Récit des Origines des Cheyennes

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Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 24 janvier 2024
Disponible dans ces autres langues: anglais
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Le Récit des origines des Cheyennes est le récit du début du monde, des saisons et des premiers hommes, à l'époque où tout était eau et où rien n'existait hormis le Créateur et les oiseaux aquatiques. Il existe de nombreuses versions de ce récit, mais la plus populaire présente des similitudes avec le Récit des Origines des Sioux Lakota.

Cheyenne Woman
Femme Cheyenne
Edward S. Curtis (Public Domain)

Dans ce récit, le Créateur envoie divers animaux (le huard, la loutre, le castor et la tortue) au fond de l'eau infinie pour en faire remonter la boue primordiale qui donnera naissance à la terre, alors que dans le récit cheyenne, seuls les oiseaux d'eau sont représentés. Ce conte est également connu sous le nom d'Histoire des origines des Cheyennes et des Arapahos, car il a toujours été raconté - et l'est encore - par la nation Arapaho, proche alliée des Cheyennes. Un deuxième conte des origines des Cheyennes, axé sur l'origine du peuple, est similaire au Récit des origines des Mandan, dans lequel les êtres humains sont à l'origine souterrains et émergent de la terre sur la terre haute qui devient leur maison ancestrale.

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Les aspects de l'existence que les gens craignent et subissent sont compris comme faisant partie de la condition humaine dans son ensemble, et non comme une punition.

Les histoires des origines d'autres nations amérindiennes présentent des similitudes avec ces trois types de récits, mais ils diffèrent tous considérablement dans les détails, la conclusion et le message spécifique. Une constante dans ces récits est toutefois la présence d'un Créateur - explicitement mentionné ou implicite - responsable de la "terre sur laquelle nous marchons" et de toutes les choses qui s'y trouvent. Une autre similitude entre les contes est l'absence de mal. Les aspects de l'existence que les gens craignent et subissent, tels que la maladie, les difficultés, les déceptions et la mort, sont considérés comme faisant partie de la condition humaine telle qu'elle a été envisagée par le Créateur dès le départ, et non comme une punition pour une "condition déchue" provoquée par le péché.

Aucune date de composition n'a été attribuée à ces récits, car ils furent transmis oralement de génération en génération jusqu'à ce qu'ils ne commencent à être consignés par les colons blancs au XVIIIe et, surtout, au XIXe siècle. De nombreux contes cheyennes, dont celui-ci, ont été mis par écrit par l'anthropologue et historien George Bird Grinnell (1849-1938). Le texte qui suit est extrait de son ouvrage By Cheyenne Campfires, publié pour la première fois en 1926.

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Texte

Le Récit des origines des Cheyennes parle d'un être qui flottait à la surface de l'eau. Des oiseaux aquatiques, des cygnes, des oies, des canards et d'autres oiseaux nageurs existaient déjà et se trouvaient tous autour de lui. La personne appela ces oiseaux et leur demanda de lui apporter de la terre. Ils furent heureux de le faire et acceptèrent, l'un après l'autre, de plonger dans l'eau et de voir s'ils pouvaient trouver de la terre au fond. Les plus gros oiseaux plongèrent en vain. Ils remontèrent sans rien, car ils ne pouvaient pas atteindre le fond, mais enfin un petit canard remonta à la surface avec un peu de boue dans son bec.

L'oiseau nagea jusqu'à l'être et lui mit la boue dans la main. L'être la prit et la travailla avec ses doigts jusqu'à ce qu'elle ne soit sèche, puis il la plaça en petits tas à la surface de l'eau, et chaque petit tas devint un terrain, et il grandit, grandit et s'étendit, jusqu'à ce que, aussi loin que l'on puisse voir, il y ait de la terre ferme partout. C'est ainsi que fut créée la terre sur laquelle nous marchons.

Une fois le sol ferme, le Créateur prit une côte de son côté droit et en fit un homme. Du côté gauche de l'homme, il prit une côte et en fit une femme. Ces deux personnes furent créées au même endroit mais, après avoir été créées, elles furent séparées et la femme fut placée loin au nord, et l'homme au sud.

