Bombardements alliés en Allemagne

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Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 18 avril 2024
Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol
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Le bombardement stratégique de l'Allemagne par les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-45) impliqua des bombardiers britanniques et américains qui attaquèrent des villes industrielles, des usines, des voies ferrées, des aérodromes et des barrages. Plus de 600 000 civils périrent à la suite de ces bombardements. Les objectifs de la campagne étaient notamment de détruire la capacité de l'Allemagne à produire des armes, de perturber les réseaux de transport et l'approvisionnement en pétrole, en acier et en charbon, de détruire l'armée de l'air allemande et de briser le moral des civils.

Les objectifs secondaires de la campagne de bombardements stratégiques de la Royal Air Force britannique (RAF) et de l'United States Army Air Force (USAAF) consistaient notamment à remonter le moral des populations en montrant que l'Allemagne payait le prix de son invasion de l'Europe et du bombardement de la Grande-Bretagne. Un autre objectif était de montrer à l'URSS que les alliés occidentaux soutenaient la campagne soviétique sur le front de l'Est. Certains commandants alliés pensaient que la guerre pouvait être gagnée grâce à la seule puissance aérienne, en évitant une invasion terrestre. Au bout du compte, l'Allemagne continua à se battre, et seule une opération terrestre à l'est et à l'ouest permettrait de remporter la guerre.

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Allied Strategic Bombing of Germany, 1940 - 1945
Bombardement stratégique allié en Allemagne, 1940-1945
Simeon Netchev (CC BY-NC-ND)

Pourquoi les Alliés ont-ils bombardé l'Allemagne?

Les objectifs militaires officiels du bombardement stratégique de l'Allemagne sont indiqués dans plusieurs directives formulées par les chefs d'état-major interalliés. La conférence de Casablanca, en janvier 1943, a noté que l'objectif de l'offensive de bombardement était le suivant:

La destruction progressive et la dislocation du système militaire, industriel et économique allemand, et l'affaiblissement du moral du peuple allemand à un point tel que sa capacité de résistance armée soit fatalement affaiblie.
(Dear, 196)

L'objectif de Casablanca fut modifié par la directive Pointblank de juin 1943. Celle-ci soulignait l'importance de détruire la production allemande d'avions de chasse en prévision du débarquement en Normandie (opération Overlord) prévu pour l'été 1944. Avant de pouvoir envisager une invasion terrestre de l'Europe continentale, les Alliés devaient obtenir la supériorité aérienne, faute de quoi leur flotte serait détruite. La conférence de Québec d'août 1943 réaffirma les objectifs de Casablanca et de Pointblank, mais supprima l'objectif relatif au moral des civils.

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D'autres objectifs des bombardements, peut-être non exprimés officiellement mais néanmoins présents, étaient de montrer au public britannique et américain ainsi qu'à la Russie que l'on faisait quelque chose pour porter la guerre en Allemagne. En l'absence d'une attaque terrestre contre l'Allemagne, les bombardements constituaient la meilleure solution. Comme l'a noté le ministre allemand de l'armement, Albert Speer (1905-1981), la guerre aérienne devint "un deuxième front", qui occupa des hommes et des machines qui auraient pu être utilisés sur le front oriental contre la Russie et dans les défenses côtières du nord de la France.

Lancaster Bomber in Flight
Bombardier Avro Lancaster en vol
Cpl Phil Major ABIPP (Open Government License)

Les bombardiers

La RAF comprenait de nombreux personnels de l'Empire britannique tels que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, ainsi que des équipages français, polonais et américains, entre autres. L'USAAF était représentée par la huitième armée de l'air, basée en Grande-Bretagne, commandée par Ira C. Eaker (1896-1987), et en action en Europe à partir d'août 1942. Les deux forces aériennes déployèrent des bombardiers au-dessus de l'Allemagne et de nombreuses autres cibles dans l'Europe occupée, en Italie et en Méditerranée.

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Les bombardiers larguaient généralement d'abord des bombes explosives, puis des bombes incendiaires pour mettre le feu aux ruines.

