Le Commerce des Épices et l'Âge des Grandes Découvertes

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 09 juin 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, allemand, grec, italien, portugais, espagnol
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L'un des principaux éléments déclencheurs de l'Époque des Grandes Découvertes fut la recherche d'un accès direct au très lucratif commerce des épices de l'Est. Au XVe siècle, les épices arrivaient en Europe par les routes terrestres et maritimes du Moyen-Orient, et les épices étaient très demandées tant pour l'alimentation que pour les remèdes médicaux. Le problème était de savoir comment accéder à ce marché par la mer. En conséquence, des explorateurs comme Christophe Colomb (1451-1506) et Vasco de Gama (c. 1469-1524) furent envoyés pour trouver une route maritime entre l'Europe et l'Asie. À l'ouest, Colomb trouva un nouveau continent sur son chemin, mais au sud, de Gama fit le tour du Cap de Bonne Espérance, navigua sur la côte de l'Afrique de l'Est et traversa l'océan Indien pour atteindre l'Inde. A partir de 1500, le Portugal en premier, puis d'autres puissances européennes tentèrent de contrôler le commerce des épices, les ports qui commercialisaient les épices et finalement les territoires qui les cultivaient.

Portuguese Carrack Ships
Caraques Portugaises
Unknown Artist (Public Domain)

Le Sel de la Vie

À l'époque médiévale et au début de la période moderne, « épices » était un terme généreusement appliqué à toutes sortes de produits naturels exotiques, du poivre au sucre, des herbes aux sécrétions animales. Les épices avaient été importées de l'Orient depuis l'Antiquité, et les Européens y avaient pris goût. Ce qui attirait était la saveur qu'elles donnaient aux plats, bien que l'opinion ancienne qu'elles étaient principalement utilisées pour déguiser le mauvais goût de la viande avariée est incorrecte. Une autre attraction était leur rareté, ce qui en faisait un petit plus à la mode sur n'importe quelle table et un véritable symbole de prestige pour les riches. Les épices étaient utilisées pour ajouter de la saveur non seulement aux sauces mais aussi aux vins; elles étaient même cristallisées et consommées seules comme bonbons.

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on ignorait où les commerçants eux-mêmes obtenaient leurs épices exotiques et beaucoup de grands contes se développèrent quant aux origines des épices.

Les épices utilisées dans la préparation alimentaire en Europe comprenaient le poivre, le gingembre, les clous de girofle, la muscade, le macis, la cannelle, le safran, l'anis, le zédoaire, le cumin et les clous de girofle. Bien que la plupart d'entre elles aient été réservées aux tables des riches, même les classes les plus pauvres utilisaient du poivre chaque fois qu'elles pouvaient en obtenir. Les épices, malgré leur coût, étaient utilisées en grande quantité. Des sacs d'épices étaient nécessaires pour les banquets royaux et les mariages, et nous savons, par exemple, qu'au XVe siècle, la maisonnée du duc de Buckingham en Angleterre consommait chaque jour deux livres (900 grammes) d'épices, principalement du poivre et du gingembre.

Les épices avaient aussi d'autres usages que leur saveur. Au Moyen Âge et au début de la période moderne, on croyait que de nombreuses épices avaient une valeur médicinale. Tout d'abord, elles pouvaient être utilisées pour purger le corps. Deuxièmement, l'idée selon laquelle un corps sain nécessitait un équilibre de ses quatre éléments fondamentaux ou humeurs était encore prévalente. Une alimentation saine, par conséquent, avait également besoin d'équilibrer ces humeurs, c'est-à-dire que la nourriture ne devait pas être trop chaude ni trop froide, ni sèche ni humide. Les épices aidaient à équilibrer certains aliments. Le poisson, par exemple, était un aliment froid et humide et donc en ajoutant certaines épices aux plats de poisson, ces deux caractéristiques devenaient plus équilibrées.

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Les épices étaient brûlées comme de l'encens pour leur parfum ou dispersées sur les sols ou même appliquées directement sur la peau. Partout, des églises aux maisons closes, on utilisait des épices pour améliorer la mauvaise odeur générale des intérieurs de l'époque. Les parfums les plus recherchés et les plus chers étaient l'encens, la myrrhe, le baume, le bois de santal et le mastic. Il y avait un autre groupe de senteurs provenant d'animaux qui étaient tout aussi prisées. Ces sécrétions comprenaient des sécrétions de chats sauvages (civettes), de castors (castoréum) et de cerfs (musc). Une troisième catégorie d'épices aromatiques était les substances raclées sur les momies anciennes ou d'autres objets tout aussi étranges.

