Configuration d'une Abbaye Médiévale

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 10 octobre 2023
Disponible dans ces autres langues: anglais, allemand
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Les abbayes constituaient un élément notable des paysages urbains et ruraux du Moyen Âge. Leur disposition et leur architecture reflétaient leur fonction de retraites monastiques isolées qui, a contrario, servaient et inspiraient les communautés locales. Bien qu'elles aient évolué au fil des siècles, de nombreuses caractéristiques des abbayes devinrent standard, comme l'église principale, le cloître, la salle capitulaire, le réfectoire, la bibliothèque, le chauffoir et les dortoirs.

Cloister Interior, Canterbury
Intérieur du cloître, Canterbury
David Iliff (CC BY-SA)

Essor des abbayes

Un monastère médiéval était une communauté fermée et parfois isolée de moines ou de moniales, dirigée par un abbé ou une abbesse, qui renonçaient aux biens de ce monde pour mener une vie simple de prière et de dévotion à la foi chrétienne. Les communautés monastiques se développèrent à partir du IVe siècle en Égypte et en Syrie, puis se répandirent dans l'Empire byzantin et en Europe à partir du Ve siècle. Le chef de ces communautés était appelé abba, et c'est de ce mot que dérive le titre d'"abbé". L'abbé italien Saint Benoît de Nursie (480-543) est considéré comme le fondateur du modèle monastique européen. La conception architecturale des abbayes, c'est-à-dire des monastères les plus grands et les plus importants, se répandit par le biais des moines itinérants et des conquêtes. Ainsi, Guillaume le Conquérant (c. 1027-1087) commença à reconstruire toutes les abbayes anglaises dans le style de celui du nord de la France à partir de 1066, un processus largement achevé en l'espace d'un siècle.

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Une grande abbaye médiévale comptait plus de 450 moines, mais une abbaye plus typique ne comptait qu'une centaine d'habitants permanents.

L'idée principale du monachisme était que la vie dans un endroit calme et relativement solitaire aiderait à mieux comprendre Dieu et permettrait une plus grande proximité avec lui. Les persécutions subies par le christianisme primitif contribuèrent également à l'idée de vivre dans des communautés isolées, ce qui explique que de nombreuses abbayes aient été construites au sommet de montagnes, sur des îles isolées ou sur des côtes escarpées. Hélas, cela ne les empêcha pas d'être pillées lors des raids vikings en Grande-Bretagne aux IXe et Xe siècles. Au Moyen Âge dit "classique", où de nombreux monastères furent reconstruits et agrandis, les communautés monastiques cloîtrées étaient devenues essentielles pour les communautés séculières qui vivaient autour d'elles, contrairement à ce qui était tout le contraire de leur origine isolée. En effet, pour de nombreux ordres monastiques, l'aide à la communauté locale était un élément important de leur mission.

Les abbayes en vinrent à posséder et à contrôler certaines zones géographiques (généralement laissées en héritage à la mort des bienfaiteurs), l'autorité étant parfois transmise à des institutions inférieures au sein de cette zone, telles qu'un prieuré (similaire mais plus petit qu'une abbaye) ou un monastère plus simple. La richesse de l'abbaye provenait des loyers payés sur les terres qu'elle possédait, des donations, des marchés qu'elle pouvait tenir, des dégrèvements fiscaux et de la vente des biens qu'elle produisait, qui allaient de la nourriture aux livres. Même les abbayes les plus rurales finirent par créer des villages et des villes autour d'elles, car les richesses et les services fournis par les abbayes créaient des emplois et attiraient des visiteurs.

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Architectural Model of Fontevraud Abbey
Maquette architecturale de l'abbaye de Fontevraud
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

Une grande abbaye comme celle de Cluny en France (fondée vers 910) comptait jusqu'à 460 moines, mais une abbaye plus classique ne comptait qu'une centaine d'habitants permanents. La plupart des abbayes étaient réservées aux hommes ou aux femmes, mais il en existait certaines où les habitants étaient mixtes, notamment les abbayes de Whitby dans le North Yorkshire, en Angleterre, et d'Interlaken en Suisse. L'abbaye était dirigée par un abbé ou une abbesse, qui occupait généralement ce poste d'autorité absolue à vie. L'abbé ou l'abbesse avait un second commandant, le prieur ou la prieure, qui dirigeait également les prieurés subsidiaires si le bâtiment était placé sous les auspices d'une abbaye voisine. Les résidents âgés se voyaient souvent confier des responsabilités, telles que la gestion de la bibliothèque ou de la cave à vin; ces personnes étaient connues sous le nom d'obédienciers.

