Séparation du Christianisme et du Judaïsme

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Rebecca Denova
de , traduit par Jerome Couturier
publié le 21 juin 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, portugais, espagnol, suédois, Turc
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Au milieu du 2ème siècle ap. J.-C., le Christianisme entama un processus progressif de formation d’identité qui devait conduire à la création d’une religion distincte et indépendante du Judaïsme. Initialement, les Chrétiens constituaient l’un des nombreux groupes de Juifs présents dans tout l’Empire romain. Le 2ème siècle ap. J.-C. connut un changement démographique, l'introduction d'une hiérarchie institutionnelle et la création du dogme chrétien.

Christ and the Twelve Apostles by Fra Angelico
Le Christ et les Douze Apôtres, par Fra Angelico
Frans Vandewalle (CC BY-NC)

Le Christianisme au 1er Siècle ap. J.-C.

Jésus de Nazareth était un prophète juif qui prêchait le royaume imminent de Dieu (le règne du Dieu d'Israël sur terre), prédit dans les livres des prophètes juifs. Les prophètes proclamaient que Dieu devait intervenir dans les derniers jours pour redonner à Israël sa gloire passée. Il devait susciter la venue d'un messie (signifiant 'l'oint'), descendant du roi David (c. 1000 av. J.-C.), pour mener le mouvement. Après une bataille finale et la défaite des nations, il devait y avoir résurrection des morts, un jugement dernier, et Dieu devait rétablir le plan originel (le Jardin d'Eden) pour les justes sur terre. Les méchants seraient condamnés à l’anéantissement et à la Géhenne (l’enfer juif).

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CERTAINS JUIFS ACCEPTÈRENT L'AFFIRMATION QUE JÉSUS ÉTAIT LEUR MESSIE, MAIS PAS LA MAJORITÉ.

Après la mort de Jésus, ses disciples commencèrent à enseigner son message à Jérusalem et dans les villes de la Méditerranée orientale. Un avertissement important fut ajouté: la croyance en Jésus-Christ devait résulter en la résurrection de l’individu pour une heureuse vie au-delà. Avec un message juif de rédemption (qualifié par les spécialistes comme 'apocalyptique'), les premiers missionnaires s’approchèrent des communautés des synagogues juives établies à l'époque hellénistique. Ils ont dû rencontrer différents groupes de Juifs qui avaient leurs propres visions du messie et du royaume de Dieu.

Sans qu’il soit possible de vérifier les chiffres, certains Juifs acceptèrent apparemment l’affirmation selon laquelle Jésus était leur messie, mais pas la majorité. On peut citer beaucoup de raisons pour lesquelles la plupart des Juifs ne rejoignirent pas ce mouvement:

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  1. Il existait des opinions diverses sur le messie, notamment sur sa fonction et son rôle dans le plan de Dieu. Les opinions allaient de l’idée d'un roi-guerrier comme David, l'incarnation de la sagesse, à un être angélique préexistant chargé du jugement dernier (par exemple 'le fils de l'homme' dans le Livre d'Enoch).
  2. Le parti des Pharisiens prônait la croyance en la résurrection de tous les morts, mais celle-ci devait avoir lieu dans les derniers jours dans le cadre d'un scénario global. Un homme sortant d’un tombeau n’indiquait pas que les temps étaient accomplis.
  3. De nombreux Juifs qui attendaient d'une figure messianique la libération pensaient que cela inclurait la destruction de l’oppresseur actuel (Rome), mais cela ne se produisit pas.
  4. Le langage impliquant le 'royaume' était politiquement dangereux. Même si Rome tolérait divers cultes indigènes, tout ce qui excitait les foules pour un autre royaume était une trahison. Les Juifs avaient depuis longtemps trouvé les moyens de coexister avec le gouvernement romain partout où ils vivaient. Un édit de Jules César (100-44 av. J.-C.) avait accordé à la communauté juive la permission de suivre les coutumes de ses ancêtres, c'est à dire qu'elle bénéficiait d'une exemption des cultes d'État. Il était implicite dans l’édit que les Juifs ne feraient pas de prosélytisme (chercher à faire des conversions). Jésus était mort par crucifixion, le châtiment romain pour trahison. Comme l'Apôtre Paul l'avait écrit, cela constituait une 'pierre d'achoppement' et un scandale, tant pour les Juifs que pour les Gentils (les non-Juifs).
  5. Très tôt, pour expliquer la souffrance et la mort de Jésus, les Chrétiens se tournèrent vers les passages d'Isaïe relatifs au 'serviteur souffrant'. Ce serviteur (symbolique de la nation d'Israël à l'époque) fut torturé et tué pour les péchés de la nation. Il fut ensuite ressuscité par Dieu pour partager son trône. Les Chrétiens déclarèrent que le serviteur souffrant était une prédiction de la personne de Jésus. Dans ses missions, Paul enseignait que ce serviteur était une manifestation de Dieu lui-même sous la forme du Jésus terrestre. Les Chrétiens commencèrent à adorer Jésus (désormais considéré comme le 'Christ', de 'christos' en grec, pour 'mashiah' en hébreu) comme équivalent à Dieu. La plupart des Juifs rejetèrent cette déification du Christ.

