Les Épîtres d'Horace sont une série de lettres donnant de sages conseils à divers amis. Quintus Horatius Flaccus, plus connu sous le nom d'Horace (65-8 av. J.-C.) écrivit 20 lettres vers 20-19 avant J.-C., rassemblées dans les Épîtres I, tandis que les Épîtres II, très probablement écrites à la fin de sa carrière, ne contiennent que deux lettres: une à l'empereur Auguste et une à Julius Florus.
Horace
Quintus Horatius Flaccus vit le jour à Venusia, dans la province des Pouilles, au sud-est de l'Italie, le 8 décembre 65 av. J.-C. Son père, un affranchi, travaillait comme commissaire-priseur et aurait été réduit en esclavage lorsque Venusia fut capturée par les Romains pendant la guerre sociale de 91-87 av. J.-C. Bien que fils d'un affranchi, Horace put fréquenter l'école très respectée d'Orbilius à Rome et étudier ensuite à Athènes. En 43 av. J.-C., alors qu'il était à Athènes, il fit la connaissance de l'un des assassins de Jules César, Marcus Junius Brutus. En tant que tribun militaire (tribunus militum), il combattit aux côtés de Brutus dans le camp des vaincus lors de la bataille de Philippes en 42 av. J.-C.
À son retour à Rome, il découvrit qu'il avait perdu les biens de son père. Il décrivit son séjour à Rome après Philippes dans une lettre à son ami Julius Florus :
...Après la bataille de Philippes, humilié comme un oiseau auquel on a coupé les ailes, je me trouvai à mon retour dépouillé de la maison et du bien de mon père; la pauvreté me rendit alors téméraire, et je devins poète.(Epîtres, II-ii, collection Panckoucke, Remacle)
Le jeune poète eut du mal à s'adapter à sa nouvelle vie à Rome. La spécialiste Edith Hamilton écrit qu'à son retour de Philippes, il commença à écrire, mais ces premiers écrits faisaient preuve d'une "amertume, voire d'une brutalité parfois, qui montrent à quel point il était proche des dangers d'être définitivement perverti et rabougri" (120-121). Mais cela ne dura pas longtemps et il put obtenir un poste de commis auprès d'un quaestor (scriba quaestorus).
En 38 avant J.-C., grâce à sa connaissance des poètes Virgile (70-21 av.J.-C.) et Varius Rufus (74-14 av. J.-C.), il fut présenté à Caius Maecenas (Mécène), riche Romain qui rassemblait autour de lui un cercle de jeunes poètes. Plus tard, Mécène offrirait au jeune poète une ferme sur les collines de Sabine à Tivoli où il construirait une villa, qui serait son sanctuaire loin de Rome. Dans cette villa, Horace put mener une existence tranquille, loin des pressions de la vie urbaine.
Consacrant sa vie à la poésie, l'amitié d'Horace avec Mécène et Virgile le rapprocha de l'empereur romain Auguste (r. de 27 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.), qui, heureusement pour les deux poètes (et Ovide), était un protecteur des arts. Malgré son allégeance précoce à l'un des assassins de César, Horace finit par devenir un ami proche de l'empereur. Ce dernier lui offrit un poste au sein du personnel impérial, mais Horace refusa. Cependant, en 17 avant Jésus-Christ, il accepta la demande de l'empereur d'écrire un poème lyrique : le Carmen Saeculare, ou Hymne séculaire, qui célébrait les Ludi saeculares, les Jeux séculaires.
Œuvres
Écrite sur une période de 30 ans, l'œuvre d'Horace comprend ses Satires, ses Épodes, ses Odes, ses Épîtres et le long Ars Poetica. Les poèmes d'Horace témoignent d'une joie de vivre et d'un amour de la nature. Ils ne parlent pas seulement de politique mais aussi de son admiration pour le mode de vie rural. Le style poétique d'Horace est considéré comme riche, laconique et pointu. Il écrivit les Satires semi-autobiographiques en 36-35 avant J.-C., les 17 poèmes des Épodes en 30-29 avant J.-C. - beaucoup d'entre eux furent écrits avant sa rencontre avec Mécène mais publiés plus tard - et enfin, les 88 Odes en 13 avant J.-C. - des poèmes qui célèbrent les réalisations militaires et politiques d'Auguste, en particulier la bataille d'Actium. Les lettres des Épîtres I furent écrites vers 20-19 avant J.-C. ; en revanche, les dates exactes des Épîtres II et de l'Ars Poetica, plus tardives, sont inconnues.
