L'armée romaine connut des changements spectaculaires dans l'Antiquité tardive. Les guerres civiles et les conflits extérieurs conduisirent à la création de nouvelles légions, tandis que les légions existantes étaient divisées ou dissoutes. Bien qu'il y ait eu une augmentation du nombre de légions, celles-ci étaient beaucoup plus petites. Les armées de campagne comptaient environ 1 000 à 2 000 hommes, tandis que les unités de cavalerie étaient au nombre de 600 environ.
Bien que les sources varient, à la fin du 4e siècle de notre ère, il y avait au moins 132 légions, plus les auxiliaires et divers numerii. La Notitia Dignitatum, datant de 395 de notre ère, reconnaît 180 légions. En revanche, à l'époque de Trajan (r. de 98 à 117 de notre ère), lorsque l'étendue de l'Empire romain atteignit son apogée, les légions n'étaient qu'une trentaine. Certaines des légions du règne de Trajan existaient encore au Ve siècle de notre ère, bien que servant souvent de gardes-frontières : II Traiana, VII Gemina et IV Gallica.
L'Antiquité tardive
Dans son livre Late Antiquity , Gillian Clark écrit que "l'Antiquité tardive a vu la chute de Rome et la survie de Rome" (1). Elle considère l'Antiquité tardive comme un conflit de valeurs et une compétition pour les ressources, dont le début est difficile à définir. Elle soutient qu'un argument valable pourrait être avancé pour un certain nombre de moments critiques où la défense de Rome fut remise en question. On peut penser au règne de l'empereur et philosophe romain Marc Aurèle (r. de 161 à 180 de notre ère) et à sa guerre contre les barbares du nord ; on peut aussi penser à la mort de Septime Sévère (r. de 193 à 211 de notre ère) et au début du mécontentement politique ; enfin, on peut penser au règne de Constantin Ier (r. de 306 à 337 de notre ère), le premier empereur chrétien. Cependant, la plupart des historiens soutiennent que le choix idéal est la transition du Principat au Dominat: le règne de Dioclétien (de 285 à 305 de notre ère).
L'historien Nigel Pollard, dans son livre The Complete Roman Legions, écrit que de 235 à 293 de notre ère, l'empire connut des bouleversements "causés par des crises interdépendantes, tant à l'intérieur de l'Empire romain qu'à ses frontières" (212), mais Dioclétien apporta une renaissance. Adrian Goldsworthy dans son livre The Complete Roman Army est d'accord avec Pollard et date l'Antiquité tardive de l'époque de Dioclétien. "C'est dans ce contexte d'affaiblissement de l'autorité centrale, de fréquents foyers de guerre civile et de graves problèmes dans de nombreuses régions frontalières que l'armée de l'Antiquité tardive a été forgée." (201)
Changements sous Dioclétien et Constantin
Après des années de désordre pendant la crise du IIIe siècle, Dioclétien put rétablir un semblant de paix et de stabilité. Il reconnaît que l'immensité de l'empire rendit sa gouvernance difficile. Pour corriger cette situation, il créa la tétrarchie : une division de l'empire en une partie orientale et une partie occidentale, chacune étant gouvernée par un auguste et un césar. Voyant le besoin de revenus supplémentaires pour financer ses changements, il réorganisa le système fiscal. La restructuration du gouvernement romain et de l'administration provinciale fut accompagnée de changements similaires dans l'armée.
Afin de réduire la possibilité de révoltes dans les provinces éloignées, l'empereur doubla le nombre de provinces de 50 à 100. Il organisa ensuite ces nouvelles provinces en douze diocèses dirigés par des vicaires qui n'avaient aucune responsabilité militaire. Ces fonctions étaient confiées à des commandants militaires. Bien que le temps ait mis à l'épreuve le rêve de Dioclétien, la stabilité fut finalement atteinte. Pollard écrit que la tétrarchie "officialisa la division politique et militaire de l'empire qui, par nécessité, avait caractérisé une grande partie de la seconde moitié du IIIe siècle" (212). Cependant, malgré les nombreux changements, une question controversée continuait de tourmenter l'empereur.
Outre les difficultés liées à l'économie de l'empire et à la sécurité des frontières, Dioclétien était préoccupé par la croissance continue du christianisme. À mesure que leur nombre augmentait, le problème ne cessait de croître. Depuis l'époque de l'empereur Néron (r. de 54 à 68 de notre ère), les empereurs considéraient le christianisme comme une menace pour les valeurs traditionnelles de la religion romaine. Les chrétiens refusaient tout simplement de rendre hommage aux dieux romains et étaient persécutés sous Dioclétien. C'est la conversion de Constantin au christianisme qui mit fin à une grande partie de l'oppression et qui apporta la tolérance.
Grâce à une victoire contre son dernier adversaire, Licinius, à la bataille de Chrysopolis, Constantin réunifia l'empire et devint l'unique empereur. Malgré le nombre de projets de construction qu'il mit en place, Constantin se rendit compte que Rome n'était pas la ville qu'il voulait pour capitale. Elle se délabrait et n'était plus un site pratique pour une capitale. Rome avait perdu de son importance. Le nouveau centre économique et culturel se trouvait en Orient, et Constantin et ses successeurs régneraient depuis une nouvelle capitale, Constantinople (nouvelle Rome).
Menaces extérieures
Assiégés par des envahisseurs barbares à l'ouest, les Romains connurent un certain nombre de défaites désastreuses. Ces défaites provoquèrent un déclin crucial de la main-d'œuvre essentielle. Le nombre de volontaires n'ayant cessé de diminuer, la conscription devint nécessaire. Pour combler cette perte, l'armée se tourna vers les barbares (principalement germaniques) qui s'étaient installés à la frontière romaine. Contrairement aux premiers jours du Principat, la citoyenneté romaine n'était plus une exigence pour rejoindre l'armée. À un certain moment, même les prisonniers de guerre étaient recrutés.
