Huldrych Zwingli (1484-1531) rompit avec l'Église en 1522 et défendit ses convictions lors de la première dispute en 1523, encourageant de nombreuses personnes à Zürich à adhérer à ses enseignements. Il y avait parmi ses disciples un groupe, bientôt connu sous le nom d'anabaptistes, qui estimait qu'il s'était compromis lors de la deuxième dispute, et ils furent alors persécutés pour leurs convictions.
Zwingli prônait le rejet de la doctrine et des pratiques catholiques et une adhésion stricte à l'autorité des Écritures. Les 67 articles de Zwingli, présentés lors de la première dispute au cours de laquelle il dénonça l'Église comme étant non biblique, inspirèrent un certain nombre de ses adhérents à pousser ses affirmations jusqu'à leur conclusion naturelle, à savoir que la Bible devait être comprise littéralement comme la parole de Dieu et que ses préceptes devaient être suivis fidèlement, sans choisir uniquement ce qui convient aux intérêts de chacun. Lorsque la Bible déclare "Tu ne tueras point", affirment-ils, cela signifie qu'un chrétien ne doit pas ôter la vie à autrui, quelles que soient les circonstances et, en outre, puisque la Bible ne mentionne pas le baptême des enfants, cette pratique doit être rejetée en faveur du baptême des adultes. Zwingli rejetait ces deux points.
Lors de la deuxième dispute de 1523, Zwingli fit un compromis sur un certain nombre de points, dont le baptême des enfants, s'aliénant ainsi certains de ses plus fervents partisans, dont Conrad Grebel (c. 1498-1526) et Felix Manz (c. 1498-1527), qui formèrent leur propre communauté chrétienne, les Frères suisses, réputés pour leur pratique du baptême des adultes. Leurs adversaires, dont Zwingli, les appelaient les anabaptistes (rebaptiseurs) et les considéraient comme de dangereux radicaux car ils refusaient le service militaire, dénonçaient la dîme et contestaient toute autorité civile ou ecclésiastique.
Lorsque le conseil municipal de Zurich les condamna par un mandat et que quatre d'entre eux furent exécutés comme hérétiques en 1527, dont Manz, Zwingli n'émit aucune objection. Il s'était déjà élevé contre eux en tant qu'extrémistes qui menaçaient le succès de son mouvement, et il semble avoir été soulagé lorsque la communauté anabaptiste quitta Zürich après ces exécutions. Leur exode n'était cependant que le début du mouvement de réforme anabaptiste, qui continua à se répandre dans toute l'Europe malgré les sévères persécutions des autorités religieuses et séculières. La secte anabaptiste influença ensuite le développement d'autres groupes qui pratiquent encore aujourd'hui, notamment les Amish et les Mennonites.
Débats et divisions
Zwingli commença son mouvement de réforme en 1519, dès qu'il fut nommé prêtre du peuple de la Grossmünster (Grande Église) de Zurich, en rejetant la liturgie latine de l'Église et en lisant l'Évangile de Matthieu en langue vernaculaire, tout en l'interprétant et en le commentant. Cela encouragea les membres de sa congrégation à former leurs propres groupes d'étude biblique, qui se réunissaient chez eux et appliquaient les enseignements de Zwingli pour interpréter les Écritures.
En 1522, Zwingli rompit avec l'Église à la suite d'un événement connu sous le nom d'Affaire de la saucisse, lorsque certains membres de sa congrégation (en présence de Zwingli) rompirent le jeûne du Carême et l'interdiction de manger de la viande en servant de la saucisse au dîner. Zwingli défendit cette action, dénonçant le jeûne du carême - et le carême lui-même - comme non biblique. Il définit sa position dans deux sermons, "Sur le choix et la liberté des aliments" et "Sur le rejet du carême et la protection de la liberté chrétienne contre les obligations imposées par l'homme", puis il précisa son point de vue dans les 67 articles qu'il présenta lors de la première dispute avec les délégués catholiques, en janvier 1523.