Missions auprès des Gentils (non-Juifs)

Au 1er siècle ap. J.-C., les Chrétiens n’étaient essentiellement qu’une secte du Judaïsme de plus. Un tournant majeur arriva lorsque quelque chose d’inattendu se produisit: le fait que les Gentils se joignirent souvent aux activités des synagogues et aux fêtes dans les villes. Ces individus étaient désignés comme les 'craignant-Dieu' dans les Actes des Apôtres, c’est à dire ceux qui respectaient le Dieu d'Israël mais continuaient à participer à leurs cultes d'origine. Comme les synagogues en Israël et dans la diaspora antiques n’étaient pas un espace sacré, il n’y avait aucun obstacle à leur fréquentation, mais elles ne recrutaient pas activement, ni ne cherchaient à convertir les Gentils. Certains Gentils devaient avoir une place dans l’Israël eschatologique (lorsque le royaume viendrait), mais pas avant ce moment. Les spécialistes pensent que ces Gentils devaient devait avoir entendu les enseignements de Jésus d’abord grâce à leur présence dans les synagogues. Au même moment, des Gentils qui ne craignaient pas Dieu commencèrent à manifester de l’intérêt.

Kfar Bar'am Synagogue
Synagogue de Kfar Bar'am, Nord Israël
MASQUERAID (CC BY-SA)

Devant cet intérêt inattendu, Paul et Luc rapportèrent la tenue d’une réunion à Jérusalem (vers 49 ap. J.-C.) pour décider de la façon d'inclure ces personnes. La conversion au Judaïsme impliquait les marqueurs d'identité physique des Juifs: la circoncision, les lois alimentaires et l'observance du Sabbat. Lors du Concile de Jérusalem, Jacques, le frère de Jésus, prit la décision que ces Gentils n’étaient pas obligés de se convertir au Judaïsme. Ils devaient cependant "s’abstenir de la nourriture souillée par les idoles, de l’impudicité, de la viande d’animaux étranglés et du sang" (Actes 15:19-21). Il s’agissait d’éléments de pureté rituelle et morale dans la loi de Moïse. La viande sur les marchés publics était le reste des sacrifices des temples, et les Juifs évitaient tout ce qui concernait l'idolâtrie.

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Les Relations Judéo-Chrétiennes dans les Premières Communautés

Ce que montrent les lettres de Paul (années 50 et 60 ap. J.-C.), les Évangiles et les Actes des Apôtres indique que les Gentils dépassèrent rapidement en nombre les croyants juifs. Malgré le décret, des tensions entre les Juifs-chrétiens (ceux qui prônaient une conversion totale) et les Gentils-chrétiens (ceux qui tenaient au Concile de Jérusalem) se poursuivirent. Paul s'emportait constamment contre les 'faux apôtres' qui se rendaient dans ses communautés, prêchant que Paul avait tort et que les Gentils devaient se convertir (Galates 1:6-8).

