force et par sa puissance. Enfin, quand elles louent la race des mortels et des Géants vigoureux, elles réjouissent dans le ciel l'âme de Jupiter, ces Muses de l'Olympe, filles du dieu qui porte l’égide.

Dans la Piérie, Mnémosyne, qui régnait sur les collines d'Éleuthère, unie au fils de Saturne, mit au jour ces vierges qui procurent l’oubli des maux et la fin des douleurs. Durant neuf nuits, le prudent Jupiter, montant sur son lit sacré, coucha près de Mnémosyne, loin de tous les Immortels. Après une année, les saisons et les mois ayant accompli leur cours et des jours nombreux étant révolus, Mnémosyne enfanta neuf filles animées du même esprit, sensibles au charme de la musique et portant dans leur poitrine un coeur exempt d'inquiétude ; elle les enfanta près du sommet élevé de ce neigeux Olympe où elles forment des choeurs brillants et possèdent des demeures magnifiques. Àleurs côtés se tiennent les Grâces et le Désir dans les festins, où leur bouche, épanchant une aimable harmonie, chante les lois de l’univers et les fonctions respectables des dieux. Fières de leurs belles voix et de leurs divins concerts, elles montèrent dans l'Olympe : la terre noire retentissait de leurs accords, et sous leurs pieds s'élevait un bruit ravissant tandis qu'elles marchaient vers l'auteur de leurs jours, ce roi du ciel, ce maître du tonnerre et de la brûlante foudre, qui, puissant vainqueur de son père Saturne, distribua équitablement à tous les dieux les emplois et les honneurs.

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Terpsichore
Terpsichore
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Voilà ce que chantaient les Muses, habitantes de l'Olympe, les neuf filles du grand Jupiter, Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Érato, Polymnie, Uranie et Calliope, la plus puissante de toutes, car elle sert de compagne aux rois vénérables. Lorsque les filles du grand Jupiter veulent honorer un de ces rois, nourrissons des cieux, dès qu'elles l'ont vu naître, elles versent sur sa langue une molle rosée, et les paroles découlent de sa bouche douces comme le miel. Tous les peuples le voient dispenser la justice avec droiture lorsqu'il apaise tout à coup un violent débat par la sagesse et l'habileté de son langage, car les rois sont doués de prudence afin que, sur la place publique, en proférant de pacifiques discours, ils fassent aisément restituer à leurs peuples tous les biens dont ils ont été insolemment dépouillés. Tandis que ce prince marche dans la ville, les citoyens, remplis d'un tendre respect, l'invoquent comme un dieu et il brille au milieu de la foule assemblée. Tel est le divin privilège que les Muses accordent aux mortels. Les Muses et Apollon, qui lance au loin ses traits, font naître sur la terre les chantres et les musiciens ; mais les rois viennent de Jupiter. Heureux celui que les Muses chérissent ! un doux langage découle de ses lèvres. Si un mortel, l'âme déchirée par un récent malheur, s'afflige et se lamente, qu'un chantre, disciple des Muses, célèbre la gloire des premiers hommes et des bienheureux Immortels habitants de l'Olympe, aussitôt l'infortuné oublie ses chagrins ; il ne se souvient plus du sujet de ses maux et les présens des vierges divines l'ont bientôt distrait de sa douleur.

Salut, filles de Jupiter, donnez-moi votre voix ravissante. Chantez la race sacrée des Immortels nés de la Terre et d'Uranus couronné d'étoiles, conçus par la Nuit ténébreuse ou nourris par l’amer Pontus. Dites comment naquirent les dieux, et la terre, et les fleuves, et l'immense Pontus aux flots bouillonnants, et les astres étincelants, et le vaste ciel qui les domine ; apprenez-moi quelles divinités, auteurs de tous les biens, leur durent l'existence ; comment cette céleste race, se partageant les richesses, se distribuant les honneurs, s'établit pour la première fois dans l’Olympe aux nombreux sommets. Muses habitantes de l'Olympe, révélez-moi l'origine du monde et remontez jusqu'au premier de tous les êtres.