Medieval Spice Merchant
Marchand d'épices du Moyen-Âge
Lawrence OP (CC BY-NC-ND)

Les épices pouvaient aussi être prises comme médicaments à part entière et elles étaient écrasées et transformées en pilules, crèmes et sirops. Le poivre noir était considéré comme un bon traitement pour la toux et l'asthme, il pouvait, selon les chimistes, guérir les plaies superficielles de la peau et même agir comme un antidote à certains poisons. On pensait que la cannelle aidait à guérir les fièvres, la muscade était utile contre les flatulences, et le gingembre chauffé était considéré un puissant aphrodisiaque. Plusieurs épices fort parfumées étaient considérées capables de combattre les émanations pestilentielles, qui étaient elles-mêmes censées causer des maladies. C'est pourquoi, pendant les nombreuses vagues de la peste qui balaya l'Europe (la mort noire) , les gens brûlaient de l'ambre gris pour repousser la maladie souvent mortelle. L'ambre gris était une substance grasse, qui venait de l'intérieur des intestins des baleines. Les pierres précieuses et semi-précieuses, également rares et difficiles à trouver, étaient souvent classées dans la catégorie des épices. On pensait que certaines pierres comme la topaze soulageait les hémorroïdes, le lapis lazuli était bon contre le paludisme, et des perles en poudre, mélangées à autant d'épices coûteuses que possible, étaient ingurgitées pour prévenir la vieillesse.

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La recherche d'épices

Certains médecins émirent des protestations et des réserves contre ces croyances, et certains membres de l'Église étaient souvent convaincus que tout cet argent dépensé pour les épices pourrait être mieux utilisé ailleurs. Néanmoins, avec toutes ces utilisations possibles et leur statut de produit de luxe incontournable, il n'est pas étonnant que certaines élites européennes aient commencé à réfléchir à la façon dont ils pouvaient accéder directement aux épices d'Orient sans payer le prix fort aux marchands orientaux et arabes. On ignorait cependant l'endroit où ces marchands eux-mêmes obtenaient leurs épices. De nombreux grands contes se développèrent quant aux origines des épices, mais au XIIIe siècle, des voyageurs comme Marco Polo (1254-1324) et des missionnaires commencèrent à améliorer les connaissances géographiques des européens. L'Inde semblait submergée de poivre noir. Le Sri Lanka était riche en cannelle. Le bois de santal venait du Timor. La Chine et le Japon recevaient des épices comme les clous de girofle, la muscade et le macis de l'Inde, de l'Asie du Sud-Est, des îles Moluques dans ce qui est aujourd'hui l'Indonésie - ce n'est pas pour rien qu'elles étaient surnommées "les îles aux épices".

Puis, survint la chute de Constantinople en 1453, la capitale de l'Empire byzantin fut conquise par l'Empire ottoman, et donc l'une des principales routes terrestres pour les épices vers l'Europe fut perdue. Ce fut une raison de plus pour les commerçants européens de trouver leur propre accès aux routes commerciales des épices et, si possible, d'obtenir le contrôle de leur production à la source. Des puissances européennes comme l'Espagne et le Portugal pourraient aussi porter un coup dur à leurs rivaux en Europe, en particulier les États maritimes italiens comme Venise et Gênes. En prime, en contournant les commerçants islamiques qui dominaient le commerce sur les marchés des épices d'Aden et d'Alexandrie, la chrétienté n'aurait pas à donner son or à son ennemi idéologique numéro un. Il pourrait même y avoir des alliés chrétiens en Asie qui étaient alors encore inconnus de l'Europe.

Plus concrètement, la découverte de nouvelles terres agricoles pour les cultures céréalières contribuerait à réduire les déficits commerciaux. Il y avait aussi la réelle perspective d'acquérir prestige et richesse pour l'élite européenne et les marins qui osaient naviguer dans l'inconnu. Enfin, le système féodal en Europe se dégradait à mesure que les terres étaient parcellées en morceaux de plus en plus petits, génération après génération. Beaucoup de seigneurs ne savaient tout simplement pas quoi faire de leur troisième ou quatrième fils et les envoyer à l'étranger pour faire fortune était une solution idéale pour tous.

