Légions de Judée

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Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 16 février 2022
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe
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La Judée dépendait initialement de son voisin, la Syrie, pour son soutien militaire, jusqu'à ce qu'elle ne reçoive sa propre légion romaine en 70 de notre ère, après la grande révolte juive de 66 de notre ère. La Legio X Fretensis était stationnée sur les vestiges de la ville de Jérusalem qui avait été incendiée et servait de légion résidente. Une deuxième légion, Legio VI Ferrata, fut ajoutée en 117 de notre ère et stationnée à Caparcotna.

Legio X Fretensis Inscription on a Sword Belt
Legio X Fretensis sur une boucle de ceinturon
Carole Raddato (CC BY-NC-SA)

Formation et première révolte juive

La Judée passa sous contrôle romain en 63 avant notre ère, mais elle était gouvernée par des rois clients qui dépendaient du soutien romain. En l'an 6 de notre ère, sous le règne de l'empereur romain Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.), elle devint la province de Judée et était dirigée par un gouverneur romain et sa capitale était Césarée, située sur la côte méditerranéenne. Les légions de Judée ne protégeaient pas l'Orient des menaces extérieures comme les légions de Syrie. Leur principal défi était plutôt d'ordre intérieur, à savoir les idéaux nationalistes et religieux de leur peuple.

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Arrivé avec deux cohortes de la IIIe Gallica, Florus fut chargé de maîtriser les récentes émeutes et d'augmenter les revenus de la Judée.

Normalement, les Romains étaient tolérants à l'égard des pratiques religieuses d'une province, mais ce n'était pas le cas du peuple de Judée. La présence continue des Romains et les idéaux stricts du peuple juif étaient incompatibles, ce qui entraîna la première révolte juive en 66 de notre ère. À l'origine de la révolte, la brutalité et la cupidité du procurateur romain, ou gouverneur de la province, Gessius Florus, en 64 de notre ère. Arrivé avec deux cohortes de la IIIe Gallica, il avait été chargé de maîtriser les émeutes récentes et d'augmenter les revenus de la province. Les protestations répétées contre les actions de Florus restèrent sans réponse de la part de Rome. Cestius Gallus, gouverneur de Syrie, réagit enfin aux émeutes et aux plaintes, mais la rébellion avait déjà échappé à tout contrôle, coûtant à la IIIe Gallica plus de 1 500 légionnaires. Gallus passa à l'offensive avec les légions XII Fulminata, IV Scythica, VI Ferrata et X Fretensis. Après avoir détruit la ville de Jotapata, l'armée romaine s'approcha de Jérusalem mais, après un siège de cinq jours, ne parvint pas à s'emparer de la ville, perdant au passage plus de 5 600 hommes. Les Romains perdirent le contrôle de la Judée. La mort de Gallus peu après et l'échec de la prise de Jérusalem obligèrent l'empereur romain Néron (r. de 54 à 68 de notre ère) à nommer le futur empereur Titus Flavius Vespasianus (Vespasien, r. de 69 à 79 de notre ère) et son fils Titus (r. de 79 à 81 de notre ère) pour prendre le commandement.

Vespasien arriva en Judée avec les légions V Macedonica, XV Apollinaris, X Fretensis et le reste de la III Gallica - la légion épuisée serait finalement transférée en Moésie. Les villes de Gabara, Jotapata (après un siège de 47 jours), Tibériade, Gamala, Tarichée et Jéricho tombèrent. Cependant, le climat politique à Rome obligea Vespasien à reporter son offensive. En 69-71 de notre ère, Titus se vit confier la tâche ardue de s'emparer de la ville de Jérusalem, lourdement fortifiée. Titus commandait la Legio V Macedonica, la Legio XII Fulminata et la Legio XV Apollinaris - la Legio X Fretensis arriva le lendemain. Les tactiques romaines de guerre de siège furent utilisées, des tours de siège et des béliers furent mis en place. Il fallut quatre mois pour que la ville tombe enfin - le nombre de morts s'éleva à un million et 70 000 personnes furent faites prisonnières. La ville fut réduite en cendres, mais pas avant la fin des pillages. Selon le récit de l'historien Stephen Dando-Collins dans son ouvrage Legions of Rome, le sang coula comme de l'eau et "c'était un portrait de l'enfer" (354).

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The Siege and Destruction of Jerusalem
Siège et Destruction de Jérusalem
David Roberts (1796-1864) (Public Domain)

Après la chute de Jérusalem, les Romains, sous le commandement de Lucilius Bassus, assiégèrent Machaerus (Machéronte) en 71 de notre ère, la laissant à l'état de ruines fumantes. En 73 de notre ère, les légions commandées par Lucius Flavius Silva s'emparèrent de Massada. Craignant les conséquences d'un siège romain, les dirigeants de la ville tuèrent leurs familles, puis se suicidèrent. Lorsque les X Fretensis finirent par entrer, ils ne trouvèrent que le silence. Des cohortes de la légion resteraient à Massada pendant les 40 années suivantes.