Les avions de la RAF utilisés pour larguer des bombes sur l'Allemagne comprenaient le bombardier quadrimoteur Avro Lancaster, capable de transporter des charges de bombes de 14 000 livres (6 350 kg). D'autres bombardiers quadrimoteurs furent déployés, notamment le Short Stirling et le Handley Page Halifax. Pour se défendre contre des chasseurs comme le Messerschmitt Bf 109 (Me 109) et le Fock-Wulfe 190, les bombardiers étaient équipés de tourelles de mitrailleuses au niveau du nez, de l'arrière et de la queue de l'appareil. Le meilleur bombardier de l'USAAF était le B-17 Flying Fortress. Bien que transportant moins de la moitié de la charge de bombes d'un Lancaster, le B-17 était équipé de 13 mitrailleuses, toutes d'un calibre de 0,50 pouce (12,7 mm). Le deuxième meilleur bombardier de l'USAAF, mais le plus nombreux, était le fiable Consolidated B-24 Liberator.

Les bombardiers larguaient d'abord des bombes explosives, puis des bombes incendiaires pour mettre le feu aux ruines. Parmi les bombes spéciales, citons le "Tallboy" de 5 443 kg et le "Grand Slam", d'un poids de 10 tonnes, conçu pour pénétrer le béton et créer une explosion si massive qu'elle rproduisait des effets semblables à ceux d'un tremblement de terre.

B-17 Bomber in Flight
Bombardier B-17 en vol
Airwolfhound (CC BY-SA)

Les équipages de l'USAAF étaient volontaires pour les missions de bombardement. En raison des risques encourus, les pilotes se voyaient attribuer un maximum de 25 missions par tour de combat, porté plus tard à 35. Les équipages de la RAF effectuaient 30 missions, mais nombre d'entre eux répétèrent le cycle avant la fin de la guerre. Tous les équipages étaient jeunes, les trentenaires étant généralement surnommés "grand-père".

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Harris pensait que les bombardements pouvaient à eux seuls permettre de gagner la guerre en forçant l'Allemagne à se rendre.

Stratégie de bombardement

La RAF mena d'abord des raids de bombardement en plein jour, car cela permettait de trouver et d'identifier plus facilement les cibles. Cependant, il devint rapidement évident que les bombardiers à vol lent étaient trop vulnérables aux défenses antiaériennes et aux avions de chasse ennemis. Les chasseurs alliés tels que le Supermarine Spitfire et le Hawker Hurricane n'avaient pas l'autonomie nécessaire pour protéger les bombardiers au-dessus de l'Allemagne. Par conséquent, la RAF opta pour des bombardements de nuit, où il était beaucoup plus difficile de trouver et d'attaquer les bombardiers. Malheureusement, cela signifiait aussi que la précision des bombardements était sérieusement réduite. La physique de base des missiles non guidés était elle-même un obstacle à la précision. Les bombes larguées se déplaçaient toujours à la vitesse de l'avion, ce qui signifiait qu'elles étaient larguées en courbe vers leur cible. La RAF finit par découvrir à quel point les bombardements étaient imprécis grâce au rapport Butt d'août 1941. Il s'avérait que seul un avion sur trois avait largué une bombe à moins de 8 km de la cible. Les conditions météorologiques défavorables, les équipements radar peu fiables ou simplement inadéquats et les dégâts causés par les défenses aériennes ennemies signifiaient que le bombardement de précision - atteindre une cible spécifique comme un petit groupe de bâtiments d'usine - était plus un espoir qu'une réalité. En outre, les bombes devaient être larguées même si la cible initiale était introuvable, car les bombardiers consommaient les deux tiers de leur carburant à l'aller, et le seul moyen de revenir à la base était d'utiliser un avion beaucoup plus léger.