Au commencement exista le Chaos, puis la Terre à la large poitrine, demeure toujours sûre de tous les Immortels qui habitent le faite de l'Olympe neigeux; ensuite le sombre Tartare, placé sous les abîmes de la Terre immense ; enfin l'Amour, le plus beau des dieux, l'Amour, qui amollit les âmes, et, s'emparant du coeur de toutes les divinités et de tous les hommes, triomphe de leur sage volonté. Du Chaos sortirent l’Érèbe et la Nuit obscure. L'Éther et le Jour naquirent de la Nuit, qui les conçut en s'unissant d'amour avec l'Érèbe. La Terre enfanta d'abord Uranus couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes. Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnants ; puis, s'unissant avec Uranus, elle fit naître l'Océan aux gouffres immenses, Céus, Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébè à la couronne d'or et l’aimable Téthys. Le dernier et le plus terrible de ses enfants, l'astucieux Saturne, devint l'ennemi du florissant auteur de ses jours.

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La Terre enfanta aussi les Cyclopes au coeur superbe, Brontès, Stéropés et l'intrépide Argès, qui remirent son tonnerre à Jupiter et lui forgèrent sa foudre : tous les trois ressemblaient aux autres dieux, seulement ils n'avaient qu'un oeil au milieu du front et reçurent le surnom de Cyclopes, parce que cet oeil présentait une forme circulaire. Dans tous les travaux éclataient leur force et leur puissance.

La Terre et Uranus eurent encore trois fils grands et vigoureux, funestes à nommer, Cottus, Briarée et Gygès, race orgueilleuse et terrible! Cent bras invincibles s'élançaient de leurs épaules et cinquante têtes attachées à leurs dos s'allongeaient au-dessus de leurs membres robustes. Leur force était immense, infatigable, proportionnée à leur haute stature. Ces enfants, les plus redoutables de tous ceux qu'engendrèrent la Terre et Uranus, devinrent dès le commencement odieux à leur père.

À mesure qu'ils naissaient, loin de leur laisser la lumière du jour, Uranus les cachait dans les flancs de la Terre et se réjouissait de cette action dénaturée. La Terre immense gémissait, profondément attristée, lorsque enfin elle médita une cruelle et perfide vengeance. Dès qu'elle eut tiré de son sein l'acier éclatant de blancheur, elle fabriqua une grande faux, révéla son projet à ses enfants et, pour les encourager, leur dit, consumée de douleur:

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"Mes fils ! si vous voulez m'obéir, nous vengerons l'outrage que vous fait subir votre coupable père : car il est le premier auteur d'une action indigne."

Elle dit. La crainte s'empara de tous ses enfants ; aucun n'osa répliquer. Enfin le grand et astucieux Saturne, ayant pris confiance, répondit à sa vénérable mère:

"Ô ma mère! je promets d'accomplir notre vengeance, puisque je ne respecte plus un père trop fatal : car il est le premier auteur d'une action indigne."

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A ces mots, la Terre immense ressentit une grande joie au fond de son coeur. Après avoir caché Saturne dans une embuscade, elle remit en ses mains la faux à la dent tranchante et lui expliqua sa ruse tout entière.

Le grand Uranus arriva, amenant la Nuit, et animé du désir amoureux, il s'étendit sur la Terre de toute sa longueur.

Alors son fils, sorti de l'embuscade, le saisit de la main gauche, et de la droite, agitant la faulx énorme, longue, acérée, il s'empressa de couper l'organe viril de son père et le rejeta derrière lui. Ce ne fut pas vainement que cet organe tomba de sa main : toutes les gouttes de sang qui en découlèrent, la Terre les recueillit, et les années étant révolues, elle produisit les redoutables Furies, les Géants monstrueux, chargés d'armes étincelantes et portant dans leurs mains d'énormes lances, enfin ces Nymphes qu'on appelle Mélies sur la terre immense.
Saturne mutila de nouveau avec l'acier le membre qu'il avait coupé déjà et le lança du rivage dans les vagues agitées de Pontus : la mer le soutint longtemps, et de ce débris d'un corps immortel jaillit une blanche écume d'où naquit une jeune fille qui fut d'abord portée vers la divine Cythère et de là parvint jusqu'à Chypre entourée de flots. Bientôt, déesse ravissante de beauté, elle s'élança sur la rive, et le gazon fleurit sous ses pieds délicats. Les dieux et les hommes appellent cette divinité à la belle couronne Aphrodite, parce qu'elle fut nourrie de l'écume des mers ; Cythérée, parce qu'elle aborda Cythère, Cyprigénie, parce qu'elle naquit dans Chypre entourée de flots et Philomédée, parce que c'est d'un organe générateur qu'elle reçut la vie. Accompagnée de l'Amour et du beau Désir, le même jour de sa naissance, elle se rendit à la céleste assemblée. Dès l'origine, jouissant des honneurs divins, elle obtint du sort l'emploi de présider, parmi les hommes et les dieux immortels, aux entretiens des jeunes vierges, aux tendres sourires, aux innocents artifices, aux doux plaisirs, aux caresses de l'amour et de la volupté.

