Les temples mégalithiques de Malte et de Gozo comptent parmi les plus anciens édifices autoportants du monde. La construction de ces temples débuta vers 3500 avant notre ère, ce qui constitue une prouesse architecturale impressionnante pour l'époque, d'autant plus que les bâtisseurs avaient un accès limité aux matériaux et ne disposaient pas d'outils en métal. Bien que nous ne sachions pas grand-chose sur le mode de vie de ces peuples avant leur disparition en 2500 avant notre ère, les temples qu'ils ont laissés derrière eux peuvent nous en apprendre beaucoup sur l'évolution de leur style artistique et commencent même à nous donner une idée de leurs pratiques religieuses.
Début du Néolithique
Le Néolithique ancien de Malte peut être divisé en trois phases distinctes :
- Phase de Għar Dalam - 5200-4500 avant notre ère
- Phase Skorba gris - 4500-4400 avant notre ère
- Phase Skorba rouge - 4400-4100 avant notre ère
La première phase a été nommée d'après la grotte de Għar Dalam, qui a été découverte lors d'une fouille des sites de Skorba près de Mġarr pour le compte du Musée national de Malte de 1961 à 1963. Le site, qui contient des restes humains et animaux, des fragments de poterie, des outils en pierre et d'autres artefacts, a été trouvé sous deux temples postérieurs - l'un de la phase Ġgantija, qui fut réutilisé et modifié dans la phase Tarxien, et l'autre construit dans la phase Tarxien. La poterie Għar Dalam trouvée sur le site était notamment similaire à la poterie imprimée de Stentinello trouvée en Sicile, ce qui confirme la croyance largement acceptée selon laquelle les premiers habitants de Malte seraient venus de Sicile par bateau.
Après l'analyse de la datation au radiocarbone des fragments de poterie, il a été déterminé que certaines des pièces trouvées avaient été créées plus tard qu'on ne l'avait d'abord pensé et, pour tenir compte de cela, la phase Skorba gris et la phase Skorba rouge ont été officiellement reconnues. La phase Skorba gris se caractérise par l'utilisation d'argile gris foncé et l'ajout de particules blanches dans la fabrication de la poterie, tandis que la phase Skorba rouge se caractérise par l'ajout d'un engobe rouge (un mélange d'argile et d'eau) pour recouvrir la poterie, tout en conservant des particules blanches.
Les preuves dont nous disposons suggèrent que les premiers colons de Malte étaient une communauté d'agriculteurs. La découverte de deux lames de faucille, qui peuvent être datées de la phase Skorba gris, les ossements d'animaux domestiqués et les restes de blé et d'orge sont autant d'indices de l'existence d'une agriculture. Cependant, des roches calcaires taillées, qui auraient probablement été utilisées comme munitions pour les lance-pierres, montrent que cette communauté pratiquait probablement aussi la chasse. Le sol en galets et en terre d'une maison ovale à un étage a été découvert, et des preuves d'environnements domestiques similaires ont également été trouvées sur l'île voisine de Gozo, à savoir les vestiges d'un village à Santa Verna. Des figurines représentant des femmes et datant de la phase Skorba rouge ont également été trouvées.
La période du temple
Les îles de Malte et de Gozo comptent sept temples mégalithiques, dont certains sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. La période des temples de Malte est divisée en cinq phases :
- Phase Żebbuġ (4100-3800 av. J.-C.)
- Phase Mġarr (3800-3600 av. J.-C.)
- Phase de Ġgantija (3600-3200 av. J.-C.)
- Phase Saflieni (3300-3000 av. J.-C.)
- Phase Tarxien (3000-2500 av. J.-C.)
Bien que la phase Żebbuġ commence vers 4100 avant notre ère, aucun temple ne fut construit avant 3500 avant notre ère. La phase Żebbuġ se caractérise par le développement de tombes creusées dans la roche, comme celles découvertes à Xemxija par John Davies Evans dans les années 1950.
