Parmi les nombreux récits de première main des conséquences du massacre de Wounded Knee, celui de l'auteur et médecin sioux Charles A. Eastman (également connu sous le nom d'Ohiyesa, 1858-1939) est l'un des plus connus. Eastman décrit ses expériences dans le traitement des blessés ainsi que le chagrin de ceux qui ont trouvé des amis et des parents parmi les morts.
Le massacre fut tout d'abord considéré comme une "bataille", car c'est ainsi qu'il fut présenté par les premiers correspondants de presse sur le site, William Fitch Kelley (c. 1865-1916) du Lincoln State Journal, Charles W. Allen du Chadron Democrat et Charles H. Cressy de l'Omaha Daily Bee. Cressy devança ses collègues avec une dépêche envoyée le jour même du massacre, le 29 décembre 1890, sous le titre "A Bloody Battle" (Une bataille sanglante). Les deux autres suivraient son exemple, ainsi que beaucoup - mais pas tous - de ceux qui viendraient après eux, relatant la "bataille" jusqu'en janvier 1891 et par la suite.
Le mot "massacre" ne fut régulièrement associé aux événements de Wounded Knee Creek qu'après 1902, même si les correspondants Thomas H. Tibbles et Susette La Flesche, écrivant pour le Omaha World-Herald, publièrent des articles dès le 2 janvier 1891 les décrivant comme tels. La présentation du massacre en tant que grande victoire de la septième cavalerie sur des "sauvages" hostiles et perfides favorisa la compréhension populaire des événements du 29 décembre 1890. Le 3 janvier 1891, L. Frank Baum, alors écrivain et rédacteur en chef de l'Aberdeen Saturday Pioneer, et plus tard célèbre en tant qu'auteur du Magicien d'Oz, appela à "l'extermination totale des Indiens" après avoir lu le récit de la "bataille", en écrivant:
Après leur avoir fait du tort pendant des siècles, nous ferions mieux, pour protéger notre civilisation, d'en faire encore plus et d'effacer ces créatures indomptées et indomptables de la surface de la terre. (Dunbar-Ortiz, 156)
C'est ce que pensaient de nombreux articles de journaux et éditoriaux, mais pas tous, jusqu'à ce que des récits comme celui d'Eastman ne gagnent du terrain et ne commencent à changer l'opinion des gens. Eastman devint un auteur et un conférencier populaire, défendant les droits des Autochtones, et son récit des suites du massacre - relatant comment les victimes comprenaient au moins 80 hommes âgés, une femme aveugle et de jeunes mères avec leurs enfants - eut un impact significatif sur un large public.
Malgré cela, le massacre est encore aujourd'hui régulièrement qualifié de "bataille", ce qui rend le récit d'Eastman - en particulier les détails concernant les Amérindiens non armés tués à plus de 5 km du site alors qu'ils tentaient de s'enfuir - aussi important aujourd'hui que lorsqu'il fut publié pour la première fois en 1916.
Le massacre
Le massacre de Wounded Knee entraîna la mort de plus de 250 Sioux Lakota, pour la plupart désarmés et comprenant des malades, des personnes âgées, des femmes et des enfants. Les récits de l'événement diffèrent - parfois de manière significative - mais la plupart s'accordent à dire que les Sioux qui avaient reçu l'ordre de camper à Wounded Knee Creek, dans le Dakota du Sud, le 28 décembre 1890, n'avaient que peu d'armes et que, le matin du 29 décembre 1890, ils n'étaient pas en mesure de monter une offensive car ils étaient encerclés - ou presque - par les troupes lourdement armées du septième corps de cavalerie qui avaient placé de l'artillerie légère sur la crête surplombant le campement.
Le matin du 29 décembre 1890, alors que les troupes désarmaient les Sioux, un coup de feu fut tiré lors d'une altercation entre un soldat et un Sioux qui tentait de s'accrocher à son arme. Selon la version généralement admise, ce coup de feu unique eut pour conséquence que les troupes environnantes ouvrirent le feu sur le camp en contrebas avec des armes légères et quatre canons de montagne Hotchkiss M1875.
