La bataille de Buxar dans le Bihar, au nord-est de l'Inde, les 22 et 23 octobre 1764, vit une armée de la Compagnie britannique des Indes orientales (EIC) dirigée par Hector Munro (1726-1805) remporter la victoire contre les forces combinées du Nawab d'Awadh (alias Oudh), du Nawab du Bengale et de l'empereur moghol Shah Alam II (r. de 1760 à 1806).
La victoire contre toute attente à Buxar permit à l'EIC d'obtenir les droits cruciaux de lever des impôts dans diverses régions, ce qui renfloua considérablement les caisses de la compagnie et lui permit de poursuivre ses conquêtes territoriales à travers le sous-continent.
Expansion de la Compagnie des Indes orientales
La Compagnie des Indes orientales avait été fondée en 1600 et, au milieu du XVIIIe siècle, elle profitait de son monopole commercial en Inde pour rendre ses actionnaires immensément riches. La Compagnie était en fait le bras colonial du gouvernement britannique en Inde, mais elle protégeait ses intérêts en utilisant sa propre armée privée et en engageant des troupes de l'armée régulière britannique. Dans les années 1750, la Compagnie souhaitait étendre son réseau commercial et commencer à exercer un contrôle territorial plus actif sur le sous-continent.
Robert Clive (1725-1774) remporta une célèbre victoire pour l'EIC contre le souverain du Bengale, le Nawab Siraj ud-Daulah (né en 1733) à la bataille de Plassey en juin 1757. Le Nawab fut remplacé par un dirigeant fantoche, l'énorme trésor de l'État fut confisqué et l'exploitation systématique des ressources et de la population du Bengale commença. "Clive of India" fut nommé gouverneur du Bengale en février 1758 et, pour la deuxième fois, en 1764. Il était temps pour un nouveau nom britannique d'occuper le devant de la scène coloniale, celui du major Hector Munro.
Les alliés indiens
L'EIC fut confrontée à une alliance combinée de trois puissants États. Tout d'abord, il y avait l'Awadh, un État situé dans la région du Gange moyen, dans le nord de l'Inde, gouverné de manière autonome par des nawabs sous la suzeraineté nominale de l'Empire moghol (1526-1857). La capitale de l'Awadh était Lucknow, connue pour sa belle architecture, l'État était riche et le nawab était Shuja-ud-Daula (r. de 1754 à 1775). Le second allié était l'ancien nawab du Bengale, Mir Qasim (alias Kasim, r. de 1760 à 1764). Qasim était désireux de résister aux pressions exercées par l'EIC pour accorder des privilèges commerciaux à la fois à la compagnie et aux particuliers. Lorsque l'EIC remplaça Qasim en tant que nawab par son propre beau-père, Qasim fut obligé de réagir de manière décisive. Depuis 1760, Qasim régnait sur cette région immensément riche du nord-est de l'Inde, et il était impatient de la récupérer. Le troisième membre de l'alliance était l'empereur moghol Shah Alam II. Basé à Delhi, l'empereur n'intervenait généralement pas directement dans les différends entre l'EIC et les États vassaux, mais il était désormais déterminé à mieux contrôler le Bengale et à ne pas le laisser aux mains rapaces de l'EIC.
L'empereur Shah Alam, après avoir échoué à prendre Patna à l'EIC, rassembla une armée bien entraînée et marcha vers l'est du continent. Son commandant d'infanterie était le Français Jean Baptiste Gentil, un homme rusé. Les armées dirigées par Shuja-ud-Daula et Mir Qasim rejoignirent l'empereur en cours de route. La force totale pourrait avoir compté environ 50 000 hommes. L'armée marcha par un temps de mousson précoce et Shah Alam ordonna de camper près du fort de Buxar, à la frontière entre l'Awadh et le Bengale. La position était bonne, protégée sur sa gauche par le Gange, sur sa droite par le Torah nala et devant par des remblais, l'empereur décida d'attendre la mousson avant de se rendre au Bengale.
L'armée de Munro
Lorsque la nouvelle de cette immense armée parvint au quartier général de l'EIC, une réponse fut immédiatement organisée. Le major Hector Munro fut choisi pour diriger une armée de l'EIC afin d'affronter la triple alliance. Contrairement à l'approche de l'EIC en matière de guerre, Munro était loin d'avoir les mêmes effectifs que l'opposition: à peine 4 200 hommes (dont 3 000 cipayes ou troupes indiennes) selon certains historiens, ou environ 900 Européens et 7 000 cipayes selon d'autres. Munro disposait également d'un groupe de cavalerie de 1 000 hommes. En infériorité numérique, les Britanniques disposaient en réalité de deux atouts. Tout d'abord, Shah Alam avait perdu son temps en vivant dans la facilité et en se divertissant dans son camp de Buxar, laissant ses hommes devenir oisifs et inaptes, et ceux-ci, à leur tour, laissèrent leur équipement se dégrader. Le deuxième avantage était Munro en personne. L'historien W. Dalrymple décrit le major de l'EIC comme: "l'un des officiers britanniques les plus efficaces en Inde, un Highlander écossais de 38 ans, fringant, à la tête froide mais totalement impitoyable" (197-8). Par-dessus tout, l'accent mis par le major sur la discipline, c'est-à-dire sur le respect des ordres et le maintien de la formation, même dans le chaos de la bataille, s'avéra être la différence entre les deux camps. Munro quitta Bankipur le 9 octobre et se dirigea vers Buxar, où il arriva le 22 octobre.
La bataille
Gentil pressa l'empereur de prendre immédiatement l'initiative lorsque l'armée britannique arriva près de Buxar. Le Français plaida:
Maintenant que les Anglais ne se sont pas encore mis en ordre de bataille, maintenant que les barges ne se sont pas encore rangées le long du fleuve pour décharger leurs armes et leur matériel militaire, maintenant qu'ils sont tous occupés à dresser leurs tentes, c'est maintenant qu'il faut attaquer !