Avec l'Ars Poetica, les Epîtres II représentent le dernier chapitre de la carrière du poète. L'Ars Poetica - sur l'art de la poésie - fut la plus longue et la dernière de ses œuvres. Selon l'auteur et traducteur Stephen Harrison, toutes trois partagent le sentiment de l'"auto-localisation" d'Horace dans la littérature romaine. Elles s'intéressent à un thème central : l'utilité du poète, et d'Horace en particulier, dans la communauté de Rome. Il était fier de ce qu'il avait accompli et de sa place dans la poésie romaine : "le premier j'ai porté mes pas dans une carrière inconnue ; mon pied n'a point foulé la trace d'un devancier." (Épîtres I-xix). Dans les Épîtres I-xx, il parle aussi de ses derniers jours et de la façon dont il espère qu'on se souviendra de lui : "...apprends-leur que, né d'un père affranchi et sans biens, j'ai pris un essor que mon humble nid ne semblait pas comporter. Ainsi, ce que tu me feras perdre du côté de la naissance, je le gagnerai en mérite personnel".
Épîtres I
Comme dans ses Satires et ses Odes, Horace tente, dans ses Epîtres , de persuader ses amis de mener une vie réfléchie et modérée, en évitant le stress et les excès. Ce désir d'une vie raisonnable, ainsi que son amour pour la solitude de sa villa, sont des témoignages de son séjour à Athènes. Pendant la majeure partie de sa vie adulte, Horace eut toujours un profond respect et une grande admiration pour la philosophie grecque, en particulier pour Épicure (341-270 av. J.-C.). Dans les lettres des Épîtres I, il renonce aux frivolités de la poésie pour les préoccupations sérieuses de la philosophie. Dans une lettre à Julius Florus, Horace parle de sa transition vers la philosophie et tente de persuader Florus de le rejoindre :
Et toi-même qu'as-tu entrepris ? abeille légère, autour de quelle fleur voltiges-tu ? Ton génie n'est point vulgaire, n'est point inculte, n'est point abâtardi ... Ah ! si tu pouvais te soustraire à l'influence glaciale de tes passions, tu suivrais la céleste sagesse partout où elle te guiderait. Petits et grands, que ce soit le but de nos travaux et de nos études, si nous voulons vivre chers à la patrie et à nous-mêmes."
(Epîtres I-iii, collection Panckoucke)
Ce désir de partager son amour de la philosophie et de persuader les autres de le suivre se retrouve dans une lettre adressée à un jeune ami de la famille, Lollius : "Jeune ami ! voici le moment de nourrir votre âme encore pure des paroles de la raison ; confiez-vous aux maîtres les plus sages." (Epîtres I-ii). L'amour d'Horace pour la tradition grecque est également évident dans son admiration pour le poète grec Homère, qu'il préfère en tant qu'écrivain moral. Au début de sa lettre à Lollius, il écrit qu'il a "relu à Préneste le chantre de la guerre de Troie ; j'ai relu ce poète, qui nous apprend avec plus d'évidence et de sagesse que Chrysippe et Crantor, ce qui est honnête ou honteux ce qui est utile ou ce qui ne l'est pas.." (Épîtres I-ii)." Après avoir raconté les histoires de Troie, d'Ulysse, d'Achille, Horace conseille à Lollius d'"entreprendre hardiment l'étude de la vraie sagesse" et, pendant qu'il est encore jeune et que son esprit est intact, de s'appliquer à devenir le maître de la moralité (Epîtres I-ii).