La position de Zwingli lors de la première dispute incita ses partisans les plus zélés à adhérer pleinement à son appel à la suprématie de l'autorité biblique sur toute autre autorité, ecclésiastique ou civile, et l'étude biblique menée par Conrad Grebel et Felix Manz commença à plaider en faveur d'une révision radicale de la pratique chrétienne, en totale conformité avec les Écritures. L'érudit Randolph C. Head commente:
Les sermons de Zwingli déclenchèrent de puissantes réactions de la part de ses auditeurs, qui comprenaient la population de Zurich, riche et pauvre, ainsi que des membres du clergé et des laïcs des régions environnantes... le large soutien (bien que loin d'être unanime) dont jouissait le mouvement de Zwingli en 1525 suggère que de nombreux auditeurs trouvaient ses sermons convaincants. L'impact de Zwingli fut amplifié par un certain nombre de cercles d'étude de la Bible qui se formèrent à Zurich et dont les participants devinrent souvent des prosélytes pour des projets de réforme de plus en plus audacieux. (Rublack, 170-171)
Bien que Zwingli ait inspiré ce mouvement, il rejetait leurs propositions jugées trop extrêmes. Lors de la deuxième dispute de 1523, Zwingli rejeta complètement les vues de Grebel et de Manz et fit des compromis sur diverses questions avec le conseil de la ville de Zürich. Head note que "parmi les questions les plus pressantes figuraient le célibat des clercs, l'utilisation d'images dans les cérémonies et les obligations économiques des laïcs envers l'Église, en particulier la dîme" (Rublack, 171). Zwingli était d'accord avec Grebel et les autres sur les deux premiers points, mais pas sur la dîme, et il rejetait également leur affirmation selon laquelle le baptême des enfants n'était pas biblique et il les condamna en tant que dangereux rebelles.
Grebel, Manz et d'autres membres de leur cercle, dont George Blaurock (c. 1491-1529), se sentirent trahis par Zwingli et formèrent les Frères suisses, un mouvement de contre-réforme, bien plus extrême. Zwingli les rencontra en 1524 pour les réconcilier, mais aucun compromis ne put être trouvé. Zwingli réagit en publiant son sermon " Quiconque provoque des troubles", dans lequel il dénonça le nouveau mouvement comme source de division - la même accusation que les catholiques avaient portée contre Zwingli lors de la première dispute -, ce qui conduisit à une nouvelle dispute au début du mois de janvier 1525 pour résoudre le problème. Zwingli remporta ce débat comme il avait remporté les autres, en particulier sur la question du baptême des enfants. Le conseil municipal émit alors un mandat stipulant que toute personne refusant de faire baptiser son enfant devait quitter la ville.
Les anabaptistes et les mandats
Zwingli avait rejeté les sacrements de l'Église, à l'exception du baptême et de l'eucharistie, qu'il considérait comme valables en ce qu'ils représentaient l'engagement d'une personne dans la communauté chrétienne. Zwingli dénonçait l'affirmation de l'Église selon laquelle le baptême effaçait les péchés, notant que la Bible indiquait clairement que le sacrifice de Jésus-Christ sur la croix s'en était chargé. En faisant baptiser son enfant, on faisait une profession de foi et on donnait un exemple que ses enfants suivraient. Le baptême des adultes était un rejet du sacrifice du Christ et un affront à Dieu, affirmait-il, dans la mesure où l'on s'arrogeait un pouvoir sur la rémission des péchés et, en outre, que l'acte du baptême des adultes était inutile puisque l'on avait déjà été baptisé dans la foi en tant qu'enfant.
Le nouveau groupe affirmait que Zwingli trahissait ses propres revendications d'autorité biblique absolue, car il y avait de nombreuses preuves du baptême d'adultes dans les Écritures, depuis le ministère de Jean-Baptiste jusqu'au baptême de Jésus-Christ par Jean et au baptême d'adultes par les apôtres dans le livre des Actes des Apôtres. Cette affirmation fut contrée par l'argument selon lequel ces exemples ne justifiaient pas le baptême d'adultes à l'heure actuelle, car le ministère de Jean et le baptême du Christ avaient eu lieu avant la crucifixion, tandis que les activités baptismales des apôtres étaient un acte d'accueil au sein de la communauté chrétienne. Comme Grebel, Manz et les autres étaient déjà chrétiens, il n'était pas nécessaire pour eux - ou pour d'autres - d'être rebaptisés. Le groupe fut qualifié par dérision d'anabaptistes et leur revendication du soutien biblique du baptême des adultes fut rejetée.
