Tyrans de Grèce Antique

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Donald L. Wasson
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 28 novembre 2022
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Les tyrannies existaient dans tout le monde grec, des cités-États aux îles de Sicile et de Samos. La plupart des historiens datent le Grand Âge de la tyrannie grecque de 750 à 500 avant J.-C., se terminant avec l'éviction d'Hippias ; cependant, certains auteurs étendent la période au 4e siècle avant J.-C., englobant le règne despotique de Cassandre en Macédoine ainsi que les tyrannies de Denys I (alias Denys l'Ancien) et Denys II (alias Denys le Jeune) à Syracuse.

Greek Ruler
Souverain grec
The Creative Assembly (Copyright)

Nature de la tyrannie

Le mot "tyran" a une connotation négative. Un tyran est un dirigeant dont le pouvoir absolu existe en dehors de la loi ; par conséquent, un tyran n'est jamais tenu de donner une explication de ses actions, bonnes ou mauvaises, à ses citoyens. Le philosophe anglais du 17e siècle John Locke a écrit dans son essai sur le gouvernement civil : "La tyrannie est l'exercice du pouvoir au-delà du droit. (...) Là où la loi s'arrête, la tyrannie commence. " (71)

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Le gouvernement oppressif d'un tyran pouvait apporter des avantages à son peuple, voire favoriser la stabilité sociale.

Cependant, les premiers tyrans grecs n'étaient pas considérés comme aussi brutaux que d'autres, mais plutôt comme sages et modérés. Les premiers tyrans grecs, bien qu'issus de l'élite, arrivèrent au pouvoir en raison du désir d'éviter la domination des oligarchies. Le gouvernement oppressif d'un tyran pouvait apporter des avantages à son peuple, voire favoriser la stabilité sociale. Certains tyrans, comme Cypsélos et Périandre de Corinthe, furent des bâtisseurs d'empire, supervisant la construction de temples et de ports, conservant ainsi leur pouvoir et leur popularité en travaillant dans l'intérêt du peuple.

Indépendamment de leurs réalisations en tant que tyrans - bonnes ou mauvaises - beaucoup usurpèrent le pouvoir par la force ou la menace de la force. L'Athénien Clisthène et le Corinthien Cypsélos sont deux exemples de personnes qui obtinrent le pouvoir par un coup d'État. Avec le temps, les tyrannies finissaient par échouer et par céder la place à un gouvernement moins oppressif. Les individus au sein d'un gouvernement tyrannique se soulevaient pour protester contre un dirigeant despotique et l'évinçaient, le remplaçant par des dirigeants plus démocratiques.

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Les tyrans de Corinthe

Les 7e et 6e siècles avant J.-C. furent marqués par un certain nombre de tyrans, tant à Corinthe qu'à Athènes. Parmi ceux qui se sont illustrés à Corinthe, citons Cypsélos (vers 657-627 avant J.-C.) et son fils Périandre (627-587 avant J.-C.). Soutenu par l'élite aisée de Corinthe, Cypsélos arriva au pouvoir après le renversement de l'aristocratie des Bacchiades, la famille de sa mère. Il établit l'une des plus grandes et des plus durables tyrannies de Grèce.

Cependant, Cypsélos faillit ne jamais devenir un tyran. Après sa naissance, selon Hérodote, un oracle de Delphes avait prédit que Corinthe serait malheureuse si on laissait l'enfant (Cypsélos) grandir jusqu'à l'âge adulte. L'oracle avait prédit qu'il deviendrait un tyran. Malheureusement pour Corinthe, mais heureusement pour Cypsélos, sa mère le sauva en le cachant dans un coffre. Les prédictions s'avérèrent exactes. Hérodote écrit que Cypsélos adulte bannit de nombreux Corinthiens, "en priva beaucoup d'autres de leurs biens, mais le plus grand nombre, et de loin, fut privé de sa vie" (408). Contrairement à son fils et malgré sa cruauté, il ne voyait pas la nécessité d'avoir un garde du corps. Comme beaucoup d'autres tyrans, il accomplit des choses positives pour Corinthe : il construisit un trésor à Delphes et, avec une flotte puissante, fonda des colonies dans le nord-ouest de la Grèce. Enfin, on lui attribue également la conception du système tribal corinthien.