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Aphrodite, Eros, & Pan
Aphrodite, Eros et Pan
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Le grand Uranus, irrité contre les enfants qu'il avait engendrés lui-même, les surnomma les Titans, disant qu'ils avaient étendu la main pour commettre un énorme attentat dont un jour ils devaient recevoir le châtiment.

La Nuit enfanta l'odieux Destin, la noire Parque et la Mort ; elle fit naître le Sommeil avec la troupe des Songes, et cependant cette ténébreuse déesse ne s'était unie à aucun autre dieu. Ensuite elle engendra Momus, le Chagrin douloureux, les Hespérides, qui par delà l'illustre Océan, gardent les pommes d'or et les arbres chargés de ces beaux fruits, les Destinées, les Parques impitoyables, Clotho, Lachésis et Atropos qui dispensent le bien et le mal aux mortels naissans, poursuivent les crimes des hommes et des deux et ne déposent leur terrible colère qu'après avoir exercé sur le coupable une cruelle vengeance. La Nuit funeste conçut encore Némésis, ce fléau des mortels, puis la Fraude, l'Amour criminel, la triste Vieillesse, Éris au coeur opiniâtre.

L'odieuse Éris fit naître à son tour le Travail importun, l'Oubli, la Faim, les Douleurs qui font pleurer, les Disputes, les Meurtres, les Guerres, le Carnage, les Querelles, les Discours mensongers, les Contestations, le Mépris des lois et Até, ce couple inséparable, enfin Horcus, si fatal aux habitans de la terre quand l'un d'eux se parjure volontairement.

Pontus engendra Nérée qui fuit le mensonge et chérit la vérité, Nérée, le plus âgé de tous ses fils : on l'appelle le vieillard à cause de sa sincérité et de sa douceur, et parce que, loin d'oublier les lois de la justice, il porte des arrêts équitables et modérés. Ce même dieu, uni avec la Terre, eut pour enfants le grand Thaumas, l'intrépide Phorcys, Céto aux belles joues et Eurybie qui renferme un coeur d'acier dans sa forte poitrine.

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The Titan Oceanus
Le Titan Océan (Océanos)
Mary Harrsch (CC BY-NC-SA)

Nérée et Doris aux beaux cheveux, cette fille du superbe fleuve Océan, engendrèrent dans la mer stérile les aimables nymphes Proto, Eucrate, Sao, Amphitrite, Eudore, Thétis, Galèné, Glaucé, Cymothoë, Spéio, Thoë, l'agréable Thalie, la gracieuse Mélite, Eulimène, Agavé, Pasythée, Érato, Eunice aux bras de rose, Dolo, Ploto, Phéruse, Dynamène, Nésée, Actée, Protomèdie, Doris, Panope, la belle Galatée, l'aimable Hippothoë, Hipponoë aux bras de rose, Cymodocé qui sur la sombre mer, avec Cymatolège et Amphitrite aux pieds charmans, calme sans efforts la fureur des vagues et le souffle des vents impétueux, Cymo, Eïoné, Halimède à la belle couronne, Glauconome au doux sourire, Pontoporie, Liagore, Évagore, Laomédie, Polynome, Autonoë, Lysianasse, Évarnè douée d'un aimable caractère et d'une beauté accomplie, Psamathe au corps gracieux, la divine Ménippe, Néso, Eupompe, Thémisto, Pronoë et Némertès en qui respire l'âme de son père immortel. Ainsi l'irréprochable Nérée eut cinquante filles savantes dans tous les travaux.

Thaumas épousa Électre, née du profond Océan ; Électre enfanta la rapide Iris, les Harpies à la belle chevelure, Aéllo et Ocypétès qui de leurs ailes légères égalent la vitesse des vents et des oiseaux en volant sous la céleste voûte.