Grebel et les autres refusèrent de reconnaître la légitimité du mandat et, le 21 janvier 1525, procédèrent à des baptêmes d'adultes chez Felix Manz et encouragèrent les autres à refuser de faire baptiser leurs enfants. Le conseil municipal émit alors un autre mandat décrétant que toute personne ne se conformant pas au premier serait arrêtée et condamnée à une lourde amende. Les anabaptistes réagirent en réaffirmant leurs revendications et un certain nombre d'entre eux, dont Blaurock et Manz, furent arrêtés. Pendant ce temps, Grebel communiquait avec d'autres mouvements réformateurs ailleurs dans le monde, essayant de gagner du soutien à leur cause. Il présenta leur lutte en termes bibliques, affirmant que le martyre était préférable au compromis, le Christ lui-même ayant prédit que ses disciples devraient souffrir pour leur foi:
Si donc vous devez souffrir pour elle, vous savez bien qu'il ne peut en être autrement. Le Christ doit souffrir encore plus dans ses membres. Mais il les fortifiera et les maintiendra fermes jusqu'à la fin. (Grégoire, 202)
Zwingli continua à prêcher contre eux et contre les troubles civils qu'ils encourageaient, car il pensait que sa vision du christianisme était vraie, complète et globale, alors que les vues des anabaptistes n'étaient pas bibliques, qu'elles excluaient et qu'elles divisaient. Il convient de noter que ces accusations étaient similaires ou identiques à celles portées par l'Église contre le mouvement réformateur de Zwingli. En novembre 1525, le conseil municipal tenta de réconcilier les deux parties en organisant un nouveau débat au Grossmünster, mais comme aucune des deux parties ne voulait écouter l'autre ou faire le moindre geste en faveur d'un compromis, rien de plus ne fut accompli que lors de l'événement de janvier.
Manz et Sattler
Alors que les tensions augmentaient à Zurich entre les disciples de Zwingli, les catholiques et les anabaptistes, le conseil municipal se vit contraint d'émettre un nouveau mandat, le 7 mars 1526, décrétant cette fois que le baptême d'adultes était un crime capital:
Dorénavant, dans notre ville, notre territoire et notre voisinage, aucun homme, aucune femme ou jeune fille ne rebaptisera quelqu'un d'autre; quiconque le fera sera arrêté par l'autorité et, après un jugement en bonne et due forme, sera mis à mort par noyade sans appel. (Kottelin-Longley, 184)
Le conseil municipal justifia son mandat par le fait que le baptême des adultes était la manifestation d'une croyance qui encourageait les gens à défier l'autorité civile et à abandonner leurs responsabilités civiques, à savoir payer des impôts et servir dans les forces armées. Leur pacifisme, disait-on, profitait aux ennemis de la chrétienté - notamment les Turcs - et leur refus de prendre les armes équivalait à une trahison. Dans sa jeunesse, Zwingli avait également plaidé en faveur du pacifisme après avoir été le témoin direct de la guerre en tant qu'aumônier d'une troupe de mercenaires, mais il était désormais tacitement d'accord avec le conseil municipal.
Grebel avait quitté Zurich en 1525 pour prêcher la nouvelle vision en personne ailleurs et gagner des soutiens, tandis que Manz restait et, au mépris du mandat de mars, continuait à baptiser des adultes. Il fut arrêté et exécuté en janvier 1527. L'universitaire Margot Kottelin-Longley commente:
Felix Manz devint le premier martyr anabaptiste à Zurich en janvier 1527. Manz fut noyé de la manière suivante: il fut d'abord ligoté et emmené en bateau au milieu de la rivière Limmat, qui traverse Zurich. Un prédicateur qui se trouvait à ses côtés lui adressa de bonnes paroles, l'encourageant à se rétracter. Mais Manz aperçut alors sa mère, Anna Manz, avec d'autres anabaptistes sur la rive opposée, l'exhortant à rester ferme dans sa foi. Comme il n'abjurait pas, il fut jeté par-dessus bord. Il chanta d'une voix forte "Entre tes mains je remets mon esprit" alors que les eaux se refermaient sur sa tête. Zwingli pensait que la noyade était une façon très appropriée d'exécuter un anabaptiste. Manz eut beaucoup de chance, car la plupart des anabaptistes furent d'abord sévèrement torturés avant d'être brûlés sur le bûcher. (184)
Trois autres anabaptistes furent noyés à Zürich après Manz, ce qui encouragea le groupe à trouver un foyer ailleurs. Tout comme les enseignements de Zwingli s'étaient répandus en Suisse, ceux des anabaptistes s'étaient également répandus, épousant de nombreux préceptes de Zwingli tout en les poussant plus loin. Catholiques et protestants, qui ne pouvaient s'entendre sur rien d'autre, étaient unis dans leur haine des anabaptistes, qu'ils considéraient comme des traîtres diviseurs et des ennemis de Dieu. À Rottenburg, le dirigeant anabaptiste Michael Sattler fut arrêté pour avoir prêché contre la guerre contre les Turcs, citant des passages bibliques prônant le pacifisme comme idéal chrétien. Selon Kottelin-Longley, sa sentence fut la suivante:
Michael Sattler doit être remis entre les mains du bourreau, qui le conduira sur la place et lui coupera la langue, puis l'enchaînera à un chariot, où il se déchirera le corps deux fois avec des pinces chauffées au rouge, et encore cinq fois lorsqu'il sera amené devant la porte. Cela fait, il sera réduit en poudre comme hérétique. (190)
Comparées aux exécutions d'anabaptistes ailleurs, comme le note Kottelin-Longley, les noyades de Zürich étaient bénignes mais, même ainsi, elles constituaient des spectacles suffisamment dramatiques pour faire taire le mouvement et permettre à celui de Zwingli de continuer à se développer sans devoir faire face aux défis que Grebel et les autres avaient défendus. Grebel était déjà mort, probablement de la peste, lorsque Manz fut exécuté, mais ses lettres continuèrent à inspirer d'autres personnes à adopter la vision anabaptiste.