Deuxième révolte juive

Certains historiens affirment que la révolte de Bar-Kochba fut le résultat de l'attitude de l'empereur Hadrien (r. de 117 à 138 de notre ère) à l'égard de la Judée. Le tempérament du peuple juif n'avait pas changé après l'échec de la première révolte. Bien qu'une petite colonie se soit développée autour de la forteresse du X Fretensis, Jérusalem, symbole de leur héritage et de leur foi, restait une ruine. Après avoir visité la vieille ville, l'empereur ordonna la construction d'une nouvelle ville, Ælia Capitolina, sur son site. Elle reçut immédiatement le statut de colonia (le statut le plus élevé d'une ville romaine). Pour ajouter à l'insulte, un temple dédié au dieu romain Jupiter fut également érigé; l'ancien Mont du Temple avait été enlevé. Les légionnaires en retraite furent invités à s'installer dans la nouvelle ville. Les anciennes coutumes, comme la circoncision, furent interdites. Les résidents juifs étaient furieux des mesures prises par l'empereur: un temple païen et des colons étrangers, inaccéptables. Une seconde révolte, menée par Simon Bar Kochba, semblait être la seule solution.

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Bar Kochba Coin
Pièce de l'Époque de Bar Kokhba
Nick Thompson (CC BY-NC-SA)

Tous les signes d'une révolte potentielle furent ignorés par Rome. En 132 de notre ère, la révolte devint réelle lorsque la X Fretensis à l'ancienne Jérusalem et la VI Ferrata à Caparcotna furent prises au dépourvu. Hadrien demanda à Sextus Severus, gouverneur de Grande-Bretagne, de prendre le commandement avec les légions V Macedonica, III Cyrenaica, II Traiana, III Gallica et XI Claudia qui le rejoignirent. Bar Kochba établit son quartier général à Béthar. Après deux ans de combats, Béthar restait la dernière ville à être prise. La Legio V Macedonica et la Legio XI Claudia assiégèrent la ville. Selon Dando-Collins, "avec la chute de Béthar et le massacre de tous ceux qui se trouvaient dans ses murs, la deuxième révolte juive était arrivée à sa conclusion sanglante" (437).

Hadrien ordonna que tous les Juifs soient interdits d'entrer ou de s'approcher de l'ancien site de Jérusalem. Bien que certains Juifs soient restés, d'autres furent tués, exilés ou réduits en esclavage. L'historien Barry Strauss, dans son ouvrage Ten Caesars, écrit qu'à l'époque de Constantin Ier (r. de 306 à 337 de notre ère), Jérusalem fut reconstruite, mais pas en tant que ville juive, plutôt en tant que ville chrétienne. La Syrie-Palestine fut rebaptisée Terre sainte chrétienne, centre de pèlerinage chrétien.

Legio X Fretensis

La légion X Fretensis (emblème: taureau, navire de guerre et dauphin; signe de naissance: Taureau) fut peut-être fondée par Jules César (100-44 av. J.-C.) vers 61 avant notre ère et servit à ses côtés tout au long de la guerre des Gaules et des guerres civiles qui suivirent. Selon ses propres écrits, la 10e légion était sa légion préférée. Toutefois, étant donné qu'à l'époque les légions étaient désignées par un numéro et non par un nom, certains pensent que la dixième légion de ses récits galliques n'était pas la X Fretensis. D'autres affirment que la légion aurait été formée pendant la montée au pouvoir d'Octave. L'emblème de la légion, le dauphin, implique que certains de ses membres auraient pu servir comme armée de mer lors de la bataille d'Actium en 31 avant notre ère.

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La Legio X Fretensis resta à Jérusalem jusqu'au IIIe siècle de notre ère.

En revanche, ceux qui attribuent à César la paternité de la légion citent ses récits de la guerre des Gaules. Lors d'une rencontre avec le roi des Suèves, Arioviste, César emmena "...la dixième, sachant bien qu'il pouvait compter sur elle; en cas d'urgence, il aurait autour de lui un garde du corps absolument dévoué"(Conquête de la Gaule, 31). Les historiens s'accordent à dire qu'après la mort de César, une dixième légion combattit aux côtés d'Octave. Elle fut ensuite transférée à l'Est et stationnée à Zeugma pour garder le passage de l'Euphrate. Plus tard, lorsque Germanicus (15 av. J.-C. à 19 ap. J.-C.) arriva en tant que commandant de l'armée d'Orient en 17 ap. J.-C., la légion fut stationnée dans ses quartiers d'hiver à Cyrrhus.

