L'automne 1793 vit les Jacobins consolider leur autorité en France alors que le règne de la Terreur s'intensifiait et que les rivaux vaincus des Jacobins étaient guillotinés. Cependant, les Jacobins dominants étaient en désaccord sur la direction que devait prendre la Révolution française (1789-1799), ce qui les fit sombrer dans le factionnalisme. La lutte pour le pouvoir qui s'ensuivit se termina par la victoire de Maximilien Robespierre (1758-1794).
Dictature par comité
La déclaration de la Terreur comme "ordre du jour" le 5 septembre 1793 marqua le début du règne du Comité de salut public, un corps de douze hommes dont la mainmise sur la France a parfois été qualifiée de dictature jacobine. L'objectif apparent du règne de la Terreur du Comité était de sauver la République française des mauvais acteurs qui corrompaient son corps politique - sacrifier un membre gangrené pour sauver le reste du corps, selon les termes imagés de Jacques Billaud-Varenne, membre du Comité.
Dans l'esprit de cette amputation patriotique, le Comité promulgua la loi des suspects le 17 septembre, qui conduisit à l'arrestation de centaines de milliers de personnes dans tout le pays, toutes accusées d'activités contre-révolutionnaires. Le contrôle étroit exercé par le Comité sur l'armée française conduisit à la répression brutale des révoltes fédéralistes anti-Jacobins, ainsi qu'à une série de succès dans les guerres révolutionnaires françaises contre les puissances européennes. En outre, les Jacobins consolidèrent leur pouvoir en envoyant leurs anciens rivaux sous la lame de la guillotine ; les Girondins modérés, les Feuillants monarchistes et les aristocrates de l'ancien régime moururent les uns après les autres, leur sang remplissant les caniveaux de Paris.
Alors que la pile de cadavres s'accumulait, la Révolution elle prenait fin. Le 10 octobre, la Convention nationale décida que le gouvernement provisoire de la France resterait révolutionnaire (c'est-à-dire dictatorial) jusqu'à la paix, et la nouvelle Constitution de 1793 fut mise au placard avant même d'avoir pu être appliquée. Pour Robespierre, célèbre moralisateur, qui considérait que la vertu moralisatrice était la qualité la plus importante d'une république saine, cela était nécessaire pour purifier le corps politique et gagner la guerre étrangère. D'autres jacobins étaient mal à l'aise à l'idée d'une pause indéfinie dans une révolution apparemment sans fin et préconisaient différents modes d'action.
Les Hébertistes
À l'extrême gauche se trouvaient les Hébertistes qui revendiquaient le rôle de porte-parole des sans-culottes de la classe inférieure et qui dominaient le club radical des Cordeliers et la Commune de Paris. Les Hébertistes appellèrent à une accélération de la Terreur et à une escalade de la Révolution, ce qui prit la forme d'attaques contre la religion ; les Hébertistes supervisèrent un grand nombre des programmes de déchristianisation menés pendant la Terreur et soutenaient leur propre culte athée de la raison. Ce groupe était dirigé par de nouveaux venus dans le monde révolutionnaire, notamment Pierre Gaspard Chaumette, Charles-Philippe Ronsin et, bien sûr, Jacques René Hébert, le journaliste qui leur prêta son nom. Le journal outrancier et populaire d'Hébert, Le Père Duchesne, combla le vide laissé par l'assassinat de Marat en matière d'appels provocateurs à l'action.
Robespierre et la direction jacobine bien établie considéraient les Hébertistes comme des agitateurs ultra-révolutionnaires qui ne cherchaient qu'à leur voler leurs postes au gouvernement. Robespierre, qui partageait l'avis de Voltaire selon lequel la croyance en une puissance supérieure était essentielle au bien-être civique, était dégoûté par l'athéisme anticlérical des Hébertistes et se sentait menacé par leurs appels à des mesures plus radicales ; Robespierre pensait certainement que les Hébertistes ne feraient qu'aliéner les nations neutres de la Révolution et pousseraient davantage de provinces françaises à la rébellion. D'éminents historiens français n'ont pas été tendres avec les Hébertistes, Jules Michelet les décrivant comme des "belettes au museau pointu, idéalement douées pour renifler le sang" (Furet, 363).