Persécutions et guerres de Kappel
L'approbation par Zwingli de la persécution et de l'exécution des anabaptistes, que ce soit ouvertement par ses sermons ou tacitement par son silence, représentait un changement important par rapport à ses jeunes années où, influencé par le théologien humaniste, prêtre et philosophe Didier Érasme (1466-1536), il avait condamné la violence comme anti-chrétienne et prôné le même pacifisme que celui prêché par les anabaptistes et soutenu par la Bible. Une fois le mandat de mars 1526 mis en œuvre, cependant, Zwingli semble avoir totalement approuvé les exécutions, et ses disciples firent apparemment de même. L'érudit Diarmaid MacCulloch commente:
La législation de 1526 conduisit à la noyade solennelle de quatre [anabaptistes] dans la Limmat, et l'enthousiasme radical dans le canton de Zurich se calma aussi vite qu'il avait commencé. Même si seulement quatre martyrs trouvèrent la mort à Zurich, cette communauté érasmienne, zwinglienne et réformée s'était ainsi engagée dans une politique de coercition et de punition des réformateurs dont le crime était d'être trop radicaux. (150)
Zwingli poursuivrait dans cette voie en prônant la guerre contre les provinces catholiques de Suisse comme moyen de conversion et en déclenchant les guerres de Kappel. La première guerre de Kappel de 1529 n'eut jamais lieu car elle fut interrompue par un armistice avant le début des hostilités. Zwingli continua de prôner la conversion forcée, mais il fut contraint de se contenter d'un blocus des régions catholiques, car il n'obtint aucun soutien pour la guerre de la part du conseil municipal ou d'autres cantons protestants. En 1531, les cantons catholiques lancèrent une attaque préventive sur Zurich avant que d'autres méthodes de conversion ne puissent être mises en œuvre dans le cadre de la deuxième guerre de Kappel. Zürich fut vaincue et 500 de ses citoyens, dont Zwingli, furent tués au combat.
Conclusion
Le mouvement de Zwingli perdit de son élan après sa mort, car beaucoup l'accusaient directement d'être responsable des guerres, et ne fut sauvé et stabilisé que grâce aux efforts du théologien Heinrich Bullinger (1504-1575), qui modifia et adoucit les opinions les plus extrêmes de Zwingli et dépolitisa l'Église réformée naissante. Lorsque Zwingli avait défié l'Église pour la première fois en 1522, l'évêque catholique de la région avait souhaité qu'il soit discrètement démis de ses fonctions et renvoyé de Zurich. L'Église avait appris de ses tentatives musclées pour faire taire le réformateur allemand Martin Luther (1483-1546) que la persécution des dissidents pouvait populariser la dissidence, et l'évêque de Constance ne voulait pas que cela se produise avec Zwingli.
Zwingli devait être au courant puisqu'il était membre du conseil de la ville qui avait le pouvoir de le destituer, et pourtant il ignora complètement cette leçon dans la façon dont il traita les anabaptistes. Bien qu'il ait réussi à les chasser de Zurich, ils continuèrent à gagner des adhérents ailleurs, et leur engagement en faveur du martyre au nom de leur vision attira plus d'adeptes dans plus de régions que ne l'avaient fait les efforts initiaux de Zwingli. Les anabaptistes devinrent l'une des nombreuses sectes chrétiennes nées de la Réforme protestante et sont les ancêtres des Amish, des Brethren (Frères) et des Mennonites modernes, entre autres, qui continuent à pratiquer bon nombre des principes anabaptistes originaux, notamment le baptême des adultes et la non-violence, les points centraux que Zwingli et ses disciples dénonçaient et avaient tenté de supprimer.