Célo aux belles joues donna à Phorcys des filles blanches dès le berceau et appelées les Grées par les dieux immortels et par les hommes qui marchent sur la terre, Péphrédo au beau voile, Ényo au voile de pourpre, et les Gorgones qui habitent par delà l'illustre Océan, vers l'empire de la Nuit, dans ces lointaines contrées, où demeurent les Hespérides à la voix sonore, les Gorgones Sthéno, Euryale et Méduse éprouvée par de cruelles souffrances. Méduse était mortelle, tandis que ses autres soeurs vivaient exemptes de vieillesse et de mort ; Neptune aux noirs cheveux s'unit avec elle dans une molle prairie, sur une couche de fleurs printanières. Lorsque Persée lui eut tranché la tête, on vit naître d'elle le grand Chrysaor et le cheval Pégase. Pégase mérita son nom parce qu'il était né près des sources de l'Océan, Chrysaor parce qu'il tenait un glaive d’or dans ses mains. Persée, quittant une terre fertile en beaux fruits, s'envola vers le séjour des Immortels, et il habite le palais de Jupiter, de ce dieu prudent dont il porte le tonnerre et la foudre. Chrysaor, uni à Callirhoë, fille de l'illustre Océan, engendra Géryon aux trois têtes ; le puissant Hercule, désarmant Géryon, lui enleva ses boeufs aux pieds flexibles dans Érythie entourée de flots, le jour on il conduisit ces animaux au large front jusque dans la divine Tirynthe, après avoir traversé la mer et immolé Orthos avec le pasteur Eurytion, dans une étable obscure, par delà l'illustre Océan.

The Artemision Bronze
Le bronze d'Artemision
James Lloyd (Copyright)

Callirhoë, au fond d'une caverne, produisit un autre enfant monstrueux, invincible et nullement semblable aux hommes ou aux dieux, la divine Échidna au coeur intrépide, moitié Nymphe aux yeux noirs et aux belles joues, moitié serpent énorme et terrible, marqué de taches diverses et nourri de chairs sanglantes dans les entrailles de la Terre sacrée. Ce monstre habite un antre profond dans le creux d'un rocher, loin des hommes et des Immortels : c'est là que les dieux lui assignèrent une glorieuse demeure. Renfermée dans Arime, la fatale Echidna vivait sous la terre, toujours affranchie de la vieillesse et du trépas.

Typhon, ce vent fougueux et redoutable, s'unit, dit-on, avec cette Nymphe aux yeux noirs, qui, devenue enceinte, enfanta une race courageuse, d'abord Orthos, ce chien de Géryon, ensuite l'indomptable Cerbère, qu'on ne nomme qu'avec effroi, ce gardien de Pluton, ce dévorant Cerbère à la voix d'airain, aux cinquante têtes, ce monstre impudent et terrible, enfin la fatale hydre de Lerne, que nourrit Junon aux bras d'albâtre, pour assouvir son implacable haine contre Hercule ; mais ce fils de Jupiter, armé du glaive destructeur et secondé du vaillant Iolaüs, immola cette hydre, d'après les conseils de la belliqueuse Minerve. Échidna fit naître aussi la Chimère qui, exhalant des feux inextinguibles, monstre terrible, énorme, rapide, infatigable, portait trois têtes, la première d'un lion farouche, la seconde d'une chèvre, la troisième d'un dragon vigoureux ; lion par le haut de son corps, dragon par derrière, chèvre par le milieu, elle vomissait avec un bruit affreux les tourbillons d'une dévorante flamme. La Chimère succomba sous Pégase et sous le brave Bellérophon. Échidna, s'accouplant avec Orthos, engendra la Sphinx, si fatale aux enfants de Cadmus, et le lion de Némée, que Junon, auguste épouse de Jupiter, nourrit et plaça sur les hauteurs de Némée pour la perte des humains. Ce lion, qui régnait sur le Trétos, sur Némée et sur l'Apésas, ravageait des tribus des hommes ; mais il périt, dompté par le puissant Hercule.

Céto, unie d'amour avec Phorcys, eut pour dernier enfant un serpent terrible qui, dans les flancs ténébreux de la terre, garde les pommes d'or aux extrémités du monde. Telle est la race de Céto et de Phorcys.

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Persephone & Hades
Perséphone et Hadès
Marie-Lan Nguyen (CC BY-SA)

Téthys donna à l’Océan des Fleuves au cours sinueux, le Nil, l'Alphée, l'Éridan aux gouffres profonds, le Strymon, le Méandre, l'Ister aux belles eaux, le Phase, le Rhésus, l'Achéloüs aux flots argentés, le Nessus, le Rhodius, l'Haliacmon, l'Heptapore, le Granique, l'Ésépus, le divin Simoïs, le Pénée, l'Hermus, le Caïque aux ondes gracieuses, le large Sangarius, le Ladon, le Parthénius, l'Évènus, l'Ardesque et le divin Scamandre.

