Capitales de l'Empire Romain: Constantinople & Rome

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Oxford University Press
de Greg Woolf / Oxford University Press, traduit par Jerome Couturier
publié le 06 décembre 2021
Disponible dans ces autres langues: anglais, Turc
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Constantinople avait à son début beaucoup de points communs avec les capitales temporaires des 2ème et 3ème siècles ap. J.-C. et avec les capitales tétrarchiques. C'était une ville de taille moyenne, bien située sur le réseau routier et, contrairement à la plupart d'entre elles, également bien reliée à la mer. Elle était assise sur la mer de Marmara, laquelle ouvrait sur la mer Noire au nord et sur la Méditerranée au sud. Elle était assez proche de la frontière du Danube pour pouvoir surveiller la guerre sur ce front, et se situait pas trop loin des territoires les plus souvent disputés avec la Perse.

Valens Aqueduct, Constantinople
Aqueduc de Valens à Constantinople
Oleg (CC BY-NC-ND)

Le nom grec de la ville était Βυζαντιον (Byzance), et c'est ainsi que les écrivains grecs tels que Procope continuèrent à l'appeler. Byzance avait résisté à un siège majeur lors de la guerre civile des Sévères, puis avait été reconstruite à une échelle impressionnante, sa taille ayant plus que doublé. Elle aurait fait une bonne base tétrarchique si Nicomédie n'avait pas été déjà disponible à environ 150 kilomètres de là, sur la côte asiatique de la mer de Marmara. On ignore pourquoi Constantin Ier (r. de 306 à 337 ap. J.-C.) préféra ce site à Nicomédie. Peut-être était-ce pour éviter les associations dioclétiennes, bien qu'il ait également construit à Nicomédie et qu'il y ait célébré le 20ème anniversaire de son règne, ainsi qu'à Rome. Peut-être la nouvelle ville était-elle un mémorial de sa victoire sur Licinius près de là, à Chrysopolis, en 324 ap. J.-C., un peu comme Nicopolis d’Épire qui fut créée par Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.) pour marquer sa victoire à la ville voisine d'Actium. Constantin fut peut-être attiré par le caractère défensif de la péninsule sur laquelle se trouvait Byzance, et par ses excellents ports.

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LA CONSTRUCTION COMMENÇA À LA FIN DE 324 AP. J.-C., et LA 'NOUVELLE' VILLE FUT INAUGURÉE LORS D'UNE GRANDE CÉRÉMONIE À L'HIPPODROME EN l'an 330.

La construction commença à la fin de 324 ap. J.-C., et la 'nouvelle' ville fut inaugurée lors d'une grande cérémonie à l'Hippodrome en l'an 330. Il restait encore beaucoup à faire, et les travaux se poursuivaient encore à la mort de Constantin sept ans plus tard, mais la rapidité avec laquelle la nouvelle capitale fut conçue et créée est tout de même impressionnante. Constantinople, par sa taille, éclipsait les capitales tétrarchiques antérieures. La ville fut refondée en suivant les anciens rituels romains, et un nouveau mur à travers la péninsule quadrupla la taille de la cité de Septime Sévère.

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À la pointe orientale fut construit un grand palais, relié à l'Hippodrome. Des thermes impériaux et des voies processionnelles furent aménagés. On construisit de grandes églises, dont les cathédrales Sainte-Irène (Hagia Irene) et Sainte-Sophie (Hagia Sophia). Il restait encore quelques temples dédiés aux dieux traditionnels. En outre, la ville était remplie de statues de dieux prises ailleurs, butins et œuvres d'art pour certains spécialistes, idoles païennes pour d'autres. Le Forum de Constantin et l'Hippodrome étaient particulièrement décorés. Divers clins d'œil rappelaient Rome - sept collines, un temple de la Fortune - mais pour l’essentiel, c'était un nouveau départ. Un nouveau réseau de rues fut aménagé dans les quartiers créés (ce qui n'était jamais arrivé à Rome), et la ville fut entourée de ports et de greniers. Pour peupler la mégapole, une nouvelle population fut amenée et un second Sénat fut créé. Des aqueducs et d'immenses citernes fournirent l'eau potable et alimentèrent les thermes de Zeuxippe. Le grain égyptien qui allait habituellement à Rome fut détourné pour alimenter Constantinople. L'église des Saints-Apôtres ne fut peut-être pas achevée du vivant de Constantin, mais il fut inhumé dans le mausolée adjacent. Les Tétrarques avaient créé des bases administratives avec tout le cérémonial qu'exigeait la gouvernance dans l'Antiquité tardive, mais Constantin avait délibérément établi un nouveau centre symbolique pour l'empire.