Les abbayes constituaient un élément notable du paysage local, car elles étaient l'une des institutions les plus riches et les plus puissantes du monde médiéval.

Configuration architecturale

L'architecture d'une abbaye était fortement inspirée par les différents rôles que ses habitants devaient remplir. Ces rôles étaient déterminés par les règles de leur ordre monastique particulier, mais plus particulièrement par l'approche de l'abbé en charge qui détenait le pouvoir absolu dans l'abbaye. En outre, certains ordres étaient plus stricts que d'autres; les cisterciens, par exemple, devaient faire beaucoup plus de sacrifices personnels que les bénédictins.

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Parmi les facteurs qui influençaient le style architectural d'une abbaye, on peut citer l'emplacement spécifique - les monastères situés au sommet des montagnes, comme les Météores en Grèce, ou l'abbaye bénédictine située sur l'îlot de marée du Mont-Saint-Michel en France, étaient construits comme des forteresses. Il existe néanmoins une similitude remarquable entre les abbayes européennes et leurs prototypes de l'Empire byzantin, eux-mêmes dérivés de l'ancienne villa romaine. Comme l'explique l'historien J. L. Singman : "Le monachisme évolua avec un degré de planification, de coordination et même de normalisation délibérée qui n'était pas possible pour les institutions séculières" (172). L'historien byzantin C. Mango donne le résumé suivant d'un complexe abbaye-monastère byzantin typique, un modèle qui fut ensuite copié plus ou moins à l'identique dans les abbayes de toute l'Europe médiévale:

L'abbaye était normalement entourée d'un mur et possédait un portique couvert assez élaboré, parfois pourvu de bancs. Les mendiants s'y rassemblaient pour recevoir les aumônes des moines. En théorie, l'accès à l'intérieur était limité, les jeunes garçons et les membres du sexe opposé étant rigoureusement exclus. Après avoir franchi le portique, le visiteur se retrouvait dans une grande cour ouverte. Au centre, l'église était visible de tous les côtés... Les pièces d'habitation étaient disposées tout autour, suivant les lignes de l'enceinte. Les cellules étaient rectangulaires et généralement avec des voûtes en berceau. Elles étaient souvent construites sur deux ou plusieurs étages et étaient précédées d'une arcade ouverte. À côté de l'église se trouvait le réfectoire, qui était soit isolé, soit intégré au rectangle d'habitation. Il s'agissait d'une structure allongée, en forme d'abside, meublée de longues tables et de bancs. Près du réfectoire se trouvait la cuisine, avec un foyer surélevé et une cheminée ouverte par laquelle s'échappait la fumée. Les réserves équipées de grandes jarres en terre cuite pour la conservation du grain, des légumineuses, de l'huile et du vin étaient la norme. D'autres structures annexes comprenaient une fontaine, une boulangerie, une hôtellerie, parfois une infirmerie et un bain (110).

Plan of Westminster Abbey
Plan de l'abbaye de Westminster
Penn State University Library (CC BY-NC)

L'architecture et les plans des premières abbayes en Europe évoluèrent depuis les complexes celtiques en pierre et en bois (du VIe au VIIIe siècle), en passant par des aménagements centrés sur le cloître d'inspiration carolingienne (du IXe au Xe siècle), jusqu'à ce qui devint le modèle standard, l'abbaye normande (du XIe au XIIIe siècle), tout en conservant des liens architecturaux cruciaux avec l'architecture byzantine et romaine ancestrale. La période normande fut marquée par un essor des monastères de toutes sortes. La Grande-Bretagne, par exemple, comptait une cinquantaine de monastères au moment de la conquête normande de l'Angleterre en 1066, mais bien plus de 500 au début du XIIIe siècle. Avec l'accroissement de leur richesse aux XIIIe et XIVe siècles, les abbayes se dotèrent de bâtiments encore plus grandioses et plus décoratifs, reprenant souvent des éléments de l'architecture gothique.

