Dès le début de la Réforme française, La Rochelle s'imposa en tant que centre politique et militaire protestant. Les fortifications de la ville résistèrent à de nombreux sièges au fil des ans. En 1627, La Rochelle fut assiégée par le cardinal Richelieu (1585-1642). La capitulation de la ville en 1628 mit fin à l'influence du parti politique huguenot et aux ambitions religieuses de la ville.
Histoire ancienne
Bien que des vestiges d'activité humaine aient été trouvés dans la région de La Rochelle dès le IIe siècle avant notre ère, sa première apparition dans les documents officiels est celle d'un modeste village au Xe siècle, pendant le Moyen-Âge. Le nom de la ville, Rochella, ou petit rocher, vient de son emplacement sur un terrain rocheux. Les industries de la pêche et de l'extraction du sel conduisirent à la croissance commerciale et à la prospérité de la ville.
Lorsque le duc Guillaume X d'Aquitaine (1099-1137) détruisit les fortifications de la ville voisine de Châtelaillon en 1130, la destin de La Rochelle fut assuré. Le duc soutint le développement de cette nouvelle ville en accordant des privilèges destinés à attirer des résidents. À cette époque, la ville ne comptait qu'une seule paroisse, établie par les moines de Cluny, sur le site où serait érigée plus tard une église dédiée à Notre-Dame. La croissance démographique s'accéléra avec le développement des échanges avec l'étranger. La production de vin d'Aunis et de Saintonge, provinces historiques de la France, contribua à la prospérité de la ville. La Rochelle devint le principal lieu de commerce entre la Loire et la Gironde et étendit sa domination sur les petits ports et les îles qui jalonnent le littoral. Vers la fin du XIIe siècle, l'arrivée des Templiers (l'Ordre du Temple) favorisa le développement commercial et l'extension des frontières de la ville.
Conquêtes anglaises
La ville passa sous contrôle anglais lorsque Henri II d'Angleterre (r. de 1154 à 1189), second époux d'Aliénor d'Aquitaine (1122-1204), devint roi. Avec Bordeaux, La Rochelle devint une base commerciale et militaire pour le roi d'Angleterre. C'est à partir de La Rochelle que le roi Jean d'Angleterre (r. de 1199 à 1216) lança sa dernière campagne militaire avant sa défaite définitive contre Philippe II de France (r. de 1180 à 1223) à Bouvines en 1214. La mort du roi Jean en 1216 provoqua une certaine effervescence parmi les seigneurs locaux qui profitèrent de l'affaiblissement de l'autorité royale. Lorsque le roi Louis VIII de France (r. de 1223 à 1226) assiégea la ville en 1224, les habitants se rallièrent au souverain français. Les troupes royales de Louis IX de France (r. de 1226 à 1270) marchèrent sur la Saintonge pour rétablir l'ordre lorsque le puissant comte Hugues de Lusignan (c. 1183-1249) se rebella contre son souverain et s'allia aux Anglais. La Rochelle resta fidèle au roi de France lorsque les troupes anglaises et leurs alliés de Bayonne échouèrent dans leur tentative d'assiéger la ville en 1242.
Un traité de paix avec l'Angleterre en 1258 permit une longue période de stabilité, et Louis IX confia l'administration de la région à son frère Alphonse de Poitiers (1220-1271). La rupture officielle des relations entre l'Angleterre et la France en 1337 conduisit à la guerre de Cent Ans (1337-1453). C'est à cette époque que furent érigées les majestueuses Tour de la Chaîne et Tour Saint-Nicolas à l'entrée du port. Malgré l'instabilité de cette sombre période militaire et politique, la ville maintint son allégeance à la couronne de France. La défaite des Français et le traité de Brétigny en 1360 placèrent la ville sous contrôle anglais. En septembre 1372, le maire de la ville, Jean Chaudrier, ouvrit les portes aux troupes françaises et le contrôle français fut rétabli. Au début du XVe siècle, les conflits se poursuivaient en mer, les forces navales anglaises rançonnaient les navires à La Rochelle et à d'autres nations. Alors que le royaume sombrait dans la guerre civile, les Rochelais annoncèrent leur intention de rester neutres en 1419, bien qu'ils aient accueilli avec enthousiasme Charles VII de France (r. de 1422 à 1461) en octobre 1422.
