La hutte à sudation est une structure temporaire ou permanente qui fait partie intégrante de la culture amérindienne et qui est fréquemment utilisée lors de cérémonies spirituelles. La hutte est souvent une structure basse, en forme de dôme, chauffée par des pierres chaudes qui produisent de la vapeur lorsque de l'eau est versée dessus, ce qui augmente la température pour provoquer une forte transpiration chez les participants et une purification physique et spirituelle.
La hutte à sudation fait partie des sept rites sacrés des Sioux, et les Lakota appellent le rite de purification, dans lequel la hutte joue un rôle central, inipi ("revivre"), car on pense que les participants se débarrassent de leurs impuretés physiques et non physiques au cours de la cérémonie. Une fois libéré, ou même en cours de libération de ce qui l'empêchait de devenir son véritable "moi", un participant peut recevoir une vision lui indiquant la voie à suivre (bénéfique pour lui-même et pour les autres) ou lui délivrant un message pour le bien de la communauté élargie ou du monde.
La hutte à sudation est également un aspect important de la Danse du Soleil et de nombreuses autres cérémonies dans différents pays. Comme dans toutes les civilisations, chaque nation aime à revendiquer le fait d'avoir été la première à recevoir des dieux un don ou une découverte importante, et c'est ainsi que le peuple Pikuni de la Confédération des Pieds-Noirs raconte l'origine de la hutte à sudation. Cette histoire explique non seulement comment la hutte à sudation vit le jour, mais aussi à quel point le soleil, la lune et les étoiles - et, par extension, tout l'univers - sont intimement liés aux êtres humains. Il souligne également, comme le font de nombreux contes amérindiens, la valeur culturelle de la primauté du bien commun sur le bien individuel.
Les Pikunis
Les Pikunis font partie de la Confédération des Pieds-Noirs avec les Kainai (Gens du Sang) et les Siksikas et vivaient autrefois dans la vaste région qui s'étend de l'actuelle Saskatchewan, au Canada, jusqu'au Montana, aux États-Unis, et dans les régions situées à l'est et à l'ouest. Les Pikunis constituent la plus grand groupe des trois et semblent avoir été originaires de la région des Grands Lacs avant de s'intégrer à la culture des Indiens des Plaines. Les trois nations sont liées par une langue commune, l'algonquin, mais possèdent néanmoins leur propre culture.
Elles célèbrent toutes trois la danse du soleil et ont recours à la hutte à sudation. Elles observent également d'autres pratiques et rituels communs à de nombreuses nations amérindiennes, voire à toutes, comme la reconnaissance de la "médecine" - le pouvoir spirituel - et l'utilisation du "sac de médecine" - une poche contenant des objets au pouvoir transcendant qui ont une signification pour l'individu qui le porte. Le terme courant pour désigner la personne sacrée d'une nation, "homme-médecine" ou "femme-médecine", provient du pouvoir spirituel personnel très développé de cette personne, mais chaque personne a accès au monde spirituel et au Grand Esprit, et cette relation est à la fois symbolisée et maintenue par des pratiques telles que la conservation de la trousse de médecine de chacun. Le spécialiste Michael G. Johnson écrit:
La religion [pikuni] incluait l'utilisation répandue de "paquets sacrés" contenant des symboles (généralement des restes d'oiseaux, d'animaux et d'objets) du pouvoir du rêve ou de l'expérience de la vision. Ces sources de pouvoir personnalisées étaient parfois ouvertes et accompagnées de rituels pour le bénéfice du groupe, pour la santé, la chasse et le prestige. (105)
La hutte à sudation était l'un des moments où un sac de médecine était ouvert par la personne dirigeant la cérémonie pour le bien des participants mais, individuellement - et quotidiennement - le sac aide à maintenir l'équilibre dans la vie en rappelant le lien avec tous les autres êtres vivants et, dans l'histoire de l'origine de la hutte à sudation, bien que le sac ne soit pas mentionné, il aurait aidé à maintenir le type de relation avec les puissances supérieures qui amène Morning-Star à regarder vers le bas et à prendre pitié du jeune homme qui est le personnage central.
L'ouverture ou la fermeture du sac de médecine lors de la cérémonie de la hutte à sudation dépend de la personne qui préside la cérémonie et des besoins perçus par les participants, mais, qu'elle soit ouverte ou fermée, la cérémonie avait - et a toujours - une grande importance spirituelle et culturelle.