Pour améliorer la précision, la RAF adopta une nouvelle stratégie: le bombardement "de zone". Il s'agissait de larguer des bombes sur une zone plus étendue, tout en espérant toucher des usines et des cibles d'importance stratégique. Les bombardements de zone eurent pour conséquence malheureuse de tuer ou de blesser de nombreux civils. Il est important de noter que les villes ainsi ciblées étaient toujours des villes industrielles jugées cruciales pour l'effort de guerre allemand. Une autre innovation destinée à rendre les bombardements plus efficaces consistait à faire voler les bombardiers en très grands groupes, en les rassemblant en un "flux de bombardiers" bien avant qu'ils n'atteignent la zone ciblée. Une telle concentration de bombardiers submergeait les défenses de l'ennemi et permettait en fin de compte de réduire les pertes proportionnelles par raid. L'idée d'utiliser mille bombardiers en un seul raid fut défendue par le commandant en chef du Bomber Command de la RAF, Arthur Harris (1892-1984). Harris pensait que les bombardements pouvaient à eux seuls permettre de gagner la guerre en forçant l'Allemagne à se rendre si elle était frappée assez durement.

Air Chief Marshal Arthur 'Bomber' Harris
Air Chief Marshal Arthur
Flying Officer Stannus (Public Domain)

Lorsque l'USAAF rejoignit la campagne de bombardement stratégique en Europe, elle tenta à nouveau de mener des raids de jour sur des cibles vitales spécifiques en Allemagne. Les commandants de l'USAAF pensaient pouvoir éviter les lourdes pertes subies par la RAF parce que les bombardiers B-17 étaient plus lourdement armés et parce qu'ils volaient en formation beaucoup plus serrée où les mitrailleurs pouvaient protéger leurs voisins et frapper les chasseurs en approche avec un barrage de feu. En fin de compte, les bombardiers de l'USAAF volaient généralement en escadres de 54 avions. Néanmoins, les chasseurs allemands comprirent rapidement que le point faible des bombardiers était le nez de l'appareil. Ils attaquaient donc de front et évitaient toutes les autres mitrailleuses, qui étaient principalement placées pour repousser une attaque venant de l'arrière. Les pertes dues aux collisions en vol étaient également beaucoup plus nombreuses en raison de la proximité des avions dans leur formation serrée. Avec plus de 10 % de pertes dans de nombreuses missions, les raids de jour s'avéraient tout aussi dangereux et insoutenables qu'ils l'avaient été pour la RAF. L'USAAF réagit en réduisant les raids jusqu'à ce qu'une escorte de chasseurs à long rayon d'action ne soit possible, ce qui arriva finalement en mars 1944 sous la forme du P-51 Mustang.

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La RAF et l'USAAF travaillaient souvent indépendamment l'une de l'autre, choisissant des cibles que chacune jugeait importantes. Le principe selon lequel la RAF aurait bombardé des villes et l'USAAF des cibles spécifiques militairement importantes n'est rien d'autre qu'un mythe. En réalité, les deux forces visèrent les deux types de cibles. C'était particulièrement le cas lors de l'offensive combinée de bombardiers (CBO), lorsque les deux forces se coordonnaient étroitement pour atteindre la même cible. En règle générale, les bombardiers de l'USAAF frappaient de jour et ceux de la RAF de nuit, maintenant une pression constante sur les défenses. C'est ce que l'on vit, par exemple, lors de l'opération Gomorrhe en juillet-août 1943, lorsque Hambourg fut frappée 24 heures sur 24. Il y eut des désaccords. Certains commandants ne voulaient bombarder que les réseaux de transport, d'autres que les villes, d'autres encore que les réserves de carburant. Au final, les attaques portèrent sur tout et n'importe quoi afin de nuire de manière diffuse à l'effort de guerre de l'Allemagne.

La technologie

La guerre aérienne fut une course technologique, les attaquants et les défenseurs imaginant de nouveaux moyens de prendre l'avantage sur l'autre. Certaines cibles étaient bien défendues par des batteries de puissants canons antiaériens de 80 mm, dont beaucoup étaient contrôlés par radar. Les bombardiers devaient affronter les défenses des chasseurs disséminées dans le nord de l'Europe, là où les bombardiers devaient passer.

