L'invention du télescope en 1608 est généralement attribuée au Néerlandais Hans Lippershey. La lunette astronomique devint l'un des instruments les plus importants de la révolution scientifique, lorsque des personnalités comme Galilée (1564-1642) et Isaac Newton (1642-1727) l'utilisèrent pour étayer de nouvelles théories audacieuses sur les corps célestes et la nature de l'univers.
L'homme étudie le ciel nocturne depuis des millénaires, et les astronomes, de Ptolémée (90-168) à Nicolas Copernic (1473-1543), avaient formulé des théories sur la relation entre la Terre et le Soleil, la Lune et les autres planètes en utilisant uniquement l'œil nu. Le plus grand astronome avant l'invention du télescope fut peut-être le Danois Tycho Brahe (1546-1601), qui s'attacha particulièrement à mesurer l'altitude de certains corps célestes observables. Johannes Kepler (1571-1630) fut un autre personnage clé de la période précédant l'invention du télescope (avant qu'il ne fabrique ses propres versions du nouvel instrument) ; Kepler formula un nouvel ensemble de lois pour le mouvement des planètes, selon lesquelles celles-ci se déplacent sur des orbites elliptiques, et non sur des cercles parfaits autour du Soleil. Au fil des générations, ces efforts permirent d'accumuler de grandes connaissances, mais aussi de perpétuer de nombreuses théories erronées. La question de savoir qui détenait la vérité sur les cieux faisait l'objet d'un débat permanent, souvent teinté de préjugés supplémentaires, notamment religieux. Le télescope ouvrit rapidement un tout nouveau domaine d'investigation scientifique et permit de tester de nombreuses théories contradictoires à l'aide de preuves physiques issues d'observations détaillées et prolongées.
Lippershey, Galilée et Kepler
L'histoire des premiers télescopes est encore plus obscure que la vue souvent floue obtenue avec les premières lentilles de cette importante invention. Ce qui est clair, c'est qu'il devint un instrument scientifique crucial. La combinaison de différentes lentilles ou de lentilles et de miroirs dans un seul instrument remonte à l'Antiquité, mais l'idée d'utiliser ces composants dans un seul appareil capable de rapprocher les objets éloignés de l'œil apparut pour la première fois en Angleterre et en Italie au XVIe siècle. Toutefois, on considère généralement que le premier télescope reconnaissable utilisant une lentille convexe et une lentille concave placées dans un long tube fut inventé en 1608 par Hans Lippershey (c. 1570 à c. 1619) aux Pays-Bas. Lippershey était un fabricant de lunettes, mais son attribution en tant qu'inventeur du télescope est problématique, car deux autres fabricants de lunettes flamands contestèrent cette affirmation. Quel qu'ait été l'inventeur du premier télescope, la combinaison de deux types de lentilles éloignées l'une de l'autre, l'une grossissant et l'autre miniaturisant, permit d'obtenir une image claire des objets éloignés et révolutionna la manière d'observer le monde et les cieux. L'idée était si merveilleusement simple que les gens la copièrent facilement et construisirent leurs propres télescopes sans jamais avoir vu l'original. Galilée est certainement le plus célèbre de ces imitateurs. En construisant des instruments de plus en plus performants, il parvint à créer le plus puissant télescope existant, avec un grossissement de 33 fois. Le télescope de Galilée, qu'il appelait son occhiale, comportait deux lentilles placées à chaque extrémité d'un tube de plomb d'environ 60 cm de long.
Galilée utilisa sa nouvelle lunette pour étudier le ciel dans les moindres détails et publia le fruit de ses recherches dans Sidereus Nuncius (Le messager des étoiles) en 1610. Galilée réussit à observer la Lune et constater que sa surface ressemblait à celle de la Terre, avec des montagnes et des vallées, ce qui laissait supposer qu'elle n'était pas, comme beaucoup le pensaient auparavant, constituée d'une matière entièrement différente. Galilée repéra les quatre plus grandes lunes de Jupiter, étudia la composition de la Voie lactée et identifia les phases de Vénus. De nombreuses nouvelles étoiles pouvaient désormais être observées, ce qui accrédita la théorie selon laquelle l'espace n'était pas une sphère mais un corps infini, littéralement un espace infini digne d'un "E" majuscule. Pour illustrer ce que l'on put apprendre et les théories que l'on put confirmer par la simple observation, Galilée décrit les taches solaires sur le Soleil, qu'il pouvait voir avec son télescope, un phénomène qui n'était pas inconnu dans l'Antiquité, mais sans en connaître les détails :
Les taches sombres que l'on voit dans le disque solaire au moyen du télescope ne sont pas du tout éloignées de sa surface, mais sont soit contiguës à celle-ci, soit séparées par un intervalle si petit qu'il est tout à fait imperceptible... Leur durée varie d'un ou deux jours à trente ou quarante. Pour la plupart, ils sont de forme très irrégulière et leur forme change continuellement, certains rapidement et violemment, d'autres plus lentement et modérément... En plus de tous ces mouvements désordonnés, ils ont en commun un mouvement général uniforme à travers la face du soleil en lignes parallèles. Les caractéristiques particulières de ce mouvement permettent d'apprendre que le soleil est absolument sphérique, qu'il tourne d'ouest en est et autour de son propre centre, qu'il entraîne les taches avec lui dans des cercles parallèles et qu'il accomplit une révolution complète en un mois lunaire environ.