Le 5 septembre 1793, Hébert et Chaumette avaient mené une insurrection sur la Convention nationale, exigeant la fixation du prix du pain et la mort des conspirateurs contre-révolutionnaires. Si cet événement marqua le début de la Terreur et conduisit à la création du Comité de salut public, Robespierre et ses alliés se méfiaient des ambitions des Hébertistes. Au cours des deux mois suivants, les politiques antichrétiennes des Hébertistes devinrent de plus en plus flagrantes, les églises de France furent vandalisées ou dédiées à la Raison, y compris Notre-Dame de Paris. Les iconographies chrétiennes furent remplacées par des images révolutionnaires, tandis que les prêtres furent humiliés et même forcés de se marier. Le calendrier républicain français fut créé pour effacer le christianisme de l'esprit du public et, à Nantes, des dizaines de prêtres et de religieuses périrent noyés dans la Loire gelée. Pour Robespierre, obsédé par la vertu, il était vital d'arrêter les Hébertistes avant qu'ils ne corrompent définitivement l'âme de la République. Il ne lui manquait plus qu'un bon prétexte pour les éliminer.
Les indulgents
Le principal défi lancé aux Hébertistes ne vint pas directement de Robespierre, mais d'un groupe de Jacobins qui cherchait à faire reculer la Terreur et à empêcher la Commune de Paris dirigée par les Hébertistes d'accumuler plus de pouvoir. Ce groupe, appelé les Indulgents, prit le titre de faction modérée de la Révolution, rendu vacant par la chute des Girondins. Centrés autour de Georges Danton (1759-1794), les Indulgents, ou dantonistes, demandaient que la paix soit faite avec les puissances européennes et que des milliers de suspects contre-révolutionnaires soient amnistiés. Certains souhaitaient même mettre fin à la Révolution ou la faire revenir en arrière.
Danton, qui avait autrefois exhorté le gouvernement à être "terrible" pour que le peuple n'ait pas à l'être, adopta peut-être cette approche plus indulgente dans une tentative pragmatique de sauver la République. Pourtant, Danton avait aussi récemment été éprouvé par la mort de sa première femme et avait perdu le contrôle de son cher club des Cordeliers au profit des Hébertistes. Peut-être était-il vraiment prêt à mettre un terme à la Révolution ; peut-être le titan révolutionnaire à la voix tonitruante était-il fatigué.
Parmi les autres Jacobins éminents qui devinrent Indulgents, certains le firent parce qu'ils regrettaient le rôle qu'ils avaient joué dans l'avènement de la Terreur. Lorsque la sentence de mort fut prononcée contre 22 chefs Girondins le 30 octobre, on entendit Camille Desmoulins (1760-1794), dont les journaux avaient contribué à retourner l'opinion publique contre eux, s'écrier : " Mon Dieu ! Mon Dieu ! C'est moi qui les tue !" (Scurr, 289). D'autres étaient motivés par l'instinct de conservation. C'est le cas de Fabre d'Eglantine, poète, ami de longue date de Danton et père du calendrier républicain français. Fabre s'était trouvé mêlé à un complot de plusieurs députés de la Convention nationale visant à s'enrichir par la liquidation de la Compagnie française des Indes orientales, en soudoyant et en extorquant les anciens directeurs. Sachant que les Jacobins moralisateurs ne pardonneraient probablement pas une telle corruption si le scandale était révélé au grand jour, Fabre cherchait à se débarrrasser des hébertistes pour ne plus les avoir sur les talons et faire avancer la cause des Indulgents du même coup.
Le complot étranger
Fabre s'adressa à Robespierre à la mi-octobre pour l'avertir d'un "complot étranger" visant à saper la Convention nationale et à renverser la République. Soi-disant dirigé par le Premier ministre britannique William Pitt le Jeune (1759-1806), le complot serait mené par des agents qui auraient infiltré la Révolution ; Fabre nomma spécifiquement le Prussien Anacharsis Cloots ainsi que l'un des collègues de Robespierre au Comité de salut public, Hérault de Séchelles. Plus important encore, Fabre accusait les Hébertistes d'être directement impliqués.