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Une autre histoire de la création, qui m'a été racontée il y a longtemps par Ben Clark, qui avait épousé une Cheyenne et avait vécu longtemps avec la tribu, raconte qu'autrefois, les Cheyennes étaient tous sous terre et vivaient dans l'obscurité. Un jour, un homme aperçut au loin une petite tache blanche. Il s'en approcha et, peu à peu, elle s'agrandit. Il se retrouva bientôt entouré de lumière, ce qui l'aveugla et l'effraya. Au bout d'un certain temps, il s'y habitua et, retournant sous terre comme il était venu, il en parla à ses compagnons, dont une partie sortit également de sous terre et vécut ensuite à la surface de la terre. Ceci suggère une histoire racontée sur les débuts des Indiens Mandan.

Après avoir créé les deux peuples, qu'il plaça loin l'un de l'autre au nord et au sud, le Créateur se tint entre eux, le dos tourné au soleil levant. Il leur dit: "Dans cette direction", en désignant le sud, "vous trouverez de nombreuses sortes d'animaux et d'oiseaux différents de ceux que vous trouverez dans cette direction", en désignant le nord, où se trouvait la femme. "Les oiseaux qui vivent au sud iront au nord en été. Là où se trouve la femme, il fera froid, et l'herbe et les arbres ne pousseront pas bien. Il n'y en aura presque pas, mais là où est l'homme, tout poussera: les arbres, les buissons, l'herbe.

La femme du nord, bien qu'elle ait des cheveux gris, n'est pas vieille. Elle ne semblait jamais vieillir. L'homme du sud était jeune. Il ne vieillissait pas.

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Au nord vit Ho im'a'ha, Winter man (Homme d'hiver), la puissance qui apporte le froid et la neige, mais aussi la maladie et la mort. Il obéit à la femme du nord. On parle souvent de lui dans les récits et on dit qu'il a déclaré, lors d'une réunion des êtres surnaturels, qu'il n'aurait "pitié de personne". Lorsque, lors de cette réunion, il s'exprima de cette manière, Thunder (Tonnerre), qui représente le pouvoir du sud, déclara qu'il ne fallait pas laisser Ho im'a'ha avoir tout à dire; alors, avec l'aide du bison, Thunder fit du feu et enseigna à l'un des héros de la culture comment faire la même chose.

Il dit à Sweet Medecine: "Prends un bâton et je t'apprendrai quelque chose qui permettra à ton peuple de se réchauffer, de faire cuire des aliments et de brûler des objets". Il montra à Sweet Medicine comment poser la pointe du bâton au milieu d'un morceau de bison séché, puis de le frotter entre ses mains et de le faire tourner rapidement. Le jeune homme s'exécuta et, au bout d'un certain temps, le morceau prit feu. Ainsi, grâce à l'aide de Thunder, les gens reçurent quelque chose à utiliser contre le froid, quelque chose qui les réchaufferait.

L'homme et la femme au sud et au nord semblent représenter l'été et l'hiver, l'homme représentant le soleil ou le tonnerre, tandis que la femme représente la puissance qui fait la guerre au soleil.

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Deux fois par an, il y a un conflit entre le Thunder et Winter man. À la fin de l'été, lorsque les cours d'eau baissent et que l'herbe devient jaune et sèche, Ho im'a'ha descend du nord et dit à Thunder: "Recule, recule, à l'endroit d'où tu es venu. Je veux me répandre sur toute la terre, geler les choses et tout recouvrir de neige." Alors Thunder s'en va.

Vers le printemps, lorsque les jours commencent à s'allonger, Thunder revient du sud et dit à Ho im'a'ha: "Retourne, retourne à l'endroit d'où tu viens. Je souhaite réchauffer la terre, faire pousser l'herbe et verdir toutes les choses". Winter man recule alors et Thunder arrive, apportant la pluie; l'herbe pousse et toute la terre est verte. Il y a donc une lutte entre ces deux puissances. Elles se succèdent l'une à l'autre.

Les deux premiers peuples, l'homme du sud et la femme du nord, ne se sont jamais rencontrés; mais, plus tard, d'autres peuples furent créés et c'est à partir d'eux que la terre a été peuplée.

