Colonisation Portugaise de São Tomé et Principe

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Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 28 mai 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais
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São Tomé et Principe sont des îles situées dans le golfe de Guinée, en Afrique de l'Ouest. Elles étaient inhabitées avant d'être colonisées par les Portugais à partir de 1486. Elles furent tellement impliquées dans la traite des esclaves qu'elles devinrent connues sous le nom d'"îles aux esclaves", où des milliers d'Africains de l'Ouest étaient rassemblés et expédiés pour travailler dans les plantations de colonies telles que le Brésil portugais.

La canne à sucre était cultivée sur les îles et les plantations avaient besoin d'esclaves du continent, acquis par le biais d'échanges commerciaux avec des États tels que le Royaume du Bénin et le Royaume du Kongo. Lorsque les plantations des Amériques suscitèrent une énorme demande d'esclaves, São Tomé-et-Principe servit de station de collecte pour l'expédition d'êtres humains à travers l'Atlantique. Les maladies tropicales finirent par réduire la population européenne à une simple poignée, de sorte que la plupart des habitants libres étaient des métis. Les îles accédèrent à l'indépendance du Portugal en 1975 et devinrent la République démocratique de São Tomé-et-Principe.

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São Sebastiao Fort, São Tomé
Fort de São Sebastiao, São Tomé
David Stanley (CC BY)

Géographie et climat

Les deux îles de São Tomé et Principe, ainsi que quelques îlots rocheux associés, sont situées dans le golfe de Guinée, sur la côte méridionale de l'Afrique de l'Ouest. Les îles principales sont constituées d'un mélange de zones plates et montagneuses, avec des volcans apparemment endormis. Le pic de São Tomé est le point culminant du groupe, atteignant une hauteur de 2 024 mètres (6 640 pieds). La raideur avec laquelle ces montagnes descendent vers la mer signifie qu'il n'y a pas de ports en eaux profondes. La superficie totale des îles est de 964 kilomètres carrés.

En 1470, les Portugais souhaitaient disposer d'une base proche des marchés commerciaux lucratifs de l'Afrique de l'Ouest.

Situées au niveau de l'équateur, les îles jouissent d'un climat tropical avec une longue saison humide et étaient autrefois entièrement recouvertes de forêt tropicale. En revanche, le sol volcanique riche, la longue période de pousse et les pluies abondantes étaient propices à la culture de nombreuses denrées alimentaires importantes, comme la canne à sucre, pendant la période de colonisation. Par contre, les maladies tropicales, en particulier la malaria, se sont répandues sur les îles quand celles-ci ont été peuplées et restent un problème aujourd'hui.

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La colonisation

La Couronne portugaise avait déjà colonisé avec succès trois archipels: Madère (1420), les Açores (1439) et le Cap-Vert (1462) dans l'Atlantique, au large de l'Afrique de l'Ouest. Ces îles constituaient des points stratégiques très utiles pour les navires portugais qui sillonnaient l'empire, et elles avaient également été cultivées avec succès pour produire des biens destinés au commerce. Pour travailler dans les plantations de blé, de canne à sucre et de coton, des esclaves avaient été importés d'Afrique de l'Ouest. En 1470, les Portugais souhaitaient disposer d'une base encore plus proche des marchés commerciaux lucratifs de la partie méridionale de l'Afrique de l'Ouest. Les deux îles inhabitées de São Tomé et Principe furent découvertes par les navigateurs portugais et s'avérèrent être de parfaits candidats pour une telle base. La colonisation eut d'abord lieu à São Tomé, mais ne commença qu'en 1486.

Historical Map of São Tomé
Carte historique de São Tomé
Johannes Vingboons (Public Domain)

Tout comme pour la colonisation portugaise des Açores, de Madère et du Cap-Vert, la Couronne divisa les îles et distribua des "capitaineries"(donatarias) dans le cadre du système féodal afin d'encourager les nobles à financer leur développement. Chaque "capitaine" ou donatario était chargé de coloniser et de développer sa région en échange de privilèges financiers et judiciaires. En conséquence, les "capitaines" distribuaient à leur tour des parties de leurs domaines à leurs hommes afin qu'ils les développent, des parcelles de terre connues sous le nom de semarias. Les hommes qui recevaient ces terres avaient la responsabilité de les défricher et de commencer à les cultiver dans un délai déterminé. Dans de nombreux cas, les capitaineries devinrent des charges héréditaires. Le modèle des donatarias serait appliqué par la suite à d'autres territoires coloniaux portugais, notamment au Brésil.