(Fermi, 57).
Comme Galilée, Kepler conçut également son propre télescope, la véritable version astronomique, en 1611. L'instrument de Kepler utilisait deux lentilles convexes, ce qui donnait une image beaucoup plus claire; l'inconvénient est que cette image est vue par l'observateur à l'envers. Cet inconvénient limita la diffusion de la lunette astronomique par rapport à l'instrument que nous appellerions aujourd'hui lunette marine ou terrestre, qui était utilisée pour l'observation d'objets éloignés sur terre ou en mer. Au milieu du 17e siècle, la lunette astronomique gagna en popularité. Au cours de la révolution scientifique, cependant, le plus grand défaut de l'appareil était l'absence de technologie pour fabriquer des lentilles de haute qualité. Galilée avait une longueur d'avance sur tous les autres dans ce domaine, mais il ne voulait pas révéler exactement comment il affûtait ses lentilles fines. Malgré les problèmes techniques, le bond en avant dans l'extension considérable de la vision humaine fut une merveille qui captiva l'imagination des scientifiques et du grand public.
Opposition au télescope
Le télescope avait beau être une merveille, il y eut de nombreux sceptiques face à ce nouvel instrument, comme l'explique ici l'historien J. Henry :
Il est bien connu, par exemple, que certains des contemporains de Galilée refusèrent de regarder dans son télescope. Pourquoi réagirent-ils ainsi ? De toute évidence, ce n'était pas à cause d'une quelconque technicité astronomique. Une partie de la réponse réside dans le fait que les magiciens, et même les simples prestidigitateurs, utilisaient des combinaisons de miroirs et de lentilles pour tromper les gens; et en tant qu'objets construits artificiellement, il n'était pas du tout évident pour les contemporains que les télescopes puissent fournir des connaissances fiables sur ce qui était naturel. (6)
Les philosophes de la nature aristotéliciens (qui avaient pour mission d'expliquer le monde physique) étaient également réticents à intégrer dans leur réflexion les découvertes d'instruments tels que le télescope, qui fournissaient des informations sur des sujets autrement inobservables. L'Église ne voyait pas d'un bon œil les astronomes qui remettaient en question sa vision du monde. L'œuvre de Copernic figurait déjà à l'index des livres interdits de l'Église catholique, et Galilée fut également réprimandé. En réalité, la plupart des astronomes de l'époque n'étaient pas intéressés par la remise en question de l'orthodoxie religieuse et ne considéraient pas que leurs nouvelles découvertes à l'aide de télescopes remettaient nécessairement en question un univers créé tel que décrit dans la Bible. En effet, Newton, par exemple, suggéra qu'une comète frappant la Terre pourrait expliquer le grand déluge du livre de la Genèse.
Les nouvelles perspectives offertes par le télescope soulevèrent des questions troublantes pour certains. Si le Soleil avait une surface changeante, qu'est-ce qui changeait aussi dans l'univers? Si le Soleil n'était pas un exemple statique de la perfection divine, à quoi servait-il exactement? Si la Lune avait une surface semblable à celle de la Terre, qu'en était-il des autres satellites et même des planètes? Si les caractéristiques géographiques de certains corps célestes sont similaires à celles de la Terre, ne pourrait-il pas y avoir de la vie ailleurs dans l'univers? Maintenant que l'on a pris conscience de la nouvelle échelle infinie de l'univers, à quoi ressemble la Terre si on la regarde à travers un télescope depuis Jupiter? Bref, l'idée que la Terre et l'humanité étaient au centre de tout, idée rassurante perpétuée par les théories géocentriques de Ptolémée, avait fini par s'écrouler.
Quelle qu'ait été cette opposition, le télescope était là pour durer. Alors que de nombreux scientifiques fabriquaient leurs propres télescopes et meulaient leurs lentilles, des fabricants spécialisés de télescopes apparurent bientôt, notamment en Italie. Des télescopes miniatures furent installés sur les instruments de navigation existants, comme le quadrant nautique. De petits télescopes à grossissement réduit furent bientôt utilisés partout par les militaires sur terre et par les marines en mer. Il s'agissait de petits appareils à grossissement réduit, car au-delà de x20, l'image était floue et la couverture trop agrandie, compte tenu de la distance d'un horizon physique donné (comme si l'on utilisait des jumelles dans une bibliothèque).
L'une des premières apparitions importantes du télescope dans la littérature est le poème de 1667 Le Paradis Reconquis de John Milton (1608-1674), où il est suggéré que le Diable montre à Jésus les royaumes de la Terre à l'aide d'un télescope situé au sommet d'une montagne. Les nouveaux mondes ouverts par le télescope donnèrent le coup d'envoi d'un nouveau genre littéraire, la science-fiction, avec des œuvres telles que L'Homme dans la Lune de Francis Godwin (publié en 1638), récit d'un voyage sur la Lune. De nombreux ouvrages similaires suivirent tout au long du XVIIe siècle.