Paul devint croyant lorsqu'il eut une vision de Jésus au ciel, qui lui commanda d'être 'l'apôtre des Gentils' (Galates 2:8). Un Chrétien primitif comprenait que le retard du royaume pouvait s'expliquer par le concept de parousie ('seconde apparition'); Jésus, maintenant au ciel, devait revenir pour accomplir les événements des derniers jours.

Paul enseigna contre la conversion complète des Gentils, très probablement parce que lorsque ces Gentils étaient baptisés, ils recevaient l'esprit de Dieu. Cela était manifeste dans leur "parler en multiples langues", les guérisons et les prophéties (Actes 19:6). En d’autres termes, Dieu avait toléré leur admission sans aucun signe d’identité juive. Cependant, une fois inclus, ils devaient suivre l’éthique et la morale de la Loi de Moïse.

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Ananias Baptizes Saint Paul
Ananie baptise Saint Paul
Lawrence OP (CC BY-NC-ND)

Quelques lettres de Paul (Romains, Éphésiens, Colossiens) auraient été écrites alors qu'il était prisonnier. "Cinq fois, je reçus des Juifs quarante coups de fouet moins un. Trois fois, je fus battu de verges." (2 Corinthiens 11:24-25). Les 'quarante coups' étaient un châtiment de synagogue pour diverses violations de la Loi mosaïque. Paul ne fournit aucun détail sur cette punition, mais les synagogues ne firent pas pression sur les adhérents païens pour qu’ils changent leur mode de vie traditionnel. Paul ordonna alors à ces Gentils de cesser leur idolâtrie: "Fuyez le culte des idoles" (1 Corinthiens 10:14). Cet ordre violait les négociations minutieuses des communautés juives avec Rome.

Les 'verges' étaient utilisées pour les violations du droit romain. Nous ne savons pas comment ni pourquoi Paul fut battu, mais dans le cas de Rome, ce fut très probablement du fait de sa prédication contre l’idolâtrie. C'était une idée scandaleuse; les conceptions de la religion romaine antique provenaient des ancêtres qui les recevaient des dieux. Les opinions de Paul sur le royaume imminent, son plaidoyer pour le culte de Jésus et sa condamnation de l’idolâtrie provoquèrent des tensions à la fois dans les synagogues et sur le forum romain.

Destruction de Jérusalem et du Temple

À partir de Marc (écrit vers 70 ap. J.-C.), les quatre évangiles imputent la mort de Jésus soit aux leaders juifs (les Pharisiens et les Sadducéens), soit collectivement aux Juifs (évangile de Jean). Dans les décennies qui s’écoulèrent entre la mort de Jésus et le premier évangile, le royaume ne vint pas, ce qui vint à la place, c’est Rome.

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Les Juifs se révoltèrent contre l’Empire romain lors de la Grande Révolte juive de 66 ap. J.-C., et en 70 ap. J.-C. Jérusalem et le complexe du Temple furent détruits. Les auteurs des Évangiles rendirent les Juifs responsables de ce désastre parce que ceux-ci avaient rejeté Jésus en tant que messie. Les prophètes avaient constamment condamné Israël pour ses péchés. Le passé d’Israël devint l’explication du présent

The Siege and Destruction of Jerusalem
Siège et Destruction de Jérusalem
David Roberts (1796-1864) (Public Domain)

Avec la destruction du Temple, les rituels traditionnels ne purent plus être pratiqués. Cette période marqua le début de deux systèmes divergents:

  1. Le Judaïsme rabbinique axé sur l'analyse et les interprétations des Écritures
  2. Le Christianisme, qui commença à émerger comme une religion distincte du Judaïsme.