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Tout comme pour la colonisation portugaise de Madère et des autres îles de l'Atlantique, les colons venaient d'horizons divers. Il y avait des Portugais du Portugal et des colonies atlantiques (en particulier du Cap-Vert), des Juifs en quête de liberté religieuse, des enfants de Juifs contraints de quitter leur famille au Portugal, des indésirables du Portugal tels que des déportés, et un certain nombre d'autres Européens désireux de commencer une vie nouvelle. Des Africains libres vinrent également s'installer dans les îles et les mariages mixtes donnèrent naissance à une importante population métisse. Les habitants blancs ne dépassèrent jamais le millier, et en 1600, ils étaient moins de 200.

L'une des principales raisons du déclin de la population européenne était les maladies tropicales qui sévissaient dans les îles. En effet, leur réputation était telle que de nombreux gouverneurs potentiels refusèrent la nomination de la part de la Couronne portugaise ou l'acceptèrent, mais ne se rendirent jamais dans les îles. Comme l'indique une description anonyme datant de la première moitié du XVIe siècle:

Tout au long de l'année, les habitants blancs de la ville [de São Tomé] souffrent habituellement d'une sorte de fièvre intermittente tous les huit ou dix jours, comme suit: D'abord le froid, puis la chaleur, et le tout passe en deux heures selon la constitution de chacun. Ce mal arrive à ceux qui y habitent en permanence, et ils ont l'habitude de se saigner trois ou quatre fois par an. Mais pour les étrangers qui y viennent à bord des navires, la première fièvre qui les atteint dure ordinairement vingt jours et est souvent mortelle.

(Newitt, 60-61)

A View of the Harbour of Principe
Une vue du port de Principe
Unknown Artist (Public Domain)

En 1486, la Couronne portugaise accorda aux insulaires une licence pour commercer sur le continent. En conséquence, des marchands et des aventuriers des îles établirent des comptoirs commerciaux tout au long de la côte, jusqu'à Luanda (dans l'Angola moderne). Au début, les commerçants étaient intéressés par l'acquisition de biens tels que l'or, le poivre et l'ivoire, mais ces biens devinrent très vite secondaires par rapport au trafic humain. Ce commerce fut à l'origine de l'apogée de la prospérité de l'île entre 1530 et 1560 environ. En 1534, l'évêché de São Tomé fut créé et il avait, de manière assez ambitieuse, juridiction sur toute la côte africaine jusqu'au cap de Bonne-Espérance.

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L'esclavage

Comme dans les îles portugaises de l'Atlantique, la canne à sucre fut plantée avec succès au XVIe siècle; le climat humide favorisant une croissance rapide. En revanche, l'humidité rendait difficile le séchage complet de la canne, de sorte que le sucre produit dans les îles n'était jamais d'une qualité irréprochable. Industrie à forte intensité de main-d'œuvre, les plantations (roças ou fazendas) avaient besoin d'un grand nombre de planteurs et de récolteurs, ainsi que d'un moulin à eau ou engenbo pour traiter la canne. São Tomé ne comptait que deux moulins de ce type en 1517, mais 60 en 1550. Un visiteur anonyme, écrivant en 1550, remarqua que les îles produisaient alors environ 150 000 arrobas de sucre par an, soit environ 2,25 millions de kilogrammes (5 millions de livres). Malheureusement, au moment où l'industrie prenait son essor, la montée en puissance des plantations brésiliennes, plus grandes et plus modernes, dans les années 1550, entraîna le déclin de cette culture à São Tomé-et-Principe à partir des années 1580.

Les îles servaient de point de rassemblement des esclaves et de lieu d'embarquement des provisions pour les navires qui transportaient la cargaison humaine.

Les esclaves, hommes et femmes, étaient expédiés du continent pour travailler dans les plantations de sucre, notamment du Royaume du Bénin et du Royaume de Kongo au XVIe siècle. Les esclaves vivaient dans des villages rudimentaires sur les plantations et étaient autorisés, le week-end, à cultiver de petites parcelles de terre pour leur propre subsistance.

Les Portugais échangeaient des vêtements en coton, de la soie, de la porcelaine émaillée, des miroirs, des couteaux et des perles de verre contre des esclaves. La demande en esclaves augmentant, les commerçants de São Tomé et Principe essayèrent de se débarrasser des rois Kongo, qui étaient essentiellement des intermédiaires entre eux et les commerçants de l'intérieur de l'Afrique. Les Européens et les métis commencèrent à envoyer leurs propres groupes de chasseurs d'esclaves à l'intérieur des terres et capturaient même des Kongolais. De leur côté, les rois kongo n'appréciaient guère l'ingérence culturelle et religieuse des Européens dans leurs affaires, et ils ne tardèrent pas à se rendre compte des avantages qu'ils auraient à expédier eux-mêmes des esclaves vers l'Europe en se passant des Portugais. En raison de la détérioration des relations à partir du milieu du XVIe siècle, les Européens se déplacèrent plus au sud, dans la région de Ndongo, pour trouver leurs esclaves.

