Les anciens Celtes produisaient de magnifiques boucliers en bronze dans la Grande-Bretagne de l'âge du fer, probablement à des fins cérémonielles et d'exposition. Plusieurs beaux exemples ont miraculeusement survécu et témoignent de l'imagination, de l'habileté et de l'art des artisans celtes. L'exemple le plus remarquable est le bouclier de Battersea, aujourd'hui conservé au British Museum, mais il existe plusieurs autres boucliers et des umbos en bronze complets qui illustrent amplement le fait que les Celtes décoraient couramment les boucliers, qu'ils soient destinés à la bataille, à être exposés ou pour servir comme offrandes votives.
Boucliers Celtiques - Conception et Fonction
Les guerriers celtes possédaient des boucliers distinctifs, le plus souvent de grande taille et de forme ovale ou rectangulaire. Ces boucliers étaient faits de bois et de cuir avec des boucles en métal et un umbo central pour plus de solidité. Le revers comportait généralement une poignée. Ces boucliers sont fréquemment représentés dans l'art, du chaudron de Gundestrup aux figurines de dieux guerriers. L'historien grec Diodore de Sicile, écrivant au 1er siècle av. J.-C., décrivit les boucliers celtiques comme suit :
...des boucliers de taille humaine décorés selon les goûts de chacun. Certains d'entre eux comportent des figures saillantes en bronze habilement réalisées non seulement pour la décoration mais aussi pour la protection.
(in Allen, 22).
Une autre catégorie de boucliers était celle des boucliers fabriqués non pas pour le champ de bataille mais pour impressionner en dehors des batailles. Ces boucliers étaient fabriqués à partir de plaques de bronze et ils étaient si minces et si fragiles qu'ils n'avaient aucune utilité pratique dans la guerre celtique: le bronze de quelques millimètres d'épaisseur aurait pu être facilement entaillé par la lame d'une épée. Toutefois, certains parements en bronze étaient à l'origine attachés à un support en bois ou en cuir pour plus de solidité. Ces boucliers étaient probablement portés lors des processions et des événements tribaux importants, car ils témoignaient de la richesse et de la puissance des souverains celtes qui en étaient vraisemblablement les propriétaires. Enterrés dans les tombes de ces personnages importants ou donnés en offrande lors de rituels religieux, plusieurs de ces boucliers ont remarquablement survécu pour la postérité. Ils ont généralement été découverts par accident par des ouvriers et non par des archéologues. Comme l'indiquent les historiens J. Farley et F. Hunter :
La plupart de nos plus belles pièces d'art celtique sont des découvertes fortuites comme celles-ci, souvent dans des endroits humides ou isolés tels que des rivières, des tourbières, des lacs ou des montagnes. Il ne s'agit pas de pertes fortuites; il est peu probable que des gens aient fait preuve d'une telle négligence à plusieurs reprises avec des objets d'une telle valeur. Il est également peu probable qu'ils aient été enterrés pour être mis en sécurité; une rivière n'est pas un bon endroit pour cacher quelque chose. Ces objets furent délibérément déposés, peut-être en guise de sacrifices à des dieux inconnus, lors de rites de passage, ou pour sceller des accords entre des individus ou des groupes. (103)
Le Bouclier de Battersea
Le bouclier de Battersea a été découvert dans la Tamise par des ouvriers en 1855. Il porte le nom du quartier où il a été retrouvé, dans le sud-ouest de Londres. Le bouclier se trouve aujourd'hui au British Museum de Londres. Il n'est en fait que la face d'un bouclier (son support organique a disparu au fil des siècles dans la Tamise). Il est composé de plusieurs pièces de bronze en plaques fixées ensemble à l'aide de rivets cachés et d'une bande d'attache. Le bouclier mesure 77,7 cm de long et 35 cm de large. Il pèse 3,4 kilos. Le bouclier a été daté entre 350 et 50 av. J.-C., mais il est difficile d'être plus précis car il n'existe aucun objet similaire.
Le bouclier de Battersea est décoré de reliefs, de gravures et d'un travail au repoussé (relief martelé au revers). Il y a trois grandes rondelles avec un umbo central prononcé dans la rondelle centrale qui est aussi la plus grande. C'est cet umbo qui permet d'identifier le bouclier comme ayant été fabriqué dans les îles britanniques. Il y a des volutes et 27 clous encadrés, autrefois remplis de pâte de verre rouge dont l'analyse suggère qu'elle est d'origine méditerranéenne. Des palmettes et des motifs en forme de S en repoussé relient les clous à l'intérieur de chaque rondelle.