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Commentaire

Les récits amérindiens de la création du premier peuple, y compris tous les récits ci-dessus, ont en commun le fait qu'il n'y a pas de cause surnaturelle au mal. Ce que les humains définissent comme "mauvais" ou "mal", comme la maladie et la mort, se produit naturellement et est causé par une entité agissant selon sa nature - qui n'est ni bonne ni mauvaise. Winter man, dans le Récit des origines des Cheyennes, n'est pas une figure maléfique, mais une personne qui cherche à poursuivre ses propres intérêts en recouvrant la terre de neige et en congelant les choses.

L'ensemble de la création est considéré comme bon.

Il dit qu'il n'aura de pitié pour personne, ce qui est l'expression de son pouvoir: personne ne l'empêchera de faire ce qu'il veut. Thunder s'oppose à lui, mais pour ses propres raisons: il veut que la terre soit chaude et verte. Il donne au grand prophète Sweet Medicine le don du feu pour contrecarrer les desseins de Winter Man et pour faire avancer les siens en réchauffant la terre et, par extension, ceux qui y vivent, et non pas parce qu'il se soucie particulièrement des gens eux-mêmes. Réchauffer les gens est un moyen de parvenir à une fin, pas un objectif final.

Ni ces entités, ni la femme du nord, ni l'homme du sud ne représentent un pouvoir qui s'oppose au Créateur que les Cheyennes appellent Maheo (Ma'heo'o), le Sage d'en haut, mais ils agissent conformément à leur nature, sous la direction de ce Créateur. Les directions de l'histoire illustrent clairement ce concept, puisque Maheo dit à l'homme et à la femme que des animaux et des oiseaux différents, ainsi que des conditions météorologiques différentes, apparaîtront dans les deux directions, mais qu'aucune d'entre elles n'est, en soi, meilleure ou pire que l'autre. L'ensemble de la création est donc considéré comme bon; si l'on décide de qualifier le froid du nord de "mauvais", ce n'est qu'un jugement personnel.

Similitudes avec les récits Mandan et Sioux

Contrairement à de nombreux récits inclus dans By Cheyenne Campfires, celui qui précède est donné par Grinnell directement de sa propre voix, ce qui est particulièrement évident dans le quatrième paragraphe où il raconte l'origine des Cheyennes et mentionne le Récit des origines des Mandan. Selon les Mandan (et de nombreuses autres nations), les gens sont issus de la terre, et ils appartiennent donc à la terre et, en particulier, à la région spécifique d'où ils ont émergé.

Le texte qui suit est tiré de Native-Languages.org et figure à l'origine dans Myths and Legends of the Mississippi Valley and the Great Lakes de Katherine Judson, publié pour la première fois en 1914:

Les Mandan étaient le peuple des faisans. Ils étaient le premier peuple du monde. Au début, ils vivaient dans la terre. Dans le sombre pays de la terre, ils avaient de nombreuses vignes. Enfin, une vigne poussa à travers un trou dans la plaine de la Terre, bien au-dessus de leurs têtes. L'un de leurs jeunes hommes grimpa immédiatement le long de la vigne jusqu'à ce qu'il ne débouche sur la plaine de la Terre. Il arriva dans les prairies, sur la rive d'une rivière, juste à l'endroit où se trouve aujourd'hui le village mandan.

Il regarda tout autour de lui. La plaine de la Terre était très belle. Il y avait beaucoup de bisons. Il en tua un avec son arc et ses flèches et s'aperçut qu'il était bon à manger.

Le jeune homme retourna ensuite auprès de son peuple sous la terre. Il leur raconta tout ce qu'il avait vu. Ils tinrent un conseil, puis ils commencèrent à grimper le long de la liane jusqu'à la plaine de la Terre. Quelques chefs, de jeunes guerriers et de nombreuses femmes montèrent. Puis vint une femme très grosse. Les chefs dirent: "Ne monte pas." Mais elle le fit, et la vigne se cassa.

Les Mandan furent dévastés. Comme plus personne ne pouvait monter, la tribu sur la plaine de la Terre n'était pas très grande. Et personne ne pouvait retourner au village dans le sol. Les Mandan construisirent donc leur village sur les rives de la rivière. Mais le reste de la population resta sous terre.

