La création d'énormes figures ou géoglyphes dans le gazon des collines anglaises remonte à plus de 3 000 ans. Il existe 56 figures de colline disséminées dans toute l'Angleterre, la grande majorité d'entre elles se trouvant sur les terres crayeuses du sud du pays. Les figures comprennent des géants, des chevaux, des croix et des insignes de régiment. Bien que la majorité de ces glyphes datent d'environ trois cents ans, il y en a un ou deux qui sont beaucoup plus anciens.
La plus célèbre de ces figures est peut-être aussi la plus mystérieuse: il s'agit du cheval blanc d'Uffington, dans l'Oxfordshire. Le cheval blanc a récemment fait l'objet d'une nouvelle datation et s'est avéré être encore plus ancien que la date de l'âge du fer préromain qui lui avait été attribuée. Le Géant de Cerne Abbas, dans le Dorset, et l'énigmatique Géant de Wilmington, dans le Sussex, sont plus controversés. Quelle était la fonction de ces figures géantes, qui les a sculptées et comment les exemples les plus anciens ont-ils survécu pendant des milliers d'années?
La méthode de découpe de ces immenses figures consistait simplement à enlever le gazon qui les recouvrait pour révéler la craie blanche et brillante qui se trouvait en dessous. Cependant, l'herbe ne tardait pas à repousser sur le glyphe, à moins qu'il ne soit régulièrement nettoyé ou récuré par une équipe d'hommes et de femmes assez nombreuse. L'une des raisons pour lesquelles la grande majorité des figures de colline ont disparu est que, lorsque les traditions associées aux figures se sont estompées, les gens n'ont plus pris la peine ou ne se sont plus souvenus d'enlever l'herbe pour exposer le contour de la craie. De plus, au cours des centaines d'années, les contours ont parfois changé parce que les participants n'ont pas toujours coupé exactement au même endroit, ce qui a modifié la forme du glyphe d'origine.
Le fait que d'anciennes figures de colline subsistent en Angleterre aujourd'hui témoigne de la force et de la continuité des coutumes et croyances locales qui, dans un cas au moins, remontent à plusieurs millénaires.
Le cheval blanc d'Uffington
La figure de colline la plus ancienne et la plus célèbre d'Angleterre est le cheval blanc d'Uffington, long de 110 m et haut de 40 m, situé à 2,5 km au sud du village d'Uffington, dans les Berkshire Downs, dans l'Oxfordshire. Cette représentation stylisée unique d'un cheval se compose d'un long dos lisse, de fines pattes disjointes, d'une queue tombante et d'une tête semblable à celle d'un oiseau. L'élégante créature se fond presque dans un paysage riche en sites préhistoriques. Le cheval est situé sur un escarpement abrupt, à proximité de la colline fortifiée d'Uffington datant de la fin de l'âge du bronze (vers le VIIe siècle av. J.-C.) et en contrebas d'un sentier néolithique appelé Ridgeway.
Le cheval d'Uffington est également entouré de tumulus qui datent du néolithique et de l'âge du bronze. Il n'est qu'à 1,6 km du tumulus néolithique de Wayland's Smithy et non loin du cimetière de l'âge du bronze de Lambourn Seven Barrows. La figure est placée de telle sorte qu'elle est extrêmement difficile à voir de près et, comme beaucoup de géoglyphes, c'est du ciel qu'on l'apprécie le mieux. Néanmoins, certaines zones de la vallée du cheval blanc, la vallée qui contient et porte le nom de l'énigmatique créature, permettent de s'en faire une idée précise. En effet, par temps clair, la sculpture peut être vue jusqu'à 30 km de distance.
La première référence documentaire à un cheval à Uffington remonte aux années 1070, lorsque la "colline du cheval blanc" est mentionnée dans les chartes de l'abbaye voisine d'Abingdon, et la première référence au cheval lui-même remonte à 1190. Cependant, on pense que la figure date de bien plus longtemps. En raison de la similitude entre le cheval blanc d'Uffington et les représentations stylisées de chevaux sur les pièces de monnaie celtiques du 1er siècle avant notre ère, on pensait que la créature devait également dater de cette période.
Datation scientifique du cheval
Cependant, en 1995, des tests de luminescence stimulée optiquement (OSL) ont été effectués par l'Unité archéologique d'Oxford sur des sédiments de sol provenant de deux des couches inférieures du corps du cheval et d'une autre coupe près de la base. Le résultat a permis de dater la construction du cheval entre 1400 et 600 avant notre ère, c'est-à-dire à la fin de l'âge du bronze ou au début de l'âge du fer. La dernière extrémité de cette fourchette de dates relierait la sculpture du cheval à l'occupation de la colline d'Uffington adjacente, et pourrait peut-être représenter un emblème tribal ou un symbole marquant le territoire des habitants de la colline. Il est également possible que la sculpture ait été créée à des fins rituelles ou religieuses.