Roman Emperor at the Hippodrome
Empereur Romain à l'Hippodrome
Radomil talk (CC BY-SA)

Les plans de Constantin étaient déjà assez grandioses, mais Constantinople se développa rapidement au-delà de son projet initial. Une grande partie du règne de Constance II fut consacrée à compléter et achever le projet initial en dotant la ville d'un ensemble complet d'institutions et en en faisant probablement une capitale impériale plus évidente. On peut observer une partie de cette évolution à travers les discours de l'orateur et professeur Thémistios, qui fut nommé au Sénat byzantin en 355 ap. J.-C., puis chargé par l'empereur d'augmenter le nombre de ses membres jusqu'à ce qu'il soit égal à celui du Sénat de Rome. La ville se dota d'un préfet urbain, comme Rome l'avait fait au milieu du 4ème siècle ap. J.-C. Des panégyriques successifs prononcés par Thémistios suggéraient (ou revendiquaient) un rôle pour le Sénat byzantin dans la légitimation de l'empereur. Pendant ce temps, la ville continuait de s'étendre vers l'ouest. Un autre mur d'enceinte massif fut construit au début du règne de Théodose II, créant aussi une grande extension vers l'est, à l'intérieur de laquelle les cultures maraîchères, les résidences et les fondations religieuses pouvaient être protégées. Le centre de la ville se remplit d'églises, dont beaucoup furent reconstruites à une échelle spectaculaire par Justinien.

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CONSTANTINOPLE SE DÉVELOPPA AUX DÉPENS DE ROME. LES RESSOURCES IMPÉRIALES FURENT REDIRIGÉES VERS LA NOUVELLE CAPITALE.

Constantinople se développa aux dépens de Rome. Les ressources impériales furent redirigées vers la nouvelle capitale. Le nouveau sénat était en partie rempli de membres de vieilles familles invités à venir à l'est. Des incitations à la construction de logements attirèrent les architectes, les artisans et les capitaux à Constantinople. Dans le même temps, la réduction des céréales de l'état rendait plus difficile pour Rome le maintien son niveau de population. L’historien Zosime se montra très critique au sujet du gaspillage des ressources dans la nouvelle capitale, tandis qu'Eusèbe faisait l'éloge des fondations religieuses de Constantin là. Ceci reflète probablement une certaine controverse vers la fin du règne de Théodose II (r. de 408 à 450 ap. J.-C.). Mais au début de son règne, Constantin ne négligea certainement pas Rome. Les projets de construction impériaux mettant toujours de nombreuses années à se réaliser, les deux villes bénéficiaient encore de son patronage au moment de sa mort. En fait, tout au long du 4ème siècle ap. J.-C., et pendant un certain temps après, l'empire avait deux centres symboliques, deux Romes.

Après la défaite de Maxence en octobre 312 ap. J.-C., Constantin se comporta comme d'autres vainqueurs de guerres civiles, notamment Auguste, Vespasien et Septime Sévère. Ils avaient chacun utilisé des projets de construction à Rome pour établir une sorte de programme pour leur règne. Les structures les plus novatrices initiées par Constantin furent une série de grandes églises basilicales à travers la ville. L'église Saint-Jean-de-Latran, commencée moins d'un an après sa victoire et probablement achevée en 320 ap. J.-C., fut conçue en tant que cathédrale pour la communauté chrétienne de Rome. Au cours du reste de son règne, lui et ses proches parrainèrent un certain nombre d'autres grandes églises près des tombes des martyrs situées dans les cimetières autour de la ville. Les églises Saint-Laurent-hors-les-murs, Sainte Agnès, Saints-Marcellin-et-Pierre, l'ancien Saint-Pierre au Vatican et Saint-Paul-hors-les-Murs ceinturaient la ville, offrant des bâtiments aux pèlerins et aux communautés chrétiennes locales.

