Les changements de pouvoir au Moyen-Orient et le commerce du poivre d'Est en Ouest

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Article

James Hancock
de , traduit par Caroline Martin
publié le 08 septembre 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, indonésien
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Le poivre est depuis longtemps le roi des épices et il domina le commerce mondial pendant près de 2 000 ans. Originaire de l'Inde, il était déjà connu en Grèce au 4e siècle av. JC et il fut une partie intégrante du régime alimentaire romain dès 30 av. JC. Ce fut une force en Europe jusqu'en 1750. Le chemin du poivre vers l'Europe était long et tortueux, et dépendait fortement de ceux qui contrôlaient le Moyen-Orient.

Long Pepper
Poivre long
Lemmikkipuu (CC BY-SA)

Les routes romaines

La route la plus fréquentée du poivre vers le monde romain passait par la mer Rouge ; premièrement, directement sur des navires romains depuis les ports égyptiens jusqu'en Inde, allé et retour, et ensuite depuis le royaume d'Aksoum, le long du sud de la mer Rouge. Située sur les hauts plateaux d'Éthiopie, Aksoum devint une puissance commerciale qui maintint des liens étroits avec l'Empire romain et qui finit par contrôler le nord de l'Éthiopie, le Soudan et l'Arabie du Sud. Le niveau du commerce romain à travers Aksoum fluctua au fil des ans, mais il fut considérable pendant près de sept siècles.

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LA PERTE DE L'ÉGYPTE FERMa LA PRINCIPALE VOIE MARITIME DE LIVRAISON DE POIVRE À L'EUROPE.

Après la chute de l'Empire romain d'Occident en 476 ap. JC, un partenariat byzantin avec Aksoum permit de maintenir les liens commerciaux maritimes pendant quelques siècles, mais la puissance des Sassanides dans l'océan Indien s'accrut au point qu'aux 5e et 6e siècles, ils avaient presque la mainmise sur le commerce avec l'Inde et ils limitaient sévèrement le commerce du poivre par la mer Rouge. Le lien maritime de l'Empire byzantin avec l'Asie du Sud-Est prit fin lorsqu'il perdit le contrôle de l'Égypte après une série de guerres dévastatrices contre l'Empire sassanide. La principale voie maritime de livraison de poivre vers l'Europe fut ainsi fermée.

Le commerce du poivre sous le contrôle des musulmans

Au début du 7e siècle, les différentes tribus belligérantes de la péninsule arabique s'unifièrent sous l'égide du prophète musulman Muhammad (570-632) et elles commencèrent à prendre systématiquement le contrôle de l'ensemble du Moyen-Orient. En l'espace de quelques décennies, les tribus arabes conquirent rapidement la Palestine, la Syrie, l'Iraq, l'Iran et l'Égypte. Avec leurs conquêtes, les musulmans en vinrent à contrôler toutes les grandes routes commerciales en provenance d'Asie du Sud-Est. La Méditerranée devint une zone hostile contrôlée par les pirates arabes qui dominèrent la mer pendant les 300 années suivantes. Le commerce à longue distance entre l'Orient et l'Occident se limita alors aux routes de la soie terrestres qui traversaient la steppe nord-européenne. Au 9e siècle, Trébizonde, qui se trouvait au carrefour de l'Empire byzantin, de l'Arménie et des califats islamiques, servait de principal débouché maritime pour les épices orientales.

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Market in Constantinople (Artist's Impression)
Marché de Constantinople (impression d'artiste)
Mohawk Games (Copyright)

Trébizonde perdit son rôle central au 10e siècle lorsque la dynastie chiite des Fatimides prit le contrôle de la majeure partie de l'Égypte et que les Byzantinscommencèrent à faire du commerce activement avec eux. Les musulmans et les chrétiens n'étaient pas amis, mais leur commerce était mutuellement bénéfique. Il était beaucoup plus économique de transporter des épices par mer que par terre. Les marchands occidentaux faisaient un commerce actif à Alexandrie pour le poivre et d'autres épices, et en retour, ils fournissaient du bois, des esclaves, des plantes pharmacologiques, des textiles en soie, des meubles et même du fromage.

L'essor de Venise et des cités-États italiennes

Au fil des siècles, la puissance maritime vénitienne ne cessa de croître au Moyen-Orient, tandis que celle de l'Empire byzantin diminuait progressivement. Le commerce à travers la Méditerranée était régi par Venise et les autres républiques maritimes qui virent le jour en Italie au cours du Moyen Âge, notamment Gênes, Pise et Amalfi. Ces cités-États pratiquaient un commerce extensif à travers la Méditerranée et elles construisirent de puissantes marines pour se protéger et conquérir. Venise finit par dominer le commerce adriatique, tandis que Pise et Gênes concentrèrent leur commerce sur l'Europe occidentale.