Les dirigeants romains avaient permis aux Goths de s'installer sur les terres romaines, mais à un prix. En échange de terres et de provisions, ils devaient fournir des soldats à l'armée romaine. Les Goths finirent par se lever et vainquirent les Romains à la bataille d'Andrinople le 9 août 378 de notre ère. La guerre des Goths (376-382 de notre ère) continua à faire des ravages à la frontière romaine. Finalement, en 382 de notre ère, l'empereur Théodose Ier (r. de 379 à 395 de notre ère) et les Goths conclurent une alliance par laquelle ils s'accordèrent au sujet de terres en échange de soldats qui serviraient dans l'armée romaine.
L'armée romaine était devenue de plus en plus dépendante des barbares qui pouvaient également gravir les échelons. Par exemple, la mère du grand commandant Stilicon (365-408 de notre ère) était romaine mais son père était un Vandale. Avec le temps, certaines recrues barbares servaient sous les ordres de leur propre chef de tribu. La durée du service, cependant, restait la même qu'au Principat : 20 à 24 ans.
La Notitia Dignitatum et les légions
Une grande partie de ce que l'on sait des légions de l'Antiquité tardive provient des 40 chapitres de la Notitia Dignitatum, une liste illustrée de tous les officiers militaires et civils romains. Elle était tenue par un notaire en chef : un primicerius notariorum. Elle était divisée en deux parties - l'Est (Oriens) et l'Ouest ou (Occidens) - et indiquait le nombre de préfets prétoriens, de maîtres des soldats (magistri militum), de dignitaires de la cour, de gouverneurs provinciaux et les légions sous leur commandement.
La taille exacte de l'armée romaine durant l'Antiquité tardive varie d'une source à l'autre, mais les estimations vont de 400 000 à 600 000 hommes. Avec l'augmentation du nombre de provinces sous les révisions de Dioclétien, un certain nombre de nouvelles légions sont apparues. Certaines d'entre elles provenaient d'une scission de légions existantes tandis que d'autres étaient nouvellement formées. Au début du 4e siècle de notre ère, il existait différents types de légions :
- Comitatenses ou armées de campagne
- Limitanei ou sécurité des frontières
- Palatini ou légions impériales (du nom de la colline du Palatin et du palais impérial de Rome).
Il n'y avait que deux douzaines de légions palatini d'élite, la majorité étant des limitanei ou des comitatenses. Les limitanei dirigeaient les garnisons de campagne et assuraient la sécurité des frontières dans les provinces. Mélange de légions, de cavalerie et d'alae, les limitanei, commandés par un dux, constituaient la première ligne de défense contre une menace extérieure. Ils n'étaient pas le paysan-soldat tel qu'on l'a souvent dépeint. Beaucoup de leurs noms rappellent les anciennes légions : III Cyrenaica, XV Apollinaris, et XII Fulminata. Cependant, il y avait un certain nombre de nouvelles légions portant le nom d'une province, d'un empereur ou d'un dieu : I Pontica, IV Parthica, I Illyricorum, III Diocletiani, I Maximiana, IV Martia et II Herculia. Occasionnellement, des unités des limitanei étaient attachées aux armées de campagne, recevant le nom de pseudo-comitatenses.
Bien que plus nombreux, les comitatenses (alias Comitatus), ou soldats de la suite, n'étaient pas liés à une province particulière et étaient souvent utilisés comme réserves stratégiques mobiles, se déplaçant là où cela était nécessaire, et étaient à la disposition de l'empereur. Plus lourdement équipés et mieux payés, ils étaient organisés différemment. Deux des cinq armées de l'Est restaient auprès de l'empereur et étaient commandées par un magister militum, ou maître des soldats, tandis que les trois autres armées régionales étaient stationnées ailleurs : une à l'Est, une dans les Balkans (Thrace) et une en Illyricum. Les limitanei et les comitatenses disposaient tous deux d'escadrons navals en cas de besoin.
L'infanterie et la cavalerie
L'infanterie romaine restait l'épine dorsale de l'armée, mais son aspect avait changé. Alors que les légionnaires romains portaient toujours une armure ou une cuirasse faite de mailles et d'écailles, la lorica segmentata avait disparu - on trouve des traces de légionnaires portant un long vêtement de mailles avec des manches et une capuche. Quelques-uns portaient encore le casque de type intercisa, et d'autres avaient un casque appelé spangenhelm, un casque conique fait de cinq à six segments distincts maintenus ensemble par une sangle métallique. Les légionnaires portaient encore un grand bouclier ovale ou rond. L'armement comprenait une lance ou un javelot, la longue spatha remplaçant le gladius, et ils portaient de petites fléchettes lestées. La cavalerie légère utilisait un javelot et de petites flèches. Au combat, l'infanterie utilisait une catapulte mobile montée sur un chariot.
Utilisée avec plus d'insistance que par le passé, la cavalerie, comme l'infanterie, avait subi un certain nombre de changements importants. Tirant les leçons de l'ancienne guerre perse et copiant le cataphractaire parthe, la cavalerie vit l'avènement des clibanarii (alias clibanaire), où le cheval et le cavalier portaient une armure en cotte de fer, et il y avait également de nouvelles unités d'archers à cheval. Le cheval et le cavalier revêtus d'une armure étaient plus courants en Orient. La majeure partie de la cavalerie restante était principalement utilisée pour des actions de choc. Bien que les Perses aient utilisé des éléphants et des chameaux, les Romains n'eurent jamais beaucoup de succès avec eux.