Les phases Żebbuġ et Mġarr
La phase Żebbuġ marque la transition entre les tombes taillées dans la roche, les pierres dressées et les petits sanctuaires, et les impressionnants temples documentés dans les phases ultérieures de construction des temples. Les découvertes les plus connues de cette période se trouvent dans les tombes de Ta' Trapna, près de Żebbuġ à Malte, qui ont été découvertes pour la première fois en 1947 par des ouvriers qui creusaient pour poser les fondations d'un bâtiment. Ces cinq tombes contenaient des restes humains, des ornements en os et en coquillages, des fragments de poterie et de nombreuses traces de peinture à l'ocre rouge. Les poteries de Żebbuġ découvertes sur le site se caractérisent par les lignes incisées utilisées pour les décorer. Ces incisions représentaient parfois des êtres humains, mais il s'agissait surtout de demi-cercles, de triangles et d'autres formes simples. La plupart des poteries de ces tombes ont été trouvées sous forme de fragments, un seul récipient ayant été découvert complet. Ils étaient faits d'argile grise avec des éclats blancs, semblables à la poterie de la période Skorba gris, mais avec une couche d'engobe polie. Des découvertes similaires ont été faites au cercle de pierres de Xagħra.
La phase Mġarr fut une phase transitoire plus courte, juste avant la construction des premiers temples de la phase Ġgantija. Contrairement aux lignes incisées de la phase Żebbuġ, la poterie de la phase Mġarr est caractérisée par des lignes courbes, bien que l'utilisation de l'ocre rouge dans la décoration de ces artefacts soit encore largement répandue. La plupart des poteries datant de cette période ont été trouvées dans les temples de Ta' Ħaġrat à Mġarr (Malte). Le fait que les poteries soient antérieures aux temples eux-mêmes suggère qu'un village se trouvait sur le site avant la construction des temples. Le temple majeur de Ta' Ħaġrat fut construit pendant la phase Ġgantija et le temple mineur pendant la phase Saflieni.
La phase Ġgantija
Les plus anciens temples de Malte peuvent être datés de la phase Ġgantija. Le site le plus connu de cette période est celui des temples de Ġgantija sur le plateau de Xagħra, à Gozo. Les temples ont fait l'objet d'importants travaux de restauration dans les années 2000 et, en 2013, le complexe a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Le plus grand, le plus ancien et le mieux préservé des deux temples qui composent le complexe de Ġgantija est le temple sud, construit vers 3600 avant notre ère.
En général, la structure architecturale de ces temples mégalithiques était celle d'une avant-cour ovale, qui donnait sur un couloir constitué de trilithes (deux dalles de pierre en supportant une troisième au sommet). Ce couloir débouche ensuite sur un espace ouvert où des absides sont construites sur les côtés. Le nombre d'absides était variable; s'il y en avait beaucoup, un deuxième passage en trilithes était construit pour les accueillir. C'est le cas du temple Sud dont les cinq absides sont séparées par un second couloir - il y a deux absides après le premier couloir et trois après le second. La découverte d'autels et de restes d'animaux suggère que le site était utilisé pour des rituels impliquant probablement des sacrifices d'animaux. D'autres artefacts remarquables comprennent un fragment d'un magnifique bol sur lequel est incisé un motif répété d'oiseaux, ainsi que des bijoux sous forme de perles, de pendentifs et de boutons faits de pierre, d'os et de coquillages.
Un autre temple remarquable de la phase Gganija est le temple principal du site de Ħaġar Qim à Malte. Mis au jour pour la première fois en 1839 par J. G. Vance, puis fouillé par Themistocles Zammit en 1909, ce temple présente une zone centrale pavée de dalles de pierre lisse menant à quatre absides, bien que d'autres pièces aient été ajoutées plus tard dans la construction du temple. Comme l'a suggéré l'archéologue David H. Trump, l'abside droite servait probablement d'enclos pour les animaux sacrifiés, et les ossements d'animaux découverts sur le site indiquent également que le sacrifice d'animaux était une utilisation probable du temple. Comme pour le complexe de Ġgantija, des autels ont également été découverts au temple de Ħaġar Qim - le plus frappant étant celui découvert près de l'entrée du trilithon, avec une décoration végétale en relief. Le temple nord du complexe de Ħaġar Qim est beaucoup plus ancien que le temple principal et possède cinq absides.
La phase Saflieni
La phase Saflieni tire son nom des complexes funéraires souterrains complexes de l'hypogée Ħal Saflieni, le plus grand hypogée de Malte, composé de trois niveaux taillés dans une colline calcaire. Le premier niveau du temple est composé de chambres funéraires creusées dans le flanc d'un cratère au sommet de la colline. Les niveaux intermédiaire et inférieur furent ensuite construits dans la colline au fil du temps, le niveau le plus bas se trouvant à 10,6 mètres (35 pieds) au-dessous du niveau actuel du sol. Sur ce site ont été retrouvés les restes d'environ 7000 individus, dont certains ossements étaient abondamment recouverts d'ocre rouge. Cette pratique suggère un rituel d'enterrement où les personnes en deuil peignaient les os en rouge pour symboliser le sang de la vie. Les morts étaient enterrés avec quelques objets personnels et des offrandes, notamment des pendentifs et des poteries peintes, ainsi que des figurines de "grosses dames" et d'animaux.