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À mesure que le 11e siècle progressait, les forces musulmanes entourant l'Empire romain d'Occident commencèrent à se renforcer et à mettre l'Empire byzantin sous pression. Une nouvelle puissance turque, les Seldjoukides, envahirent et prirent Bagdad à la dynastie abbasside en 1055, puis ils s' emparèrent des terres saintes de Syrie et de Palestine des Byzantins. Ils envahirent ensuite l'Asie mineure byzantine et, en 1081, ils avaient conquis la quasi-totalité de cette région. Une grande partie de l'ancien Empire romain était désormais sous contrôle musulman et non plus chrétien.

Craignant pour sa survie, l'empereur byzantin Alexis I Comnène (r. de 1081 à 1118) lança un appel à l'aide à l'Occident et, en 1095, le pape Urbain II accepta. Au concile de Clermont, il appela à la première croisade pour «libérer l'Église de Dieu». Cette croisade connut un succès remarquable et, en sept ans, une grande partie du Levant fut récupérée et quatre États croisés (aussi appelés États latins d'Orient, États latins du Levant ou Outremer) furent établis.

The Near East in 1135 CE
Le Proche Orient en 1135
MapMaster (CC BY-SA)

Le fait d'avoir un pied chrétien dans un Moyen-Orient en grande partie musulman eut un impact très important sur le commerce occidental. Les plus grandes villes devinrent des centres mercantiles actifs avec des commerçants en résidence en provenance d'Arabie, d'Iraq, de Byzance, d'Afrique du Nord et d'Italie. Des marchés spécialisés virent le jour, où les habitants et les étrangers pouvaient acheter un large éventail de marchandises, des soies et des épices aux denrées alimentaires de base, en passant par les articles en cuir, les tissus, les fourrures et d'autres produits manufacturés. Le poivre et les autres épices circulaient librement vers l'Ouest.

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Entre 1174 et 1187, le sultan ayyoubide Saladin (r. de 1174 à 1193) reconquit la plupart des États croisés et les remit sous contrôle musulman. Cela eut pour effet de tarir une part considérable du commerce des épices transitant par le Levant et de remettre l'accent sur Alexandrie. La ville sainte de Jérusalem tomba en 1187 à la grande consternation du monde chrétien. La troisième croisade fut lancée en 1189 pour la récupérer et, bien que la plupart des États croisés aient été reconquis, Jérusalem, elle, resta aux mains des musulmans.

En 1202, le pape Innocent III appela à la quatrième croisade pour reprendre la ville sainte aux musulmans. Le grand plan fut d'envahir et de conquérir l'Égypte avant de s'attaquer à Jérusalem. Ce plan dérapa effroyablement et culmina dans la folie de 1204 : le sac de Constantinople par l'armée des croisés. Tout ce qui restait de l'Empire byzantin, autrefois si fier, était trois États résiduels, l'Empire de Nicée, l'Empire de Trébizonde et le Despotat d'Épire, et Jérusalem demeurait toujours sous contrôle musulman. Après près de 1 000 ans de domination européenne, le puissant Empire byzantin s'était évaporé, et le commerce des épices tomba presque entièrement aux mains des Vénitiens.

La chute finale des États croisés

En avril 1291, le sultan mamelouk al-Ashraf Khalil (r. de 1290 à 1293) marcha sur Acre, dans le royaume de Jérusalem, déterminé à «étouffer la présence infidèle sur les terres de l'Islam» (Crowley, 148). La population de la ville, qui comptait environ 40 000 personnes venues de toute l'Europe, dont des marchands de Venise et de Pise, était protégée par les légendaires Templiers et les Chevaliers Hospitaliers. Khalil amena une énorme armée à l'extérieur des murs de la ville ainsi qu'un certain nombre de catapultes géantes qu'il avait fait venir du Caire. Sous des bombardements incessants, les Européens résistèrent vaillamment pendant cinq semaines, mais en vain.

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CAFFA devint très vite UN important CENTRE INTERNATIONAL DE COMMERCE RÉUNISSANT PLUSIEURS CULTURES.