Que Robespierre ait réellement crû Fabre ou non, c'était là une occasion en or de démolir ses ennemis. Deux Hébertistes éminents, Ronsin et François-Nicolas Vincent, furent arrêtés aux côtés de plusieurs des "agents" étrangers impliqués par Fabre. Le 16 octobre, le jeune allié et protégé de Robespierre, Louis Antoine de Saint-Just (1767-1794), prononça un discours dénonçant les Hébertistes ; Robespierre en personne prit la parole contre eux le 21 novembre, condamnant l'athéisme comme "aristocratique". Le 5 décembre, le journaliste Camille Desmoulins lança un journal intitulé Le Vieux Cordelier , dans lequel il dénonçait les excès des Hébertistes et demandait la clémence pour les personnes emprisonnées en vertu de la draconienne loi des suspects. Sous cet assaut incessant, les Hébertistes se turent.
Robespierre et ses alliés profitèrent de cette victoire pour mettre en œuvre la loi du 14 Frimaire en décembre qui centralisait davantage le pouvoir entre les mains du Comité de salut public, cimentant son rôle de gouvernement de facto de la France. Cette loi serait plus tard connue en tant que "constitution de la Terreur" ; en pleine bataille entre les Indulgents et les Hébertistes, le pouvoir du Comité ne faisait que croître.
Le Vieux Cordelier
Pendant ce temps, Desmoulins continuait d'imprimer Le Vieux Cordelier qui connaîssait un immense succès et montrait que beaucoup de gens étaient déjà lassés de la Terreur. Les deux premiers numéros étaient principalement dirigés contre les Hébertistes et avaient tous deux été approuvés par Robespierre avant leur publication. Maintenant que les Hébertistes s'étaient calmés, Desmoulins ne voyait aucune raison de s'arrêter et continuait à s'élever contre la Terreur dans ses deux numéros suivants.
Le numéro 3 du Vieux Cordelier remettait en cause l'autorité du redoutable Tribunal révolutionnaire, tandis que le numéro 4 était un appel direct à Robespierre pour mettre fin à l'effusion de sang. Dans ces numéros, Desmoulins avait également pris le parti dangereux de prôner un retour aux principes révolutionnaires de 1792 - avant la Terreur et le régime jacobin. Cette idée ne fut pas bien accueillie par de nombreux dirigeants jacobins ; s'ils avaient résisté à l'accélération chaotique de la Terreur par les Hébertistes, il y avait encore beaucoup à gagner en maintenant la Terreur sous leur propre contrôle. De plus, Robespierre n'avait pas pré-approuvé le contenu de ces derniers numéros, ce qui lui donna le sentiment d'être fragilisé. Les amis de Desmoulins savaient qu'il allait trop loin ; "Camille", prévint l'un d'eux, "tu sembles très près de la guillotine" (Scurr, 299). Mais Desmoulins ne tint pas compte de ces avertissements, confiant dans son amitié avec Robespierre qui avait été son ancien camarade de classe.
En effet, Robespierre fut d'abord très patient avec Desmoulins, le considérant comme un jeune homme irréfléchi, égaré par de mauvaises fréquentations. Un soir, au Club des Jacobins, Robespierre résista publiquement aux appels à expulser Desmoulins des Jacobins, suggérant plutôt qu'il suffirait de brûler les pamphlets de Desmoulins. En réponse, Desmoulins, citant Jean-Jacques Rousseau, s'exclama : "Brûler n'est pas une réponse"(ibid). Immédiatement, l'expression de Robespierre s'assombrit. Desmoulins, qui savait que Rousseau était l'idole de Robespierre, avait délibérément utilisé cette citation pour provoquer son vieil ami. Se tournant vers Desmoulins, Robespierre entra dans une colère noire :
Quoi ! tu cherches à justifier tes œuvres aristocratiques ! Comprends ceci, Camille, que si tu n'étais pas Camille, il n'y aurait pas d'indulgence pour toi. Vos intentions sont mauvaises. Votre citation : "brûler n'est pas une réponse" ! Est-elle applicable ici ? (Scurr, 299)
Au lieu de reculer, Desmoulins aggrava la situation en rappelant à Robespierre qu'il lui avait montré les brouillons de son article ; Robespierre répondit qu'il n'avait vu que les deux premiers. Les choses s'envenimèrent à tel point que Danton dut intervenir pour inciter Desmoulins à accepter les critiques de Robespierre. Mais le mal était fait : la nuit suivante, Robespierre s'en prit à Fabre d'Églantine, dont l'implication dans le scandale de la corruption des Indes orientales avait enfin été révélée. Comme on pouvait s'y attendre, cet acte d'immoralité dégoûta l'"Incorruptible" Robespierre qui attaqua Fabre avec un tel vitriol qu'il fut contraint de fuir le Club des Jacobins, poursuivi par de grands cris de "guillotinez-le !". Le 8 janvier 1794, Fabre fut exclu des Jacobins, tout comme Desmoulins deux nuits plus tard.