Matériaux de construction et décoration

Une abbaye était un élément notable du paysage local, car elle était l'une des institutions les plus riches et les plus puissantes du monde médiéval. Les abbayes étaient l'un des rares types de bâtiments de grandes dimensions construits en pierre. Les premières abbayes utilisaient la pierre locale ou réutilisaient des briques provenant de bâtiments romains aujourd'hui disparus, mais au fil du temps, l'accroissement des richesses permit d'utiliser des matériaux de meilleure qualité, comme le calcaire et le granit. Si les blocs de pierre taillée n'étaient pas utilisés, des moellons recouverts de plâtre étaient fabriqués pour leur donner l'apparence d'une pierre taillée.

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Les caractéristiques architecturales décoratives typiques des abbayes du Moyen Âge (à l'exception des abbayes cisterciennes, plus austères) comprennent des colonnes simples ou composées surmontées d'un chapiteau uni, à coussin, festonné ou à feuilles. Les bâtiments étaient dotés d'arcades (arrondies dans les premières versions, pointues dans les suivantes), d'arcs décroissants autour des portes, d'arcades aveugles, de créneaux, de moulures et d'armoiries sculptées des bienfaiteurs de l'abbaye, placées au-dessus des portes et dans les plafonds. Il y avait des statues dans des niches, des motifs sculptés, des fenêtres à remplages complexes et des vitraux, en particulier des lancettes (hautes fenêtres à trois ou cinq carreaux avec un arc en ogive). Au XIIIe siècle, les toits et plafonds en bois furent remplacés par des voûtes d'ogives en pierre soutenues par des encorbellements sculptés (dont beaucoup sont encore visibles aujourd'hui, même dans les abbayes en ruine) à l'intérieur et par des dalles de pierre recouvertes de plomb à l'extérieur, qui dissimulaient les fermes de soutien en bois situées en dessous.

Le cloître

Le cloître était le cœur communautaire d'une abbaye ou de tout autre type de monastère. Son nom dérive du mot latin claustrum, qui signifie espace clos. Le cloître est une arcade, généralement à colonnes, entourant un espace carré ouvert dont l'accès était interdit aux personnes extérieures. L'espace central pouvait être pavé ou contenir un jardin d'herbes aromatiques ou un plan d'eau. L'entrée dans le cloître se faisait généralement par une porte située dans l'angle nord-ouest. Dans le cloître, les membres de l'ordre pouvaient parler librement, les novices (moines ou moniales en formation) et les oblats (enfants confiés à l'abbaye) recevaient un enseignement, et des tâches étaient accomplies, comme aiguiser son couteau sur la pierre à aiguiser du monastère ou laver ses vêtements dans de grandes vasques en pierre. Certains grands monastères disposaient d'un petit cloître réservé à la contemplation ou aux travaux silencieux. Les plus grands cloîtres se trouvent généralement dans les abbayes chartreuses, car cet ordre était plus strict que la plupart des autres. Les chartreux vivaient comme des ermites au sein d'un complexe abbatial et disposaient donc de beaucoup moins de bâtiments communs. Pour eux, le cloître était donc plus important, car c'était le seul endroit où les membres de l'ordre pouvaient passer du temps ensemble.

Cloister of Lacock Abbey, England
Cloître de l'abbaye de Lacock, Angleterre
Dillif (CC BY-SA)

L'église

L'église de l'abbaye rejoignait le cloître et était généralement construite selon un plan cruciforme et disposée sur un axe est-ouest, généralement pour empêcher les vents froids du nord de frapper directement le cloître. L'entrée principale et la plus décorée de l'église se trouve généralement du côté ouest. On y trouve souvent plusieurs portes, de hautes fenêtres à lancettes, éventuellement une rosace, et de nombreuses niches pour des statues de personnages bibliques et de saints liés à l'histoire de l'abbaye.