Construction et cérémonie de la hutte à sudation
Une hutte à sudation peut être une structure permanente ou temporaire, mais elle est toujours érigée sur un terrain choisi spécifiquement, et dans la prière, pour le pouvoir de résonance de l'esprit de ce lieu. La spécialiste Adele Nozedar commente:
La hutte à sudation elle-même peut être simple ou élaborée, une structure temporaire ou plus permanente. La plus simple est un trou creusé dans le sol qui est ensuite recouvert de branches, de broussailles ou de planches. Les plus élaborées peuvent prendre la forme d'un bâtiment en forme de dôme ou, de nos jours, d'une structure semblable à une tente, avec des fermetures éclair. Ces huttes se distinguent des habitations par le fait qu'elles sont plus petites et plus basses que le sol. (459)
La hutte n'a pas de fenêtres et n'a qu'une seule entrée/sortie. L'entrée est choisie avec autant de soin que son emplacement général, en fonction de l'objectif spécifique de la cérémonie. Elle peut être orientée vers l'est, pour se connecter au pouvoir du soleil levant, ou vers l'une des autres directions, en fonction du résultat escompté. Parfois, la hutte fait face à un feu cérémoniel, parfois à une étendue d'eau, parfois à une colline, mais les directions cardinales et l'objectif de la cérémonie jouent toujours un rôle central dans l'emplacement et la construction de la hutte. Nozedar décrit les différents aspects de la construction de la hutte:
L'emplacement de la hutte : L'attention est portée aux esprits de l'endroit où la hutte à sudation doit être construite, et la permission est demandée à ces esprits. Cet aspect est important car l'un des objectifs du rituel est d'entrer en contact avec ce monde.
Orientation : Comme dans toutes les pratiques spirituelles basées sur la terre, les points cardinaux sont importants car ils sont également liés aux éléments et aux saisons.
L'obscurité : Elle fait entrer le participant dans un autre monde et constitue un grand "niveleur", en fermant le monde au-delà de la hutte.
L'entrée : L'emplacement de cette entrée sera choisi en fonction de l'objectif de la réunion.
Construction de la hutte : L'environnement et les matériaux utilisés pour la construction de la hutte sont dûment pris en compte et respectés.
Tenue vestimentaire : La chaleur de la loge impose le port de vêtements légers et amples.
Offrandes au monde des esprits : Le tabac est utilisé de cette manière depuis des siècles, voire des millénaires. Le tabac lui-même peut être saupoudré sur le sol ou les pierres, ou fumé; la fumée est censée transmettre des messages aux esprits. Le foin d'odeur et d'autres herbes sacrées peuvent être utilisés, ce qui donne un arôme agréable à l'intérieur de la hutte.
Il est également important que certains membres du rituel n'y participent pas réellement, mais qu'ils agissent en tant qu'assistants. Il faut également des personnes pour chauffer les pierres, entretenir le feu et aider les participants au rituel.
L'espace sombre, chaud et clos de la loge représente l'utérus de la Terre-Mère; l'obscurité représente l'ignorance humaine. Les pierres grésillantes rappellent l'avènement de la vie, et la vapeur représente les forces créatrices de l'univers. Le feu est la lumière éternelle du monde. La hutte - ou "suerie" - est utilisée pour la cérémonie de purification par la chaleur. Cette purification s'applique aussi bien à l'esprit qu'au corps. (460-461)
Le tabac, s'il est fumé dans une pipe cérémonielle, n'est pas inhalé, mais tenu dans la bouche et relâché avec les prières. La décision d'ouvrir un sac de médecine - qu'elle soit prise par un participant ou par l'organisateur de la cérémonie - est une décision individuelle dictée par l'objectif de la cérémonie et la direction des esprits.
Le chef de cérémonie est toujours quelqu'un dont le pouvoir spirituel résonne et qui a été choisi, pour cette raison, par les anciens qui ont une connaissance approfondie du rituel et du monde des esprits - on ne peut pas simplement s'autoproclamer animateur ou organiser une cérémonie de suerie - et ce chef doit toujours faire partie de la communauté, respecter les valeurs culturelles et parler couramment la langue de sa nation.
Le chef ne "dirige" pas, mais il guide le déroulement du rituel par des prières, des chants sacrés, parfois l'ouverture d'un sac de médecine, et parfois aussi le battement rythmique d'un tambour, qui symbolise les battements de cœur de la Terre mère. Traditionnellement, la hutte de sudation était réservée aux hommes et seuls les hommes étaient autorisés à la diriger. Aujourd'hui, les femmes participent généralement à la cérémonie séparément, dans leur propre hutte, ou à un autre moment que les hommes.