Dans le conte cheyenne, un aspect qui n'est pas entièrement traité dans le récit de Grinnell, certaines personnes restent sous terre. Grinnell inclut le détail "et une partie d'entre eux est également sortie de sous terre" sans expliquer ce qui est arrivé aux autres qui ne sont pas sortis. Dans certaines versions du conte, la raison est simplement que certains choisirent de ne pas monter à la surface, dans d'autres, c'est parce qu'ils sont indignes, ou qu'ils ont peur, ou les deux. Dans le conte mandan, cependant, c'est simplement parce que la vigne se brise, ce qui signifie qu'il y a encore des Mandan qui vivent sous la terre - qui seraient bien montés à la surface s'ils l'avaient pu - que les Mandan considèrent comme leurs parents vivants qui habitent un monde situé en dessous de leur maison et de leur point d'origine.

Dans le Récit des origines des Sioux Lakota, Wakan Tanka (le Grand Mystère ou le Grand Esprit) a créé un premier monde dans lequel les humains ont oublié leur nature divine et leur relation avec les autres créatures, et qui a été détruit par le feu. Le deuxième monde a ensuite été créé, mais, là encore, les humains se sont mal comportés et il a été détruit par une grande inondation. Le troisième monde (le monde actuel) a ensuite été créé d'une manière similaire à l'histoire Cheyenne ci-dessus.

Wakan Tanka envoie des créatures dans les profondeurs du monde inondé pour en faire remonter de la boue et, lorsque la tortue y parvient enfin, la création commence. Cette histoire permet non seulement d'expliquer comment le monde a commencé, mais aussi pourquoi les Sioux appellent l'Amérique du Nord (et, dans certains contextes, l'ensemble de la planète Terre) "l'île de la Tortue", car la terre fut construite sur le dos de la bienfaisante tortue qui récupéra la première boue et continue à la transporter.

Conclusion

Tout comme la modeste tortue sert le Créateur dans le conte sioux, le petit canard le fait dans le Récit des origines des Cheyennes. L'homme ne joue aucun rôle dans la création originale et, lorsque le Créateur choisit de créer des êtres humains, l'homme est fait d'une partie de lui-même et la femme d'une partie de l'homme, de sorte que tous deux partagent non seulement l'essence divine, mais aussi la force vitale, le pouvoir spirituel, de l'un et de l'autre.

De la même manière, tous les animaux, aussi insignifiants qu'ils puissent paraître aux yeux des humains, partagent la même essence divine et sont considérés par le Créateur avec la même importance. Le Récit des origines des Cheyennes met ce concept en évidence tout au long de l'histoire, non seulement à travers les actions du petit canard, mais aussi à travers la compréhension du fait que rien dans le monde créé ne peut être considéré comme moins important ou digne de respect qu'un autre, puisque toutes les choses proviennent d'une source divine.

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Questions & Réponses

De quoi parle le Récit des origines des Cheyennes?

Le Récit des origines des Cheyennes traite de l'origine du monde, des saisons et de la création des êtres humains. Il en existe de nombreuses versions, mais celle qui met en scène une eau sans fin est la plus populaire.

Quand le Récit des origines des Cheyennes a-t-il été composé?

Aucune date n'a été attribuée à la composition du Récit des origines des Cheyennes, car il a été transmis oralement pendant des siècles avant d'être mis par écrit au XIXe siècle. L'une des dates les plus anciennes est 1926, dans l'ouvrage By Cheyenne Campfires de G. B. Grinnell.

Le personnage de Sweet Medicine dans le Récit des origines des Cheyennes est-il le même que dans d'autres contes Cheyennes?

Oui. Sweet Medicine était un grand prophète et un législateur pour les Cheyennes, qui, selon l'histoire de la création, leur aurait également donné le feu.

Quel est le message central du Récit des origines des Cheyennes?

Le message central du Récit des origines des Cheyennes est que toutes les choses dans le monde sont essentiellement bonnes et ne sont considérées comme "mauvaises" qu'en fonction de l'interprétation humaine.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2024, janvier 24). Récit des Origines des Cheyennes [Cheyenne Creation Story]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2360/recit-des-origines-des-cheyennes/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Récit des Origines des Cheyennes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le janvier 24, 2024. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2360/recit-des-origines-des-cheyennes/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Récit des Origines des Cheyennes." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 24 janv. 2024. Web. 14 nov. 2024.

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