Évêques et pères de l'Église

Les Chrétiens se distinguèrent à la fois du Judaïsme et des cultes indigènes par l'élection d'évêques pour diriger leurs communautés (attesté dans 1 et 2 Timothée, et Titus). Les premières communautés fondèrent leur modèle sur l'administration provinciale romaine, où un 'superviseur' (l'évêque) était responsable d'une section d'une province, un diocèse.

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LES PÈRES DE L'ÉGLISE CONTINUAIENT À UTILISER LES ÉCRITURES JUIVES POUR LEURS EXPLICATIONS DU CHRISTIANISME.

Contrairement aux prêtres de l’ancien Temple de Jérusalem et aux prêtres des cultes indigènes, les évêques chrétiens avaient le pouvoir unique de pardonner les péchés sur terre. Grâce à un rituel d'ordination, on croyait que l'esprit de Dieu entrait dans ces hommes. Ceci fut très probablement tiré de l'histoire de Pierre imposant les mains sur les Samaritains (Actes 8). Les prêtres des cultes indigènes ainsi que les prêtres du Temple facilitaient le repentir et le pardon, mais ils n'avaient pas d'autorité indépendante pour pardonner les péchés. Pour les Juifs, seul le Dieu d’Israël possédait ce pouvoir.

Au milieu du 2ème siècle ap. J.-C., le Christianisme primitif était dominé par des leaders qui n'avaient plus aucun lien ethnique ou communautaire avec Israël ou le Judaïsme. Ces leaders étaient des Gentils convertis qui avaient été éduqués dans différentes écoles de philosophie. Rétrospectivement surnommés 'Pères de l'Église' pour leurs contributions au Christianisme, les écrivains les plus prolifiques furent: Justin Martyr (100-165 ap. J.-C.), l'évêque Irénée de Lyon (130-202 ap. J.-C.) et le théologien Tertullien (155-220 ap. J.-C.).

L’arrière-plan du Judaïsme restait d’une importance cruciale pour l’Église chrétienne du 2ème siècle. Le Dieu de Jésus de Nazareth (et de ses disciples) était le Dieu du Judaïsme et des Écritures juives. Les proclamations chrétiennes devaient rester liées aux anciennes. Les Pères de l’Église continuèrent à utiliser les Écritures juives pour expliquer le Christianisme et ils utilisaient une méthode courante connue sous le nom d’allégorie. L'allégorie est une figure de style dans lequel un personnage, un symbole, un lieu ou un événement est utilisé pour générer une signification plus large ou nouvelle. Formés aux Écritures juives, ils appliquaient l’exégèse, analyse détaillée d’un passage, pour en fournir une interprétation nouvelle. Ils utilisaient également la typologie, ou l'identification de types dans la structure narrative. Par exemple, la 'ligature' d’Isaac (pour son sacrifice) devint un type qui renvoyait à Jésus sur la croix.

Persécution Chrétienne et Littérature Adversus

Commençant très probablement sous l'empereur romain Domitien (r. de 81 à 96 ap. J.-C.), Rome persécuta les communautés chrétiennes pour leur athéisme et leur refus de participer au culte impérial. En imposant le culte impérial, Rome prit conscience qu'il existait un groupe distinct composé de personnes qui n'étaient pas juives (des non circoncis) et qui avaient également cessé de participer aux cultes ancestraux. Dans le même temps, la Rome conservatrice avait un préjugé culturel et religieux contre les nouvelles religions, en particulier celles venant de l’Est.

L’objectif des Pères de l’Église était de convaincre Rome que les Chrétiens n’étaient pas nouveaux – ils étaient aussi anciens que le Judaïsme lui-même – et que les Chrétiens devaient bénéficier de la même exemption des cultes d’État que les Juifs, car ils étaient 'verus Israël', l’Israël véritable.

L'appel lancé à Rome pour bénéficier de la même exemption des cultes d'État que les Juifs est collectivement connu sous le nom de littérature Adversus, ou 'contre les adversaires, les Juifs'. Les écrivains faisaient appel aux polémiques des prophètes (tous les péchés des Juifs), aux évangiles et aux lettres de Paul. En sortant Paul de son contexte historique, les Pères de l’Église utilisèrent la critique de Paul à l’égard des Juifs-chrétiens comme une réfutation contre tous les Juifs et le Judaïsme.