Réforme du XVIe siècle en France
Dans les années 1540, l'enseignement de Jean Calvin (1509-1564) se répandit rapidement dans tout le royaume. Ville active et cosmopolite, dotée de contacts internationaux et d'un évêque absent établi à Saintes, La Rochelle fut gagnée à la cause protestante dès les premières années de la Réforme. La ville s'inscrivit dans le croissant huguenot des congrégations protestantes qui s'étendait de La Rochelle aux vallées du Dauphiné. En 1558, le "père de l'Église de La Rochelle", Pierre Richer (1506-1580), organisa la première église et le premier consistoire réformés. En 1560, les protestants représentaient plus de la moitié de la population de La Rochelle.
Les croyants réformés se réunirent discrètement pour le culte jusqu'en 1561, date à laquelle les catholiques et les protestants se rencontrèrent plusieurs fois dans les églises Saint-Sauveur et Saint-Barthélemy. Après le massacre des huguenots à Vassy en 1562, qui marqua le début des guerres de religion en France, les églises catholiques de la ville furent détruites, les moines et les moniales chassés. La ville fut reprise par les troupes royales, puis repassa sous contrôle protestant avec l'édit d'Amboise en 1563 qui mit fin à la première guerre de religion.
En 1565, la ville accueillit le jeune Charles IX de France (r. de 1560 à 1574) qui, avec la reine régente Catherine de Médicis, cherchait à raviver la ferveur monarchique de ses sujets. Le roi refusa cependant de confirmer les privilèges de la ville et menaça les pasteurs qui troublaient l'ordre public. Henri de Navarre, âgé de dix ans, futur Henri IV de France (r. de 1589 à 1610), faisait alors partie de l'entourage royal. La Rochelle devint une citadelle du parti protestant et s'empara de l'île de Ré. Le traité de Longjumeau en 1568 mit fin à la deuxième guerre de religion avant que les troupes royales n'arrivent pour assiéger la ville. Au cours de la troisième guerre de religion (1568-1570), les magistrats de la ville se rangèrent du côté de la majorité protestante. La Rochelle, sous la direction de la reine de Navarre, Jeanne d'Albret (1528-1572), fonctionnait quasiment comme un État souverain au sein du royaume de France et conclut des alliances politiques avec les puissances protestantes.
Après le massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, où les huguenots furent attaqués par les catholiques, de nombreux protestants trouvèrent refuge à La Rochelle, l'une des villes, avec Montpellier et Nîmes, où le protestantisme dominait le paysage religieux. En 1573, la ville fut assiégée par les troupes royales sous le commandement du duc d'Anjou, le futur Henri III de France (r. de 1574 à 1589). Après l'échec de la prise de la ville, l'édit de Boulogne fut signé en juillet 1573, ce qui mit fin à la quatrième guerre de religion. L'édit accorda aux protestants la liberté de culte dans les villes de La Rochelle, Montauban et Nîmes.
En 1598, Henri IV de France et l'édit de Nantes ouvrirent aux protestants l'accès aux universités et aux charges publiques, et quatre académies furent autorisées ainsi que le droit de convoquer des synodes religieux. Les protestants se virent garantir la sécurité de leurs garnisons pendant huit ans dans plusieurs villes, notamment dans la ville portuaire de La Rochelle. La Rochelle devint le principal bastion de la religion réformée et bénéficia du soutien de l'Angleterre qui cherchait à freiner le développement et l'expansion de la marine française.