Chute des Hébertistes
Le 21 décembre 1793, Collot d'Herbois, membre du Comité de salut public, rentra à Paris après avoir réprimé brutalement la Révolte de Lyon. Lui-même ultra-révolutionnaire, Collot était furieux du traitement réservé aux Hébertistes en son absence, accusant ses collègues de s'être adoucis aux contre-révolutionnaires et exigeant la libération de Ronsin et Vincent. Celle-ci avait été accordée, faute de preuves contre eux ; avec l'arrivée de Collot, les Hébertistes gagnèrent en confiance pour passer à l'offensive et attaquer les Indulgents.
Robespierre n'était guère d'humeur à les aider ; avec les journaux de Desmoulins et la corruption de Fabre, il avait été ridiculisé et était enclin à considérer tout le mouvement des Indulgents comme de l'hypocrisie. Peu après sa dispute publique avec Desmoulins, Robespierre s'effondra, peut-être par épuisement émotionnel, et fut sporadiquement malade pendant le reste du mois de janvier. Il passa également une grande partie des mois de février et mars confiné chez lui, laissant Saint-Just se charger des apparitions publiques. Dans l'un de ses discours, de plus en plus rares à cette époque, Robespierre s'en prit avec la même fureur aux Indulgents et aux Hébertistes :
A mon avis, Camille et Hébert ont tort tous les deux... J'assure à tous les fidèles de la Montagne que la victoire est à notre portée. Il ne reste que quelques serpents à écraser. (Scurr, 302)
Reprenant le sentiment de Robespierre, Saint-Just déclara qu'il y avait trois péchés capitaux contre une république : " l'un est de plaindre les prisonniers d'État ; l'autre est de s'opposer au règne de la vertu ; et le troisième est de s'opposer à la Terreur " (Scurr, 305). Tant les Indulgents que les Hébertistes remplissaient les critères de ces crimes, pour lesquels Saint-Just insistait sur le fait qu'il n'y avait qu'un seul châtiment : la mort. Pour éviter un tel sort, les Hébertistes décidèrent d'utiliser leur popularité auprès des sans-culottes. Le 4 mars, Hébert et Jean-Baptiste Carrier, de retour de la surveillance des Noyades de Nantes, recouvrirent un buste de la Liberté au club des Cordeliers d'un voile noir, signal de l'insurrection. Une telle tactique avait fonctionné le 2 juin pour abattre les Girondins ; elle ne fonctionnerait pas cette fois-ci.
Aucune foule de citoyens en colère ne se révolta. Au lieu de cela, Hébert et 19 de ses partisans les plus importants furent arrêtés. Le 24 mars, ils furent jugés avec ceux qui avaient été arrêtés pour leur participation présumée au "complot étranger"; Robespierre avait supposé à juste titre que le fait de juger les deux groupes ensemble augmenterait la probabilité d'un verdict de culpabilité. La plus grande foule jamais rassemblée devant une guillotine vint assister à la mort d'Hébert, suivi de Ronsin, Vincent, Anacharsis Cloots et les autres ; " ils sont morts comme des lâches sans couilles " déclara un spectateur (Schama, 816). Malgré la prétention des Hébertistes à représenter le peuple, la foule n'éprouvait guère de sympathie pour leur mort, consciente du nombre de têtes qui étaient tombées à cause d'eux.