Culte et mythologie
Certains chercheurs considèrent que le cheval représente la déesse celtique Épona, vénérée en tant que protectrice des chevaux et associée à la fertilité. Cependant, le culte d'Épona fut importé de Gaule (France) probablement au premier siècle de notre ère, date à laquelle nous trouvons les premières représentations de la déesse du cheval. Cette date est postérieure d'au moins six siècles à la sculpture du cheval d'Uffington. Néanmoins, le cheval avait une grande importance rituelle et économique pendant les âges du bronze et du fer, comme l'attestent ses représentations sur des bijoux, des pièces de monnaie et d'autres objets métalliques. La sculpture représente peut-être une déesse britannique du cheval, telle que Rhiannon, décrite dans la mythologie galloise ultérieure comme une belle femme vêtue d'or et chevauchant un cheval blanc.
D'autres, en revanche, considèrent que le cheval blanc serait lié au culte de Bélénos, "celui qui brille", un dieu celte du soleil souvent associé aux chevaux. Les chars solaires de l'âge du bronze et du fer, représentations mythologiques du soleil dans un char, étaient tirés par des chevaux, comme le montre l'exemple du 14e siècle avant notre ère provenant de Trundholm au Danemark. Si, comme on le pense aujourd'hui, les Celtes se sont installés en Grande-Bretagne au plus tard à la fin de l'âge du bronze, le cheval blanc pourrait encore être interprété comme un symbole de la déesse-cheval celte.
Un ancien dragon?
Certains pensent que la grande sculpture ne représente pas du tout un cheval, mais un dragon. Une légende liée à la colline du Dragon, un monticule naturel bas et plat situé dans la vallée en dessous du cheval blanc, suggère que le cheval représenterait le dragon mythique tué par Saint-Georges sur cette colline. Le sang du dragon mourant aurait été versé sur la colline du Dragon, laissant une cicatrice de craie blanche où, à ce jour, aucune herbe ne pousse. Le lien entre Saint-Georges et le cheval blanc est peut-être un souvenir confus d'un étrange rituel préhistorique pratiqué sur la colline du Dragon par ses créateurs, il y a peut-être trois mille ans de ça.
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le cheval blanc était nettoyé chaque année, dans le cadre d'une fête champêtre de deux jours à la Saint-Jean, qui comprenait également des jeux traditionnels et des réjouissances. De nos jours, le festival qui l'accompagnait a disparu et l'entretien du cheval est assuré par English Heritage, l'organisation responsable du site, le dernier décapage ayant eu lieu le 24 juin 2000.
Pourquoi ces figures ont-elles été créées?
Les raisons de la création de ces figures sur les collines sont probablement aussi variées que les figures représentées. De nouvelles preuves archéologiques et géologiques indiquent de plus en plus une date médiévale pour les figures humaines nues géantes, qui, selon certains historiens, seraient le produit d'une époque de guerre civile et de troubles politiques extrêmes en Angleterre, où la satire était parfois la seule arme. Comparées à la permanence des énormes pierres de structures telles que les monuments d'Avebury et Stonehenge, les figures des collines sont beaucoup plus éphémères, dix ou vingt ans sans récurage et la sculpture pourrait être perdue à jamais.
Le fait que les figures puissent disparaître si facilement, ainsi que les rituels et la signification qui leur sont associés, indique qu'elles n'avaient jamais été conçues pour être autre chose que des gestes temporaires, qui n'ont survécu que par accident ou, dans le cas du cheval blanc d'Uffington, grâce à l'existence continue d'une tradition locale extraordinairement tenace. Cela n'enlève rien à leur importance. Ces figures géantes donnent un aperçu fascinant de la vie et de l'esprit de leurs créateurs et de la façon dont ils voyaient le paysage dans lequel ils vivaient.
En juin 2010, des vandales ont aspergé une partie du cheval blanc de peinture violette. Une banderole portant l'inscription "fathers 4 justice stop the secret family courts" a été retrouvée sur le site par la police, bien que l'organisation Fathers 4 Justice ait nié tout lien avec cet acte insensé. Heureusement, le monument a été restauré par les employés du National Trust peu après, et l'on a au moins la satisfaction de savoir que le cheval blanc galopera encore sur les Berkshire Downs longtemps après que les responsables de l'acte de vandalisme auront été mis sous terre.