Près de 700 ans d'occupation romaine continue ont laissé des traces impressionnantes dans le paysage espagnol. L'Espagne était alors connue sous le nom de "Hispania" et constitue aujourd'hui un lieu fascinant pour le voyageur archéologue.
Les provinces espagnoles furent parmi les premières à être conquises par Rome au cours de son implacable expansion en Méditerranée. Dans le cadre de leur lutte contre Carthage, les Romains envahirent la péninsule ibérique et, grâce aux prouesses militaires stratégiques du général Scipion l'Africain (236-183 av. J.-C.), ils réussirent à conclure la deuxième guerre punique (218-201 av. J.-C.). Il s'ensuivit près de 200 ans de guerres intermittentes avec les tribus celtes et ibériques avant que Rome ne parvienne à établir une domination directe sur l'ensemble de la péninsule sous Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.).
Le sud de l'Espagne était fertile et idéal pour l'exportation de vin, d'huile d'olive et de garum (sauce de poisson fermentée). L'économie reposait principalement sur l'agriculture et l'élevage, ainsi que sur l'exploitation minière. Cette économie était à la source de la présence des Ibères. qui vivaient dans la vallée du Guadalquivir. Les Romains transformèrent rapidement les provinces méridionales de l'Espagne en l'une des colonies les plus riches et les mieux organisées de Rome. Certaines des villes les plus importantes du pays furent fondées par les Romains, et deux des plus grands empereurs de Rome, Trajan (r. de 98 à 117 de notre ère) et Hadrien (r. de 117 à 138 de notre ère), étaient d'origine espagnole. Leur héritage est encore visible aujourd'hui.
Voici notre liste des cinq sites romains les plus importants et les plus impressionnants à visiter dans le sud de l'Espagne.
1. Mérida
L'ensemble archéologique de Mérida, en Estrémadure, est considéré comme l'un des sites les plus grands et les plus importants d'Espagne. Inscrite sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1993, la petite ville de Mérida a conservé de nombreux vestiges de l'une des plus importantes cités romaines de la péninsule. Augusta Emerita avait été fondée par Auguste en 25 avant notre ère en tant que colonie romaine pour les soldats italiens à la retraite et était devenue la capitale de la province de Lusitanie récemment créée (qui comprenait une grande partie de la partie occidentale de l'Espagne et du Portugal). La ville était située près d'un point de passage du fleuve Guadiana (le Flumen Anas des Romains) et à la jonction de plusieurs routes menant à d'autres villes importantes, notamment Hispalis (Séville), Olisippo (Lisbonne) et Corduba (Cordoue).
Mérida conserve plus de monuments romains que toute autre ville d'Espagne, notamment un théâtre, un amphithéâtre, trois aqueducs, un temple, les vestiges d'un arc, ainsi que le plus long de tous les ponts romains conservés et le plus beau cirque encore existant.
Le pont sur le Guadiana
Le pont sur le Guadiana est considéré comme l'un des plus beaux exemples d'ingénierie romaine en Espagne et l'un des plus longs ponts de l'Antiquité. Il se compose de 60 arches (dont trois sont enterrées sur la rive sud), et sa portée originale est estimée à plus de 755 mètres (2 542 pieds). Le pont permettait de communiquer avec l'une des principales artères de la colonie, le decumanus maximus, la rue principale est-ouest typique des villes romaines.
Le théâtre
Le théâtre est le monument romain le plus important de Mérida et le meilleur exemple de ce type en Europe occidentale. Sa construction commença vers 15 avant notre ère, et une inscription indique que le consul romain Marcus Agrippa (63-12 avant notre ère) fut le principal promoteur de sa construction. Il pouvait contenir jusqu'à 6 000 personnes et fut remanié à plusieurs reprises au cours de l'histoire, les principales restaurations ayant eu lieu au IIe siècle de notre ère.
L'amphithéâtre
L'amphithéâtre fut construit à côté du théâtre en 8 avant notre ère pour les combats de gladiateurs et les chasses aux fauves. Il pouvait accueillir jusqu'à 15 000 personnes. Le bâtiment elliptique était de dimensions considérables et mesurait 126 mètres sur 103. L'arène couverte de sable contenait une fossa bestiaria cruciforme, où les animaux étaient gardés avant d'entrer dans l'arène.
Le podium de l'amphithéâtre était décoré de plaques de marbre et de fresques évoquant les jeux, dont certaines sont exposées au Musée national d'art romain.
