La Pétition des droits était une liste de demandes adressées au roi Charles Ier d'Angleterre (r. de 1625 à 1649) par le Parlement en juin 1628. Cette pétition fut déposée après trois années de désaccords entre le roi et le Parlement sur les finances, les questions religieuses et le soutien apporté par Charles à certaines personnalités politiques importantes mais impopulaires, notamment le duc de Buckingham (1592-1628).
La Pétition des droits visait à définir et à limiter les pouvoirs du monarque et portait notamment sur la fiscalité, l'application de la loi martiale, l'emprisonnement sans procès et le cantonnement de troupes dans des maisons civiles. Charles accepta la pétition, mais l'ignora par la suite. En outre, le roi ne convoqua aucun parlement entre 1629 et 1640, ce qui fut l'une des causes des guerres civiles anglaises (1642-1651).
Roi contre Parlement
Charles, le deuxième des rois Stuart après Jacques Ier d'Angleterre (r. de 1603 à 1625), se considérait comme un monarque de droit divin, c'est-à-dire qu'il pensait avoir été nommé par Dieu et qu'aucun mortel n'était au-dessus de lui ou ne devait remettre son règne en question. Ce point de vue allait plutôt à l'encontre de la tradition croissante en Angleterre selon laquelle le Parlement devait avoir une part importante dans le gouvernement, en particulier en ce qui concernait les finances. En conséquence, les relations de Charles avec le Parlement ne cessèrent de se dégrader au cours des années 1620.
La convention établie sous les Tudors voulait qu'un monarque convoque un parlement lorsqu'il souhaitait lever des fonds, par exemple pour financer une guerre ou un grand projet de construction. Les députés décidaient alors d'un budget et de la manière de collecter l'argent, généralement par le biais de divers impôts et taxes. Charles considérait qu'il s'agissait d'un appareil gênant qui, si les députés ne se montraient pas coopératifs, pouvait être abandonné s'il pouvait trouver des recettes par d'autres moyens. Comme le déclara si bien un jour le roi d'Angleterre: "Les parlements sont entièrement en mon pouvoir... Selon que j'en trouve les fruits bons ou mauvais, ils doivent être maintenus ou non" (McDowall, 88).
L'une des premières sources de discorde concernait les droits de douane, en particulier le Tunnage and Poundage, une taxe sur le commerce de la laine et du vin. Traditionnellement, un monarque se voyait accorder ces revenus lors de sa première législature, et ce pour toute la durée de son règne. Dans le cas de Charles, le Parlement avait décidé de n'accorder ces revenus que pour un an, après quoi ils seraient renouvelés, un stratagème astucieux pour s'assurer que le roi rappelle le Parlement. Charles prit cela comme une insulte, mais le Parlement était extrêmement méfiant à l'idée d'accorder des fonds à un monarque qui avait déjà montré, dans les dernières années du règne de son père, lorsqu'il avait été, en fait, régent pour le roi malade, qu'il était très susceptible de les dilapider dans des guerres à l'étranger.
Au cours de la décennie suivante, le roi trouva un bon nombre de moyens alternatifs pour se procurer de l'argent, mais même s'ils étaient efficaces, ils n'étaient pas particulièrement populaires auprès de ses sujets. Il imposa des taxes extraparlementaires, vendit des monopoles, emprunta auprès des banquiers et préleva de nouveaux droits de douane chaque fois qu'il le put. Le roi élargit l'extraction et l'utilisation de l'argent des navires (à l'origine imposé aux communautés côtières uniquement pour aider à financer la marine). Il imposa également des amendes basées sur des lois forestières archaïques et augmenta les amendes imposées par les tribunaux.
Plus important encore est peut-être que, lorsque le droit d'extraire des droits de douane ne lui fut pas accordé, Charles imposa des prêts forcés aux riches. Ces "prêts" étaient essentiellement une obligation féodale de donner de l'argent au roi avec seulement une promesse provisoire d'être un jour remboursé. Cette mesure, qui n'avait jamais été très populaire, survint à un moment où le commerce était déprimé, où les récoltes avaient été mauvaises et où la peste noire avait de nouveau fait son apparition. Les juges de paix étaient chargés de collecter les prêts forcés, et ceux qui refusaient de payer se retrouvaient souvent emprisonnés ou obligés de servir dans l'armée (ou du moins menacés de l'être). Refuser de payer un prêt forcé, c'était non seulement contrarier le souverain et risquer sa liberté, mais c'était aussi s'exposer à des conséquences pour son âme. Roger Manwaring (né vers 1589), qui devint l'aumônier du roi, prêchait que ceux qui refusaient seraient damnés.