La 10e légion fut l'une des légions des guerres parthes menées par Cnaeus Corbulo en 58 de notre ère lorsqu'il marcha sur l'Arménie depuis la Cappadoce. Les légions conquirent rapidement la ville de Volandum, où tous les hommes adultes furent exécutés. Après avoir pris Artaxata (Artashat), il ordonna à tous les citoyens de partir et fit brûler la ville. Après la reddition de Tigranocerte, Corbulo se retira en Syrie, mais la paix arménienne fut de courte durée. En 62 de notre ère, les Parthes réaffirmèrent leurs prétentions sur l'Arménie. En réponse à l'appel de Corbulo, Rome a dépêcha le trop confiant Caesennius Paetus pour venir à son aide. Tacite raconte que les 4e, 12e et 5e légions étaient avec Paetus lors de sa désastreuse incursion en Arménie, tandis que "les 3e, 6e et 10e légions et les vieux soldats de Syrie étaient restés avec Corbulo"(Annales, 15.60.).

Si la participation de la légion à la deuxième guerre juive n'est pas claire, la X Fretensis s'est retrouvée mêlée à la première guerre juive. Après avoir fourni des cohortes pour le siège raté de Jérusalem par Gallus, la légion entière rejoignit Vespasien et servit avec lui, prenant notamment les villes de Gabara et Jotapata. Plus tard, la X Fretensis fut aux côtés de Titus lors du siège de Jérusalem. La légion combattit avec Silva lors du siège de Massada en 73 de notre ère. Bien plus tard, la 10e légion a participé à la campagne de Trajan (r. 98-117 CE) et a peut-être été aux côtés de Lucius Verus (r. 161-169 CE) et de Septime Sévère (193-211 CE) contre les Parthes. Cependant, la légion a soutenu le prétendant Pescennius Niger contre Sévère en 193 de notre ère. Il existe des preuves qu'elle a servi sous Marc Aurèle (r. 161-180 CE) lors de sa campagne marcomane. La légion est restée à Jérusalem jusqu'au IIIe siècle de notre ère.

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Stamp of Legio X Fretensis
Cachet de la Legio X Fretensis
Carole Raddato (CC BY-NC-SA)

Legio VI Ferrata

La légion VI Ferrata (emblème: taureau; signe de naissance: Gémeaux) servit probablement sous Jules César en Gaule et dans les guerres civiles ultérieures contre Pompée (106-48 av. J.-C.). L'historien Suétone (de 69 à 130/140 de notre ère), dans ses Douze Césars écrit à propos de la 6e légion lors de la bataille de Dyrrhachium en 48 avant notre ère: "Une seule cohorte de la sixième légion a tenu un fort contre quatre légions pompéiennes pendant des heures, bien que presque chaque homme ait été blessé à plusieurs reprises par des flèches. .... "(Douze Césars, Divus Julius, 68). Selon certaines sources, le 6e l'aurait suivi dans les batailles de Pharsale et de Zéla.

Cependant, selon Dando-Collins, le 6e aurait eu des débuts plus déroutants. Elle aurait d'abord fait partie de l'armée de Pompée en Espagne et aurait été prêtée à César pour sa campagne en Gaule. La légion fut rendue à Pompée en 50 de notre ère, et après les guerres qui éclatèrent entre Pompée et César en 49 de notre ère, la 6e se serait rendue à César en Espagne. Certaines cohortes s'échappèrent et combattirent avec Pompée en Grèce. Après la défaite de Pompée à la bataille de Pharsale, les cohortes de la 4e et de la 6e s'enfuirent en Afrique du Nord. Moins de 1 000 légionnaires de la 6e cohorte restèrent. Ces hommes rejoignirent César et combattirent avec lui à Zéla et contre les fils de Pompée en Espagne. Les cohortes de la 6e à la bataille de Thapsus en Afrique du Nord en 46 av. J.-C. devinrent la VIe Victoire, combattant avec Octavien dans ses guerres cantabriques. Après la mort de César, la VI Ferrata combattit pour Marc Antoine (83-30 av. J.-C.) à Actium mais rejoignit ensuite l'armée permanente d'Octave. Plus tard, la légion fut envoyée en Syrie pour être stationnée à Rafanée.

La 6e légion était avec Corbulo pendant que Paetus marchait infructueusement en Arménie. Pendant la première guerre juive, la légion fournit quatre cohortes pour le siège raté de Jérusalem par Corbulo. Après la déclaration d'empereur de Vespasien, le gouverneur syrien Licinius Mucianus conduisit une force, dont la VI Ferrata, vers l'Italie, mais elle fut retardée en Moésie pour combattre des raiders sarmates venus de l'autre côté du Danube. La légion atteignit finalement Rome et aida à contrôler la ville jusqu'à l'arrivée de Vespasien. La légion participa également à la campagne parthe de Trajan, de 111 à 116 de notre ère, et fut finalement transférée en Judée et stationnée à Caparcotna. Il a été prouvé que la 6e légion soutint Lucius Verus et Marc Aurèle dans leurs campagnes respectives. En 193 de notre ère, la légion était fidèle à Septime Sévère. Bien que la légion ait passé un certain temps en Arabie, elle termina son existence à Caparcotna.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant en Histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2022, février 16). Légions de Judée [Legions of Judea]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1943/legions-de-judee/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Légions de Judée." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 16, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1943/legions-de-judee/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Légions de Judée." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 16 févr. 2022. Web. 22 févr. 2025.

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