Des ondes de choc retentirent en Europe après le siège d'Acre, en 1291, et des récriminations papales s'ensuivirent. Venise et Gênes achetaient depuis longtemps de la soie, des épices, du lin et du coton dans le monde islamique. Le bois des catapultes et les esclaves soldats qui avaient joué un rôle essentiel dans la destruction d'Acre pouvaient très bien provenir des commerçants italiens. Le pape Boniface VIII décréta en 1302 une interdiction de commercer avec les Mamelouks en Égypte et en Palestine. Les Vénitiens et les Génois durent donc courtcircuiter totalement les intermédiaires musulmans pour obtenir les marchandises exotiques d'Inde et d'Asie du Sud-Est que l'Europe recherchait tant. Cela signifia un retour aux routes des steppes pour leurs épices.

Gênes fut la première des cités-États italiennes à s'engager énergiquement dans la région de la mer Noire. Elle y établit sa première grande colonie à Caffa, sur la péninsule de Crimée, en 1266. Caffa fut rapidement suivie d'une série de colonies le long des côtes de la mer Noire et de la mer d'Azov, et ils établirent une station commerciale à Trébizonde. Caffa devint très vite un important centre international de commerce réunissant les cultures latino-chrétiennes, byzantines et grecques, slaves, russes, turques, tatares, arméniennes, juives et de la Méditerranée orientale.

À son apogée, Caffa abritait une population de près de 20 000 habitants, protégée par deux formidables murs concentriques. Elle servait de point de transit clé pour le commerce des épices et de la soie en provenance de l'Orient, ainsi que des céréales, du poisson, du caviar, du bois, du sel, du lin, du chanvre, du cuir et de la viande. Caffa devint également particulièrement importante en tant que plaque tournante du commerce mondial des esclaves, exportant les esclaves de ses colonies de la mer Noire vers la métropole, le reste de l'Italie, d'autres régions de la Méditerranée occidentale, Constantinople, l'Asie mineure, le Proche-Orient, l'Afrique du Nord et l'Égypte mamelouke.

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Venise s'installe en mer Noire

Venise était restée largement inactive dans la mer Noire au cours de la seconde moitié du 13e siècle, mais elle prit de plus en plus conscience de son potentiel commercial lucratif. Ce désir s'intensifia particulièrement avec les décrets papaux visant à mettre un terme au commerce avec les musulmans du Moyen-Orient qui avaient été les principaux fournisseurs d'épices et de soies des Vénitiens. Gênes se battit avec acharnement pour conserver sa position privilégiée, et de nombreuses batailles rangées se déroulèrent dans toute la Méditerranée orientale et la mer Noire. Des navires furent brûlés, des cargaisons piratées et des villages pillés. D'énormes flottes mercantiles armées s'affrontèrent, souvent sans qu'un vainqueur ne se détache clairement.

Medieval Spice Merchant
Marchand d'épices du Moyen-Âge
Lawrence OP (CC BY-NC-ND)

Ce n'est qu'en 1333 que Venise put établir sa première véritable emprise dans la région de la mer Noire, lorsqu'elle envoya un ambassadeur auprès du suzerain musulman Muhammad Uzbeg Khan (r. de 1313 à 1341) qui leur permit d'établir une colonie à Tana, à l'angle nord-est de la mer d'Azov. Les Génois étaient également présents à Tana, mais leurs grandes galères avaient des difficultés dans la mer d'Azov, peu profonde. Les galères des Vénitiens, peu profondes aussi et adaptées aux lagunes, étaient capables de négocier les eaux de la mer d'Azov beaucoup plus facilement que celles des Génois.

Tana, ainsi que l'Empire de Trébizonde, devinrent les principales portes de Venise vers l'Orient, les reliant aux routes transasiatiques mongoles transportant les précieuses marchandises orientales : épices, soie, perles, coton brut, or, fourrures et bijoux. Les marchands vénitiens s'enrichirent grâce à ce commerce, tout comme les Byzantins l'avaient fait à Tana et à Trébizonde des siècles plus tôt.

Le Portugal et l'ère des grandes découvertes

Un changement sismique dans l'orientation du commerce du poivre se produisit avec l'ère européenne des grandes découvertes, lorsque les Portugais découvrirent le passage du cap de Bonne-Espérance et quand ils commencèrent leur conquête sanglante de l'océan Indien. Au début du 16e siècle, la conquête de l'Inde par les Portugais et leur prise de contrôle de Malacca réduisirent la capacité des Vénitiens à se procurer des épices. Les importations vénitiennes d'épices passèrent d'environ 1600 tonnes par an à la fin du 15e siècle à moins de 500 tonnes une décennie et demie plus tard.