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Les églises devinrent de plus en plus grandes et grandioses au fil du Moyen Âge. Une progression peut être tracée à travers les abbayes normandes puis anglaises. Par exemple, l'abbaye de Jumièrges avait une église avec une nef de huit travées, l'Abbaye-aux-Dames de Caen avait une église de neuf travées, l'église de l'abbaye d'Ely en avait 13 et celle de l'abbaye de Winchester en avait 14. La large nef permettait aux grandes processions cérémonielles de passer et au public de s'asseoir s'il avait le droit d'entrer dans l'abbaye pour les offices. L'aile est de l'église s'agrandit également au fil du temps, car c'est là que les moines s'asseyaient et, comme les abbayes comptaient de plus en plus d'habitants, le chœur devait être plus grand. Un paravent séparait les moines des parties publiques de l'église. Les moines s'asseyaient sur des sièges en bois qui pouvaient être relevés lorsqu'ils se tenaient debout pendant l'office. Au-delà du chœur, dont il est séparé par une marche, se trouve le presbyterium avec un autel et un beau dallage en pierre. Derrière le presbyterium se trouve l'extrémité orientale de l'église, qui peut avoir une forme semi-circulaire (périodes antérieures) ou carrée (périodes postérieures) et être décorée de grands vitraux qui racontent des histoires relatives à la localité, aux fondateurs ou aux reliques conservées par l'église. Les reliques elles-mêmes peuvent être exposées dans le presbyterium, parfois avec une petite structure en bois au-dessus d'elles et dans le mur, de sorte qu'un moine puisse y rester et s'assurer qu'elles restent en sécurité lorsqu'elles sont vues par le public.

Les riches, soucieux d'assurer leur confort dans l'au-delà, laissaient souvent des fonds aux abbayes afin qu'une messe chantée puisse être célébrée régulièrement en leur nom. Parfois, un mémorial était érigé en l'honneur du bienfaiteur, appelé chantry, qui pouvait prendre la forme d'une simple plaque, d'une chapelle spéciale sur le côté de l'église ou même d'un bâtiment entièrement séparé.

Abbey Church, Fontevraud Abbey
Église abbatiale, abbaye de Fontevraud
Mark Cartwright (CC BY-NC-SA)

L'église principale était généralement dotée d'un clocher qui sonnait les offices de l'abbaye et appelait les habitants à la prière. Un signe évident de la prospérité d'une abbaye était l'ajout ou l'agrandissement d'une tour existante. À l'abbaye de Fountains, dans le Yorkshire, par exemple, une immense tour de 170 pieds (51,8 mètres) de haut fut ajoutée au transept nord de l'église au début du XVIe siècle.

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La bibliothèque

La bibliothèque d'une abbaye contenait une vaste collection de livres acquis grâce à des dons ou produits par les moines eux-mêmes. Certains textes anciens étaient également conservés à l'abbaye. Les livres étaient généralement conservés dans des armoires en bois placées dans des niches murales. Les abbayes étaient d'importants centres d'apprentissage locaux, où l'on enseignait aux enfants des riches et aux novices. Certaines abbayes acquirent une grande réputation en matière d'éducation, comme l'abbaye de Whitby, où de nombreux évêques furent formés, notamment saint Jean de Beverley (mort en 721).

Le travail d'écriture et d'étude se faisait dans une salle réservée à cet effet, le scriptorium. Les moines s'y asseyaient sur des tabourets et travaillaient sur de hauts pupitres appelés carrels, qui pouvaient être ouverts ou placés dans une cabine. Les manuscrits enluminés étaient produits avec soin, de sorte que la bibliothèque de l'abbaye ne cessait de s'enrichir. Le plus célèbre de tous les manuscrits médiévaux, le Livre de Kells (vers 800), était autrefois conservé dans la bibliothèque de l'abbaye d'Iona, sur la côte ouest de l'Écosse.

Les bibliothèques et les scriptoriums étaient généralement construits face au sud pour laisser entrer plus de lumière, ce qui en faisait également les pièces les plus chaudes pour travailler. Certaines bibliothèques, comme celle de l'abbaye de Saint-Wandrille près de Rouen en France, comprenaient également des archives royales. Au Moyen Âge, les femmes copiaient et écrivaient également des livres dans les abbayes, notamment l'abbesse bénédictine allemande Hildegarde de Bingen (1098-1179). Contrairement aux moines, la vie quotidienne des moniales médiévales comprenait également des travaux d'aiguille, tels que la broderie des robes et des textiles destinés aux services religieux.