Téthys enfanta aussi la troupe sacrée de ces Nymphes qui, avec le roi Apollon et les Fleuves, élèvent sur la terre l’enfance des Héros; c'est Jupiter lui-même qui les chargea de cet emploi: Pitho, Admète, Ianthé, Électre, Doris, Prymno, Uranie semblable aux dieux, Hippo, Clymène, Rhodie, Callirhoë, Zeuxo, Clytie, Idye, Pasithoë, Plexaure, Galaxaure, l’aimable Dioné, Mélobosis, Thoë, la belle Polydore, Cercéis au doux caractère, Pluto aux grands yeux, Perséis, Ianire, Acaste, Zanthé, la gracieuse Pétréa, Ménestho, Europe, Métis, Eurynome, Télestho au voile de pourpre, Crisia, Asia, l’agréable Calypso, Eudore, Tyché, Amphiro, Ocyroë et Styx qui les surpasse toutes, telles sont les filles les plus antiques de l'Océan et de Téthys; il en existe beaucoup d'autres encore, car trois mille Océanides aux pieds charmants, dispersées de toutes parts, habitent la terre et la profondeur des lacs, race illustre et divine! Autant de Fleuves, nés de l’Océan et de la vénérable Téthys, roulent au loin leurs bruyantes ondes : il serait difficile à un mortel de rappeler tous leurs noms ; les peuples qui habitent leurs rivages peuvent seuls les connaître.

Thia, domptée par les caresses d'Hypérion, fit naître le grand Soleil, la Lune splendide et l'Aurore qui brille pour tous les hommes et pour tous les dieux habitants du vaste ciel.

Eurybie, déité puissante, unie avec Créius, mit au jour le grand Astrée, Pallas et Persès qui l'emporta sur tous par son habileté.

L'Aurore, déesse fécondée par un dieu, conçut Astrée, les Vents impétueux, l’agile Zéphyre, le rapide Borée et Notus. Après, cette divinité matinale enfanta Lucifer et les astres étincelants dont le ciel se couronne.

Après, cette divinité matinale enfanta Lucifer et Styx fille de l'Océan, unie à Pallas, fit naître dans ses palais l’Emulation, la Victoire aux pieds charmants, la Force et la Violence, ces glorieux enfants, qui n'ont pas établi loin de Jupiter leur demeure et leur séjour, qui ne marchent pas dans une seule route où ce dieu ne les conduise et qui restent incessamment auprès du terrible maître du tonnerre. Telle est la faveur que leur obtint cette incorruptible fille de l’Océan le jour où Jupiter Olympien, dieu de la foudre, appela tous les Immortels dans le vaste Olympe; il leur annonça que, reconnaissant envers tous ceux qui l’aideraient à combattre les Titans, loin de les dépouiller de leurs privilèges, il leur laisserait le rang que jusqu'alors ils avaient gardé parmi les dieux ; et même il ajouta que si l'un d'eux n'avait été ni honoré ni récompensé par Saturne, il obtiendrait les honneurs et les récompenses que son zèle lui mériterait. L'irréprochable Styx, docile aux conseils de son père, arriva la première avec ses enfants. Jupiter l'honora et la combla de dons précieux; il voulut qu'elle présidât au grand serment des dieux et que ses enfants vécussent toujours dans son palais. Quant aux promesses faites à toutes les autres divinités, il les remplit fidèlement.

Car il est tout puissant et règne sur l'univers.

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Bibliographie

  • Hugh G. Evelyn-White. The Theogony of Hesiod. 1914

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Joshua J. Mark est cofondateur et Directeur de Contenu de la World History Encyclopedia. Il était auparavant professeur au Marist College (NY) où il a enseigné l'histoire, la philosophie, la littérature et l'écriture. Il a beaucoup voyagé et a vécu en Grèce et en Allemagne.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2012, janvier 18). Hésiode sur la Naissance des Dieux [Hesiod on the Birth of the Gods]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-150/hesiode-sur-la-naissance-des-dieux/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Hésiode sur la Naissance des Dieux." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 18, 2012. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-150/hesiode-sur-la-naissance-des-dieux/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Hésiode sur la Naissance des Dieux." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 janv. 2012. Web. 23 févr. 2025.

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