Trouver la cible était loin d'être facile, surtout la nuit. À partir de 1943, la RAF utilisa le système de guidage Oboe, qui envoyait des signaux depuis la Grande-Bretagne pour guider le largage des bombes, mais la portée était limitée au nord de l'Allemagne. Les équipages des bombardiers ont souvent indiqué que, faute de trouver la cible prévue, ils avaient bombardé d'autres endroits, y compris des villes.

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Lancaster Bomber over Hamburg
Avro Lancaster au-dessus d'Hambourg
Ian Dunster (Public Domain)

Une fois la bonne cible atteinte, le problème suivant était de trouver le bon endroit pour larguer les charges de bombes. Certains avions étaient équipés d'un radar Gee qui les aidait dans cette tâche. Cependant, les radars Gee pouvaient être brouillés par des chasseurs ennemis spécialement équipés. La RAF utilisait également des escadrons de Pathfinder (PFF), qui larguaient des indicateurs de cible (TI) afin que les bombardiers qui les poursuivaient puissent mieux voir la cible. Chaque TI était un paquet de 60 bougies pyrotechniques de couleurs prédéfinies (pour les différencier des fusées éclairantes allemandes), qui éclairaient la zone cible en descendant lentement pendant trois minutes. Par temps nuageux, des fusées de parachute étaient utilisées à la place. Les éclaireurs pouvaient également éclairer la route vers la cible. La radio VHF entre les avions et l'utilisation d'un "maître bombardier" qui pouvait guider les autres avions vers la cible furent utilisées pour la première fois avec succès lors de l'opération Chastise (voir ci-dessous).

Les bombardiers de l'USAAF utilisaient le viseur Norden, mais ils avaient toujours besoin d'une bonne visibilité de la cible, ce qui était rare étant donné que la vue était souvent obscurcie par la fumée des incendies en contrebas, la DCA et les nuages. Pour les cibles complètement cachées, le système radar de recherche au sol H2S était utilisé (H2X pour l'USAAF), bien qu'il ait pu également être brouillé par les signaux envoyés par les avions ennemis et qu'il révélait la position du bombardier aux dispositifs d'écoute ennemis.

La technologie Window (paillettes antiradar) fut utilisée pour la première fois lors de l'opération Gomorrhe. Il s'agissait essentiellement de bandes recouvertes de papier d'aluminium, larguées par milliers pour créer un nuage de métal qui faisait des ravages dans les défenses radar allemandes et les dispositifs de visée des armes antiaériennes. Les défenseurs ne voyaient qu'un nuage de points blancs sur leurs écrans et ne pouvaient pas différencier les avions des bandes de papier d'aluminium.

Breached Möhne Dam
Brèche dans le barrage de la Möhne
Jerry Fray (CC BY-NC-SA)

Les cibles

Les cibles de l'offensive de bombardement comprenaient tout ce qui était important pour l'effort de guerre allemand. Les ports, les chantiers navals, les chemins de fer, les usines d'armement, les aciéries, les ponts et les barrages étaient tous visés. Ces cibles se trouvaient très souvent au milieu ou dans la banlieue des villes. Des villes industrielles comme Cologne, Hambourg, Berlin, Nuremberg, Stuttgart, Essen, Brême, Düsseldorf et Dresde furent toutes frappées, souvent à plusieurs reprises. La concentration de l'industrie lourde allemande dans la région de la Ruhr conduisit à ce que toute cette région soit prise pour cible lors de la bataille de la Ruhr (mars-juillet 1943).

Un raid stratégique célèbre fut mené par les "Briseurs de barrage" lors de l'opération Chastise, le 16 mai 1943. Pour tenter d'inonder les usines de la Ruhr, alimentées par plusieurs grands réservoirs, une bombe fut conçue pour être larguée sur l'eau, puis rebondir jusqu'à ce qu'elle ne heurte le barrage en question. La "bombe rebondissante" fut conçue par l'ingénieur Barnes Wallis (1887-1979). Trois barrages étaient particulièrement visés: Möhne, Eder et Sorpe. La rupture des barrages de Möhne et d'Eder provoqua des inondations massives, et l'opération eut une grande valeur de propagande pour la Grande-Bretagne.