D'autres rapports affirment qu'après le coup de feu, certains guerriers sioux auraient sorti leurs fusils de sous leurs couvertures et auraient attaqué les troupes. Quoi qu'il en soit, lorsque les tirs cessèrent, entre 250 et 300 Sioux étaient morts, et les tirs amis avaient pour la plupart tué 25 soldats - bien que certains rapports fassent état d'un nombre de victimes plus élevé.
Charles Eastman, accompagné de sa future épouse, la poétesse et enseignante Elaine Goodale (1863-1953), tous deux attachés à la réserve de Pine Ridge à l'époque en tant que médecin et surintendant de l'éducation indienne, respectivement, parcourut les 29 km qui le séparaient de Wounded Knee Creek pour s'occuper des blessés. Le récit d'Eastman est tiré de son autobiographie From the Deep Woods to Civilization ( 1916): Chapters in the Autobiography of an Indian, publiée en 1916, et qui devint l'un des documents historiques les plus importants sur le massacre de Wounded Knee.
Charles Eastman
Charles A. Eastman était un Sioux Santee Dakota né d'une mère métisse (Mary Nancy Eastman ou Winona) et d'un père Santee Dakota (Many Lightnings). Il fut nommé Hakadah ("Le pauvre dernier") parce que sa mère mourut à sa naissance. Séparé de son père, de ses trois frères et de sa sœur par la guerre du Dakota de 1862, il fut recueilli par sa grand-mère maternelle. Avec le temps, conformément à la tradition sioux, il reçut le nom d'Ohiyesa ("Gagnant") et fut élevé au Canada.
Des années plus tard, il retrouva son père, qui avait pris le nom anglophone de Jacob Eastman après s'être converti au christianisme, et son frère, qui avait pris le nom de John. Son père insista pour que ses fils reçoivent une éducation euro-américaine et, après s'être converti au christianisme, Ohiyesa changea son nom en Charles Alexander Eastman et suivit les cours du Dartmouth College et de l'école de médecine de l'université de Boston, dont il sortit diplômé en 1890, devenant ainsi le premier Amérindien certifié en médecine européenne. Il était donc jeune médecin lorsqu'il retourna sur sa terre natale, dans l'Ouest, et devint le médecin de la réserve de Pine Ridge.
Sa future épouse, Elaine Goodale, était déjà poète à l'âge de 15 ans et avait enseigné en Virginie avant de partir dans l'Ouest pour accepter le poste de surintendant de l'éducation de la réserve de Pine Ridge. Ils se marieraient en juin 1891 et deviendraient tous deux des personnalités publiques connues, mais en décembre 1890, ils n'étaient que deux collègues à Pine Ridge qui répondirent aux besoins des Lakota blessés à Wounded Knee Creek au début du mois de janvier 1891.
Texte
L'extrait suivant du livre d'Eastman est tiré de American Indian History: A Documentary Reader, édité par Camilla Townsend. Les événements décrits sont généralement considérés comme se rapportant au 1er janvier 1891, trois jours après le massacre.
Au crépuscule, la septième cavalerie revint avec ses vingt-cinq morts et, je crois, trente-quatre blessés, la plupart par leurs propres camarades, qui avaient encerclé les Indiens, alors que peu d'entre eux avaient des armes à feu. La majorité des trente blessés indiens ou plus [qu'ils ont ramenés] étaient des femmes et des enfants, y compris des bébés dans les bras. Comme il n'y avait pas assez de tentes pour tout le monde, M. Cook nous offrit la chapelle de la mission dans laquelle se trouvait encore l'arbre de Noël, pour en faire un hôpital temporaire. Nous avons arraché les bancs et recouvert le sol [froid] de foin et d'édredons. Là, nous avons allongé les pauvres créatures côte à côte, en rangées, et la nuit fut consacrée à les soigner du mieux que nous pouvions. Nombre d'entre elles étaient affreusement lacérées par des morceaux d'obus et leurs souffrances étaient terribles.