Le Bouclier de Witham
Le bouclier de Witham a été retrouvé dans la rivière Witham, dans le Lincolnshire, en Angleterre, en 1826. Ce bouclier en bronze date de 400-300 av. J.-C. et il se trouve également au British Museum. Il a une forme similaire à celle du bouclier de Battersea - oblongue avec des coins arrondis - et il était également destiné à être attaché à un support en bois ou en cuir. Le bouclier de Witham est moins décoratif, et le umbo et l'arrête centrale sont légèrement décentrés. Il mesure 1,09 mètre de long et 34,5 centimètres de large. Le bouclier est composé de deux plaques et d'une reliure semi-tubulaire sur le pourtour.
Il y a un grand umbo central, mais seulement deux rondelles; tous trois sont fixés à la plaque arrière par des rivets et ils sont reliés par une arrête centrale surélevée. Les deux rondelles sont ornées d'une rosette centrale en relief et d'un cercle extérieur en relief qui ressemble à un torque celtique - dans ce cas, les extrémités ressemblent à une coquille d'escargot allongée. Une tête abstraite relie chaque rondelle à l'arrête centrale, représentant peut-être une vache, un taureau ou un cheval. Il y a un décor abstrait en repoussé, sur le umbo central, auquel s'ajoutent des morceaux de corail rouge. On voit un motif vague de sanglier mâle aux pattes allongées sur le bouclier, visible aujourd'hui seulement comme une différence dans la teinte de la patine. À l'origine, le sanglier était probablement fait d'un matériau périssable, car les trous d'attache sont encore visibles. De tels totems animaux, censés protéger leur porteur et lui insuffler les caractéristiques de force et de férocité de l'animal, sont fréquents dans les armes et armures celtiques. Le sanglier aux longues pattes, en particulier, était un motif couramment utilisé sur les pièces de monnaie celtiques de l'âge du fer.
Le Bouclier de Chertsey
Le bouclier de Chertsey a été découvert accidentellement en 1985 alors qu'une pelleteuse retirait du gravier d'un canal envasé de la Tamise à Abbey Meads, dans le Surrey, en Angleterre. Le bouclier a été froissé par la pelleteuse, mais mais sa forme d'origine a été restaurée et il se trouve aujourd'hui au British Museum. Il aurait été fabriqué entre 400 et 250 av. J.-C. Il mesure 83,6 cm de haut et 46,8 cm de large. Ce bouclier ovale pèse 2,75 kg. Il est en bronze et il constitue le seul exemple conservé d'un bouclier européen de l'âge du fer entièrement en bronze, sans support d'un autre matériau. Composé de neuf plaques distinctes, il est entouré d'une large bordure. Moins décoratif que l'un ou l'autre des boucliers déjà mentionnés, il possède une arrête centrale surélevée et deux rondelles très petites en haut et en bas. L’arrête est surélevée et élargie autour du umbo central du bouclier.
La face intérieure est munie d'une poignée en bois de frêne recouverte d'une feuille d'alliage de cuivre. La main du porteur s'insère dans la cavité creuse du umbo et des décorations en forme de serpent sont apposées de part et d'autre. Dans l'art celtique, une paire d'animaux était considérée comme particulièrement protectrice et ce modèle devait donc protéger le porteur à son point le plus vulnérable, la main dans laquelle il ne portait pas d'arme.
Le Umbo du Bouclier de Wandsworth
Le umbo du bouclier de Wandsworth a été découvert dans la Tamise près de Wandsworth, au sud de Londres, avant 1849. Il se trouve aujourd'hui au British Museum. Le umbo circulaire de ce bouclier mesure 32,8 cm de diamètre, 4,2 cm d'épaisseur et pèse 629 grammes. Il date de la période allant de 350 à 150 av. J.-C. Le décor du umbo prend la forme de têtes d'oiseaux stylisées aux becs crochus et aux corps allongés, élaboré en repoussé. Les extrémités des oiseaux se transforment en volutes ou en vrilles tandis que les deux créatures semblent voler autour de la circonférence du umbo du bouclier. Il y a de petites gravures sur les ailes des plus grands oiseaux, représentant d'autres oiseaux et des éléments ressemblant à des volutes. Au centre du umbo, il y a une dépression qui contenait probablement une pièce décorative en pâte de verre ou en corail. Les yeux des oiseaux auraient également été ornés d'un matériau décoratif.
Six trous sont visibles sur le pourtour et vers le centre du umbo, où des rivets auraient été placés pour le fixer au reste du bouclier, probablement faits en bois ou en cuir, mais aujourd'hui perdus. Il y a deux fissures sur le umbo qui furent réparées dans l'Antiquité. Les réparations furent effectuées à l'aide de fils de fer enfilés dans un trou situé de part et d'autre des fissures, de sorte qu'elles étaient presque invisibles du côté extérieur, décoratif, du bouclier. Il est clair que, même dans l'Antiquité, ces boucliers étaient considérés comme des objets précieux dont on prenait soin jusqu'à leur utilisation finale en tant qu'offrande aux dieux celtes.