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Colonial Sugar Cane Manufacturing
Fabrique de sucre dans les colonies
Unknown Artist (Public Domain)

Avec le déclin de l'industrie sucrière, les îles profitèrent au moins du succès de cette culture dans les Amériques où l'on avait désormais besoin d'esclaves pour travailler dans les plantations. Les îles devinrent ainsi une plaque tournante du réseau commercial qui acheminait les esclaves africains vers l'Europe, l'Afrique du Nord et, de l'autre côté de l'Atlantique, vers les Amériques, en particulier les Caraïbes espagnoles et le Brésil. Les îles servirent de point de rassemblement des esclaves et de lieu d'embarquement des provisions pour les navires qui transportaient la cargaison humaine.

Révoltes d'esclaves

Par rapport aux autres îles coloniales portugaises de l'Atlantique, São Tomé et Principe comptait une population d'esclaves beaucoup plus importante, ce qui finit par causer de graves problèmes. En bref, les colons européens ne réussirent pas à contrôler les esclaves. Les causes de cet échec étaient la détérioration des conditions de vie dans les plantations en raison du déclin de l'industrie de la canne à sucre et l'absence de toute autorité militaire, à l'exception d'une force de milice locale et inefficace. D'importantes révoltes eurent lieu en 1574 et en 1586. De nombreux esclaves prirent la fuite vers l'intérieur des montagnes, où se trouvaient déjà des bandes d'Africains renégats venus d'Angola, et de là, ils attaquaient régulièrement les plantations. En 1595-1596, un chef d'esclaves nommé Amador, qui s'était proclamé "roi des esclaves", réussit presque à s'emparer de toute l'île de São Tomé. Les révoltes d'esclaves furent une raison supplémentaire pour les quelques Européens restants et les colons métis d'abandonner les îles et de rechercher une nouvelle vie dans les plantations de canne à sucre en plein essor du Brésil portugais.

Portuguese Colonial Empire in the Age of Exploration
L'Empire Colonial Portugais à I' Époque des Grandes Découvertes
Simeon Netchev (CC BY-NC-ND)

Histoire ultérieure

La concurrence commerciale entre les puissances européennes s'intensifia au XVIIe siècle. Les pirates constituaient une autre menace constante pour les îles et les navires qui y faisaient escale. Des navires néerlandais attaquèrent les deux îles en 1598-9 et prirent même le contrôle de São Tomé pendant sept ans, de 1641 à 1648. De retour aux mains des Portugais après l'envoi par la Couronne d'une force d'expédition, les Français attaquèrent les îles en 1711. Santo António sur Príncipe, qui disposait d'un bien meilleur port, devint la capitale en 1753, remplaçant São Tomé sur l'île éponyme. Cette décision illustrait le retournement de situation des deux îles principales, Principe ayant toujours été dans l'ombre de l'autre. En 1777-8, les Portugais cédèrent les petites îles d'Annobón (Pagalu) et de Bioko (anciennement connue sous le nom de Fernando Pó) pour apaiser les Espagnols, désireux de participer au commerce des esclaves. Les Portugais n'avaient jamais tenté de coloniser ces îles rocheuses, et Bioko avait ses propres habitants africains avant même l'arrivée des Portugais en 1470.

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Dès le début du XIXe siècle, le cacao et le café furent cultivés avec un certain succès sur les îles, le cacao étant encore dominant aujourd'hui. Des esclaves continuèrent à être importés du continent pour travailler dans ces plantations, un commerce qui ne fut interdit qu'en 1908. Même au XXe siècle, lorsque les travailleurs africains (principalement originaires d'Angola et du Mozambique) étaient rapatriés après un certain nombre d'années, les conditions de vie n'étaient guère différentes de celles que leurs prédécesseurs esclaves avaient dû supporter.

São Tomé et Principe obtint son indépendance du Portugal en 1975, mais la mauvaise gestion des plantations du pays fit perdurer une production modeste, comme cela avait été le cas pendant la longue période de négligence coloniale. Le catholicisme romain reste la religion la plus pratiquée et le portugais demeure la langue officielle. Le commerce avec le Portugal et les Pays-Bas continue de dominer l'économie du pays.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2021, mai 28). Colonisation Portugaise de São Tomé et Principe [The Portuguese Colonization of São Tomé and Principe]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1763/colonisation-portugaise-de-sao-tome-et-principe/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Colonisation Portugaise de São Tomé et Principe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le mai 28, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1763/colonisation-portugaise-de-sao-tome-et-principe/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Colonisation Portugaise de São Tomé et Principe." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 28 mai 2021. Web. 25 déc. 2024.

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