La chute de Danton
Après la mort des Hébertistes, seuls les Indulgents se dressaient entre Robespierre et sa république idéaliste. Fabre d'Églantine avait déjà été arrêté pour son rôle dans le scandale de la Compagnie des Indes orientales, mais il était clair qu'il ne serait pas longtemps séparé de ses amis. Le 22 mars, Robespierre assista à un dîner auquel Danton était également convié. Au cours du repas, Danton demanda à Robespierre pourquoi il y avait eu tant de victimes de la Terreur, et pourquoi tant d'innocents avaient dû mourir. "Qui dit que des innocents ont péri ?" répondit froidement Robespierre (Scurr, 309).
La biographe Ruth Scurr décrit ce dîner animé, au cours duquel Danton parla franchement avec Robespierre, lui demandant de mettre fin à la Terreur pour le bien de la France. Mais Robespierre, l'"Incorruptible", était contre l'idée de sacrifier ses principes, pas même pour sauver des vies. "Je suppose qu'un homme de vos principes moraux pense que personne ne mérite d'être puni", grogna Robespierre. Avec un air de tristesse, Danton répondit : "Et je suppose que vous seriez fâché si personne ne le méritait" (ibid). Robespierre se leva brusquement et partit en trombe, laissant derrière lui Danton et tout espoir de réconciliation.
Le soir même, Robespierre permit au Comité d'ajouter le nom de Danton à la liste des proscriptions, ce à quoi il s'était violemment opposé auparavant. Scurr écrit que sa signature sur le mandat d'arrêt était la plus petite de toutes, signe peut-être qu'il avait honte d'envoyer un ami à l'échafaud. L'un des membres du Comité, Robert Lindet, refusa audacieusement de signer le mandat, déclarant : " Je suis ici pour sauver les citoyens, pas pour tuer des patriotes " (Davidson, 216). Selon une version de l'histoire, Danton alla voir Robespierre une dernière fois le 29 mars pour essayer de se réconcilier. En entrant dans l'assemblée, Danton vit Robespierre engagé dans une conversation apparemment amicale avec Camille Desmoulins. Soulagé, Danton rentra chez lui ; lui et Desmoulins furent arrêtés cette nuit même.
Danton fut arrêté avec ses amis les plus proches, dont Desmoulins et Pierre Philippeaux ; pour faire bonne mesure, Robespierre fit également arrêter et juger Hérault de Séchelles à leurs côtés. Grâce à Fabre, ils seraient tous jugés dans le cadre du scandale des Indes orientales, ainsi que pour l'accusation générale de tentative de renversement du gouvernement. Le 2 avril, date du début de leur procès, une foule nombreuse remplit la salle d'audience, preuve de la popularité durable de Danton ; cela ne le sauverait pas, Danton le savait bien. Lorsqu'on lui demanda son nom et son adresse, Danton répondit sinistrement : " Ma demeure sera bientôt le néant, et mon nom au panthéon de l'histoire " (Scurr 313). Pourtant, il utilisa ses envolées lyriques à bon escient, parlant de son patriotisme et de l'injustice de son procès jusqu'à ce que le président du Tribunal ne lui ordonne de se taire.
Sans surprise, le verdict de culpabilité fut rendu. Danton passa ses dernières heures à essayer de calmer Desmoulins qui, paniqué tel un enfant effrayé, demandait sans cesse, "vont-ils tuer ma femme aussi ?" (Scurr, 316). Le 5 avril 1794, alors que la charrette transportant les condamnés roulait dans les rues de Paris, Danton ne perdit son calme qu'une seule fois, s'emportant et vociférant lorsqu'ils passèrent devant la résidence de Robespierre. Sur l'échafaud, Danton fut le dernier à mourir, contraint de se coucher sous une lame couverte du sang de ses amis. Défiant, il regarda le bourreau et dit : "Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine" (Davidson, 216).
Avec la mort des Hébertistes et des Indulgents, les luttes de pouvoir du règne de la Terreur étaient terminées. Robespierre avait remporté sa victoire, même si elle dut sembler dérisoire. Pendant trois mois, lui et ses alliés allaient continuer à contrôler le destin de la France, intensifiant encore la Terreur dans leur quête sans fin d'une utopie de la vertu. Mais les Hébertistes et les Indulgents avaient des amis survivants qui allaient contribuer à la chute de Maximilien Robespierre le 27 juillet 1794 (9 Thermidor An II), mettant ainsi fin à la Terreur.