Charles était à l'origine d'autres sources de friction avec le Parlement, des problèmes que les députés voulaient résoudre avant d'aborder les questions financières. Le Parlement de 1626 voulait mettre en accusation George Villiers, duc de Buckingham, après son attaque ratée et coûteuse contre la flotte des Trésors espagnoles à Cadix en décembre 1625. Le roi se rangea du côté de son conseiller de longue date et dissolut le Parlement de 1626. La guerre avec la France obligea le roi à trouver plus d'argent par le biais d'une série d'emprunts forcés en septembre 1626. Cet argent fut dilapidé dans une nouvelle escapade militaire ratée menée par Buckingham, cette fois en octobre 1627, pour défendre la ville huguenote de La Rochelle contre une attaque française.
Une autre pomme de discorde résidait dans le soutien apporté par le roi aux Arminiens à partir de 1627. Il s'agissait d'une branche de l'Église anglicane qui mettait l'accent sur le rituel, les sacrements et le clergé. Ce n'était pas le style de prédication que l'on retrouvait dans d'autres branches plus proches du calvinisme et qui plaisaient davantage à la plupart des députés qui voyaient dans l'approbation de l'arminianisme un dangereux retour vers le catholicisme et un renversement de la Réforme anglaise. Pire encore, les Arminiens - au premier rang desquels William Laud - semblaient favorables à l'idée d'un monarque absolu parce qu'ils soutenaient l'extraction de prêts forcés auprès des riches. Le fait que la reine, Henriette Marie (1609-1669), soit française et catholique, n'arrangeait rien à la situation. L'anti-calviniste Richard Montagu (né en 1577) était un autre personnage pris en étau entre le roi et le Parlement. Détesté par de nombreux députés, Montagu était soutenu par Charles, qui le nomma évêque de Chichester en 1628. Cette affaire est un exemple de la réticence fréquente du roi à faire des compromis alors qu'il ne lui en aurait pas coûté pas grand-chose.
En 1627, un autre point de friction entre le roi et le Parlement apparut, l'affaire dite des Cinq Chevaliers. Cinq gentilshommes avaient été emprisonnés pour avoir refusé de payer les emprunts forcés du roi, mais ils affirmaient qu'ils ne devraient pas, en vertu de l'ancien droit d'habeas corpus, être détenus indéfiniment sans procès. Un tribunal trancha en faveur de Charles sous la pression du roi, qui souhaitait que cette décision devienne un précédent juridique, ce que le Parlement refusait catégoriquement. Parmi les autres griefs formulés cette année-là, le roi autorisa l'application de la loi martiale dans certaines régions où les troupes royales étaient cantonnées et où les habitants n'étaient pas correctement indemnisés pour les ressources réquisitionnées. Il y eut également une autre expédition ratée à la Rochelle en mai 1628. Les choses se précipitèrent enfin en juin.
La pétition
Nathaniel Fiennes, Lord Saye and Sele (né en 1582) était un seigneur important qui refusa de payer un prêt forcé. Fiennes prit ensuite la tête d'un groupe de seigneurs mécontents qui s'inspirère de la Grande Charte de 1215 (Magna Carta) et de la limitation du pouvoir royal qu'elle imposait. Les députés, en accord avec la Chambre des Lords, rédigèrent la Pétition des droits (Petition of Right) en juin 1628 afin de mieux définir le pouvoir royal et d'éviter que Charles ne décide à sa guise de ses prérogatives (ses droits indépendants du Parlement). Sir Edward Coke (1552-1634), député, avocat et ancien président de la Chambre des communes, contribua également à rassembler les éléments de la pétition, à la rendre plus modérée (et donc plus susceptible d'être acceptée) et à l'aider à passer l'examen minutieux des membres de la Chambre des lords. L'utilisation même des mots "pétition" et "droit" est significative. Le premier suggère que le roi est invité à collaborer à une meilleure définition de la loi, et le second indique clairement que le Parlement considère ces requêtes comme un droit légal.
