Les Açores sont un groupe d'îles de l'Atlantique Nord qui étaient inhabitées avant d'être colonisées par les Portugais à partir de 1439. Les Açores revêtaient une importance stratégique pour les navigateurs portugais qui s'en servaient comme tremplin pour progresser le long de la côte de l'Afrique de l'Ouest et comme point de ravitaillement pour les navires revenant des Indes orientales et ceux en route vers les Amériques.
Les migrants portugais furent encouragés à s'installer sur les différentes îles du groupe, de sorte que le blé, la vigne et la canne à sucre étaient cultivés avec succès et exportés vers l'Europe et l'Afrique. Dès le XVIe siècle, Les Açores furent convoitées par d'autres puissances européennes et furent souvent le théâtre de batailles navales et d'attaques terrestres, même si les Portugais ont toujours réussi à en garder le contrôle. Lorsque le Portugal développa sa colonie au Brésil, de nombreux habitants des Açores s'installèrent en Amérique du Sud, souvent encouragés financièrement par la Couronne portugaise. Aujourd'hui, les Açores sont une région autonome du Portugal.
Géographie et climat
Situé à quelque 1600 kilomètres de la côte portugaise dans l'Atlantique Nord, l'archipel des Açores se compose de neuf îles principales réparties en trois groupes. Le groupe oriental comprend Santa Maria, les îlots Formigas et São Miguel, avec la capitale actuelle Ponta Delgada. Le groupe nord comprend Flores et Corvo, tandis que le groupe central comprend Faial, Graciosa, São Jorge, Pico et Terceira. Les îles sont les sommets de montagnes volcaniques encore actives de la crête médio-atlantique, d'où leurs côtes souvent escarpées et leurs intérieurs montagneux. C'est à Pico que se trouve le plus haut sommet, à 2 351 mètres (7 713 pieds). Les Açores ont un climat subtropical avec une humidité élevée, ce qui les rend propices à la culture de divers types de produits.
L'empire portugais dans l'Atlantique
Deux capitaines de navires parrainés par le prince Henri le Navigateur (alias Infante Dom Henrique, 1394-1460) avaient débarqué dans l'archipel de Madère en 1418 et y avaient vu des possibilités de colonisation. Inhabitées, les îles étaient boisées, disposaient d'eau en abondance et bénéficiaient d'un climat doux - des conditions idéales pour l'agriculture. Les colons arrivèrent sur les îles à partir de 1420. Ils plantèrent du blé avec succès, puis de la canne à sucre et de la vigne. La colonisation portugaise de Madère n'était qu'un début. La Couronne portugaise souhaitait acquérir d'autres possessions de ce type, d'autant plus que le Portugal était alors un importateur net de céréales. Le tour des Açores arriva avec leur "découverte" par des marins portugais en 1427 (bien que Corvo et Flores n'aient été aperçues qu'après 1450). Les preuves que les Açores étaient connues des Européens avant 1427 se limitent à quelques inclusions possibles sur des cartes. Les capitaines du prince Henri constatèrent que ces îles étaient inhabitées mais riches en forêts et en eaux douces. En outre, la superficie totale de l'archipel était trois fois supérieure à celle du groupe de Madère.
Division des terres
La Couronne portugaise avait divisé les îles de Madère et distribué des "capitaineries"(donatarias) dans le cadre du système féodal afin d'encourager les nobles à financer le développement des îles. La Couronne restait propriétaire de l'ensemble des îles. Ce modèle fut reproduit aux Açores et ailleurs, comme dans le Brésil portugais. Aux Açores, le processus de colonisation commença en 1439 avec la répartition de la suzeraineté entre le prince Henri et le prince régent Pedro, bien qu'après la mort de ce dernier en 1449, Henri ait pris le contrôle de l'ensemble de l'archipel. Toutes les îles ne furent pas colonisées en même temps mais, au cours des 60 années suivantes, toutes finirent par recevoir des colons, en commençant par le groupe oriental, puis le groupe central et enfin le groupe septentrional.
Chaque "capitaine" ou donatario se voyait confier la responsabilité de coloniser et de développer sa région en échange de privilèges financiers et judiciaires. Le "capitaine" disposait d'un vaste domaine dans le territoire sous sa juridiction et pouvait distribuer d'autres parcelles de terre (semarias) à des hommes chargés de les défricher et de commencer à les cultiver dans un délai déterminé. Au fil du temps, ces capitaineries sont souvent devenues des charges héréditaires, et toutes n'étaient pas portugaises. Le capitaine de Terceira, par exemple, était un Flamand, Jacome de Bruges.