Le cirque
À environ 400 mètres à l'est de l'amphithéâtre se trouvent les vestiges du cirque, construit au début du Ier siècle de notre ère, peu après la fondation de la ville. Il était utilisé pour les courses de chars à deux ou quatre chevaux et s'inspirait du Circus Maximus de Rome. Mesurant 440 mètres de long et 114 mètres de large, il est l'un des exemples les plus grands et les mieux conservés de cirque romain. Il pouvait accueillir jusqu'à 30 000 spectateurs. Une inscription suggère qu'il fut restauré au IVe siècle de notre ère.
Le "temple de Diane"
Le "temple de Diane", au nom erroné, faisait partie du forum municipal et était probablement dédié au culte impérial. Il a été préservé grâce à l'inclusion de plusieurs de ses colonnes dans les murs d'une maison noble du XVIe siècle. Le temple était en granit et devait être orné de stuc ou de marbre. Des colonnes corinthiennes l'entouraient. À proximité se trouvent les ruines d'un portique, décoré de clipei (médaillons circulaires) représentant Jupiter Ammon et Méduse, qui donnait sur le forum.
L'aqueduc "Los Milagros"
La colonie était alimentée en eau par trois aqueducs. Les vestiges de l'aqueduc le mieux conservé, appelé "Los Milagros" (les miracles), se trouvent au nord de la ville et consistent en 38 piliers arqués de 25 mètres de haut sur un parcours d'environ 830 mètres.
La maison du Mithraeum
Ce bâtiment a été découvert fortuitement au début des années 1960. Il tire son nom de la découverte, à proximité, de statues qui devaient provenir d'un Mithraeum (temple construit en l'honneur du dieu Mithra). L'ensemble de la maison avait été construit autour de trois cours à colonnades avec un jardin intérieur et un bassin central. Les fresques indiquent que la maison date du 1er siècle de notre ère. La qualité des mosaïques au sol est très élevée, et la plus fascinante est la mosaïque cosmologique qui recouvrait autrefois le sol du triclinium. Le complexe a été récemment couvert et rénové.
La plupart des découvertes sont conservées au Musée national d'art romain de la ville (Museo Nacional de Arte Romano), construit sur un tronçon de voie romaine et une maison. Inauguré en 1986, le magnifique bâtiment, qui reflète certains aspects de l'architecture romaine, occupe quelque 5 000 m² (53819 pi²). Actuellement, le musée abrite plus de 36 000 pièces, dont des mosaïques romaines, des sculptures, des épigraphes et des inscriptions, qui illustrent tous les aspects de la vie quotidienne dans une colonie romaine.
2. Italica
Les ruines de l'ancienne ville d'Italica sont situées en Andalousie, à 9 kilomètres au nord de Séville. Il s'agit de la plus ancienne colonie romaine en Espagne, fondée en 206 avant notre ère par le général romain Scipion l'Africain après sa victoire contre les Carthaginois. La ville atteignit son apogée au IIe siècle de notre ère et fut le lieu de naissance de l'empereur Trajan (et peut-être d'Hadrien). Aujourd'hui, Italica est un exemple merveilleusement préservé d'une ville romaine, avec de larges rues pavées, un magnifique amphithéâtre et des maisons luxueuses aux sols en mosaïque très variés.
Une grande partie du premier quartier établi par Scipion se trouve aujourd'hui sous la ville moderne de Santiponce. Les ruines des monuments que le visiteur voit aujourd'hui datent de l'époque d'Hadrien, qui accorda à la ville des largesses impériales. Sous son règne, au IIe siècle de notre ère, Italica connut une intense période de développement architectural avec la construction de nouveaux édifices publics et privés.
Une vingtaine de mosaïques complexes se trouvent parmi les ruines découvertes encore in situ, et leurs thèmes décoratifs ont donné leur nom à de nombreux bâtiments que l'on peut visiter, notamment la Maison des oiseaux, le bâtiment de la mosaïque de Neptune, et la Maison du planétarium, avec une mosaïque représentant les dieux qui ont donné leur nom aux jours de la semaine.
L'amphithéâtre d'Italica était l'un des plus grands de l'Empire, mesurant 160 mètres sur 137. Il pouvait accueillir quelque 25 000 spectateurs.
De nombreux trésors découverts à Italica sont exposés au musée archéologique de Séville (Museo Arqueológico de Sevilla) et au palais de la comtesse de Lebrija (Palacio de Lebrija) à Séville.