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Il y avait alors des motifs économiques, politiques et religieux pour trouver une route maritime entre l'Europe et l'Asie. Avec le soutien de la Couronne et de l'Église, ainsi que des investisseurs privés qui rêvaient d'énormes retours, les explorateurs s'embarquèrent vers des horizons inconnus.

Portuguese Colonial Empire in the Age of Exploration
L'Empire Colonial Portugais à I' Époque des Grandes Découvertes
Simeon Netchev (CC BY-NC-ND)

Une route maritime vers l'Asie

Le commerce des épices venues d'Orient était en cours depuis l'Antiquité. Avant le XVIe siècle, les épices passaient par les routes terrestres et maritimes depuis l'Orient, le golfe Persique et la Mer Rouge, à travers l'Égypte ou l'Arabie, et à travers la Méditerranée. Les routes de la soie en provenance de Chine à travers l'Eurasie étaient une autre façon de faire entrer les épices sur les marchés européens. Comme le résume l'historien M.N. Pearson, les coûts nécessaires à l'acheminement des épices vers l'Europe par les routes traditionnelles du Moyen-Orient étaient en effet très élevés :

... le prix d'un kilo de poivre devenait énorme au fur et à mesure qu'il passait de main en main - coûtant 1 ou 2 grammes d'argent au point de production, il était de 10 à 14 à Alexandrie, de 14 à 18 à Venise et de 20 à 30 dans les pays consommateurs d'Europe. (41)

Il serait alors possible de s'enrichir si les Européens pouvaient court-circuiter les routes établies et répondre eux-mêmes à une demande toujours croissante d'épices en Europe. Pour y parvenir, il fallait trouver une route maritime vers l'Asie.

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En 1492, Christophe Colomb pensait pouvoir la trouver en naviguant vers l'ouest à travers l'océan Atlantique, mais il ne réussit qu'à trouver une autre masse terrestre sur son chemin: les Amériques. Les Portugais croyaient pouvoir trouver l'Asie en naviguant autour du continent africain. En 1488, Bartolomé Dias navigua le long de la côte de l'Afrique de l'Ouest et fit le premier voyage autour du Cap de Bonne Espérance, la pointe sud du continent africain (aujourd'hui l'Afrique du Sud). Il fut suivi par Vasco de Gama qui, en 1497-9, passa également le Cap, puis navigua sur la côte de l'Afrique de l'Est et traversa l'océan Indien pour atteindre Calicut (aujourd'hui Kozhikode) sur la côte de Malabar au sud de l'Inde. Enfin, les Européens avaient trouvé une route maritime directe vers les richesses de l'Orient. Depuis la côte indienne de Malabar, les navires européens pourraient ensuite naviguer plus à l'est vers les îles Moluques et l'Asie du Sud-Est. Un itinéraire fut ouvert par Francisco Serrão, qui navigua vers les îles Moluques en 1512, et Ferdinand Magellan (1480-1521) lorsqu'il fit la première circumnavigation du globe en 1519-22 pour la Couronne espagnole.

Vasco da Gama Arriving at Calicut, India
Vasco de Gama arrive à Calicut (Kozhikode), Inde
Roque Gameiro (Public Domain)

Colonisation portugaise

Obtenir un accès géographique au commerce des épices était une chose, s'immiscer dans le commerce lui-même en était une autre. Le premier et le plus gros problème pour les Portugais dans leurs ambitions commerciales en Orient était qu'ils ne possédaient pas vraiment de biens que les commerçants indiens ou musulmans désiraient. Beaucoup de dirigeants étaient déjà énormément riches, et ils étaient réticents à apporter des changements à un réseau commercial régional qui fonctionnait extrêmement bien et, surtout, pacifiquement. Les Portugais décidèrent d'utiliser la seule chose qu'ils avaient en leur faveur: la supériorité de leurs armes et de leurs navires. Les dirigeants indiens et certains commerçants arabes avaient des canons, mais ceux-ci n'étaient pas de la même qualité que les Européens, et plus significativement, les navires de commerce dans l'océan Indien étaient conçus pour le transport de marchandises et non pour la guerre navale. Les Européens, par contre, combattaient des batailles maritimes depuis un certain temps.

Un quintal (100 kg) de poivre pouvait être acheté pour six cruzados et vendu en Europe pour au moins 20 cruzados .