Abbey Library St. Gallen
Bibliothèque abbatiale de Saint-Gall
Stiftsbibliothek St.Gallen (Copyright)

Hébergement

Les habitants d'une abbaye devaient s'accommoder d'un minimum de confort. Les cellules étaient simples car les habitants ne possédaient que très peu de biens personnels. Les dortoirs étaient courants, mais les novices et les membres de l'ordre ne se mélangeaient pas. Les lits étaient généralement constitués d'un matelas de paille ou de plumes et de quelques couvertures de laine. Plus tard, le dortoir put être divisé en cabines en bois, chacune dotée d'une fenêtre, d'un lit et d'un bureau. Le dortoir de Cluny comptait un nombre impressionnant de 97 fenêtres vitrées. Curieusement, il existait à Cluny une règle selon laquelle aucun moine ne devait dormir dans l'obscurité, et le long dortoir était donc équipé de nombreuses lampes à huile. Les dortoirs étaient souvent dotés d'un escalier permettant d'accéder à l'église, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de sortir à l'air libre pour assister aux offices nocturnes.

Les chartreux vivaient dans une relative solitude dans de petites maisons individuelles dotées d'une cheminée, d'un salon, d'un bureau, d'un atelier et d'une salle de bain attenante avec un robinet d'eau. Ces petites maisons disposaient souvent d'un jardin clos privé et étaient disposées autour du cloître. Les maisons étaient certainement meilleures que la plupart des maisons du monde séculier extérieur. De petites ouvertures dans les murs permettaient à un serviteur de livrer de la nourriture, et la solitude des moines n'était pas troublée.

Au Moyen Âge, des frères laïcs, des travailleurs engagés ou des serfs (travailleurs non libres) étaient employés par une abbaye afin que les moines ou les moniales puissent se concentrer sur les affaires ecclésiastiques. Les membres laïcs d'une abbaye vivaient généralement dans leur propre bloc d'habitation dans une cour extérieure qui disposait généralement de sa propre cuisine, car c'est là que pouvaient être préparés les aliments que les moines n'avaient pas le droit de manger, comme la viande. Les membres laïcs cultivaient des fruits et des légumes, cuisinaient et nettoyaient. À l'autre extrémité du spectre des résidents de l'abbaye, il pouvait y avoir des politiciens et des nobles en faillite ou en disgrâce, obligés par leur monarque de passer une retraite isolée dans une abbaye. Les pèlerins et les voyageurs pouvaient disposer d'un lit pour la nuit dans des chambres ou un bâtiment réservés à cet effet, généralement situés à l'ouest du cloître afin de ne pas perturber la vie quotidienne des moines. Les visiteurs de marque étaient souvent logés dans des appartements palatiaux situés dans la porterie principale. Au XIIIe siècle, de nombreux abbés disposaient de leur propre logement qui devint un bâtiment entièrement séparé aux proportions de plus en plus imposantes.

The Abbot's Kitchen Interior - Glastonbury Abbey
L'intérieur de la cuisine de l'abbé - Abbaye de Glastonbury
Wanda Marcussen (CC BY-NC-SA)

Réfectoire et cuisines

L'abbaye était essentiellement autosuffisante pour son alimentation, les légumes, les fruits et les herbes étant cultivés dans les jardins et les vergers. Les poissons étaient élevés dans l'étang de l'abbaye. La viande et les autres denrées alimentaires pouvaient provenir de terres extérieures gérées par l'abbaye; ces parcelles de terre avec une ferme s'appelaient des granges. Il y avait une cuisine, généralement située près du réfectoire, mais pour éviter qu'un incendie ne dégénère et ne détruise l'abbaye, elle pouvait être un bâtiment entièrement séparé (l'abbaye de Glastonbury en a conservé un bel exemple). Dans ce dernier cas, un passage couvert reliait parfois la cuisine au réfectoire. La cuisine comportait diverses annexes, telles qu'une arrière-cuisine pour la vaisselle, une boulangerie et un moulin, une beurrerie, une cave à vin, une pharmacie et un garde-manger pour les réserves de nourriture (généralement dans une pièce froide située sous une chambre. Il y avait une brasserie, qui fabriquait chaque semaine de la bière à partir de blé ou d'avoine, l'eau étant considérée comme impropre à la consommation. Certaines abbayes disposaient d'un colombier pour élever les pigeons. Ces bâtiments pouvaient être impressionnants en eux-mêmes, de forme carrée, circulaire ou polygonale, avec un haut toit pointu rempli de niches en pierre pour que les oiseaux puissent nicher à l'intérieur.