Développements ultérieurs
Le développement du télescope se poursuivit. Une lunette astronomique typique du XVIIe siècle mesurait environ 15 mètres de long. Johannes Hevelius (1611-1687) à Dantzig (aujourd'hui Gdańsk) en fabriqua une de 46 mètres de long en 1647 (il l'utilisa pour cartographier la Lune mais demeurait curieusement réticent à utiliser son appareil pour mesurer le mouvement des étoiles et des planètes). Des télescopes de plus en plus grands furent fabriqués vers la fin du XVIIe siècle, avec un système plus élaboré de lentilles qui étaient parfois espacées de plusieurs mètres à l'intérieur du tube ou sans tube du tout, un dispositif appelé télescope aérien. Le secrétaire de la Société royale d'Angleterre, Henry Oldenburg, décrit ainsi l'un des nouveaux télescopes de la société en 1664: "Nous avons construit un télescope de 60 pieds de long, récemment achevé par notre compatriote [Richard] Reeve, dont le verre de l'objet, d'un diamètre d'environ cinq pouces, présente une ouverture de 2,5 pouces" (Jardine, 47). La valeur de l'instrument est estimée à 100 livres sterling (17 000 livres sterling ou 21 500 dollars d'aujourd'hui).
Les ajouts techniques au télescope se poursuivirent. Des micromètres furent ajoutés pour prendre des mesures plus précises, en particulier des angles. Il existait des télescopes doubles, qui permettaient à deux observateurs de voir le même objet. Le télescope réflecteur, qui pouvait être plus petit qu'un télescope réfracteur, fut inventé en 1668 par Isaac Newton. Ce type de télescope utilisait un miroir incurvé fait d'un alliage d'étain et de cuivre qui améliorait la clarté de l'image observée en réduisant l'aberration chromatique, c'est-à-dire lorsque toutes les couleurs ne convergent pas en un seul point (un problème des lentilles en verre à l'époque). Le télescope de Newton avait un grossissement de 40 fois et était dix fois plus court qu'un télescope réfracteur de même puissance. Au XVIIIe siècle, des lentilles fabriquées avec différents types de verre permirent de réduire le problème de l'aberration chromatique. Pour une utilisation sur des distances plus courtes, sur terre ou sur mer, la double lunette - les jumelles - permet de tenir l'instrument plus fermement et d'obtenir une vue tridimensionnelle où la distance peut être mieux évaluée. Galilée, en fait, inventa une paire de jumelles, mais elles ne devinrent courantes qu'au 19e siècle.
Les gouvernements finançaient souvent un observatoire national, comme ceux de Paris (fondé en 1667) ou de Greenwich (fondé en 1675), dans l'espoir qu'ils fournissent de meilleures cartes et répondent à des problèmes pratiques de navigation. D'autres États suivirent le mouvement, si bien que des observatoires utilisant des télescopes virent le jour dans des endroits improbables, comme le royaume de Siam (Thaïlande) dans les années 1680 et Jaipur, en Inde, dans les années 1720.
Un héritage durable
Grâce à des améliorations techniques de plus en plus nombreuses, le télescope devint un instrument de plus en plus utile aux astronomes. Edmond Halley (1656-1742) - célèbre pour avoir prédit le retour en 1758 de la comète qu'il avait observée en 1682 et qui porte désormais son nom - utilisa un observatoire à Sainte-Hélène, dans l'Atlantique Sud, en 1677, pour dresser la première carte des étoiles de l'hémisphère sud sur la base d'observations faites à l'aide d'un télescope. Il était désormais possible de mesurer le mouvement des planètes, de leurs lunes et des étoiles les unes par rapport aux autres et de calculer avec précision la distance entre la Terre et le Soleil. Gian Domenico Cassini (1625-1712) put même utiliser une lunette non seulement pour repérer quatre lunes de Saturne, mais aussi pour identifier les espaces entre les anneaux de cette planète.
Une astronomie plus précise conduisit à des développements dans des domaines connexes tels que la physique et la théorie de la gravité proposée par Newton et, grâce aux recherches d'Ole Rømer (1644-1710), le fait que la lumière voyage à une vitesse finie. Le télescope avait révélé à quel point les corps célestes étaient méconnus, mais les scientifiques allaient peu à peu accroître leurs connaissances à l'aide d'instruments de plus en plus puissants. Ce processus est toujours en cours, bien sûr, avec les images et les données recueillies par des instruments incroyablement sophistiqués tels que le télescope spatial Hubble, lancé en 1990. Opérant au-delà de l'obstacle optique que constitue l'atmosphère terrestre, Hubble et d'autres télescopes similaires sont capables de capturer des images de l'espace lointain. Le télescope nous permet de voir des événements qui se sont produits dans l'espace bien avant que le premier homme ne contemple le ciel et ne s'interroge sur les mystères de l'univers, ce qui est peut-être l'expérience la plus proche du voyage dans le temps.