Dans l'une des lettres à Mécène, Horace décrit certains des changements importants survenus dans sa vie :
Mes goûts ont changé avec l'âge... Adieu donc les vers ! adieu les vains amusements de ce genre ! L'étude et la recherche du vrai, du beau, voilà désormais toute mon occupation, voilà les trésors que j'amasse pour les trouver au besoin. (Épîtres I-i)
Horace aimait par-dessus tout sa villa sur les collines de Sabine, préférant la vie à la campagne à celle de la ville. Dans une lettre à Aristius Fuscus, il fait l'éloge de la vie à la campagne : "Si notre but, mon cher Fuscus, est de vivre de la manière la plus conforme à la nature; s'il faut, comme pour poser les fondements d'une maison, choisir d'abord un emplacement convenable, en est-il de plus favorable à ce dessein qu'une campagne heureusement située ?".(Epîtres I-x) Dans une lettre à son intendant, il parle de sa réticence à aller à la ville :
Quand tu vivais à la ville, tu faisais des vœux secrets pour aller habiter la campagne, maintenant, devenu campagnard, tu désires la ville, et les bains, et les jeux.
Pour moi, tu sais que je suis fidèle à moi-même, et tu me vois quitter les champs avec tristesse, toutes les fois que de maudites affaires me traînent à Rome.
(Epîtres, I -xiv)
Ses lettres et versets préconisent de se contenter de son sort dans la vie et de ne pas s'inquiéter de ce que l'avenir peut apporter. Mais contrairement à cela, il restait très conscient de l'inévitabilité de la mort. Dans une lettre relativement courte adressée à Albert Tibrellus - un critique des œuvres d'Horace - le poète l'avertit que les dieux lui ont donné la richesse et la possibilité d'en profiter, mais lui rappelle ensuite la possibilité de mourir à tout moment : "Au milieu de l'espoir et des soins, au milieu des craintes et des inquiétudes, pense que chaque jour qui brille sur toi est le dernier." Horace termine sa lettre par un commentaire plutôt sarcastique : "Lorsque tu auras envie de rire, viens me voir ; tu me trouveras gras et brillant des soins que je donne à ma personne ; tel, en un mot, qu'un pourceau du troupeau d'Épicure.", une référence subtile au philosophe grec qui prônait une vie de plaisir (Épîtres I-iv).
À Quinctus, Horace écrit encore sur le thème de la mort : "Car celui qui sera cupide sera aussi inquiet : mais celui qui vit dans l'inquiétude ne sera jamais, à mon avis, libre." (Epîtres I-xvi). Il ajoute qu'un individu qui est plongé dans l'accroissement de sa fortune a déserté le chemin de la vertu. En fin de compte, il dit à Quinctus que "La mort est le terme où tout finit". (Epîtres I-xvi)
Épîtres II
Horace écrivait pendant une période de transition de l'histoire romaine, alors que la République romaine était remplacée par un empire et un empereur. Dans une longue lettre (Épîtres II-i), il écrivit à l'empereur sur les origines et le caractère de la poésie en Grèce et à Rome. Dans le premier paragraphe, il complimente Auguste sur son rôle d'empereur : "Quand tu soutiens seul tout le poids du fardeau de l'empire, quand tes armes assurent la tranquillité de l'Italie, que tes mœurs l'épurent et que tes lois la corrigent, ..."
Alors que le temps passait et que son désir d'écrire s'estompait, il écrivit à Florus : "Les années, dans leur fuite rapide, emportent un à un tous nos avantages : elles m'ont déjà ravi la gaieté, l'amour, les festins et le jeu; maintenant elles cherchent à m'arracher la poésie: que puis-je y faire ? "(Epîtres II-ii) Bien qu'il ait renoncé à écrire des vers, il n'avait pas perdu son amour de la poésie; cependant, malgré son propre succès et le respect des autres poètes, il semblait peu sûr de lui et remit en question sa propre position, incertain de sa place dans la postérité. Il écrivit: "Quant à moi, si mes défauts me plaisent ou si je ne m’en aperçois pas, j'aime mieux passer pour un fou ou pour un poète sans art, que d'écrire sagement en me mettant à la torture."(Epîtres II -ii).