En août et octobre 1943, l'USAAF attaqua des cibles industrielles cruciales lors des raids Schweinfurt-Ratisbonne (opération Double Strike). Des centaines de bombardiers frappèrent les usines de roulements à billes de Schweinfurt et l'usine d'avions Messerschmitt de Ratisbonne. Considéré comme un succès partiel dans la mesure où la production ennemie fut sérieusement affectée, près de 150 bombardiers furent perdus, un taux de perte trop élevé pour être maintenu. Malheureusement pour les Alliés, l'Allemagne disposait de réserves de roulements à billes, ce qui lui permit de continuer à s'approvisionner jusqu'à ce que les usines soient réparées.

Lancaster Bomber with Grand Slam Bomb
Lancaster avec bombe
No 4 RAFFPU, Royal Air Force official photographer (Public Domain)

Les dégâts

La RAF lança 23 000 missions sur la seule Ruhr. Les aciéries Hoesch de Dortmund furent détruites, de même que les raffineries d'huile synthétique de Gelsenkirchen. Le nombre d'usines touchées était si important que Speer estima que la production industrielle allemande avait chuté de 9 %. Pour l'ensemble de l'Allemagne, Speer estima la perte de production industrielle possible due aux bombardements entre 20 et 30 %.

Les conséquences des bombardements sur les villes furent catastrophiques. Lors du raid de mille bombardiers sur Cologne en 1942, 1 455 tonnes de bombes furent larguées sur la ville en 90 minutes; 1 500 usines et 15 000 bâtiments furent détruits et 45 000 personnes se retrouvèrent sans abri. Les victimes furent relativement peu nombreuses, car les abris antiaériens situés sous la ville avaient fait leur travail. Un an plus tard, lors des terribles incendies provoqués à Hambourg par l'opération Gomorrhe, 580 usines d'armement furent détruites, mais 46 000 civils trouvèrent la mort. Bien entendu, de nombreuses victimes travaillaient dans les usines de la ville. On pense qu'après le raid, 27 sous-marins de moins étaient construits dans les docks de Hambourg parce qu'il n'y avait pas assez d'ouvriers qualifiés. Même les bombardements dits "de précision" infligèrent très souvent d'énormes dommages collatéraux, car une vague de bombardiers avait tendance à bombarder de plus en plus loin de la zone touchée par le premier bombardier, un phénomène connu sous le nom de "bombardement à reculons".

Un seul raid sur Wuppertal fit 100 000 sans-abri en une nuit. Un raid sur Düsseldorf fit 140 000 sans-abri. Le raid de l' "Opération Chastise" provoqua des inondations qui tuèrent 1 300 civils. Lors du bombardement de Berlin (de novembre 1943 à mars 1944), 400 000 personnes perdirent leur logement et des milliers d'autres furent tuées. Tout au long de l'année 1944, les Alliés larguèrent en moyenne 3 000 tonnes de bombes par jour sur l'Allemagne. Lors du bombardement de Dresde en 1945, quatre raids de la RAF et de l'USAAF, destinés à soutenir le front de l'Est qui se trouvait alors à 160 km de là, tuèrent 30 000 civils et rasèrent complètement la ville.

Burnt-out Hamburg Buildings, Operation Gomorrah
Bâtiments incendiés de Hambourg, opération Gomorrhe
J. Dowd (Public Domain)

Bilan

De graves perturbations furent causées, mais pour les maintenir, les bombardements devaient être répétés toutes les quelques semaines. Il était impossible de le faire partout compte tenu des bombardiers disponibles, et c'est pourquoi, très souvent, la production se rétablit et même s'améliora grâce à l'utilisation d'équipes doubles et de travail forcé. En outre, la RAF et l'USAAF étaient constamment sollicitées sur d'autres théâtres de guerre.