On débat sur dans quelle mesure la localisation de ces églises fut guidée par l'emplacement des tombes des martyrs, ou bien par un certain tact envers les adorateurs des dieux traditionnels dont les temples se trouvaient pour la plupart dans le centre de la ville. Il y avait de bonnes raisons pour placer les basiliques là où elles se trouvaient, certaines au moins étaient sur le terrain impérial. Dans quelle mesure ces vastes structures témoignaient de tact, alors qu'elles étaient visibles pour la plupart des gens entrant ou sortant de la ville, est moins clair. La construction de l'ancienne église Saint-Pierre et de l'église Saint-Paul commença probablement à peu près en même temps que les travaux à Constantinople. Les constructions de Constantin à Rome ne se limitèrent pas aux églises, il construisit, probablement assez tôt dans son règne, un nouvel ensemble de thermes romains pour rivaliser avec ceux de Trajan, Caracalla et Dioclétien. Il remodela la récente basilique de Maxence sur le Forum Romain et y installa une statue colossale de lui-même. Il y eut des restaurations du Forum Boarium et du Circus Maximus. Constantin fut cependant le dernier empereur à faire des dépenses importantes pour la ville.

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The Colossus of Constantine
Le colosse de Constantin
Dana Murray (CC BY-NC-SA)

La ville de Rome resta un centre symbolique majeur jusqu'au royaume Ostrogoth. La fin du 4ème siècle ap. J.-C. fut particulièrement bien documentée par les écrivains chrétiens et les membres de l'ordre sénatorial (les deux groupes se chevauchant de plus en plus, bien sûr), et la culture, la société et la politique de la ville furent très bien explorées. Le choc généralisé provoqué par le sac de Rome par les Goths en 410 ap. J.-C. montre que Rome était encore importante dans l'empire. Mais sa centralité s'altéra au fil du temps, et de toute évidence, elle ne devint plus jamais une capitale politique, ni même la capitale d'une entité italienne avant la fin du 19ème siècle.

Le Sénat continua à se réunir et à gérer la ville, sous la direction du préfet urbain, comme un important conseil municipal. Les collèges sacerdotaux sénatoriaux continuèrent à pratiquer les rituels coutumiers jusqu'à leur interdiction à la fin du 4ème - début du 5ème siècle ap. J-C. Mais les fonctions décisionnelles étaient locales, et les questions importantes devaient être soumises au préfet du prétoire et à la cour impériale. Néanmoins, l'aristocratie sénatoriale vit qu'elle pouvait, une fois de plus, prendre possession de sa ville. Au cours du 4ème siècle ap. J.-C., ses membres prirent la responsabilité du tissu urbain, érigèrent des statues à leur effigie dans les espaces publics, et à l'occasion, accueillirent les visiteurs impériaux avec style.

Sur le plan économique, l'histoire est plus complexe. Les familles qui composaient le Sénat romain possédaient collectivement une grande quantité de terres et d'autres biens, surtout à l'ouest. Au cours du 4ème siècle ap. J.-C., certaines contribuaient financièrement au fonctionnement de la ville et à l'entretien de ses monuments, et beaucoup vivaient dans de splendides demeures. Mais au fil du temps, leur richesse subit des pressions de deux directions. Aucune d'elles, de façon assez surprenante, ne provenait de la cour impériale à court d'argent. Une pression sur ces familles, difficile à quantifier précisément, était les dons qu'elles faisaient aux fondations religieuses. L'importance des dons faits par Mélanie la Jeune au début du 5ème siècle ap. J.-C. en scandalisait certains, bien que la plupart des témoignages qui subsistent en faisaient l'éloge. Il est cependant notable qu'il y eut, au cours du 5ème siècle, de moins en moins de signes de dépenses faites pour des réparations et des restaurations de bâtiments non liés à l'Église.

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Le second domaine de pression fut l'occupation d'une grande partie de l'Ouest, d'abord par les 'invités' barbares installés, puis par les nouveaux royaumes. Parallèlement à ces pressions sur la richesse des classes possédantes, on assistait à la diminution de la population de la ville, en partie sans doute en réponse à la réduction des approvisionnements en céréales subventionnées, en partie aussi comme un signe que commercialement Rome n'était plus un marché aussi important qu'auparavant. Pourtant, à côté de ces changements, on assistait à la croissance de la richesse de l'Église chrétienne, aux travaux de construction et à l'influence grandissante des évêques de Rome, de Damase à la fin du 4ème siècle ap. J.-C., à Léon le Grand au 5ème siècle.

Si le 4ème siècle ap. J.-C. avait été dominé par la dynamique des relations entre le Sénat et la cour distante, à partir du 5ème siècle ap. J.-C., les relations entre le pape et l'aristocratie commencèrent à façonner la vie et les espaces publics de la ville. Ce mélange politique était tout à fait différent à Constantinople où le cérémonial chrétien était de plus en plus lié à celui des empereurs. Ceux-ci étaient fréquemment présents physiquement dans la ville, et le Sénat byzantin avait collectivement beaucoup moins d'influence. Pendant ce temps, alors que la taille de Rome diminuait, la nouvelle capitale de Constantin s'agrandissait, ajoutant de nouveaux quartiers et de nouveaux murs d'enceinte au cours du 5ème siècle ap. J.-C.