Les habitants d'une abbaye prenaient généralement un repas principal par jour en été et deux en hiver. Une fois préparée, la nourriture était servie dans le réfectoire où tout le monde s'asseyait à de longues tables et bancs en bois, à l'exception de l'abbé et du prieur (ainsi que des invités), qui s'asseyaient à des tables plus petites à l'extrémité de la pièce, sur une estrade surélevée. Dans un coin du réfectoire, haut perché dans le mur et accessible par un petit escalier, se trouvait une chaire en bois ou en pierre où l'un des membres de la communauté lisait à haute voix pendant que ses compagnons mangeaient.

Certaines abbayes anglaises disposaient d'un réfectoire supplémentaire, le misericord, où l'on mangeait de la viande (le nom dérive de "miséricorde", car la viande était un assouplissement du régime alimentaire strict de nombreux ordres). La plupart des réfectoires disposaient d'un bassin en pierre (ou lavabo) à l'entrée pour que les gens puissent se laver les mains avant de manger. Le lavabo était alimenté en eau par un robinet qui libérait l'eau des réservoirs situés au-dessus. Une petite cloche était actionnée pour indiquer que le repas était prêt à être servi (et se distinguait ainsi de la cloche de l'église qui appelait à participer aux offices). Le réfectoire était un grand bâtiment rectangulaire, comme celui de Cluny:

...était une belle salle, bien éclairée par trente-six grandes fenêtres vitrées, et décorée de peintures murales comprenant des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament, une grande figure du Christ entourée des principaux fondateurs et bienfaiteurs du monastère, et une description du Jugement dernier. (Singman, 175)

Restored Refectory, Chester Cathedral
Réfectoire restauré de la cathédrale de Chester
Wolfgang Sauber (CC BY-SA)

Les réfectoires étaient généralement construits le long d'un côté du cloître, mais comme les abbayes s'agrandissaient et qu'il fallait plus d'espace pour accueillir davantage d'habitants, le réfectoire était souvent tourné à 90 degrés et s'étendait à l'écart du cloître.

Hygiène

Les installations sanitaires d'une abbaye étaient généralement les meilleures du monde médiéval. Les toilettes étaient généralement reliées au dortoir et situées dans un bâtiment à part. Cluny disposait d'un bloc de latrines comprenant un nombre impressionnant de 45 cabines, chacune avec sa propre fenêtre. Les latrines se déversaient généralement dans un canal de drainage par lequel s'écoulait l'eau détournée d'un ruisseau voisin. Les abbayes les plus importantes disposaient d'un établissement de bains, même si les habitants n'étaient pas censés y passer beaucoup de temps, deux ou trois bains par an étant la norme, à moins que la personne ne soit malade. Les baignoires étaient généralement fabriqués à partir de grands tonneaux.

La salle capitulaire

Chaque matin, une abbaye tenait une réunion capitulaire au cours de laquelle tous les moines se réunissaient pour discuter des affaires du monastère, entendre les confessions et réprimander les membres de l'ordre qui s'étaient montrés laxistes dans leurs devoirs. Cette réunion se tenait dans la salle capitulaire, qui devait donc être suffisamment grande pour accueillir tous les résidents permanents de l'abbaye. Chaque jour, vers 8 heures, la réunion commençait par la lecture d'un chapitre du livre de règles du fondateur (d'où son nom) et comprenait la distribution des tâches quotidiennes à chacun des moines, assis sur des bancs de pierre disposés le long des murs de la salle. À la fin du Moyen Âge, les bâtiments tels que la salle capitulaire étaient souvent dotés de grandes fenêtres vitrées et d'une triple entrée ornée.

Ruins of Whitby Abbey
Ruines de l'abbaye de Whitby
Afshin Darian (CC BY)

Autres bâtiments

À côté du bâtiment du réfectoire ou en dessous d'une extrémité de celui-ci, une abbaye pouvait avoir un chauffoirmqui était la seule pièce chauffée de toute l'abbaye (à l'exception des cuisines), conçue pour apporter un peu de soulagement aux températures rigoureuses de l'hiver. Le feu du chauffoir était généralement allumé du 1er novembre à Pâques.