Alors que le Portugal avait le champ libre aux Açores au XVe siècle, la Couronne se disputa avec l'Espagne la possession des îles Canaries, mais le traité d'Alcáçovas-Toledo de 1479-80 stipula que ces dernières étaient le domaine de l'Espagne tandis que le Portugal se réservait les groupes du Cap-Vert, des Açores et de Madère. Le traité contenait également quelques clauses vagues supplémentaires qui allaient causer des problèmes plus tard, comme le droit du Portugal à de futures découvertes en Afrique et celui de l'Espagne aux îles situées au-delà des Canaries, des intérêts qui furent finalement identifiés comme étant les Caraïbes et même les Amériques. La possession des Açores aida certainement le Portugal à étendre son empire, car les îles devinrent un tremplin très pratique pour naviguer le long de la côte de l'Afrique de l'Ouest, ouvrant ce côté du continent et, finalement, l'exploration jusqu'au cap de Bonne-Espérance et au-delà. Les Açores étaient particulièrement utiles lors du voyage de retour, lorsque les navires étaient obligés de tirer des bords contre les vents dominants du nord, mais étaient au moins aidés par les configurations anticycloniques autour de l'archipel. Les Açores devinrent également utiles pour le ravitaillement des navires revenant des Indes orientales et comme escale sur le trajet Europe-Amérique.
Colonisation
Les colons des Açores sont venus du Portugal - d'humbles fermiers fatigués des avantages accordés aux grands propriétaires portugais et des pêcheurs désireux de profiter des possibilités offertes par l'île en matière de pêche en haute mer. Les migrants venaient de tout le Portugal (mais surtout de Lisbonne et de l'Algarve) et de Madère. Les Portugais ne furent pas les seuls à être attirés, mais aussi des Espagnols, des Italiens, des Français, des Allemands et des Flamands, dont beaucoup souhaitaient s'établir dans l'archipel en tant que marchands. D'autres groupes comprenaient des juifs à la recherche d'une plus grande liberté de culte et des "indésirables" qui avaient enfreint la loi au Portugal. Cependant, la distance qui les sépare de l'Europe fit que les Açores accueillirent beaucoup moins de migrants que Madère.
Tout comme à Madère, les colons durent défricher des zones fortement boisées pour les préparer à l'agriculture, et ce en l'absence de toute population autochtone. Ils durent également faire face à un terrain montagneux, bien que São Miguel et Terceira soient plus plates. Les vents d'ouest plus ou moins constants et l'humidité élevée constituaient d'autres difficultés. Les déplacements entre les îles étaient également difficiles, car le groupe, beaucoup plus éloigné dans l'Atlantique que Madère, était confronté à des mers beaucoup plus dangereuses. Néanmoins, de nombreux colons purent construire leurs maisons à l'aide de blocs de basalte volcanique et le sol volcanique constituait un avantage majeur. Les animaux d'élevage européens furent introduits dans les îles à partir des années 1430 afin de fournir une source fiable de viande, de lait et de fromage.
Tout comme à Madère, le blé fut la première et la plus importante culture, avec des rendements extraordinaires d'année en année jusqu'au début du XVIe siècle, lorsque la surexploitation du sol commença à faire des ravages. La vigne y était cultivée, le coton y poussait et l'igname y fut importée et cultivée avec succès. Le colorant rouge extrait de la résine du dragonnier (dracacea draco) ou du lichen orchil, et le colorant bleu provenant de la guède (pastel) ou du litmus roccella (urzela) étaient d'autres produits de base très lucratifs expédiés en Europe. La canne à sucre fut plantée avec un succès mitigé, le climat n'étant pas aussi favorable que celui de Madère, par exemple. Quoi qu'il en soit, l'agriculture se portait généralement bien dans l'ensemble de l'archipel et, dès le XVIe siècle, le problème de la main-d'œuvre se posa en raison de l'expansion des exploitations. Tout comme pour le groupe de Madère, des esclaves furent importés d'Afrique de l'Ouest pour travailler dans les plantations de sucre aux Açores et comme domestiques. À partir de la fin du XVIIe siècle, le thé, le maïs et la patate douce étaient cultivés avec succès.
Le commerce était en plein essor, tant avec l'Europe qu'avec les autres îles portugaises de l'Atlantique (Madère et Cap-Vert). En conséquence, une élite commerciale se développa, notamment sur Faial, São Miguel et Terceira. Malheureusement, cette élite était souvent plus intéressée par les bénéfices tirés des exportations que par le bien-être des habitants de l'île, ce qui eut pour conséquence malheureuse de fréquentes pénuries alimentaires pour de nombreux Açoriens, alors que les navires repartaient avec des cales pleines de denrées alimentaires.