Le conflit du XVIIe siècle
Après l'assassinat d'Henri IV en 1610, l'édit de Nantes fut progressivement remis en cause par son fils, Louis XIII de France (r. de 1610 à 1643). Malgré une décennie de paix relative, les croyants réformés savaient bel et bien que dans le royaume de France, ils n'étaient que tolérés. Leur sécurité dépendait de la bonne volonté du roi et des fortifications de la ville de La Rochelle et d'autres places fortes. Les protestants s'inquiétaient également de la politique pro-espagnole de la veuve d'Henri IV, Marie de Médicis (1575-1642). Les dirigeants protestants étaient également divisés: ceux qui acceptaient sans broncher l'autorité royale et ceux qui étaient prêts à se battre pour leurs droits politiques et religieux. La plus grande résistance vint des villes où calvinisme et indépendance étaient étroitement associés.
La ville de La Rochelle, principal bastion du parti huguenot, constituait une formidable barrière aux desseins de Louis XIII et du cardinal de Richelieu. La Rochelle avait largement adhéré à la Réforme protestante, était responsable de la diffusion du protestantisme dans les régions de l'ouest de la France et était devenue un refuge pour les protestants fuyant d'autres lieux. La Rochelle était la ville la plus sûre et la mieux armée de la Réforme française. Lors de l'assemblée générale du clergé catholique en 1617, Louis XIII ordonna la restitution des biens confisqués à l'Église catholique. Il marcha sur la province du Béarn et rétablit le catholicisme. En réponse aux actions du roi, l'assemblée générale huguenote de La Rochelle, en décembre 1620, divisa la France réformée en huit régions quasi-militaires avec des chefs à leur tête. Cette stratégie déclencha l'opposition des catholiques et conduisit à une intervention militaire. Les villes fortifiées de Saintonge, de Guyenne, du Languedoc et du Dauphiné prirent alors les armes contre les troupes royales.
Lors de la signature de la paix de Montpellier en octobre 1622, les protestants perdirent 80 lieux de refuge. Nîmes, Castres, Uzès et Millau reçurent l'ordre de démolir la moitié de leurs fortifications et Montpellier devint une ville ouverte. Seules deux villes forteresses subsistèrent: La Rochelle et Montauban. Autour de La Rochelle, le roi renforça la fortification du fort Louis et le duc de Guise basa sa flotte sur l'île de Ré. La Rochelle reçut l'ordre de démanteler une partie de ses fortifications alors même que le roi en construisait de nouvelles autour de la ville et renforçait les garnisons. Par ces mesures, le roi cherchait à s'assurer de l'obéissance de la ville. Il craignait également les Anglais avec lesquels les relations s'étaient détériorées depuis le mariage d'Henriette-Marie de France (1609-1669), fille d'Henri IV et de Marie de Médicis, avec Charles Ier d'Angleterre (r. de 1625 à 1649). La paix de Paris, signée le 5 février 1626, maintint le statu quo jusqu'à l'arrivée du cardinal de Richelieu.
Le cardinal de Richelieu
Le cardinal Richelieu avait fait de la ruine de La Rochelle et du parti huguenot une affaire personnelle. Aucune ville du royaume n'était plus indépendante et mieux fortifiée. Tantôt anglaise, tantôt française, catholique puis calviniste, attaquée par l'un ou l'autre au gré des événements et des caprices des princes, sa puissance militaire et ses murailles avaient maintenu l'autonomie de la ville pendant des décennies. Avec ses privilèges d'un autre temps, La Rochelle représentait pour Richelieu un anachronisme ainsi qu'un danger pour la Couronne.
Richelieu ne cacha pas son intention d'asseoir l'autorité absolue du roi sur les ruines de la ville. Louis XIII en fit part au pape, troublé par l'annonce d'un traité avec les huguenots. L'archevêque de Lyon écrivit à Richelieu pour encourager le siège de La Rochelle, afin de punir, ou mieux, d'exterminer les huguenots. Au printemps 1627, le conflit fut relancé. L'Angleterre et la France étaient au bord de la rupture et Louis XIII interdit à ses sujets de commercer avec l'Angleterre. C'était un coup dur pour l'indépendance des Rochelais qui, en 1472, avaient obtenu de Louis XI de France (r. de 1461 à 1483) le privilège de commercer avec tous les pays, même avec les ennemis du roi. Sous la direction de George Villers (1592-1628), le duc de Buckingham, les Anglais naviguèrent vers l'île de Ré au cours de l'été 1627, mais quittèrent les lieux après une résistance acharnée.