Un exemple de leur réinterprétation des Écritures est évident dans l’histoire des Dix Commandements. Lorsque Moïse reçut les commandements sur le mont Sinaï, il n’y en avait que dix. Après avoir constaté que les Israélites pratiquaient l’idolâtrie, il brisa les tablettes. Lorsque Moïse revint en chercher d’autres, 603 autres commandements furent ajoutés pour punir les Juifs. Le Christ avait libéré les vrais croyants de ces fardeaux, ainsi les Chrétiens n’avaient qu’à suivre les dix premiers commandements.

Moses Receives the 10 Commandments
Moïse Reçoit les 10 Commandements, Gebhard Fugel
Gebhard Fugel (Public Domain)

Sous le règne d'Hadrien (r. de 117 à 138 ap. J.-C.), les Juifs se révoltèrent contre Rome sous la direction de Bar Kokhba (135-137 ap. J.-C.). La révolte de Bar-Kokhba, comme la première, la Grande Révolte, se termina par un désastre. Hadrien renomma Jérusalem avec son nom de famille Aelia Capitolina, et interdit à tous les Juifs d’y vivre.

Justin Martyr disait avoir rencontré Tryphon, un réfugié juif qui avait fui à Rome après la révolte. Nous ne pouvons pas historiquement établir l’existence de cet individu, mais les réponses et les arguments de Tryphon peuvent refléter certaines des premières opinions rabbiniques de l’époque. Le Dialogue avec Tryphon devint l’un des textes les plus importants de la littérature Adversus pour la définition du Christianisme par rapport au Judaïsme. Justin commença à enseigner à Tryphon le vrai sens des Écritures juives à travers l'allégorie et l'exégèse. Avec l'interprétation allégorique correcte des Écritures juives, partout où 'Dieu' apparaissait dans les textes, il s'agissait en fait du 'Christ préexistant'. C’était le Christ qui parla à Abraham, et lorsque Moïse entendit la voix venant du buisson ardent, c’était le Christ dans une manifestation précoce de Dieu sur terre. Par ses méthodes, il démontra que tous les prophètes d’Israël avaient prédit la venue du Christ en tant que sauveur. Dieu envoya le Christ dans le monde pour démanteler les pratiques corrompues des Juifs, et comme preuve, il souligna le fait que Dieu avait permis à Rome de vaincre les Juifs à deux reprises. En plus de leur corruption, les Juifs étaient désormais accusés du crime de déicide (le meurtre de Dieu).

Justin déclarait que les Chrétiens étaient 'verus Israël' et ainsi qu’ils avaient usurpé la place des Juifs en tant qu’élus de Dieu. De ce fait, les Juifs n’avaient plus la capacité d’interpréter correctement leurs propres Écritures. C’est à ce moment que l’Ancien Testament fut associé au Nouveau Testament (les textes sacrés des Chrétiens) en tant que compréhension complète du plan de Dieu. À partir de ce moment, les Chrétiens promurent la théologie de la supersession ou du remplacement. Dieu avait remplacé sa protection et sa faveur envers les Juifs par celles envers les Chrétiens.

Les Juifs en tant qu' hérétiques

Les Pères de l'Église inventèrent aussi les concepts jumeaux d'orthodoxie (croyance correcte) et d'hérésie (du grec hairesis, signifiant 'école de pensée'). Dans l’ouvrage en cinq volumes de l’évêque Irénée, Contre les Hérésies, les Juifs furent les premiers à être dénoncés comme hérétiques "parce qu'ils suivent leur père, le Diable" (4, 6). Les prophètes étaient exemptés de cette diabolisation des Juifs; ils étaient proto-chrétiens parce qu'ils avaient prédit le Christ.