3. Baelo Claudia
La ville romaine en ruine de Baelo Claudia est l'un des sites archéologiques romains les plus importants d'Andalousie. Sa situation majestueuse sur les rives du détroit de Gibraltar, face à la côte de Tanger, offre une vue imprenable sur la baie et le Maroc. La ville côtière, établie à la fin du IIe siècle avant notre ère, était un centre important de l'industrie de la salaison du poisson et servait de principal port d'embarquement pour l'Afrique du Nord.
Les vestiges archéologiques de Baelo Claudia comprennent aujourd'hui un théâtre, des temples, un forum pavé avec une basilique et un marché, des thermes et une grande usine de salage de poisson pour la fabrication du garum, la sauce de poisson très appréciée des Romains.
Baelo Claudia connut une période d'expansion urbaine sous le règne de l'empereur romain Claude (r. de 41 à 54 de notre ère), qui éleva la ville au rang de municipium romain avec des droits romains. C'est également à cette époque que Baelo reçut le nom de Claudia. La ville se dota d'un grand forum avec des bâtiments publics monumentaux, de trois aqueducs garantissant l'approvisionnement en eau de la population et de deux usines pour la production de garum. L'essor économique se maintint jusqu'au IIe siècle de notre ère. Cependant, il commença à décliner au début du IIIe siècle de notre ère, peut-être à cause d'un tremblement de terre.
Le site dispose d'un bon musée et d'un centre d'accueil des visiteurs.
4. Munigua
Munigua est l'un des sites archéologiques les plus isolés d'Espagne, situé au cœur de la Sierra Morena, à 50 kilomètres au nord-est de Séville. Connue sous le nom de Municipium Flavium Muniguense par les Romains, la ville a des origines qui remontent à la période préromaine. Les traces d'occupation humaine s'étendent du milieu du IVe siècle avant notre ère au VIIIe siècle de notre ère. Les bâtiments visibles aujourd'hui furent construits à l'époque romaine, entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère, lorsque la ville connut une période de prospérité.
De somptueuses maisons de style romain et des bâtiments publics - forums, basilique, thermes romains, temples - avaient été construits sur une colline escarpée, avec un grand temple au sommet. La ruine la plus remarquable est celle du sanctuaire en terrasse sur la pente de la colline, avec des contreforts renforcés à l'arrière qui lui donnent l'apparence d'une forteresse.
Le site n'est pas directement accessible par la route. On peut s'en approcher par un chemin de terre qui commence à Villanueva del Rio y Minas. Il n'est peut-être pas facile d'accéder au site, mais cela en vaut vraiment la peine.
5. Cordoue
Cordoue est, avec Séville et Grenade, l'une des trois villes les plus visitées d'Andalousie. D'abord colonie ibérique, Cordoue devint un avant-poste romain, puis une capitale arabe et enfin une ville conquise par le royaume catholique de Castille dans les années 1200. Son centre historique, au charme incroyable, est inscrit sur la liste du patrimoine de l'UNESCO.
Fondée sur la rive droite du Guadalquivir au IIe siècle avant notre ère, Cordoue (Colonia Patricia Corduba) devint la capitale de la province romaine de Bétique et acquit une grande importance pendant la période augustéenne (27 avant notre ère - 14 de notre ère). Des philosophes romains tels que Sénèque le Jeune (4 av. J.-C. à 65 de notre ère) et des poètes tels que Lucain (39-65 de notre ère) étaient originaires de Cordoue. Le monument antique le plus célèbre de la ville est le pont romain qui enjambe le Guadalquivir. D'autres bâtiments comprennent un temple partiellement reconstruit, un mausolée et le palais de l'empereur Maximien (r. de 286 à 305 de notre ère).
Le musée archéologique (Museo Arqueológico de Córdoba), installé dans le palais noble du XVIe siècle de Jerónimo Páez, retrace la riche histoire de Cordoue, depuis l'époque préromaine jusqu'à la période de la domination arabe. Il est particulièrement riche en objets romains et arabes, présentés dans huit salles et trois cours, avec des descriptions en anglais et en espagnol. Au sous-sol se trouvent les vestiges du théâtre romain de la ville, découverts en 1994 lors de la construction d'une annexe du musée.
La salle des mosaïques de l'Alcázar de los Reyes Cristianos, palais et château mauresque médiéval situé dans le centre historique de Cordoue, présente une série de mosaïques exquises datant des IIe et IIIe siècles de l'ère chrétienne. Les mosaïques ont été découvertes en 1959 lors de travaux d'excavation sous la Plaza de la Corredera. Elles appartenaient autrefois à une riche demeure romaine.
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