Le général Brooke m'en confia la charge et je dus faire presque tout le travail car, bien que les chirurgiens de l'armée fussent tout à fait prêts à aider dès que leurs propres hommes auraient été soignés, les Indiens torturés ne permettaient guère à un homme en uniforme de les toucher. Mme Cook, Miss Goodale et plusieurs des aides indiens de M. Cook jouèrent le rôle d'infirmières bénévoles. Malgré tous nos efforts, nous perdîmes la plupart d'entre eux, mais quelques-uns se rétablirent, y compris plusieurs enfants qui avaient perdu tous leurs proches et qui furent adoptés par des familles chrétiennes bienveillantes.
Le jour suivant le massacre de Wounded Knee, il y eut une tempête de neige, au milieu de laquelle je reçus l'ordre de partir avec plusieurs policiers indiens à la recherche d'un policier qui aurait été blessé et abandonné à environ trois kilomètres de l'agence. Il était introuvable. C'est la seule fois de toute cette affaire où je disposai d'une arme; un ami m'avait prêté un revolver que j'avais mis dans la poche de mon pardessus et que je perdis pendant le trajet. Le troisième jour, le temps se dégagea et le sol était recouvert d'un ou deux centimètres de neige fraîche. Nous avions peur que certains des blessés indiens aient été laissés sur le terrain et un certain nombre d'entre nous se portèrent volontaires pour aller voir ce qu'il en était. Je fus placé à la tête d'une expédition d'une centaine de civils, dont dix ou quinze hommes blancs. On nous fournit des chariots pour transporter tous ceux que nous pourrions trouver encore en vie. Bien entendu, un photographe et plusieurs reporters faisaient partie du groupe.
À environ trois miles du lieu du massacre, nous trouvâmes le corps d'une femme complètement recouvert d'une couche de neige et, à partir de ce point, nous trouvâmes des gens éparpillés comme s'ils avaient été traqués sans relâche et massacrés alors qu'ils fuyaient pour sauver leur vie. Certains de nos hommes découvrirent des parents ou des amis parmi les morts et il y eut beaucoup de pleurs et de deuil.
Lorsque nous arrivâmes à l'endroit où se trouvait le camp indien, parmi les fragments de tentes brûlées et d'autres biens, nous vîmes les corps gelés, allongés les uns près des autres et empilés les uns sur les autres. Je comptai quatre-vingts corps d'hommes qui avaient participé au conseil et qui étaient presque aussi impuissants que les femmes et les bébés lorsque le feu mortel commença, car presque tous leurs fusils leur avaient été enlevés. Un jeune Indien téméraire et désespéré avait tiré le premier coup de feu alors que la recherche d'armes était déjà bien avancée et, immédiatement, les troupes avaient ouvert le feu de tous côtés, tuant non seulement des hommes, des femmes et des enfants désarmés, mais aussi leurs propres camarades qui se tenaient en face d'eux, car le camp était entièrement encerclé.
Il me fallut tout mon sang-froid pour garder ma contenance face à ce spectacle, à l'agitation et au chagrin de mes compagnons indiens, chacun d'entre eux ou presque pleurant à haute voix ou entonnant son chant de mort. Les hommes blancs devinrent très nerveux, mais je les chargeai d'examiner et de découvrir tout le monde pour voir s'il y en avait un de vivant. Bien qu'ils soient restés sans soins dans la neige et le froid pendant deux jours et deux nuits, un certain nombre d'entre eux avaient survécu. Parmi eux, je trouvai un bébé d'environ un an, chaudement enveloppé et entièrement indemne. Je la ramenai, et elle fut ensuite adoptée et éduquée par un officier de l'armée. Un homme gravement blessé me supplia de remplir sa pipe. Lorsque nous le transportâmes dans la chapelle, il fut accueilli par sa femme et ses filles avec des cris de joie, mais il mourut un jour ou deux plus tard.