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Periander
Périandre
Jastrow (Public Domain)

Succédant à son père en 627 avant J.-C., Périandre était considéré par beaucoup comme un tyran oppresseur typique. Hérodote écrit qu'il était "certainement un souverain plus doux que son père, mais après avoir échangé avec Thrasybule, tyran de Milet, il devint beaucoup plus sanguinaire que Cypsélos ne l'avait jamais été" (408). Le tyran de Milet encouragea le jeune Périandre à assassiner les hommes importants de Corinthe. " C'est alors qu'il exhiba aux citoyens toutes sortes de méchancetés. ... Périandre acheva tout ce que Cypsélos avait laissé inachevé dans le meurtre et le bannissement des Corinthiens. " (Hérodote, 409) Il assassina même sa propre femme.

Bien qu'il ait approuvé un vaste programme de construction, comme la construction d'un port artificiel, il s'attaqua au luxe et à la possession d'esclaves. Il établit son fils Lycophron en tant que tyran à Corcyre, fonda Potidée comme colonie dans la mer Égée, et démontra sa réputation guerrière en attaquant la petite polis d'Épidaure et en capturant le tyran Proclès, son beau-père. À sa mort en 587 avant J.-C., il nomma Lycophron pour lui succéder, mais celui-ci fut assassiné avant de pouvoir quitter Corcyre pour Corinthe. Son neveu Psammétique, le dernier des tyrans cypsélides, lui succéda. La fin de la dynastie avait été prédite par un oracle de Delphes donné au père de Périandre: "Lui [Cypsélos] et ses fils prospéreront, mais le fils de ses fils, non." (Hérodote, 408)

Les tyrans d'Athènes

La constitution introduite par le tyran athénien Dracon (vers 621 av. J.-C.) était la première fois que le droit athénien était mis par écrit. Dracon promulgua une série de lois impitoyables où même des délits mineurs comme le vol de fruits et de légumes étaient passibles de peines sévères. Alors que ces délits mineurs méritaient souvent la mort, il n'y avait pas de peine plus sévère pour les délits plus graves comme le vol dans les temples ou les homicides. Ses lois étaient jugées si strictes qu'il fut un jour accusé de les avoir écrites avec du sang. Le terme "draconien" vient de Dracon et de ses lois sévères. Solon abrogera plus tard de nombreuses lois draconiennes, à l'exception de celles traitant directement des homicides.

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Solon
Solon
Kpjas (Public Domain)

L'Athénien Solon (c. 640 à c. 560 av. J.-C.) était considéré à la fois comme un homme politique et un poète, refusant même d'accepter le pouvoir absolu. Pour Hérodote, il était sage ainsi que législateur. En raison des innombrables avantages que présentaient nombre de ses réformes, il se vit confier le pouvoir de réviser la constitution et les lois inadaptées. Parmi ses premières réformes, il réorganisa les Athéniens en quatre classes distinctes :

  • les pentacosiomédimnes
  • hippeis
  • zeugites
  • thètes

Ces classes constituaient la base de tous les droits politiques. Il créa un nouveau code de loi, remplaçant ceux de son prédécesseur, Dracon. Il initia une nouvelle catégorie de procès où tout citoyen pouvait désormais engager des poursuites devant les tribunaux. Plutarque (45/50 à 120/125 de notre ère) a écrit qu'il avait façonné ses lois afin de prouver à ses concitoyens athéniens que l'honnêteté était toujours préférable à la criminalité. Il était considéré comme acceptable par les riches en raison de sa propre richesse et par les pauvres pour son intégrité. Plutarque le cite en disant : "Si la tyrannie peut être un endroit délicieux, on ne peut en revenir" (58). Cette attitude, selon Plutarque, lui valut beaucoup de mépris. Cependant, l'historien ajoute

...son rejet de la tyrannie ne signifiait pas que sa gestion des affaires était particulièrement douce, ni qu'il s'en remettait docilement aux personnes influentes ou qu'il promulguait le genre de loi qu'il pensait pouvoir plaire à ceux qui l'avaient élu. (Plutarque, 58)