La RAF perdit près de 9 000 avions dans les bombardements sur l'Europe. On estime que la RAF et l'USAAF perdirent chacune environ 53 000 personnes dans la campagne de bombardement (morts, blessés ou prisonniers de guerre). Il s'agit du pire taux de pertes proportionnelles dans l'une des trois armées, tant pour la Grande-Bretagne que pour les États-Unis. Le nombre de civils allemands tués est estimé entre 600 000 et un million.

Un objectif important de la campagne de bombardement fut considéré comme un succès par les Alliés : la destruction de la Luftwaffe (l'armée de l'air allemande). Tant de pilotes allemands avaient été tués pendant la guerre aérienne et les réserves de pétrole de l'Allemagne avaient été tellement réduites que la Luftwaffe cessa d'exister en tant que force opérationnelle. Les Alliés obtinrent la supériorité aérienne et étaient donc prêts pour le débarquement. D'autres objectifs furent partiellement atteints, comme le détournement d'hommes et d'équipements vers la défense aérienne et la création de goulets d'étranglement dans les transports. En 1941, l'Allemagne avait engagé 65 % de ses forces à l'est, mais en 1944, ce chiffre avait été réduit à 32 %. Les défenses aériennes impliquaient 10 000 canons antiaériens qui nécessitaient des millions d'obus et des centaines de milliers de soldats pour fonctionner.

Dresden Memorial, 1962
Mémorial de Dresde, 1962
Richard Peter - Deutsche Fotothek‎ (CC BY-SA)

C'est le bombardement des villes allemandes qui reste l'aspect le plus controversé du bombardement de l'Allemagne pendant la guerre. L'absence de preuve que le moral des civils était brisé et l'inquiétude suscitée par le nombre élevé de victimes civiles contribuèrent à discréditer sérieusement l'idée des bombardements de zone avant même la fin de la guerre. Il fut prouvé que les bombardements seuls, du moins en Europe avec les ressources disponibles, ne pouvaient pas gagner la guerre.

Pour de nombreux commandants alliés, Dresde était certainement un bombardement de trop. Comme l'avait montré le Blitz de Londres, le moral des civils et la volonté de se battre pouvaient être très résistants face à des bombardements répétés. Même si les civils pouvaient être démoralisés dans l'Allemagne nazie, ils ne vivaient pas dans une démocratie, mais dans une dictature où la dissidence pouvait très rapidement se solder par l'emprisonnement ou la mort. En bref, une population civile démoralisée ne signifiait pas qu'un changement de régime s'ensuivrait. Même si l'intention n'était pas de tuer des civils, le bombardement de villes industrielles pourrait être considéré aujourd'hui comme un crime de guerre. Le bombardement délibéré de cibles telles que des barrages et des installations publiques, avec des conséquences fatales évidentes pour les civils, est plus que jamais considéré comme un crime de guerre par la Convention de Genève.

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Questions & Réponses

Pourquoi les Alliés ont-ils autant bombardé l'Allemagne?

Si les Alliés ont autant bombardé l'Allemagne, c'est parce qu'ils pensaient pouvoir gagner la guerre ou au moins affaiblir sérieusement les forces armées allemandes en bombardant les villes industrielles, les usines d'armement, les aciéries et les réseaux de transport.

Quand les Alliés ont-ils commencé à bombarder l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale?

Les Alliés ont commencé à bombarder l'Allemagne par de grands raids à partir du printemps 1942.

Donnez le nom d'une ville allemande durement touchée par les bombardements alliés.

De nombreuses villes allemandes furent durement touchées par les bombardements alliés pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment Cologne, Berlin, Hambourg, Duisbourg et Dresde.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2024, avril 18). Bombardements alliés en Allemagne [Allied Bombing of Germany]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2430/bombardements-allies-en-allemagne/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Bombardements alliés en Allemagne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le avril 18, 2024. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2430/bombardements-allies-en-allemagne/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Bombardements alliés en Allemagne." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 18 avril 2024. Web. 20 nov. 2024.

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