Sous un chariot, je découvris une vieille femme, totalement aveugle et sans défense. Quelques-uns avaient réussi à ramper jusqu'à un abri, et nous trouvâmes un dépôt de bois à proximité de plusieurs blessés graves et d'autres qui étaient morts après avoir atteint cet endroit. Après avoir envoyé plusieurs chariots à l'agence, nous aperçûmes des groupes de guerriers qui nous observaient depuis les buttes adjacentes; il s'agissait probablement d'amis des victimes qui étaient venus là dans le même but que nous.
La majorité de notre groupe, craignant une attaque, insista pour que quelqu'un retourne à l'agence afin d'obtenir une escorte de soldats, et comme j'avais le meilleur cheval, c'est à moi qu'il revint de partir. Je parcourus dix-huit miles en un temps record et ne fus nullement inquiété, alors que, si les Indiens avaient eu des intentions malveillantes, ils auraient pu me surprendre dans n'importe lequel des ravins et des goulets.
Tout cela était une rude épreuve pour quelqu'un qui avait si récemment mis toute sa foi dans l'amour chrétien et les nobles idéaux de l'homme blanc. Pourtant, je ne portai pas de jugement hâtif et j'étais reconnaissant de pouvoir être utile et de soulager ne serait-ce qu'une petite partie de la souffrance.
Conclusion
Comme nous l'avons vu, les événements du 29 décembre 1890 à Wounded Knee Creek furent présentés par les médias comme une "bataille", déclenchée par les Sioux lorsqu'ils sortirent "traîtreusement" des fusils de leurs couvertures et forcèrent la septième cavalerie à ouvrir le feu. Des correspondants tels que William Fitch Kelley, qui assista au massacre et, selon ses propres dires, aurait lui-même tué au moins deux Sioux, encouragèrent cette interprétation de l'événement, soulignant la bravoure des soldats qui, selon lui, ne voulaient que le bien des Lakota jusqu'à ce qu'ils ne soient obligés de se défendre d'une attaque surprise. L'interprétation du massacre comme une "bataille" fut davantage renforcée lorsque 19 médailles d'honneur furent décernées à des soldats pour leurs actions au cours du conflit.
Cependant, même les rapports de W. F. Kelley indiquent que toute action de ce type de la part des Sioux aurait été vouée à l'échec, car le camp était soit encerclé, soit pratiquement encerclé par des troupes lourdement armées sur la crête qui les surplombait. Comme de nombreux Sioux avaient déjà combattu l'armée américaine et étaient parfaitement conscients de la puissance des munitions américaines, il est peu probable qu'ils aient lancé une offensive à partir d'une position aussi faible.
L'universitaire Hugh J. Reilly note comment la couverture médiatique de l'événement aurait rendu possible son interprétation en termes de "bataille":
Dans l'ensemble, la couverture de Wounded Knee était sensationnaliste et reposait en grande partie sur des spéculations et des exagérations, d'autant plus que les tirs étaient généralisés et que les victimes étaient nombreuses et effroyables. La plupart des reportages s'appuyaient sur des informations provenant de la zone du champ de bataille, mais des journaux comme l'Evening Star (Washington, D.C., 30 décembre 1890), plus éloignés de Wounded Knee, tentèrent d'expliquer la violence en des termes plus modérés plutôt que sur le mode de la "vengeance assoiffée de sang" des journaux plus hostiles aux Indiens. (Manning & Wyatt, 238)
Le récit d'Eastman, en particulier lorsqu'il est comparé à ceux des survivants sioux du massacre et aux rapports plus équilibrés de certains correspondants, soutient l'affirmation selon laquelle la soi-disant "bataille de Wounded Creek" était en fait un massacre - une affirmation niée par le gouvernement des États-Unis jusqu'en 1990, date à laquelle des excuses, mais aucune compensation, furent présentées aux descendants des personnes massacrées le 29 décembre 1890.