Bien que les Açores aient présenté de nombreux aspects positifs, la nature y était également très menaçante. En 1521, une éruption volcanique majeure se produisit à São Miguel et ensevelit la capitale de l'époque, Vila Franca do Campo. En 1720, Pico fut dévastée par une éruption. L'activité volcanique se poursuivit sur plusieurs îles au cours des siècles, et des tremblements de terre sont encore régulièrement ressentis aujourd'hui.
L'éloignement des Açores permit aux autorités de régler le problème des parias politiques. Par exemple, Pierre II du Portugal (r. de 1683 à 1706) monta sur le trône et exila son prédécesseur Alphonse VI du Portugal (r. de 1656 à 1683) sur les îles pendant plusieurs années. Cet éloignement ne convenait pas à tout le monde et de nombreux colons, en particulier au fur et à mesure que les populations augmentaient sur les îles jusqu'au XVIIe siècle, décidèrent d'émigrer vers une nouvelle vie au Brésil, où les plantations de sucre, plus grandes et plus modernes, avaient réduit la domination dont jouissaient auparavant Madère et les Açores. En effet, la Couronne portugaise, désireuse de développer l'énorme potentiel agricole du Brésil, parraina l'émigration, surtout si les couples comprenaient des femmes en âge de procréer. Près de 6 000 migrants des Açores s'installèrent dans la seule province de Santa Catarina. Le Rio Grande do Sul était une autre destination populaire. Les incitations comprenaient des terres, des outils, des animaux de trait, des semences et une aide financière pendant les deux premières années de réinstallation.
Attaques des puissances rivales
La valeur stratégique des Açores était bien plus importante pour le Portugal que sa production commerciale. Angra sur Terceira devint un port important qui accueillait et ravitaillait les navires du monde entier. La valeur stratégique de l'archipel n'échappa pas aux autres puissances maritimes européennes au XVIe siècle. Pour défendre leurs intérêts, les Portugais établirent une base navale à Angra et construisirent la forteresse de São Braz sur l'île de São Miguel en 1553. Au XVIIe siècle, la forteresse de São João fut construite à Terceira. Ces forteresses furent construites en réponse aux attaques répétées des navires hollandais, anglais et français à partir des années 1530, ainsi que des pirates et des corsaires.
En 1582-1583, des navires d'Antoine, rival de Philippe II d'Espagne, roi d'Espagne et du Portugal (r. de 1556 à 1598 et 1580-1598 respectivement), tentèrent en vain d'attaquer les Açores. L'époque était dangereuse, car les puissances européennes se disputaient désormais le contrôle de la haute mer et des richesses exploitées en Amérique, en Asie et en Afrique. En 1592, le Madre de Deus, grand navire-trésor, fut attaqué et capturé près de Flores. Dirigée par Sir Walter Raleigh (c. 1552-1618), cette capture fut la plus importante jamais réalisée par les corsaires d'Élisabeth Ire d'Angleterre (r. de 1558 à 1603). Venant des Indes orientales et espérant faire escale aux Açores pour se réapprovisionner, le navire transportait 500 tonnes de marchandises précieuses, dont des pierres précieuses, de l'or, de l'argent, des rouleaux de soie, de l'ivoire, de l'ébène, de la porcelaine Ming, du poivre, des épices et des parfums.
Les corsaires anglais n'ont pas toujours connu le succès, comme en 1591, lorsqu'une flotte espagnole les attaqua aux Açores et captura le Revenge, dont le capitaine était Sir Richard Grenville (1542-1591). Raleigh organisa un autre raid sur les Açores en 1597, cette fois-ci en attaquant directement Horta sur Faial et en causant encore plus de dégâts aux navires portugais dans la région. À la suite de cette attaque, la forteresse de São Felipe (rebaptisée São João Baptista) fut construite pour protéger Angra. Malgré ces menaces, les Açores restèrent une possession portugaise, bien que Ribeira Grande sur São Miguel ait été mise à sac par une force française dirigée par Jacques Cassart en 1712.
Histoire ultérieure
En 1766, le système des capitaineries fut aboli dans les îles et un seul gouverneur fut nommé, avec Angra comme capitale. Les vins des îles gagnèrent peu à peu en réputation, en particulier ceux de Pico, dont les vignobles sont reconnus par l'UNESCO. L'eau-de-vie, le lin et les oranges sont d'autres produits d'exportation très prisés depuis le XVIIIe siècle. Pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-45), l'importance stratégique des îles fit que plusieurs d'entre elles furent utilisées comme bases aériennes par les Alliés. Aujourd'hui, les Açores sont une destination touristique populaire en raison du paysage spectaculaire des cratères volcaniques et parce qu'elles constituent un excellent endroit pour observer les baleines.