La cérémonie peut être observée pour la santé physique et la guérison des participants, pour se purifier afin de recevoir une vision ou pour le bien-être psychologique (comme dans la thérapie du deuil), en préparation de la danse du soleil ou d'un autre rituel, pour la santé générale de la communauté, ou pour toute autre raison jugée appropriée. Ses effets étaient si profonds que la hutte et les rites qui l'entouraient étaient considérés comme des cadeaux des puissances supérieures au peuple. Cette croyance est illustrée par l'histoire pikuni de l'origine de la hutte à sudation.
Texte
Comme pour la plupart des récits amérindiens, il est impossible de dater l'histoire suivante, car elle fut transmise oralement pendant des siècles jusqu'à ce qu'elle ne soit enregistrée par les colons blancs au XIXe siècle. L'histoire raconte l'histoire d'un jeune homme défiguré, espérant gagner l'amour de la fille du chef, qui est aidé par des puissances célestes et récompensé par la hutte à sudation pour un acte de bravoure. Le texte est extrait de Voices of the Winds: Native American Legends (Les voix du vent) de Margot Edmonds et Ella Clark.
Une jeune fille d'une grande beauté, la fille du chef, était vénérée par de nombreux jeunes hommes séduisants de la tribu des Pikunis. Mais elle ne voulait aucun d'entre eux pour mari.
Un jeune homme de la tribu était très pauvre et son visage était marqué d'une vilaine cicatrice. Bien qu'il ait vu des hommes riches et beaux de sa tribu rejetés par la fille du chef, il décida de découvrir si elle le prendrait pour mari. Lorsqu'elle se moqua de lui pour avoir posé la question, il s'enfuit, honteux, vers le sud.
Après plusieurs jours de voyage, il se laissa tomber sur le sol, fatigué et affamé, et s'endormit. Du haut des cieux, l'Étoile du matin regarda vers le bas et eut pitié du jeune infortuné, consciente de ses problèmes.
Au Soleil et à la Lune, ses parents, l'Étoile du matin dit : "Il y a un pauvre jeune homme étendu sur le sol, sans personne pour l'aider. Je veux aller le chercher pour faire de lui un compagnon."
"Va le chercher", dirent ses parents.
Étoile du matin emporta le jeune homme, le Balafré, dans le ciel. Le soleil dit : "Ne l'amenez pas encore dans ma hutte, car il sent mauvais. Construisez quatre huttes à sudation."
Lorsque ce fut fait, Soleil conduisit le Balafré dans la première hutte de sudation. Il demanda à Étoile du matin d'apporter un charbon chaud sur un bâton fourchu. Soleil cassa ensuite un peu de foin d'odeur et le plaça sur le charbon chaud. Tandis que l'encens s'élevait, Soleil commença à chanter " Old Man is coming in with his body; it is sacred " (Le vieil homme entre avec son corps; c'est sacré), répétant cette phrase quatre fois.
Soleil passa ses mains d'avant en arrière dans la fumée et les frotta sur le visage, le bras gauche et le côté du Blafré. Il répéta la cérémonie sur le côté droit du garçon, le purifiant et éliminant les odeurs des personnes terrestres.
Soleil emmena le Balafré dans les trois autres huttes à sudation et procéda à la même cérémonie de guérison. Le corps du Balafré changea de couleur et il brilla comme une lumière jaune.
Soleil passa une plume douce sur le visage du jeune homme, effaçant magiquement la cicatrice. Avec une dernière touche sur les longs cheveux jaunes du jeune homme, Soleil lui donna l'apparence d'Étoile du matin. Soleil conduisit les deux jeunes hommes dans sa propre hutte et les plaça côte à côte en position d'honneur.
"Vieille femme", appela le père. "Lequel est votre fils ?
Lune désigna le Balafré : "Celui-là est notre fils."
"Tu ne connais pas ton propre enfant", répondit Soleil.
"Ce n'est pas notre fils. Nous l'appellerons Pris-pour-Étoile-du-Matin", tandis qu'ils riaient tous de bon cœur de cette erreur.
Les deux garçons étaient constamment ensemble et devinrent de proches compagnons. Un jour, alors qu'ils partaient à l'aventure, Étoile du Matin leur montra de grands oiseaux au bec très long et très pointu.
"Demi-frère, Je te préviens de ne pas t'approcher de ces créatures dangereuses", dit Étoile du matin. "Elles ont tué mes autres frères avec leurs becs.
Soudain, les oiseaux poursuivirent les deux garçons. Étoile du Matin s'enfuit vers sa maison, mais Demi-frère s'arrêta, prit une massue et frappa les oiseaux à mort, l'un après l'autre.