La décoration à l'intérieur de l'hypogée est constituée de peintures murales de spirales et de motifs en nid d'abeille, réalisées avec la même peinture ocre rouge que celle trouvée sur les ossements. Un petit renfoncement dans le mur pour créer des échos a également été découvert, échos qui auraient constitué un bruit de fond puissant et obsédant pour les rites funéraires. Certaines des portes ressemblent aux entrées des trilithes que l'on trouve dans les temples en surface, ce qui montre que l'hypogée avait peut-être une signification religieuse.
Le temple mineur du complexe de Ta' Ħaġrat est également daté de la phase Saflieni. Ce temple de 6,5 mètres de long est beaucoup plus petit que le temple de la phase Ġgantija et est construit avec des pierres plus petites. L'entrée du temple se fait par l'abside orientale du temple principal et sa conception prévoit une abside pour les oracles.
La phase Tarxien
La phase Tarxien marque l'âge d'or de la construction de temples à Malte et se caractérise par une décoration complexe, notamment des motifs en spirale, et une poterie bien polie. Le complexe de temples le plus impressionnant est celui des temples de Tarxien. Ce groupe de quatre temples, aujourd'hui classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, a été découvert en 1913 par un fermier local avant d'être fouillé par Sir Themistocles Zammit au cours des années suivantes. Le site a ensuite été restauré en 1956. Trois des quatre temples découverts à Tarxien sont datés de la phase Tarxien (3000-2500 av.J.-C.) et le quatrième, en moins bon état, peut être daté de la phase Ġgantija. La structure architecturale de ces temples est la même que celle des temples de Ġgantija, bien que le temple central de Tarxien soit unique par son plan à six absides; quatre de ces absides sont placées après le premier corridor et deux autres sont séparées par un second corridor.
La découverte d'autels et de sculptures d'animaux sur les murs de pierre des temples de Tarxien suggère que, comme pour le complexe de Ġgantija, le sacrifice d'animaux était l'une des utilisations de ces temples. Un relief représentant un taureau et une truie se trouve dans une chambre située entre le temple central et le temple sud. Les objets les plus impressionnants du site de Tarxien ont été découverts dans le temple sud, notamment une immense statue de déesse-mère à la jupe plissée, qui a été trouvée juste à l'extérieur du temple. À l'intérieur du temple, une dalle de pierre représentant une procession de 22 chèvres figure parmi plusieurs reliefs d'animaux découverts dans la troisième abside.
Les statues, les figurines et les reliefs témoignent tous d'une capacité artistique impressionnante, mais ce qui est peut-être le plus intéressant, c'est ce que les temples de Tarxien peuvent nous apprendre sur la construction des temples mégalithiques à Malte et à Gozo. La découverte de sphères de pierre à l'extérieur du temple sud suggère qu'en l'absence de la roue, qui n'avait pas encore été inventée, les bâtisseurs de ces temples déplaçaient les énormes dalles de calcaire en les faisant rouler sur ces sphères. Des sphères de pierre de cette nature ont également été trouvées à côté du temple nord du complexe de Ħaġar Qim, ce qui suggère que cette technique fut bel et bien utilisée tout au long des phases de construction des temples.
Le temple sud du complexe de Mnajdra, construit au début de la phase Tarxien, est un autre exemple étonnant de la technologie que la population préhistorique de Malte a pu utiliser. Situés à proximité du site de Ħaġar Qim, ces temples ont été fouillés pour la première fois par J. G. Vance en 1840 avant que d'autres travaux ne soient entrepris dans les années 1900 pour découvrir de nouveaux matériaux, notamment par le Dr Thomas Ashby en 1910. Le temple sud, qui possède un passage à deux trilithes, est aligné astronomiquement. Le second passage et les deux mégalithes situés de part et d'autre sont éclairés par la lumière du soleil aux équinoxes et aux solstices. Nous ne pourrons jamais savoir si cet alignement était intentionnel ou non, étant donné l'absence de preuves écrites, bien que les recherches effectuées par des chercheurs tels que Frank Ventura et George Agius suggèrent que cela aurait peut-être été le cas. Le temple sud du site de Mnajdra partage une avant-cour ovale avec deux autres temples, l'un construit beaucoup plus tôt dans la phase Ġgantija et l'autre construit plus tard dans la phase Tarxien.