(Dalrymple, 198)
L'empereur ne suivit pas ce conseil et se contenta d'envoyer son trésor et ses femmes en sécurité à Faizabad. Il est possible que l'empereur ait initialement prévu de rester sur place et de mener une bataille défensive, mais en réalisant la petite taille de l'armée britannique à laquelle il était confronté, il ordonna une attaque juste après l'aube. À ce moment-là, Munro avait déjà organisé ses troupes et il commença le barrage d'artillerie habituel. Toujours est-il, l'empereur ordonna à sa cavalerie de charger l'ennemi, en quittant les murs protecteurs de leur camp pour traverser le champ de bataille. L'empereur ordonna également à sa propre artillerie de tirer sur l'ennemi. Les canons indiens étaient plus gros et pouvaient donc tirer des charges plus lourdes, mais les 20 pièces britanniques avaient l'avantage crucial d'être plus mobiles, ce qui permit à Munro de les placer là où c'était le plus nécessaire au fur et à mesure de l'évolution de la bataille. Les artilleurs de l'EIC, mieux entraînés, étaient également capables de tirer plus d'obus que leurs adversaires dans un laps de temps donné.
La progression de la cavalerie indienne était désormais entravée par les marais qui séparaient les deux armées. Les cavaleries naga et afghane de l'empereur contournèrent le marais et attaquèrent les positions britanniques par l'arrière. Les réserves de l'EIC, qui n'auraient normalement été utilisées qu'à la fin de la bataille, firent face à la cavalerie par nécessité. Les cavaliers indiens commirent alors l'erreur de ne pas pousser leur avantage et de se concentrer sur la capture du camp britannique et de ses réserves, y compris la trésorerie et les caisses de munitions. Lors du pillage qui s'ensuivit, les cavaleries indienne et afghane ne prirent plus part à la bataille.
Avec leurs lignes arrière exposées et obligées de se défendre contre la cavalerie en maraude, avec un certain nombre de leurs compatriotes déjà capturés, et avec tous ceux qui restaient encore sous le feu de l'artillerie indienne, c'est à ce moment que la célèbre insistance de Munro sur la discipline prit tout son sens. Les troupes de l'EIC, y compris les unités de cipayes, maintinrent de manière cruciale leurs formations carrées défensives, même lorsque la situation semblait si désespérée que l'empereur était convaincu d'avoir déjà gagné la bataille. Munro ordonna aux barges de se rassembler pour emmener les hommes en retraite de l'autre côté de la rivière, mais dans le temps qu'il fallut pour exécuter cet ordre, il devint clair pour le major que la cavalerie indienne, entièrement occupée à piller, lui offrait une occasion en or de contre-attaquer. Munro rassembla ses hommes et attaqua en force le flanc gauche de l'armée indienne, en utilisant des tirs de mousquet disciplinés et coordonnés.
Les Britanniques avancèrent en colonne et réduisirent leurs adversaires à néant. La retraite des hommes, des chameaux, des bœufs et des éléphants fut chaotique. L'empereur s'enfuit en traversant le Torah nala, en utilisant un pont temporaire de bateaux, tandis que ses fidèles troupes Naga menaient un combat d'arrière-garde courageux mais fatal. Les Indiens en retraite qui parvinrent à atteindre la rivière et à la traverser à gué furent éliminés par les fusiliers de l'EIC, si bien que les eaux se couvrirent de cadavres. Munro avait arraché la victoire des mâchoires de la défaite.
Les pertes furent lourdes des deux côtés. L'EIC déplora environ 850 morts, blessés ou disparus, une proportion inhabituellement élevée (bien que certains historiens avancent un chiffre encore plus élevé, environ un quart de l'ensemble des forces britanniques à Buxar). Les armées de l'empereur comptèrent peut-être jusqu'à 5 000 morts (bien que des historiens plus conservateurs avancent le chiffre d'environ 2 000). Comme le veut la tradition, le camp de l'empereur fut pillé. Munro s'empara en outre de quelque 130 canons. Après la bataille, Mir Qasim s'enfuit vers l'ouest, Shuja-ud-Daula reconnut la suprématie de l'EIC et l'empereur moghol, toujours désireux de soutenir les vainqueurs et non les perdants, passa aux Britanniques.
Suites de la victoire
Après la victoire, Shah Alam II signa le traité d'Allahabad le 12 août 1765. L'empereur, après une période appropriée pour donner l'impression qu'il faisait un cadeau plutôt qu'une concession imposée à un perdant, accorda à l'EIC le droit perpétuel de percevoir des revenus fonciers (dewani) au Bengale, au Bihar et en Orissa. Il s'agissait là d'un développement très important, car la Compagnie disposait désormais de vastes ressources pour développer et protéger ses commerçants, ses bases, ses armées et ses navires. En échange de la concession de Shah Alam, l'EIC garantit que l'État du Bengale lui verserait une redevance annuelle de 2,6 millions de roupies. Cependant, le traité d'Allahabad avait également stipulé que l'EIC devait recevoir la fantastique somme de 5 millions de roupies pour couvrir les dépenses de la guerre qui venait de s'achever. Contrôlant désormais pleinement le Bengale avec son nouveau nawab fantoche (Nazim-ud-Daulah), l'EIC finit par obliger l'Awadh à signer une alliance subsidiaire avec elle en 1801. En 1856, l'EIC annexa officiellement l'État. Au début du XIXe siècle, la Compagnie des Indes orientales était de loin la force la plus puissante du sous-continent, mais les fondations de son vaste empire avaient été posées à Plassey et, surtout, à Buxar.