La solution était alors simple: s'emparer du réseau commercial par la force et établir un monopole sur le commerce des épices non seulement en termes d'Asie avec l'Europe, mais aussi à l'intérieur même de l'Asie. Les épices pouvaient être achetées auprès des producteurs d'épices le moins cher possible en échange de produits relativement peu coûteux comme le tissu de coton, les denrées alimentaires sèches et le cuivre, puis vendues en Europe le plus cher possible. En Asie, les épices pouvaient être échangées d'un port à l'autre et échangées contre des biens précieux comme l'or, l'argent, les pierres précieuses, les perles et les textiles fins.

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En conséquence, de plus en plus de navires de guerre furent envoyés au-delà du Cap de Bonne Espérance, et des forts furent construits partout, en commençant par le Cochin portugais (Kochi) en Inde en 1503 et finalement se propageant au Japon. Les navires rivaux étaient sistématiquement attaqués et les villes peu coopératives confrontées aux tirs des canons. Les marchandises étaient confisquées et les commerçants forcés d'accepter des accords favorables aux Portugais. Loin d'être découragés par l'immensité de la zone géographique qu'ils auraient à patrouiller, le roi Manuel Ier du Portugal (r. 1495-1521) déclara un monopole royal sur le commerce des épices. Un vice-roi de l'Inde fut nommé en 1505, même si les Portugais n'avaient pas d'objectifs territoriaux réels au-delà du contrôle des centres commerciaux côtiers. Goa, sous contrôle portugais, fut établie en 1510 sur la côte ouest de l'Inde, et en 20 ans, elle devint la capitale de l'Inde portugaise. En 1511, Malacca en Malaisie fut conquise. Hormuz à l'embouchure du golfe Persique suivit en 1515, et un fort fut établi à Colombo au Sri Lanka en 1518.

Le monopole royal

Il était pratiquement impossible d'imposer un monopole sur le commerce des épices sur un tiers du globe, mais les Portugais tentèrent le coup. Outre l'utilisation des canons comme on l'a déjà mentionné, des contrôles administratifs furent mis en place. Tout d'abord, tout commerçant privé - européen ou autre - pris avec une cargaison d'épices était arrêté, ses marchandises et son navire confisqués. Les commerçants musulmans furent les plus touchés et ils étaient souvent exécutés. Après avoir réalisé que cette politique était impossible à appliquer partout, certains commerçants locaux furent autorisés à commercialiser des épices en quantités limitées, mais souvent une seule, le plus souvent du poivre. Les équipages des navires européens furent autorisés à prendre des quantités d'épices comme substitut à leur rémunération (un petit sac suffisait pour leur permettre d'acheter une maison chez eux).

Une autre façon de contrôler le commerce des épices, et celle d'autres marchandises, consistait à permettre aux navires de visiter certains ports seulement s'ils avaient une licence royale. Bref, les mers n'étaient plus libres. Même les navires transportant des marchandises autres que des épices devaient voyager avec un passeport ou cartaz délivré par le Portugal, et s'ils ne le faisaient pas, la cargaison et le navire étaient confisqués et l'équipage emprisonné ou pire encore. En plus de la cartaz, les navires devaient payer des droits de douane à leur port d'escale. Une autre méthode d'extraction des droits consistait à obliger tous les navires à naviguer dans des convois protégés portugais, les cafilas. Les pirates étaient une menace dans l'océan Indien et au-delà, mais l'objectif réel était de s'assurer que tous les navires de commerce s'arrêteraient dans un port contrôlé par les Portugais où ils auraient à payer des droits de douane (en plus de laisser un dépôt en espèces garantissant leur retour pour effectuer un deuxième paiement).

De ces différentes manières, les droits de douane représentaient environ 60 % de l'ensemble des recettes portugaises dans l'Est. En outre, ils profitaient aussi, comme ils l'avaient espéré, des bénéfices tirés du commerce des épices elles-mêmes. Les Portugais pouvaient maintenant acheter les épices à la source. Par exemple, un quintal (100 kg) de poivre pouvait être acheté pour 6 cruzados (une pièce d'or de l'époque) et vendu en Europe pour au moins 20 cruzados . Il y avait des coûts de transport et les frais d'entretien des patrouilleurs et des forts mais, dans l'ensemble, les Portugais pouvaient réaliser un très beau bénéfice de 90% sur leur investissement. En outre, plus grand était le volume d'épices importées, plus les coûts globaux étaient bas. Le désir portugais d'acheter et de contrôler les épices devint insatiable.