À mesure que la présence des Portugais s'accentuait dans l'océan Indien, les Mamelouks et les Vénitiens devinrent obsédés par la sauvegarde de leur lucratif réseau commercial. L'intrusion des Portugais dans l'océan Indien portait un coup direct aux intérêts commerciaux de Venise, et les Vénitiens firent tout ce qu'ils pouvaient pour encourager les Mamelouks à repousser les Portugais. Ils supplièrent les Mamelouks d'essayer d'arrêter le commerce entre les villes-états indiennes et les Portugais. Finalement, en 1505, les Mamelouks décidèrent qu'ils devaient agir et le sultan Qansuh al-Ghuri (r. de 1501 à 1516) ordonna la construction d'une flotte pour combattre les Portugais. La flotte arriva en Inde à Diu en 1507, et elle s'associa avec les Indiens locaux pour obtenir un certain succès initial, mais les Portugais finirent par écraser la coalition égypto-indienne. Les restes de la flotte égyptienne retournèrent en Egypte, et les Mamelouks ne défièrent plus jamais sérieusement les Portugais.

Portuguese Colonial Empire in the Age of Exploration
L'Empire Colonial Portugais à I' Époque des Grandes Découvertes
Simeon Netchev (CC BY-NC-ND)

Alors que les Mamelouks n'étaient pas parvenus à évincer les Portugais de l'Inde et à prendre Malacca, les Portugais, surchargés, ne furent jamais en mesure d'avoir la mainmise sur le commerce de la mer Rouge, et leur domination initiale sur le commerce du poivre fut éphémère. Il ne fallut guère de temps pour que les marchands arabes et gujarati ne se déplacent vers d'autres endroits à Sumatra et à Java pour trouver du poivre et continuer à approvisionner les Vénitiens. À la fin du 15e siècle, une grande partie du poivre destiné à l'Europe voyageait par voie terrestre à travers le Levant depuis la mer Rouge plutôt que par la route portugaise de l'Atlantique. Les Vénitiens livraient le poivre à la majeure partie de l'Europe par cette route, tandis que les Portugais déplaçaient l'essentiel de leur commerce de poivre vers l'Europe du Nord via Amsterdam. Aceh, une province musulmane, devint une puissance commerciale en matière de poivre, produisant annuellement sept millions de livres de poivre.

Prise de contrôle par les Ottomans

Le 16e siècle apporta un autre grand changement dans le paysage géopolitique de la Méditerranée orientale lorsque les Ottomans établirent une hégémonie incontestée dans la région. En 1517, ils vainquirent les Mamelouks, et l'Égypte et la Syrie devinrent des provinces de leur empire. Au milieu du 16e siècle, Soliman le Magnifique (r. de 1520 à 1566) s'empara également de Bagdad et des terres entourant la tête du golfe Persique et il étendit le pouvoir turc jusqu'à Aden, sur la mer Rouge. Il prit alors le contrôle total du commerce des épices, qui éclipsait désormais largement le commerce atlantique des Portugais.

Suleiman the Magnificent
Soliman le Magnifique
Kunsthistorisches Museum (Public Domain)

Lorsque l'Empire ottoman s'empara de l'Égypte, il arrêta la plupart des échanges d'épices des Vénitiens, mais cet embargo ne les dissuada pas longtemps. Même si les Ottomans et les Vénitiens étaient des ennemis acharnés et qu’ils se livraient des guerres territoriales, il était mutuellement bénéfique de maintenir leurs liens commerciaux ouverts. En 1528, le roi français, François Ier (r. de 1515 à 1547) ouvrit des négociations avec Soliman, et les navires français furent autorisés à se procurer des épices à Alexandrie. Les Turcs en vinrent à préférer traiter avec les Français plutôt qu'avec les Vénitiens, et les Français dépassèrent les Vénitiens en termes de volume de commerce via Alexandrie.

Le commerce levantin

PENDANT LA TRÊVE DE DOUZE ANS ENTRE LA RÉPUBLIQUE NÉERLANDAISE ET L'ESPAGNE, LES NÉERLANDAIS devinrent LEs PRINCIPAux ACTEURs DU COMMERCE AU LEVANT.