En arrivant chez lui, Étoile du Matin raconta avec enthousiasme à son père ce qui s'était passé. Soleil entonna un chant de victoire en l'honneur du jeune héros. En remerciement d'avoir sauvé la vie d'Étoile du Matin, Soleil lui donna le bâton fourchu pour soulever les braises chaudes et une tresse de foin d'odeur pour faire de l'encens. Ces éléments sacrés nécessaires à la cérémonie de la hutte à sudation étaient un cadeau de confiance.
"Et voici ma hutte à sudation que je te donne", dit Soleil. Pris-pour-Étoile-du-Matin observa très attentivement la façon dont elle était construite, se préparant dans son esprit à revenir un jour sur terre.
Lorsque le Balafré arriva dans son village tribal, tous les membres de son peuple se rassemblèrent pour voir le beau jeune homme parmi eux. Au début, ils ne le reconnurent pas comme étant le Balafré.
"Je suis allé dans le ciel", leur dit-il. "Regardez-moi, Étoile du matin ressemble à ceci. Le soleil m'a donné ces objets utilisés dans la cérémonie de guérison de la hutte à sudation. C'est ainsi que j'ai perdu ma vilaine cicatrice".
Le Balafré explique comment on utilise le bâton fourchu et le foin d'odeur. Puis il se mit au travail pour montrer à son peuple comment fabriquer la hutte à sudation. C'est ainsi que la tribu des Pikunis construisit la première hutte à sudation.
Maintenant que le Balafré était si beau et qu'il apportait une si grande bénédiction de guérison à sa tribu, la belle fille du chef devint sa femme.
En souvenir du cadeau de Soleil au Balafré et à sa tribu, les Pikunis font toujours de la cérémonie de guérison de la hutte à sudation une partie importante de leur célébration annuelle de la danse du soleil.
Conclusion
Étoile du Matin et sa famille accueillirent le jeune homme comme l'un des leurs, illustrant ainsi le lien entre les humains, l'univers et tous les êtres vivants, et celui-ci réagit en acceptant leur gentillesse et en se comportant avec respect et courage, comme on s'y attendrait de la part d'un fils ou d'un frère. Rien dans l'histoire n'indique que Soleil, Lune ou Étoile du Matin veuillent que le jeune homme parte, mais il observe attentivement ce que Soleil lui enseigne au sujet de la hutte à sudation, car il sait qu'il doit retourner auprès de son peuple et partager le cadeau.
Il s'agit là d'un thème récurrent dans les récits amérindiens: faire passer le bien de sa communauté avant son intérêt personnel. Le jeune homme aurait pu rester avec sa famille céleste dans le ciel, mais il revient sur terre pour leur apporter la hutte à sudation et ses bienfaits.
La valeur culturelle du bien de la communauté dans son ensemble - au cœur de la cérémonie de la sudation - et pas seulement de sa propre santé ou prospérité, est souvent oubliée à l'ère moderne par les non-autochtones qui s'approprient la suerie à leurs propres fins. Nozedar commente:
De nombreux participants choisissent de jeûner ou de méditer avant de prendre part au rituel de la hutte de sudation et peuvent avoir un problème spécifique auquel ils cherchent des réponses. Les effets transcendants de la hutte permettront, nous l'espérons, de clarifier ces solutions. (462)
C'était aussi vrai dans le passé que dans le présent, mais dans les pratiques non autochtones, le bien de la communauté est souvent ignoré et l'accent est mis sur la résolution individuelle des problèmes personnels. Les observations respectueuses de la tradition dans l'emplacement de la hutte, sa construction et les rites de la cérémonie elle-même sont également souvent ignorées, ce qui entraîne parfois des conséquences tragiques, comme lors de la cérémonie de la hutte à sudation mal conçue et mise en œuvre à Sedona, en Arizona (États-Unis), en octobre 2009, organisée par le gourou du développement personnel James Arthur Ray, qui n'avait aucune connaissance des traditions entourant la cérémonie, et qui entraîna la mort de trois personnes et la maladie de vingt-et-une autres.
Dans Origine de la hutte de Sudation, le jeune homme n'est pas récompensé en cherchant une solution à ses propres problèmes sans se soucier du bien d'autrui ou, comme Ray, pour son profit personnel; il est récompensé en pensant aux autres avant de penser à lui. À la fin, il gagne la main de la fille du chef et devient un membre respecté de la communauté, non pas en s'aidant lui-même ou en s'engageant dans une cérémonie vide de sens et d'intérêt, mais en acceptant la gentillesse et l'attention des autres et en y répondant de la même manière.