Cette volonté de contrôle du commerce des épices eut d'autres conséquences que celles déjà mentionnées. Le réseau commercial fut déplacé vers de nouvelles zones, de sorte que certains centres établis comme Cochin tombèrent en déclin et d'autres comme Goa prirent de l'importance. Les missionnaires répandirent la foi chrétienne. Des plantes et des animaux furent introduits dans de nouveaux endroits, causant souvent des répercussions imprévues sur l'habitat et perturbant l'équilibre des systèmes écologiques locaux. Les maladies se propagèrent dans toutes les directions pour trouver de nouvelles victimes.

The Port of Calicut in 1572
Le port de Calicut en 1572
Unknown Artist (Public Domain)

L'ouverture de l'Asie

Les Portugais avaient plus ou moins établi leur monopole sur le commerce des épices en Europe, mais leur domination en Asie fut de courte durée. Les commerçants asiatiques évitaient les Européens chaque fois que cela était possible et poursuivirent leur commerce tout en évitant les taxes imposées. Il est important de noter que l'Europe ne représentait qu'environ un quart du commerce mondial des épices. De nombreux fonctionnaires portugais étaient eux-mêmes corrompus et négociaient sans payer à la Couronne leur part de revenu. Les routes terrestres et maritimes du Moyen-Orient pour le transport des épices, jamais entièrement remplacées par la route du Cap de Bonne Espérance, recommencèrent à se développer dans la seconde moitié du XVIe siècle grâce à la demande croissante d'épices en Europe.

D'autres nations européennes eurent très vite vent des richesses disponibles pour ceux qui avaient un accès direct aux épices. Entre 1577 et 1580, l'Anglais Francis Drake (c. 1540-1596) fit sa circumnavigation du monde qui comprenait un arrêt aux îles Moluques pour prendre une cargaison de clous de girofle. Les premiers à vraiment défier les Portugais, cependant, furent les Néerlandais qui, à partir de 1596, n'eurent aucun scrupule à attaquer des forts dans des centres portugais qui étaient mal défendus et souffraient souvent d'un évident manque d'entretien. Les territoires concernés étaient si vastes que les Portugais ne pouvaient pas patrouiller même une petite partie d'entre eux. Les Hollandais prirent le contrôle direct des îles Moluques et capturèrent Malacca (1641), Colombo (1656) et Cochin (1663). En contrôlant la source des épices, les Néerlandais pourraient désormais imposer leurs propres conditions au commerce mondial des épices et importer en Europe trois fois les quantités d'épices que les Portugais pouvaient transporter. Pendant ce temps, les Perses, avec l'aide des Anglais, prirent le contrôle d'Hormuz en 1622. Les Marathas hindous remportèrent de grandes victoires dans le sud de l'Inde et menacèrent les centres portugais là-bas. Les commerçants gujarati dominèrent le commerce de la baie du Bengale. Bref, tout le monde aimait les épices et la richesse qu'elles pouvaient apporter.

Plus important encore, les nations européennes décidèrent d'adapter leurs politiques étrangères. La démarche d'exploration et de découverte ne se limiterait plus à la création d'une poignée de centres commerciaux côtiers. La colonisation consistait maintenant à détenir un territoire, à conquérir les peuples autochtones et à y installer des Européens. Des sociétés commerciales furent établies par les Néerlandais et les Anglais, ce qui permit une acquisition et une distribution beaucoup plus efficaces des biens. La canne à sucre, le coton, le thé, l'opium, l'or, les diamants et les esclaves prendraient la place des épices dans l'économie mondiale alors que les puissances européennes rivalisaient pour sculpter le monde et se construire un empire. La volonté de contrôler le commerce des épices avait donc ouvert le monde, mais il deviendrait beaucoup plus violent et instable dans les siècles à venir.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

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Style APA

Cartwright, M. (2021, juin 09). Le Commerce des Épices et l'Âge des Grandes Découvertes [The Spice Trade & the Age of Exploration]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1777/le-commerce-des-epices-et-lage-des-grandes-decouve/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Le Commerce des Épices et l'Âge des Grandes Découvertes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juin 09, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1777/le-commerce-des-epices-et-lage-des-grandes-decouve/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Le Commerce des Épices et l'Âge des Grandes Découvertes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 09 juin 2021. Web. 17 nov. 2024.

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