Avec la Pétition des droits, le Parlement exigeait:
- l'annulation de la décision de la cour contre les Cinq Chevaliers
- la fin des tentatives du roi de lever des fonds en dehors du Parlement
- La fin des prêts forcés
- la fin de l'emprisonnement sans procès
- la fin de l'obligation pour les civils de loger gratuitement les soldats cantonnés
- la fin de l'utilisation de la loi martiale contre les civils.
L'extrait suivant de la Pétition des droits expose ces principaux griefs:
Ils prient donc humblement votre très excellente Majesté que personne ne soit désormais contraint de faire ou de céder un don, un prêt, une bienveillance, une taxe ou une charge similaire, sans le consentement commun d'un acte du Parlement, et que personne ne soit confiné, molesté ou inquiété à ce sujet, ou pour son refus, et que personne ne soit détenu ou emprisonné comme il est mentionné ci-dessus; et que Votre Majesté veuille bien renvoyer les soldats et les marins afin que votre peuple ne soit plus aussi accablé à l'avenir; et que les commissions pour les procédures de la loi martiale soient révoquées et annulées.
(Dicken, 58)
Le Parlement ne débloquerait des fonds pour le roi que s'il acceptait tous les points de la pétition. Ayant désespérément besoin d'argent pour la guerre qu'il menait contre la France, le roi fut obligé d'accepter les demandes, et les points de la pétition devinrent des lois. En réalité, l'acceptation de la pétition ne modifia en rien l'opinion de Charles sur son statut de monarque qui n'avait besoin de consulter personne pour gouverner son royaume. Le roi continua à prélever des droits de douane illégaux malgré les protestations du Parlement, son argument étant qu'ils n'avaient pas été spécifiquement interdits dans la pétition. Cette situation s'aggrava davantage encore lorsque le duc de Buckingham fut assassiné en août 1628 à l'auberge Greyhound de Portsmouth.
Héritage
Un nouveau parlement fut convoqué en janvier 1629. Les points de friction étant la poursuite de l'application des droits de douane par le roi, la jubilation de certains députés et de la majorité du public à la mort de Buckingham, et le soutien du roi aux Arminiens - il avait par exemple promu Laud au rang d'évêque de Londres en 1628. Charles suspendit rapidement le Parlement. Le Parlement refusa d'être dissous et les députés se réunirent malgré tout, retenant le président de la Chambre des communes par la force physique pour prolonger la session. Le Parlement adopta les Trois Résolutions: freiner la croissance de l'arminianisme, mettre fin à la collecte illégale des droits de timbre et de fourrière, et soutenir ceux qui refusaient de payer les droits du roi. Outré, Charles dissolut alors le Parlement de 1629. Désormais, le roi gouvernerait sans convoquer d'autres parlements entre 1629 et 1640, une période souvent appelée règne personnel (Personal Rule) du roi. Cette stratégie fonctionna plutôt bien jusqu'à ce que le roi n'ait désespérément besoin de fonds en 1639 pour financer ses campagnes contre une armée écossaise qui avait occupé le nord de l'Angleterre, et une grave rébellion en Irlande, toutes deux alimentées par des différences religieuses et la politique autoritaire du roi. C'est ainsi que commença la désintégration des relations entre le roi et le Parlement, qui finit par conduire à la guerre civile qui débuta en 1642.
Malgré les événements qui conduisirent au "règne personnel", la pétition de droit inspira les députés des années 1640, dont beaucoup étaient des protégés de Sir Edward Coke, à légiférer sur des définitions encore plus audacieuses du pouvoir royal et de ses prérogatives. En ce sens, la Pétition des droits est considérée comme une étape importante dans le long processus de passage d'une monarchie absolue à une démocratie parlementaire où la monarchie n'est qu'un élément du processus de gouvernement, aux côtés de la Chambre des communes et de la Chambre des lords.