En 1536, un traité de capitulations fut également négocié entre François Ier et Soliman Ier, ce qui donna à la France la juridiction sur le commerce levantin. Toute autre nation chrétienne qui souhaitait faire du commerce au Levant «était obligée de le faire sous le drapeau français et sous la surveillance et la représentation exclusives de l'ambassadeur et des consuls français» (Horniker, 302). Le commerce français des épices et de la soie commença à connaître un essor considérable au Levant. Une fois ce commerce devenu important, il était inévitable que les Anglais trouvent cet arrangement insupportable ; ainsi, en 1583, sous Élisabeth Ire d'Angleterre (r. de 1558 à 1603), les Anglais purent obtenir leur propre traité de paix et d'amitié qui leur donna le privilège de commercer sous leur propre drapeau. Les Hollandais devinrentt également actifs au Levant, d'abord sous les couleurs françaises et anglaises, puis en recevant leurs propres capitulations en 1612. Au cours de la trêve de douze ans entre la République néerlandaise et l'Espagne (1609-1621), les Néerlandais parvinrent à l'emporter sur leurs rivaux vénitiens et anglais et ils devinrent les principaux acteurs du commerce au Levant.

Au début du 17e siècle, les Hollandais et les Anglais finirent par trouver le chemin du Cap et relancèrent le trafic occidental des épices qui s'était fortement dégradé sous le contrôle des Portugais. Ils se livrèrent une lutte acharnée pour le commerce du poivre, de la noix de muscade et du clou de girofle, dans laquelle les Hollandais finirent par prendre le dessus. Ils renforcèrent davantage leurs relations commerciales avec le Levant, et ils commencèrent même à acheminer du poivre et des épices de l'Afrique vers les ports levantins. À cette époque, la fortune des Vénitiens s'était effondrée, tandis que les Français tenaient fermement leur part du gâteau.

La fin de l'ère des épices

Au milieu du 17e siècle, l'évolution des goûts européens fit chuter la rentabilité des épices. L'intérêt pour de nouveaux stimulants, boissons et textiles prit le dessus sur le marché européen. L'offre de poivre était excédentaire au milieu du siècle, ce qui fit chuter les prix d'environ 40 % par rapport à ceux que les Portugais, puis les autres puissances européennes, avaient longtemps pu maintenir. Après un pic de sept millions de kilogrammes de poivre importés en 1670, les niveaux tombèrent à environ 3,5 millions de kilogrammes en 1688. La fin des compagnies des Indes orientales entraîna la décentralisation du commerce du poivre et des épices. Les épices n'étaient plus cultivées uniquement dans des régions géographiques restreintes sous le contrôle d'une société commerciale spécifique. Elles se dispersèrent dans le monde entier. Nombre d'entre elles sont désormais cultivées dans des pays éloignés de leurs origines d'Asie du Sud-Est, notamment en Afrique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

Ainsi, après avoir été pendant des milliers d'années des marchandises lointaines et localisées contrôlées par quelques puissants empires commerciaux, les épices devinrent des marchandises plus ou moins courantes ouvertes à de nombreux entrepreneurs internationaux. Pendant des siècles après que les Européens aient trouvé leur chemin vers l'océan Indien, les pays producteurs de poivre restèrent statiques, et cette situation resta inchangée jusqu'à l'ère moderne, lorsque le poivre fut introduit avec succès au Brésil dans les années 1930, et en Afrique, au Vietnam et dans le sud de la Chine après la deuxième guerre mondiale (1939-1945). Aujourd'hui, le Vietnam est en tête de la production mondiale, suivi du Brésil, de l'Indonésie et de l'Inde.

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Bibliographie

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Traducteur

Caroline Martin
Française, ayant vécu au Royaume Uni pendant 20 ans, Caroline Martin est totalement bilingue. Lectrice passionnée depuis son plus jeune âge, elle a développé un amour de l'histoire qui remonte a ses années sur les bancs de l’école. Elle s'intéresse maintenant beaucoup à l'histoire en général et à la géopolitique.

Auteur

James Hancock
James F. Hancock est écrivain indépendant et professeur émérite à la Michigan State University. Il s'intéresse particulièrement à l'évolution des cultures et à l'histoire du commerce. Il a notamment publié Spices, Scents and Silk (CABI) et Plantation Crops (Routledge).

Citer cette ressource

Style APA

Hancock, J. (2021, septembre 08). Les changements de pouvoir au Moyen-Orient et le commerce du poivre d'Est en Ouest [Middle Eastern Power Shifts & the Trade of Pepper from East to West]. (C. Martin, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1826/les-changements-de-pouvoir-au-moyen-orient-et-le-c/

Style Chicago

Hancock, James. "Les changements de pouvoir au Moyen-Orient et le commerce du poivre d'Est en Ouest." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. modifié le septembre 08, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1826/les-changements-de-pouvoir-au-moyen-orient-et-le-c/.

Style MLA

Hancock, James. "Les changements de pouvoir au Moyen-Orient et le commerce du poivre d'Est en Ouest." Traduit par Caroline Martin. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 08 sept. 2021. Web. 25 déc. 2024.

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