En dépit de tous ces arguments, Rome ne reconnaissait pas les Chrétiens comme de vrais juifs; les Gentils chrétiens n’étaient pas circoncis. La persécution ne s’arrêta qu’après la conversion de Constantin au Christianisme en 312 ap. J.-C., lorsqu’il adopta les vues des Pères de l’Église.

Constantine's Conversion
Conversion de Constantin
Peter Paul Rubens (Public Domain)

Les relations contemporaines entre Juifs et Chrétiens au sein des communautés sont absentes des écrits des Pères de l’Église. Leurs arguments polémiques étaient toujours tirés des Écritures. Au-delà des opinions de leurs leaders, Juifs et Chrétiens continuèrent apparemment l’ancienne pratique du mélange des cultes ethniques. Le Concile d'Elvire, en Espagne (312 ap. J.-C.), condamna des Chrétiens pour avoir demandé aux rabbins de bénir leurs champs. Dans un sermon de Pâques en 386 ap. J.-C., l'évêque Jean Chrysostome, à Antioche, critiqua ses Chrétiens pour fréquenter la synagogue le samedi, et venir ensuite à l'église le dimanche. Ces écrits peuvent également être compris comme une tentative de mettre fin à ce mélange. Le côté sombre et regrettable de cette période fut l’application continue des vues des Pères de l’Église qui contribuèrent à l’antisémitisme chrétien tout au long de l’Antiquité tardive, du Moyen Âge et au-delà.

Le Christianisme comme Nouvelle Religion

Le Christianisme emprunta des concepts à la fois au Judaïsme et aux cultes indigènes pour leurs idées sur l'univers, les sacrifices, les prières et les rituels. Intellectuellement, les Chrétiens utilisèrent les concepts et le jargon de la philosophie pour soutenir la nature universelle du Christianisme pour l’humanité. Mais le Christianisme différait aussi des systèmes antiques, le pouvoir élevé de leur clergé était unique. Toutes les cultures antiques avaient leur point de vue sur l’au-delà, mais les Chrétiens garantissaient un voyage heureux à travers l’appartenance à leurs communautés. À la fois antique (le Dieu d’Israël) et nouveau (rejet de l’idolâtrie), le Christianisme devint un système entièrement nouveau pour comprendre la place de chacun dans l’univers.

Les contributions des Pères de l’Église sont significatives pour ce qui devint le dogme chrétien, c’est à dire un ensemble de principes irréfutablement considérés comme vrais. Leurs idées furent finalement incorporées dans le Credo de Nicée (325 ap. J.-C.), déclaration de ce que tous les Chrétiens devaient croire. En 381 ap. J.-C., Théodose Ier (r. de 379 à 395 ap. J.-C.) publia un édit faisant du Christianisme la seule religion légitime de l'Empire romain. Dans la tradition chrétienne, c'est ce qu'on a appelé le triomphe du Christianisme.

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Bibliographie

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Traducteur

Jerome Couturier
Je suis médecin, spécialisé en Génétique. J'aime l'Histoire et l'Antiquité depuis mon plus jeune âge. J'ai toujours eu un interêt pour la recherche dans divers domaines scientifiques, dont l'archéologie.

Auteur

Rebecca Denova
Rebecca I. Denova, Ph. D., est Professeur émérite de Christianisme Primitif au Département d'Études Religieuses de l'Université de Pittsburgh. Elle a récemment publié un ouvrage, "The Origins of Christianity and the New Testament" (Wiley-Blackwell).

Citer cette ressource

Style APA

Denova, R. (2021, juin 21). Séparation du Christianisme et du Judaïsme [The Separation of Christianity from Judaism]. (J. Couturier, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1785/separation-du-christianisme-et-du-judaisme/

Style Chicago

Denova, Rebecca. "Séparation du Christianisme et du Judaïsme." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. modifié le juin 21, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1785/separation-du-christianisme-et-du-judaisme/.

Style MLA

Denova, Rebecca. "Séparation du Christianisme et du Judaïsme." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 21 juin 2021. Web. 20 nov. 2024.

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