Le siège de La Rochelle
Richelieu décida de bloquer tous les accès à la ville et de forcer sa reddition. Des fortifications furent construites à l'extérieur de la ville pour empêcher tout accès terrestre à la ville. La ville entière se mobilisa et était confiante dans sa capacité à résister à un siège. Les murailles furent équipées de pièces d'artillerie et la ville fut bien armée. Richelieu comprit vite que le seul moyen de faire tomber la ville était de fermer l'accès au port. Il ordonna la construction d'une énorme digue pour empêcher les navires d'entrer dans le port. Bien que faisant face à 25 000 hommes, les Rochelais étaient persuadés que la digue ne résisterait pas aux tempêtes de l'hiver. Au printemps 1628, la digue était toujours debout. Le 11 mai, les Anglais se présentèrent, s'approchèrent de La Rochelle, tirèrent quelques coups de canon et se retirèrent rapidement sans pouvoir ravitailler les habitants.
La Rochelle fut assiégée pendant un an, encerclée et coupée de tout approvisionnement extérieur. Les derniers mois du siège furent marqués par une famine dévastatrice, obligeant les femmes, les enfants et les vieillards à quitter la ville et à errer sans ressources dans les marais, où peu d'entre eux survécurent. Les assiégés survécurent en mangeant des chevaux, des chiens et des chats, et chaque jour des centaines d'entre eux mouraient de famine. Ceux qui quittaient la ville pour chercher de la nourriture étaient abattus par des impitoyables soldats. La Rochelle comptait 25 000 habitants avant le siège, dont 18 000 protestants, et il n'en restait guère plus de 5 000 à la fin du blocus.
La Rochelle capitula le 28 octobre 1628. Le lendemain, Richelieu entra dans la ville et célébra une messe solennelle dans l'église Sainte-Marguerite. Louis XIII entra à La Rochelle le 1er novembre pour recevoir la capitulation, suivie d'une grande procession le 3 novembre. Le roi abolit tous les anciens avantages dont jouissait la ville, fit raser la plupart des remparts, remit les temples protestants à l'Église catholique et créa un évêché. Le destin de La Rochelle était désormais lié à la monarchie française et à l'Église catholique. L'annonce de la capitulation de La Rochelle à Rome donna lieu à une grande fête. Un Te Deum s'éleva vers le ciel et le pape Urbain VIII (p. 1623-1644) effectua une distribution extraordinaire d'indulgences. Il assura le roi que Dieu était à sa droite.
Conclusion
La chute de La Rochelle mit fin aux rêves d'indépendance de ses habitants. La tolérance religieuse fut garantie par la paix d'Alès en 1629, mais les huguenots n'avaient plus de droits politiques. Les remparts de la ville furent rasés et le catholicisme fut rétabli. Hormis les résidents protestants déjà présents, aucun autre protestant n'était autorisé à s'installer dans la ville. La chute de La Rochelle marqua l'avènement de l'absolutisme monarchique en France. Les privilèges de La Rochelle avaient été symbolisés par une ancienne coutume. Lorsqu'un monarque voulait entrer dans la ville, un cordon de soie était suspendu à l'ouverture de la porte. Le maire, avant de couper le cordon, faisait jurer sur l'Évangile à l'illustre visiteur de respecter les libertés et les privilèges locaux. Louis XI lui-même s'était plié à cette coutume. Mais lorsque Louis XIII entra à La Rochelle le 1er novembre 1628, c'est en conquérant qu'il y entra et les Rochelais s'inclinèrent devant lui.