Il prit un congé de dix ans d'Athènes pour voyager et espérait que le peuple athénien respecterait ses lois. Malheureusement, trois factions se formèrent très vite: une sous Lycurgue (l'Athénien, pas le Spartiate), une sous Mégaclès, et une autre sous Pisistrate. Pisistrate (c. 600-527 avant J.-C.) l'emporta et prit le pouvoir ; il demanda immédiatement à Solon de le conseiller. Pendant son règne de 56 ans, il fut considéré comme bienveillant et respectueux des lois.

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Pisistrate eut deux fils : Hipparque et Hippias. Hipparque fut assassiné par Harmodios et Aristogiton (les Tyrannoctones) en 514 avant Jésus-Christ. Hérodote écrit qu'avant son assassinat, le jeune Hipparque avait rêvé de sa propre mort, mais qu'après avoir consulté des interprètes, il n'en tint pas compte; malheureusement pour lui, le rêve se réalisa. Après la mort de son frère, Hippias, qui avait été considéré comme un souverain très doux auparavant, s'aigrit contre les Athéniens et commença à gouverner comme un tyran. Hippias fut chassé par Cléomène Ier de Sparte en 510 avant Jésus-Christ. Sa famille et lui s'enfuirent à Sigeum, puis rejoignirent Darius Ier (r. de 522 à 486 av. J.-C.) à la bataille de Marathon.

Statue Group of Harmodius & Aristogeiton
Statues d'Harmodios et d'Aristogiton
Miguel Hermoso Cuesta (CC BY-SA)

Lors d'une lutte pour le pouvoir, Clisthène (de 570 à environ 508 avant J.-C.), qui avait été archonte sous Hippias, prit le pouvoir à Athènes et mit en place un programme de réformes. Son premier changement majeur fut une réorganisation du corps des citoyens dans le but de saper les anciens canaux d'influence. En 500 avant J.-C., le système permettait à de nombreux citoyens adultes de sexe masculin d'avoir une chance de participer au gouvernement de la cité. Si certains le considèrent comme le fondateur de la démocratie athénienne, d'autres renvoient à Solon ou même à Thésée. Bien que Clisthène ait initié un certain nombre de réformes profondes, il faudra attendre un demi-siècle avant que la constitution athénienne ne devienne pleinement démocratique. Dans ses Histoires, l'historien Hérodote écrit : "Bien qu'Athènes ait été une grande cité par le passé, elle devint encore plus grande une fois débarrassée de ses tyrans." (395)

Conclusion

Selon certaines sources, la tyrannie était souvent un chemin regrettable mais nécessaire vers la démocratie. Cependant, dans son ouvrage La République, Platon (428/427 à 348/347 av. J.-C.) affirme que la nature de la tyrannie découle de la démocratie, affirmant que "le désir excessif de liberté aux dépens de tout le reste est ce qui sape la démocratie et conduit à la demande de tyrannie" (299). Aristote (384-322 avant J.-C.) soutenait que les meilleures formes de gouvernement étaient la monarchie, l'aristocratie et la république constitutionnelle, mais que lorsqu'elles sont corrompues, elles dégénèrent en tyrannie, oligarchie et démocratie.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Donald L. Wasson
Donald a enseigné l’histoire antique et médiévale ainsi que l’histoire des États-Unis à Lincoln College (Illinois). Éternel étudiant en Histoire depuis qu’il a découvert Alexandre le Grand, il met toute son énergie à transmettre son savoir à ses étudiants.

Citer cette ressource

Style APA

Wasson, D. L. (2022, novembre 28). Tyrans de Grèce Antique [Tyrants of Greece]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2117/tyrans-de-grece-antique/

Style Chicago

Wasson, Donald L.. "Tyrans de Grèce Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 28, 2022. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2117/tyrans-de-grece-antique/.

Style MLA

Wasson, Donald L.. "Tyrans de Grèce Antique." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 28 nov. 2022. Web. 21 nov. 2024.

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