Une abbaye possédait souvent de nombreux bâtiments domestiques et fonctionnels supplémentaires où des personnes vivaient et travaillaient en permanence pour fournir aux moines ce dont ils avaient besoin. Les abbayes étaient réputées pour les soins médicaux qu'elles dispensaient. Une abbaye disposait d'un hôpital ou d'une infirmerie avec des logements et une cuisine dédiée. C'est là que les moines malades ou âgés étaient soignés. Il y avait souvent une deuxième infirmerie pour les personnes extérieures à l'ordre.

Les abbayes pouvaient également disposer d'écuries et d'ateliers où travaillaient et vivaient des artisans spécialisés qui fournissaient tout ce dont l'abbaye avait besoin, des clous aux fenêtres en verre. Les abbayes disposaient également d'espaces dédiés à la distribution des aumônes aux pauvres (l'aumônerie) et d'une salle où se déroulaient les négociations et les achats avec les marchands extérieurs au complexe abbatial.

Enfin, l'abbaye possédait son propre cimetière, généralement situé à l'est de l'église et divisé en deux parties : l'une pour les membres de l'ordre et l'autre pour les membres plus aisés de la communauté locale. Les sommités de l'abbaye, comme l'abbé, étaient souvent inhumées dans des sarcophages en pierre dans l'église. Tous ces bâtiments et espaces supplémentaires étaient généralement enfermés dans le mur d'enceinte de l'abbaye.

La fin des abbayes

À partir de la seconde moitié du XIVe siècle, de nombreuses abbayes furent confrontées à de grands défis, voire à un désastre total. L'arrivée de la peste noire en Europe et une série de famines érodèrent la richesse des monastères, tandis que l'effondrement du servage médiéval réorganisa les communautés vers une existence plus indépendante. Enfin, de nombreux souverains cherchèrent à s'emparer des richesses et des recettes fiscales des monastères, le plus tristement célèbre étant Henri VIII d'Angleterre (r. de 1509 à 1547), dont la dissolution rapace des monastères en Grande-Bretagne commença en 1536. L'âge d'or des grandes abbayes était révolu. Quelques-unes, comme les abbayes et les prieurés de Chester, Canterbury, Winchester et Durham, pour n'en citer que quelques-unes, devinrent des cathédrales, mais la plupart des anciennes abbayes devinrent des ruines pittoresques mais permanentes, leurs belles pierres étant pillées pour être réutilisées ailleurs. D'autres abbayes encore, surtout en Europe continentale, ont été transformées au fil du temps en hôtels, hôpitaux, écoles, galeries d'art et tout ce que leurs nouveaux propriétaires jugeaient rentable, à mesure que l'importance de la religion dans la vie des gens diminuait.

Certaines abbayes ont complètement disparu et de nouveaux manoirs et maisons de campagne ont été construits à partir de leurs pierres sur le site, seul l'ancien nom ecclésiastique subsistant, comme "l'abbaye", "le prieuré" ou "la grange" pour ces nouvelles propriétés séculières. Malgré l'évolution des temps, certaines abbayes continuent de remplir une fonction religieuse, comme l'abbaye de Westminster à Londres et de nombreuses autres disséminées en Europe, dont la plus célèbre est peut-être celle des Météores, dont la situation spectaculaire au sommet d'une falaise constitue toujours un havre de retraite pour ceux qui souhaitent poursuivre une vie monastique.

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Questions & Réponses

Quelles sont les caractéristiques d'une abbaye ?

Les caractéristiques typiques d'une abbaye sont une grande église, un cloître, un réfectoire pour les repas, une salle capitulaire pour les réunions, une bibliothèque et des dortoirs pour le sommeil.

Pourquoi une abbaye s'appelle-t-elle une abbaye ?

Une abbaye est appelée abbaye parce que le chef de la communauté religieuse était appelé "abba", d'où dérive notre mot "abbé" ou "abbesse", c'est-à-dire le chef de l'abbaye.

Quelle est la différence entre une abbaye et un monastère ?

La différence entre une abbaye et un monastère est que la première est plus importante et peut contrôler d'autres institutions plus petites telles que les prieurés et les monastères.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2023, octobre 10). Configuration d'une Abbaye Médiévale [The Layout of a Medieval Abbey]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2293/configuration-dune-abbaye-medievale/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Configuration d'une Abbaye Médiévale." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le octobre 10, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2293/configuration-dune-abbaye-medievale/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Configuration d'une Abbaye Médiévale." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 10 oct. 2023. Web. 21 nov. 2024.

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