Theodosian Walls
La Muraille de Théodose
Bigdaddy1204 (CC BY-SA)

L'empire avait d'autres centres, et l'un d'eux était la personne même de l'empereur. Les rares visites cérémonielles impériales à Rome représentaient une forte charge parce que deux centres étaient un moment mis en contact. À Constantinople, l'empereur et la ville coïncidaient plus régulièrement et le plus souvent harmonieusement, bien que la sédition Nika illustre à quel point la proximité pouvait aussi mal tourner. Quant aux autres centres urbains, les villes antiques d'Antioche, d'Alexandrie et de Carthage, ils continuaient à jouer leur rôle dans les systèmes d'échange régionaux. La prise de Carthage par les Vandales en 439 ap. J.-C. n'interrompit pas totalement cela. Malgré des tentatives répétées de reconquête de la ville, les Vandales y régnèrent jusqu'à ce que le général de Justinien, Bélisaire, la reconquière en 534 ap. J.-C. Antioche resta également un centre important jusqu'au début du 6ème siècle, lorsqu'un tremblement de terre dévastateur fut suivi quelques années plus tard d'une attaque perse qui dépeupla la ville. Justinien essaya de la faire revivre, mais avec un succès limité. Alexandrie passa également brièvement aux mains des Perses, puis aux mains des Romains au début du 7e siècle. Antioche tomba sous les invasions arabes en 637, Alexandrie en 641 et Carthage en 697.

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Il y eut aussi Jérusalem, colonie romaine de taille moyenne depuis le règne d'Hadrien (r. de 117 à 138), puis troisième foyer de construction constantinien après Rome et Constantinople. L'église du Saint-Sépulcre, qui comprend une autre grande basilique, fut construite dans les dernières années du règne de Constantin. Le site devint très tôt un centre de pèlerinage chrétien. L'évêque de Jérusalem fut reconnu comme patriarche sous le règne de Théodose II, ce qui lui conféra un statut égal à celui des évêques de Constantinople, d'Antioche, d'Alexandrie et (aux yeux de certains) de Rome. Justinien (r. de 527 à 565) y fit construire deux nouvelles grandes églises, la nouvelle Église de la Théotokos (de la Mère de Dieu) et l'Église de Sion. Jérusalem fut également prise dans les guerres avec la Perse au début du 7ème siècle, et tomba aux mains des Arabes en 638.

Ancient Walls Surrounding Church of the Holy Sepulchre
Murs Anciens Autour de l'Église du Saint-Sépulcre
James Blake Wiener (CC BY-NC-SA)

Les processus qui conduisirent à faire de Constantinople la capitale incontestée du monde romain furent tortueux et pas vraiment le résultat d'une centralisation planifiée. À certains égards, il est plus pertinent de penser à la façon dont les changements de la géographie politique et militaire et ceux de l'activité économique et culturelle eurent un impact sur les réseaux urbains de l'empire. L'Empire Romain commença comme une cité-état unique, et il se termina de la même manière, même s'il ne se rétracta pas vers le même point que celui à partir duquel il s'était développé. Pendant la majeure partie de son histoire, l'empire était une entreprise trop vaste et trop complexe pour être dirigée depuis un seul centre.

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Traducteur

Jerome Couturier
Je suis médecin, spécialisé en Génétique. J'aime l'Histoire et l'Antiquité depuis mon plus jeune âge. J'ai toujours eu un interêt pour la recherche dans divers domaines scientifiques, dont l'archéologie.

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Style APA

Press, G. W. /. O. U. (2021, décembre 06). Capitales de l'Empire Romain: Constantinople & Rome [Capitals of the Roman Empire: Constantinople & Rome ]. (J. Couturier, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1882/capitales-de-lempire-romain-constantinople--rome/

Style Chicago

Press, Greg Woolf / Oxford University. "Capitales de l'Empire Romain: Constantinople & Rome." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. modifié le décembre 06, 2021. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1882/capitales-de-lempire-romain-constantinople--rome/.

Style MLA

Press, Greg Woolf / Oxford University. "Capitales de l'Empire Romain: Constantinople & Rome." Traduit par Jerome Couturier. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 06 déc. 2021. Web. 21 déc. 2024.

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